──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒
L E J E U D E
— C A R T E S —
cw : ce chapitre comporte des sujets tels que l'islamophobie et la misogynie. merci de ne faire aucun amalgame entre les musulmans en général et les comportements misogynes décrits dans ce chapitre. merci aussi de ne pas mal interpréter et me dire qu'une partie du chapitre est une insulte aux personnes faisant des rappels car il y a une différence entre rappel et injure.
— JE SUPPOSE QUE c’est inutile de t’attendre ?
Noor ne me répond pas, pianotant sur son ordinateur. Je pousse ma joue de ma langue, fermant la porte derrière moi. Je n’ai aucune idée de comment aborder une telle situation. Ma meilleure amie ne va pas bien. Et, aussi stupide cela puisse être, je ne peux m’empêcher d’être agacée par le fait qu’elle refuse de me parler.
Je dois lui laisser du temps, je le sais. Et lui mettre la pression ne l’aidera pas, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne parle pas. Mais cela fait deux semaines maintenant qu’elle ne vient pas en cours.
Je crains pour elle, qu’elle s’efface en tentant de lutter contre ses démons.
— (T/P) !
Je lève la tête et tombe nez à nez avec deux yeux bleus figés sous une chevelure blonde. Armin Arlert. Le meilleur ami d’Eren Jäger et, ironiquement, mon ex-petit-ami.
Cela s’est très bien terminé entre lui et moi. Nous avons réalisé que nous préférions simplement rester de bonnes connaissances. Et cela s’est effectivement produit. Bien que nous nous soyons éloignés quand il a emménagé dans la même maisonnée qu’Eren, l’an dernier.
La première fois que j’ai vu le brun, il tenait un élastique à cheveux entre ses dents et ramenait sa tignasse en arrière tout en acquiesçant aux paroles du professeur Zoe qui l’avait accosté dans un couloir. Ses veines ressortaient sous ses tatouages, créant un tableau hypnotisant que bien des personnes regardaient alors.
Armin, remarquant mon regard, m’a demandé si je voulais être présentée. Nous venions alors tout juste de rompre et, ne voulant me montrer déplacée, j’ai gentiment décliné sa proposition. A l’époque, je ne m’étais pas rendue compte combien le simple fait de refuser cela avait pu me sauver bien des paquets de mouchoirs et moments d’égarement à raser les murs, la tête basse, sous le rire des autres.
— Armin ! Ça fait plaisir de te voir !
— De même, j’espère que je ne te dérange pas trop ?
Je secoue la tête.
— Je vais en cours mais si tu es venu me voir, t’as qu’à marcher avec moi et sinon Noor est dans la chambre.
— C’est toi que je suis venu voir.
J’acquiesce et lui emboite le pas. Nous sortons du couloir et croisons quelques élèves. Bientôt, il se décide à me dire ce qui l’a conduit jusqu’à moi.
— Le club d’informatique et moi menons une veille permanente sur l’intranet de l’université et tu le sais. Nous l’avons développé alors nous en prenons soin. Et je me suis dit que je pourrais peut-être te parler de ce que j’ai trouvé sur une page assez jeune mais qui a pas mal de suiveurs.
Mes sourcils se froncent. L’intranet de l’université est un réseau social où nous avons accès au cours, aux devoirs, aux examens, au calendrier, aux évènements et où nous avons notre propre profil permettant de publier divers contenus — photos, vidéos, vocaux, textes — ainsi qu’une messagerie.
Je fronce les sourcils en voyant Armin ouvrir son sac et en sortir un lutin violet. Il me le tend mais, quand je le saisis, ne le lâche pas tout de suite.
— Nous nous en sommes occupés mais elles pullulent et risque de revenir. J’estimais que tu devais être mise au courant. Je te préviens, ça va te faire un choc.
Je n’ai pas le temps de répondre qu’il s’en va. Je déglutis péniblement en baissant les yeux sur l’objet. J’ai un très mauvais pressentiment.
J’ouvre la première page tout en continuant de marcher. Il s’agit d’une capture d’écran de l’intranet. Une publication, plus précisément une photographie y est visible. Il s’agit d’un montage. Une photographie de femmes pleurant dans une manifestation, habillées de tee-shirt où sont écrits « I was 13 », « I was 6 », « I was 21 »… Je reconnais cela. Il s’agit de l’âge auquel ces femmes ont subi une agression sexuelle. Et juste à côté se trouve une photographie d’un groupe femmes voilées prise dans les couloirs de l’université et à l’insu de ces dernières.
Intriguée, je fronce les sourcils et lis la légende.
« Il y a celles qui se battent et celles qui obéissent bien sagement à l’oppresseur. »
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? je marmonne.
Tournant la page, je tombe sur une double-page montrant d’autres publications. La première est une photographie d’une femme voilée. Je me fige en reconnaissant Noor, de trois-quarts. Je reconnais le col roulé noir assortie au voile en turban qu’elle portait avant d’en arborer un plus large et couvrant plus de peau.
Juste à côté se trouve la photo d’une vidéo de caméra surveillance. On y voit une femme voilée, le ventre entouré d’une ceinture d’explosifs. Son pouce est posé sur une manette qu’elle tient dans sa main. Je reconnais cela. Il s’agit d’une kamikaze terroriste.
Je lis la légende.
« Je voulais jouer au jeu de sept différences mais… Il n’y a pas de différence ! XD »
La page d’après est une photographie d’une autre fille voilée accompagnée d’un pavé d’insultes expliquant qu’elle est une honte au féminisme. Ma gorge se serre et je fais défiler les pages. Une floppée d’horreurs se déversent sous mes yeux. Noor, Safia, Khadija… Je reconnais quelques filles prises en photographies à leur insu.
Soudain, une page différente des autres s’étend devant moi. Il ne s’agit pas d’une capture d’écran de l’intranet mais d’un profil instagram. Son pseudo est sans équivoque.
« Kahbaouhlel_fac_emilybronte »
Kahba signifie « pute » et hlel pourrait être traduit par « bonne fille » ou même « fille à marier ». J’ai un très mauvais pressentiment.
Je tourne la page et découvre une première photographie. Il s’agit d’un selfie publié de Nadia, ses cheveux enroulés dans un turban. En biographie se trouve un texte.
« CE SOIR, TRIBUNAL ! KAHBA OU HLEL ?
Tu montres ton cou ma sœur, tu n’as pas honte ? Un peu de hchouma. Et les vraies hlel ne se maquillent pas ni ne s’affichent sur les réseaux.
SENTENCE ? KAHBA ! »
Mes yeux s’écarquillent et je regarde la photographie de Khadija. Habillée d’un voile noire couvrant un long manteau en cuir, elle porte des bagues dorées ainsi qu’un collier tombant au-dessus de sa robe-pull blanche. Celle-ci n’est pas moulante mais n’est pas large non plus. Des bagues ornent ses doigts et un eyeliner aussi blanc s’étend au-dessus de ses longs cils.
« CE SOIR, TRIBUNAL ! KAHBA OU HLEL ?
Alors là… Maquillage, tenue pas noire, bijoux, robe près-du-corps… Rien de légiféré. T’es une insulte au voile.
SENTENCE ? KAHBA ! »
Soudain, mes yeux s’écarquillent. Noor. Elle est sur la page d’après. Il s’agit d’une photographie prise à son insu où elle mange avec moi. Une voile saumon habille son visage et en-dessous de celui-ci, un pull blanc et un jean de la même couleur sont visibles. Par-dessus, elle a enfilé un long manteau marron qu’elle m’a empruntée.
« CE SOIR, TRIBUNAL ! KAHBA OU HLEL ?
Ne vous laissez pas avoir par ses grands yeux (qu’elle maquille, d’ailleurs). Tenue colorée, pantalon laissant voir ses formes et manucure… Bref.
SENTENCE ? GROSSE KAHBA ! »
— (T/P) ? Vous venez ou non ?
Je me redresse dans un sursaut, presque embarrassée d’avoir été surprise dans ma lecture. Devant moi se trouve Karim Hafeez et il s’apprête à refermer la porte. Encore sonnée, je ne lui réponds pas tout de suite, fronçant les sourcils et baissant les yeux pour regarder à nouveau les papiers.
— (T/P) ? Vous m’entendez ?
J’acquiesce, abasourdie, et poursuis mon chemin. Entrant dans la salle, je remarque la chaise vide de Noor. Mon regard dévie sur Eren qui a décidé de nous faire honneur de sa présence. Je fais mine de rejoindre mon pupitre mais la voix du professeur résonne, dans mon dos.
— Je veux que tout le monde s’asseye avec son binôme.
Ma mâchoire se contracte et je foudroie le brun du regard, agacée. Il ne pouvait pas continuer de sécher les cours ? Comme il le fait à chaque fois ? Je n’ai aucune envie de m’assoir à côté de lui.
Je finis par obtempérer, posant brutalement mon sac sur la table. Il ne me regarde pas faire, faisant défiler quelques pages sur son téléphone. Je sors agressivement mon ordinateur de mon sac ainsi qu’une trousse. Le professeur m’observe faire et regarde ensuite le pupitre qu’occupe normalement Noor, visiblement surpris de voir qu’elle manque encore à l’appel.
Le temps d’un instant, il me semble même apercevoir une once de douleur dans ses yeux.
— Bien, aujourd’hui, je vais vous donner des sujets. Durant les deux heures à venir, vous travaillerez avec votre binôme à l’élaboration d’un plan de dossier probable par rapport à ce dossier. Evidemment, vous n’avez pas le temps de décortiquer un nombre incalculable d’ouvrages donc contentez-vous d’axes tenant la route, une introduction et une conclusion.
Je n’ai absolument aucune envie d’adresser la parole à Eren.
Allumant le projecteur, le professeur ouvre son ordinateur et fais quelques manipulations de dossier. Bientôt, une page s’ouvre. Quelques noms se trouvent affichés. Ceux des binômes. Je repère le mien à côté de celui d’Eren. Cela me procure quelques frissons de rage.
— A côté de vos noms se trouvent vos sujets. Vous m’enverrez vos travaux par mail à la fin du cours.
Je pousse un soupir et lis l’intitulé.
« La figure de la femme dans le monde universitaire. »
Je lève mes yeux au ciel.
— Tu parles d’un sujet large.
— C’est le principe, abrutie.
Ma mâchoire se contracte et je lui lance un regard noir. Sans même m’observer en retour, il sourit légèrement tout en pianotant sur son clavier.
— Sujet large veut dire affinage, affiner veut dire discussion et j’ai tout sauf envie de te parler, je crache.
— C’est pas l’impression que tu donnes.
Mon sang boue. Il semble exaspéré par ma présence. Lui. L’homme qui s’est baladé entièrement nu dans les couloirs de notre université pour pouvoir me parler.
Quelle audace.
— On a qu’à faire une partie sur les professeurs, une partie sur les élèves, je grogne.
— C’est l’idée la plus nulle que j’ai jamais entendue. Pas étonnant que tu ne sois que deuxième en faisant tant d’efforts.
Mes poings se serrent sous la table.
— On devrait parler des femmes ayant écrits des thèses et des thèses portant sur les femmes.
— Complètement nul. C’est limite plus large que le sujet d’origine.
— C’est toi qu’es complètement nulle.
Je pousse ma joue de ma langue, exaspérée. Puis, me tournant brutalement vers lui, je lance :
— Tu sais quoi !? On a qu’à en faire un chacun et le professeur choisira lequel est le meilleur.
— Deux heures pour faire un travail à deux, séparés on va pas aller bien loin.
— Toi, t’iras pas bien loin. Moi c’est une autre histoire.
Sans lui laisser le temps de répondre, je me tourne vers mon écran. Puis, balançant un nuage de mots me rappelant le sujet, je commence à articuler un axe d’analyse. Quelques secondes durant, je sens son regard sur moi, insistant. Il doit se demander si je suis sérieuse.
Puis, réalisant que je compte effectivement le battre à plat de couture, il se redresse soudain et s’étire. L’odeur de son eau de Cologne m’atteint alors. Puis, il tend ses avant-bras tatoués et commence à pianoter.
Que le meilleur gagne.
ꕥ
Les bras croisés et enfoncés dans mon siège, je souris. Eren a fini vingt minutes avant la fin du cours mais moi, dix minutes avant lui. En termes de durée, j’ai déjà la victoire. Et pour ce qui est du contenu, je suis convaincue de le battre à plat de couture.
Karim Hafeez assis son bureau, m’a remercié quand il a reçu mon mail. Puis, dix minutes plus tard, quand un autre d’Eren est arrivé, il a froncé les sourcils, réalisant que nous n’avions pas effectué le travail demandé ensemble.
Ses yeux sont fixés sur son écran depuis tout à l’heure. Ils lisent un texte. Soudain, il relève la tête et, pinçant l’arête de son nez, semble amèrement se retenir. Puis, d’une voix grondante, il lâche soudain :
— Eren Jäger et (T/P) (T/N), vous viendrez me voir à la fin du cours.
J'espère que ce chapitre vous aura plu à la semaine prochaine
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