──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟓𝟗
L E J E U D E
— C A R T E S —
Il y a quelque chose d’ingénu dans le sourire éclatant de santé et de bonheur de Carla. Une esquisse délicate d’un portrait insouciant.
Celle qui ne sait pas.
— Alors ? demande-t-elle chaudement, excitée à l’idée de combler son enfant. Content ?
Eren, assis sur le siège conducteur, ne remue pas d’un cil. Les yeux écarquillés, fixant d’un air absent le volant, il ne semble même plus exister parmi nous.
Comme si son esprit, dans une quête inespérée de répit, s’était réfugié dans les décombres de sa personne.
— Ton amie m’a dit que vous ne vous étiez pas vu depuis longtemps ! Si tu savais comment j’ai eu du mal à organiser ces retrouvailles sans rien te dire ! Je brûlais d’envie de découvrir ta réaction.
Des rougeurs ornent les joues de Carla qui ne saisit définitivement pas l’ampleur du problème.
A sa droite, la silhouette balancée de Charlotte s’articule. Quelque temps, je ne distingue que cela d’elle à cause du contre-jour. Cependant, bientôt, je discerne le plus vile.
Son sourire. Brûlant et narquois.
Une pointe de malice étire le coin de sa bouche en un rictus des plus tordus. Une bulle grossit dans ma gorge à cette seule vision.
— Eren ? Pourquoi tu ne dis rien ? réagit soudain sa mère, légèrement surprise.
— Sans doute la joie le paralyse-t-elle…
Là-dessus, Charlotte tourne les talons. Tête haute, elle remonte l’allée pavée sur quelques pas, faisant mine de se diriger vers le manoir des Jäger.
— Pas si vite, je siffle.
Aussitôt, elle s'interrompt dans ses gestes.
— Et pourquoi cela ? réagit aussitôt Carla dans un froncement de sourcils réprobateurs.
— Oui, (T/P), pourquoi cela ?
Les regards convergent en ma direction. Le soleil n’est bientôt plus seul à me brûler. Leurs yeux me font l’effet de fer chauffé à blanc.
Eren m’a affirmé que sa mère avait compris qu’il consommait…
Mais puis-je réellement expliquer qui est Charlotte ? Ce qu’il s’est passé entre eux ?
Le silence d’Eren est une réponse sans équivoque. Cependant je n’ai pas beaucoup d’autres issues à cette conversation.
Et Charlotte le sait. Je le lis dans son regard malicieux.
— Tu n’es pas l’amie d’Eren mais son ex-copine et je trouve déplacé que tu viennes aujourd’hui.
Ce n’est qu’une partie de la vérité. Mais je ne mens pas.
Les sourcils de Carla se haussent et elle considère un instant le sol, méditant sur les paroles qui viennent tout juste d’être prononcées. Son regard se porte sur Eren.
Et je vois nettement quelque chose changer, dedans. A la manière d’un éclat qui se rompt en une bulle d'obscurité. Des vapeurs sombres.
Elle a le même regard que son fils.
— Charlotte ?
— Oui ? demande la brune avec malice, convaincue que rien ne peut l’atteindre.
— Veuillez quitter ma propriété dans les plus brefs délais.
Aussitôt, les sourcils de la jeune femme se haussent violemment et ses yeux s’écarquillent. Abasourdie, elle met quelques secondes à réaliser ce qui vient d’être dit.
— Q… Quoi !? Mais vous n’allez tout de même pas croire cette… Cette…
— Cette quoi ? Allez-y donc, finissez votre phrase ma chère.
Le menton levé, accordant un regard particulièrement dédaigneux à la brune, elle patiente quelques instants avant d’asséner :
— Sortez immédiatement de ma propriété.
Le masque de ses traits a fondu. Toute la douceur qui animait son visage s’est étiolée, laissant place à des traits froids, presque mordants dans une douleur sourde.
— Maintenant.
Charlotte, un rictus mesquin aux lèvres, ouvre ces dernières pour répondre. Cependant, aussitôt, son regard croise celui de Carla.
Ses traits retombent. Elle cesse immédiatement de sourire.
— Mais je… Enfin, je croyais…
— Vous croyiez mal. Maintenant, ne m’obligez pas à appeler mes gardiens et leurs chiens.
Mon cœur bat à tout rompre.
☆
— Comptez-vous m’expliquer maintenant la vérité sur ce qu’a fait cette fille à mon enfant ?
La main sur la pomme de terre que j’épluche, je me fige. Cela fait quelques minutes maintenant que, face à Carla sur le comptoir de marbre blanc de la cuisine, je l’accompagne.
Elle a aimablement congédié sa cheffe tout à l’heure afin “d’apprendre à me connaître autour de l’action de cuisiner”.
Pendant une dizaine de minutes, elle n’a fait que chantonner. Jusque maintenant.
— Je crois que ce n’est pas à moi de vous répondre.
Mes entrailles se nouent et je n’ose la regarder dans les yeux. Je suis bien consciente qu’il s’agit-là du meilleur moyen de griller mes faveurs inexistantes auprès de cette femme.
Si une médaille était à gagner, j’aurais celle sombre, indiquant que je n’ai pas fait qu’échouer à remporter le prix. J’ai échoué dans mon simple acte de présence.
— Vraiment ? Ce n’est pas à vous de le faire ?
Je peux voir le rictus qu’elle esquisse. Elle possède exactement le même ton goguenard que son fils. Etrange… Je tendais à penser qu’il avait hérité cela de son paternel.
— Et bien… Je suppose que vous dites vrai…
Surprise, je lève la tête. Elle sourit avec douceur.
— Mon fils avait besoin de quelqu’un qui le préfère à l’idée de marquer des points. Je crois que ce déjeuner va être maintenu, tout compte fait.
Je ne sais trop si je suis réjouie par cette affirmation ou déconcertée par le fait que, manifestement, elle avait prévu de me lourder dans les plus brefs délais.
— Ne faites pas cette tête, ma chère. Aucune des autres n’est jamais allée jusqu’au déjeuner avec moi.
Puis, dans un sourire doux, elle ajoute :
— Allez donc mettre la table avec mon fils.
J’acquiesce, obéissant aussitôt.
Sortant de la pièce, je ne peux m’empêcher de sourire. Tête baissée, le cœur battant à tout rompre. Pour sûr, cette entrevue ne s’est pas passée comme je le souhaitais.
Mais je crois que j’en suis satisfaite.
— Et bien… Vous ici ?
Je me fige dans mes gestes.
Un instant, je ne remue pas, figée. Cette voix…
Levant la tête, je découvre Grisha Jäger. Ses lunettes rondes posées sur le nez, il me jauge avec un certain mépris. Son regard coule le long de mes jambes.
Je fais face à l’homme qui m’a payé une somme astronomique pour sortir de la vie de son fils.
Et merde.
j'espère que ça vous aura
plu !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top