──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟗
L E J E U D E
— C A R T E S —
PLANTEE SUR LE PAS de la porte, je ne peux même pas remuer un seul cil. La stupeur m’a paralysée. Je ne parviens plus à bouger le moindre muscle. Je demeure silencieuse, pantoise, face à cet homme. Je dois avoir mal compris.
Debout devant moi, un homme d’une cinquantaine d’années me dévisage. Ses longs cheveux bruns tombent dans son dos, me rappelant un garçon que je ne connais que trop bien. Seulement ses yeux sont ébènes et non émeraudes. Une moustache de trois jours orne le dessus de ses lèvres.
Son regard est sérieux et son sourire, doux. Il semble particulièrement gentil.
— V… Vous êtes…, je lâche, revenant brutalement à moi, …vous êtes le frère d’Eren ? Vous cherchez son neveu ?
Eren m’a parlé d’un demi-frère assez âgé. Seulement je ne me souviens pas qu’il l’est appelé Grisha… Je ne me souviens plus du nom qu’il m’a donné mais il ne commençait pas par un « G », dans mes souvenirs.
Je sais que c’est stupide, qu’il n’est sans doute pas son frère. Cependant, sachant exactement de qui il peut s’agir, je préfère espérer de toutes mes forces qu’il n’est pas…
— Je suis son père.
Brutalement, je me raidis. Oh non. Tout mais pas cela.
Eren n’a que très rarement évoqué ce mot. Cependant j’ai bien compris qu’il ne s’entendait pas forcément avec lui. Hormis cela, le fait qu’il m’ait demandé de faire tous ces passes-passes pour cacher son internement à sa famille a suffit à me convaincre qu’il n’était pas proche de cette dernière.
Mes sourcils se haussent. Je n’ai absolument aucune idée de quoi dire.
— Est-t-il ici ? demande-t-il en se penchant, tentant de regarder l’intérieur de la chambre.
— Pourquoi serait-t-il ici ? je ris nerveusement, barrant la route du brun qui tente d’entrer. Navrée mais je préfère ne pas laisser un homme que je connais à peine entrer dans ma chambre…
— J’ai pourtant cru comprendre qu’il vivait ici.
Je me fige mais tente de dissimuler la surprise qui m’envahit. Prenant sur moi, je fronce les sourcils et croise les bras.
— Si je puis me permettre, je pense que vous avez mal compris. Comme vous pouvez le voir, d’ailleurs, le lit à côté du mien est vide…
Je me décale sur le côté, autorisant Grisha à regarder l’intérieure de la pièce. Derrière ses lunettes rondes, il ne se prive pas. A ma grande surprise, il ne se contente pas d’un coup d’œil. Avançant de quelques pas, il me pousse presque en approchant du matelas vierge.
Surprise, je laisse filer un faible son lorsqu’il ouvre le tiroir de la table de chevet. Caressant son fond, il réitère en-dessous. Puis, il soulève les livres disposés sur une commode non loin. Il observe aussi l’intérieur du meuble.
Je crois halluciner. Cet abruti se prend-t-il pour un agent du FBI ?
— Bien, finit-t-il par lâcher au bout d’un moment. Je peux croire qu’il n’est plus ici.
Il marque une brève pause. Ses yeux se posent sur moi.
—Mais il l’a été. Et j’exige de savoir où il se trouve à présent. Evitez de me mentir.
La bonhomie de ses traits fond telle neige au soleil. Ses yeux s’assombrissent brutalement tandis qu’il me foudroie du regard. Je réprime un rire en tournant violemment la tête sur le côté. Je sais qu’il tente de m’intimider mais cela n’a pas vraiment l’effet escompté.
Fixant l’ilot de la cuisine, je tente d’ignorer la brûlure de ses yeux sur ma nuque et essaye de m’empêcher d’éclater en pouffements stupides.
— Il l’a été, n’est-ce pas ? insiste-t-il. Il a été pensionnaire dans cette chambre. Je le sais. J’ai fait ma petite enquête et je sais parfaitement que vous êtes très proches.
— Très proches ? je répète en me tournant à nouveau vers lui. Revoyez vos informations. Votre fils et moi ne nous entendons pas du tout. Nous sommes simplement forcés de travailler ensemble sur une matière.
Et d’ailleurs, nous n’avons strictement rien fait de ce travail pour l’instant, j’évite d’ajouter.
Grisha esquisse un sourire en coin. Un frisson parcourt mon échine. Il s’agit du même que celui que son fils affiche régulièrement mais plus… Malsain.
Je n’aime pas ce que je vois. Cet homme me met mal à l’aise.
— Vous croyez réellement que je vais vous croire ? demande-t-il. Vous espérez sincèrement parvenir à me faire avaler que vous et mon fils…
Ouvrant la veste de son costard, il en tire un paquet de feuilles cartonnées souples. D’abord, je n’ai aucune idée de quoi il s’agit. Cependant, lorsqu’il les balance sur le matelas dépourvu de draps que son fils occupait. Là, des dizaines de photographies s’étalent.
— …N’avez aucun rapport ?
Elles sont toutes le plan d’une même scène. Mon sang se fige dans mes veines lorsque je vois de quoi il s’agit. Je regarde Grisha qui conserve son rictus en coin.
— VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE, ESPECE DE GROS PORC !?
Il sursaute quand je hurle, lui balançant les photographies au visage. Celles-ci le frappent avant de retomber au sol dans un pêle-mêle de couleurs.
— C… C…, hésite-t-il, surpris par ma réaction.
Sans doute s’imaginait-t-il que j’allais courber l’échine et me répandre en excuses. Oui, il m’a mise face à mon mensonge. Cependant, il a enfreint ma vie privée et je ne puis le tolérer. Alors qu’il aille se faire foutre, je lui hurlerais dessus autant que je le souhaiterai.
— COMMENT OSEZ-VOUS !? réagit-t-il enfin, sa peau virant au cramoisie.
Je le vois amorcer un pas dans ma direction. Je le devance, avançant de moi-même jusqu’à lui.
— ET VOUS, COMMENT OSEZ-VOUS ME SUIVRE ET ME PHOTOGRAPHIER A MON INSU ?
Ces clichés ont été prise il y a trois semaines. Eren et moi s’y trouvons, juste devant le vaste bâtiment de la cure de désintoxication. Nous nous voyons nous prendre dans les bras, le sourire aux lèvres. Puis nous séparer. Avant de nous rapprocher.
Surtout, plusieurs photographies montrent notre baiser.
— VOUS AVEZ FAIT ENGAGER UN DETECTIVE PRIVE POUR SUIVRE VOTRE FILS ? ET VOUS PENSEZ QUE JE VAIS BEGAYER PARCE QUE VOUS ME MONTREZ QUE JE VOUS AI MENTI ? VOUS DEVRIEZ ROUGIR DE VOTRE COMPORTEMENT ? MONSIEUR !
Ma gorge me cuit tant mes cris l’ont griffée. Je frissonne.
— Sortez de cette chambre. Tout de suite, je lâche d’une voix plus calme.
D’abord, ma demande semble le surprendre. Etant donné la façon qu’il a eu d’entrer dans ma chambre, le torse bombé, je devine qu’il n’a pas l’habitude qu’on lui désobéisse. Encore moins qu’on lui donne des ordres.
Il m’observe de haut en bas, semblant réfléchir. Puis, il hausse un sourcil.
— Si je refuse ? demande-t-il.
— Je vous demande pardon ?
Je n’ai pu empêcher la peur de percer ma voix lorsque j’ai répondu. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me tienne autant tête.
— Et si…, reprend-t-il en faisant un pas jusqu’à moi, ses lèvres s’esquissant en un sourire en coin, …je refuse ? Que comptez-vous faire ? M’escorter à mains nues jusqu’à la porte ?
— Ne me tente pas.
Une troisième personne a prononcé ces quatre derniers mots.
Malgré moi, une profonde chaleur se répand dans mes entrailles en entendant cette voix. Car je la reconnaitrais entre mille. Son timbre unique résonne sur ma peau, faisant frissonner ma chaire jusqu’à ses plus enfouies profondeurs.
Eren.
Je croyais qu’il rentrerait plus tard. Il était censé revenir demain seulement. Cependant lorsque je tourne la tête, il se trouve là. Ses cheveux lâchés ondulent dans son dos, encadrant son visage aux joues légèrement rosées. Ses bras épais feraient presque craquer les manches de son tee-shirt. Sur l’une de ses épaules est accrochée la hanse de son sac de sport. Il toise son père avec dédain, ses yeux émeraudes brillent avec force.
— Tu viens dans mon université, lâche-t-il d’une voix ressemblant à un grondement.
Il fait un pas.
— Tu toques à la porte de mon amie.
Il lâche le sac qui tombe sur le sol.
— Tu la menaces dans ma chambre.
Il fait un nouveau pas.
Je déglutis péniblement, les voyant l’un en face de l’autre. L’air crépite autour d’eux et ils s’observent avec méfiance, tels deux félins prêts à se jeter l’un sur l’autre. Je ne sais qui de l’autre semble le plus à même de défigurer son vis-à-vis.
Assurément, on en oublie qu’ils sont père et fils.
— Alors ne me propose pas de t’escorter brutalement vers la sortie. Car crois-moi, je le ferais.
Grisha ne répond pas tout de suite. Puis, un sourire esquisse ses lèvres. Venimeux. Mesquin.
— Que de menaces, Eren… Tu me ressembles tellement.
Les traits du brun retombent brutalement. Un éclat traverse son regard. Mon cœur se serre en voyant ceci.
— Non.
Tous deux se tournent vers moi, surpris.
— Non, je répète. Il ne vous ressemble en rien. Et vous allez sortir de ma chambre. Maintenant.
Grisha sourit. Ses yeux glissent le long de mon corps, me jaugeant. Un frisson me parcourt en le voyant faire. Je déglutis péniblement. Mais je soutiens son regard.
Il finit par hausser les épaules et obéir. D’un pas détendu, presque nonchalant, il marche jusqu’au seuil qu’il franchit. En disparaissant, il m’adresse un clin d’œil. Je déglutis péniblement, écœurée.
Aussitôt, le bras fort d’Eren s’enroule autour de ma taille. Il m’approche de lui dans un geste protecteur tandis que son autre biceps entoure mes épaules. J’inspire son parfum, légèrement surprise.
— Je suis désolé que tu aies dû assister à ça… Je voulais rentrer plus tôt pour te faire une surprise mais…
Sa voix meurt dans sa gorge. Il regarde les photographies sur le sol. Sa mâchoire se contracte et, sans me lâcher, il gronde :
— Putain, cet enfoiré ne me laissera jamais en paix.
hehe le retour
tant attendu
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top