──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟗









L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —






















             J’AI ROYALEMENT MERDE et je le sais.

             Un sandwich dans la main, assise à la table d’une salle de classe vide, je songe à Noor qui mange son diner toute seule. J’aurais dû faire un pas vers elle, m’assoir à sa table et lui demander de m’expliquer calmement pourquoi elle allait si mal. Mais j’ai préféré prendre mon porte-monnaie et aller m’acheter un repas infect au distributeur au bout du couloir.

             Je n’ai absolument aucune idée de comment prendre ce problème. J’ai tenté de l’aider en lui donnant le numéro d’une sœur mais je n’ai même pas été fichue de lui demander si elle l’avait contactée. Et j’ai préféré être furieuse de découvrir son amitié avec Eren plutôt que d’essayer de la comprendre.

             A quel point doit-t-elle être blessée pour se tourner vers une raclure comme lui ?

— Murmure, murmure. Je me demande ce qu’il se passe dans ce crâne…

             Je lève les yeux au ciel, cessant de mâcher en entendant cela. Je vais devoir arrêter de songer à lui. A chaque fois que je le fais, il apparait. Qu’importe où je me trouve.

— Casse-toi, Eren, je gronde.

— Oh, tu brises mon petit cœur, répond-t-il dans un couinement. La femme la plus sexy de cette université, que tout le monde s’arrache refuse de me voir.

— J’ai pas besoin d’être désirée par tout le monde pour me faire obéir. Casse-toi d’ici où je te coupe les couilles, connard.

             Je lève enfin les yeux vers lui. Appuyé dans l’encadrement de la porte, il me fixe. Un sourire étire ses lèvres. Il a presque l’air gentil, avec ses cheveux détachés et son rictus. Mais je le connais assez maintenant. Et je ne comprends toujours pas ce que Noor peut bien lui trouver d’agréable.

             Penchant la tête sur le côté, il me toise de son air narquois :

— J’adore quand tu me dis des mots sales.

             Malgré moi, un sourire étire mes lèvres et je me retiens d’éclater de rire. Eren est un abruti mais nier qu’il est drôle serait de la pure mauvaise foi. Il s’avance et, saisissant une chaise qu’il retourne, se place juste devant ma table, ses bras croisés sur le dossier.

— Sérieusement, Eren, tu veux pas me lâcher deux minutes ? Je suis venue dans une salle en dehors des heures de cours pour pouvoir manger tranquillement.

— Dans ta chambre, tu serais encore plus tranquille.

             Mon visage se ferme.

— Arrêtes de me provoquer, je réponds simplement en mordant à nouveau dans mon sandwich.

             Ses traits se font plus sérieux. Il déglutit tandis que son sourire retombe et me regarde. Je lève les yeux au ciel, excédée par sa simple présence. Le commun des mortels tant à éviter les personnes qu’il n’apprécie pas, les éloignant au possible de lui pour se sentir mieux.

             Mais Eren n’est pas comme les autres. Non. Premièrement, il est plus con que la moyenne générale. Deuxièmement, il sera toujours prêt à s’agacer si cela peut aussi énerver une personne qu’il n’apprécie pas.

— Files-moi ton sandwich, lance-t-il soudain.

             Je tire l’aliment à moi, l’attirant vers mon corps pour le récupérer. De ma main libre, je frappe la sienne qui tentait d’attraper la nourriture et il fait la moue. Je lève les yeux au ciel en mordant à nouveau dedans par simple envie de le provoquer. Je mâche sous son regard envieux et avale en mimant exagérément des exclamations de bonheur.

             Il finit par lever les yeux au ciel, visiblement exaspéré.

— Bon, pourquoi tu me files le train depuis ce matin ? C’est encore pour cette histoire de cartes ? Tu tiens tant que ça à m’en donner une ?

             Il hausse les épaules et acquiesce. Je ris doucement en secouant la tête, dépitée par son niveau de bêtise. Puis, je le regarde tirer son jeu de cartes de sa poche arrière. Il me tend le trois de cœur. Je le glisse dans mon paquet avant de sortir celui de pique que je lui lance.

             Il regarde la carte que je viens de propulser, les sourcils froncés :

— Pourquoi tu me la donne ?

— Tu vas forcément trouver un moyen de la prendre. Je sais que tu vas pas me laisser avoir une carte d’avance sur toi. Je commence à te connaître.

— Eh bien tu apprends mal, fait-t-il remarquer avant de la désigner du menton. Reprends-la.

             Légèrement surprise, je fronce les sourcils avant de m’exécuter. Je la récupère et la range dans mon paquet.

— Sans regret ? je demande.

             Il lève les yeux au ciel.

— Bah maintenant que tu m’as donné ta carte, je te retiens pas, je lance en désignant la porte.

             Croisant ses bras sur sa poitrine, il sourie en m’observant. Quelque chose semble l’amuser et son rictus ne faiblit pas. Quelques secondes durant, il conserve cette position, ne pipant mot. Puis, il finit par prendre la parole :

— Tu m’aimes vraiment pas, hein ?

— Sherlock Holmes en sueur devant une telle concurrence. Tu veux peut-être t’assoir, histoire de reprendre des forces après une telle déduction ?

— (T/P).

             Sa voix est ferme malgré son sourire. Je ne me souviens pas l’avoir un jour entendu prononcer mon nom avec un tel sérieux. Je le regarde. Ses yeux émeraudes se plongent dans les miens. Ma gorge se serre presque.

— Honnêtement. Dis-moi pourquoi tu me hais à ce point. Je refuse de croire que parce que j’ai couché avec quelques filles, tu me détestes.

             Il se penche soudain sur la table, me faisant presque sursauter. Son nez frôle le mien tandis qu’il me regarde par en-dessous, la tête penchée sur le côté. Ses pupilles descendent sur mes lèvres de brefs instants avant de remonter jusqu’à mes yeux. Un faible sourire trône sur sa bouche, vestige de celui qu’il affichait il y a quelques secondes, avant de redevenir étonnamment sérieux.

— Est-ce c’est parce que t’aurais aimé que je te demande de faire un tour dans mon l…

             Ma main se referme brutalement sur ses cheveux, en attrapant une poignée et je tire sa tête en arrière, le forçant à me regarder par en-dessous. Je me penche sur lui, grondante, avant de tonner entre mes dents serrées :

— Ne t’avise même pas de finir cette phrase.

             Sa main se pose sur ma joue, la caressant. Son rictus s’accroit et il me semble que ses yeux s’illuminent. Son pouce caresse ma pommette. Mon cœur bat à toutes vitesse.

— C’est qu’elle mordrait, la vilaine.

             Aussitôt, je me tourne pour écarter sa main de ma tête. Puis, d’un geste sec, plante mes dents dans sa chaire, espérant lui faire ravaler ses paroles. Mais, aussitôt, il éclate de rire. Refermant plus franchement encore ma mâchoire, je le foudroie du regard.

— Est-ce que je dois vraiment te demander de « lâche » à plusieurs reprises comme avec les chiens ?

             J’ouvre aussitôt la bouche, laissant partir sa main. De celle libre, il frictionne le sommet de mon crâne avant de lâcher un rire particulièrement tendre. Je vois rouge, prête à lui sauter dessus. Et je bondis effectivement hors de ma chaise lorsqu’il se permet un :

— Bon toutou.

             Passant par-dessus la table, je referme mes mains sur ses épaules et je me projette sur lui. Mon nouveau poids le fait basculer en arrière, emportant la chaise. Nous tombons tous les deux sur le sol. Seulement à ma grande surprise, sa main se pose sur l’arrière de mon crâne et il enfouit ma tête dans son torse.

             Nous atterrissons en un fracas mais il amortit ma chute. Je suis sur le dos, l’un de ses bras nous maintenant à quelques centimètres du sol, nous empêchant un impact violent et l’autre, laissé le long de mon dos, se terminant en une main posée sur ma tête.

             Quelques instants, il tient dans cette position. Puis, son coude se plie et il me dépose au sol, lui restant au-dessus de moi. Son visage se découpe en contre-jour et il reprend péniblement sa respiration. Les veines de son visage sont saillantes.

— T’es décidemment complètement barge…, lâche-t-il en respirant difficilement.

— Tu veux pas aller mourir à côté ? Tu me plombes la vue, là.

— Je viens sans doute de te sauver d’un trauma crânien, tu pourrais avoir un peu plus de considération pour ma personne !

— Eren, t’es allongé sur moi et tu pues la weed. C’est parfaitement dégueulasse, t’as pas dû te laver depuis plusieurs jours et je suis sûre que t’es capable de me filer une putain de maladie juste en frottant tes miches à ma cuisse donc, en d’autres termes…

             J’avance la tête avant d’articuler, les yeux écarquillés :

— Décale tout de suite.

             Il lève les yeux au ciel et roule sur le côté. Je pousse un soupir de soulagement, restant allongée sur le sol. Nous deux sur le dos, côte à côte, nous reprenons péniblement notre respiration mais nous nous sentons apaisés.

             Maintenant que j’y pense, il est vrai qu’il m’a sans doute empêché une sacré blessure. Mais jamais celle-ci n’aurait eu de chance de survenir si ce connard ne s’était pas permis de me traiter littéralement comme un cabot.

             Je le sens se tourner sur le côté. Je fais de même, restant allongée au sol mais lui faisant face.

— Me regardes pas comme ça, je tonne en voyant son sourire narquois. Je te remercierais pas ni m’excuserai. La prochaine fois, t’auras qu’à me traiter comme un être humain et non une chienne. D’ailleurs, ça vaut pour toutes les filles que tu as eu le malheur de mettre dans ton lit.

— Je considère aucune femme comme une chienne, se défend-t-il avant de laisser ses yeux émeraudes glisser sur ma gorge.

             Je déglutis péniblement en le voyant observer trop longuement mon cou, sa langue passant sur ses lèvres.

— Même si je suis sûre que tu serais magnifique avec une laisse.

             Ma main fend l’air pour atterrir sur sa joue mais il attrape mon poignet. Ses pupilles se posent à nouveau sur mes yeux et il éclate d’un rire grave.

— T’es tellement susceptible, c’est trop facile, lance-t-il.

— Je vais t’émasculer, connard de mes deux.

— Ouais, dis-moi des mots sales, lâche de son habituel air narquois.

— Connard, je pouffe.

— C’est ça, bébé.

             Je grogne, tirant sur ma main pour qu’il la libère. Cependant il ne se laisse pas faire et continue de la tenir. J’insiste, agacée, et finit par gueuler :

— LÂCHE-MOI JE VAIS ATTRAPER UNE MST DU POING.

             Aussitôt, il s’exécute. Mais, se redressant sur un coude, il fronce les sourcils en me regardant. Sentant son regard insistant, je grogne un assez peu aimable :

— Quoi ?

— Rien. Je me demande juste où tu mets ton poing pendant l’acte pour que ça te donne des maladies.

             Son manque de respect et ses vannes à deux balles commencent à m’agacer. Brutalement, je me relève pour sortir de la pièce. Mais il doit croire qu’il s’agit d’une énième envie de l’attaquer physiquement car, à l’instant où je me retrouve sur mes deux pieds, il glisse ses jambes entre les miennes.

             Il plie le genoux qui vient taper à l’arrière de mon mollet. Je tombe en arrière dans un cri mais il me rattrape. Son bras s’enroule autour des miens, les bloquant dans mon dos tandis que je me retrouve assise contre lui. Mon dos est pressé à son torse, il glisse son visage dans le creux de mon cou et chuchote :

— Tu cherches un peu trop le contact physique, pour quelqu’un qui veut plus me voir.

             Je frissonne. Son souffle est chaud sous mon oreille. Je peux presque sentir ses lèvres frôlant ma peau. Je bouge les bras pour me défaire de sa prise et remarque qu’il les a juste ramenés derrière moi mais ne les tenais plus. Je suis libre de mes mouvements et peux donc m’en aller.

             Pourtant, je n’en fais rien.

             Je me tourne vers lui, le regardant dans les yeux. Puis, les miens glissent jusqu’à ses lèvres qui me sourient tendrement. Nos nez se frôlent, mon cœur bat à toute vitesse. Sa main se glisse sur ma joue. Je me laisse faire, frissonnant.

             Ses yeux louchent sur mes lippes. Là, toute tendresse fond brutalement sur ses traits et il me regarde même d’un air sévère.

— Tu vois comment il me serait facile de te détruire en un seul baiser ? Alors pour ton propre bien, ne te permets plus jamais de me parler comme tu l’as fait l’autre fois.











             Là-dessus, il se lève et s’en va.

































bah enfin eren

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