──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟐









L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —


























             DOUCEMENT, JE DEPOSE une tasse fumante sur la table basse branlante séparant mon lit et celui qui appartenait à Noor. Je ne supportais plus de le regarder en m’endormant alors j’ai fais ce que n’importe qui ferait dans ma situation — le voler dans un vide ordure, le repeindre et le placer entre les deux matelas.

             L’odeur chimique de l’acrylique embaume encore l’air mais Eren ne dit rien. Roulé dans une serviette, il a refusé de changer de vêtements et s’est assis sur l’ancien lit de mon amie. Il fixe le breuvage sous ses yeux, grelottant. De l’eau coule de ses mèches sur ses épaules.

             A la lueur de ma lampe de chevet, j’ai pu distinguer qu’il n’avait pas que les phalanges d’abîmées. Du sang perle aussi sur sa joue. Plus précisément, à hauteur de sa pommette.

— Bois tant que c’est encore chaud. Je n’ai pas envie que tu choppes un rhume.

             Il ne répond rien mais obtempère. Là, je réalise que quelque chose ne va vraiment pas.

             Soit, Eren vient de débarquer, à la nuit tombée, trempé et en sang. Mais je le connais assez pour savoir que le fait qu’il obéisse sans m’insulter quand je lui donne un ordre est autrement plus problématique en ce qui le concerne. Il est vraiment mal.

— Tu penses que tu peux m’expliquer ce qu’il s’est passé ?

             Il déglutit péniblement. Je zieute quelques instants ses phalanges abîmées. Je n’ai qu’une envie : l’expédier dans la douche pour qu’il se réchauffe puis le soigner. Plus je le regarde, plus je suis convaincue qu’il va tomber malade et que ses blessures vont s’infecter.

— Je… J’ai fumer un joint…

             Il lève les yeux vers moi. Je fixe ses deux émeraudes, haussant un sourcil. Et, aussitôt, il baisse le regard et admets :

— Bon, d’accord, j’ai fumé cinq joints.

             C’est énorme, je m’abstiens de commenter, ne voulant pas aggraver son état.

— Je suis allé dans la chambre de Jean pour me taper une nana. J’avais oublié qu’il n’y avait même pas de filles avec moi quand je suis arrivé. Et lui, il était déjà occupé avec sa meuf.

             Il secoue la tête en soupirant. Je sens l’embarras affluer dans ses veines, donnant des couleurs à son visage quand, évitant soigneusement mes pupilles, il avoue :

— Je suis devenu parano. Je suis arrivé dans sa chambre seul mais j’étais convaincu qu’il y avait une fille avec moi. Et quand j’ai vu Jean dans son lit, j’ai cru qu’il se tapait la nana avec qui j’étais venu. Alors que j’étais venu seul ! J’ai même pas reconnu Mikasa !

             Mon cœur se serre. La honte et le désespoir habillant ses traits, je les ai connu. Il s’agit-là d’une sensation douloureuse et indélébile que je ne souhaite à personne de ressentir.

             Pour ma part, elle m’a pris d’assaut un matin où je me suis réveillée, après une cuite sévère. Je suis allée au bar le plus proche pour boire un coup. Et au moment de payer, j’ai fourré la main dans la poche et en ai sorti un portefeuille.

             Or il ne s’agissait pas du mien mais de celui du père de Noor.

             J’ai cru toucher le fond, lorsque j’ai sorti cet objet de mon pantalon. Mais je suis parvenue à creuser et descendre plus bas encore quand, alors que je savais que c’était mal, tandis que je me hurlais dessus que je devais le lui rendre…

             J’ai tout de même commandé un whisky et payé avec les billets d’un homme qui me considérait presque comme son enfant.

             Seulement, ce n’est pas à ce moment-là que j’ai ressenti ce mélange de honte et de désespoir. Non.

             Il est venu lorsque Noor m’a forcée à tout expliquer à son père. Jamais je n’oublierais la moiteur de mes mains que je gardais sous mes cuisses, les motifs du tapis orientale que je fixais, fuyant son regard ou même mes épaules tremblotantes quand je lui racontais la vérité.

             Et, plus que tout, rien n’effacera les paroles qu’il a déclaré par la suite :

« Tu es dans mes prières depuis longtemps, (T/P). J’implore Allah et, qu’il me pardonne, j’ai prié tellement fort et sans succès qu’il m’est même arrivé de me demander s’il n’existait pas quelque chose face auquel il était impuissant. فليسامحني الرب على هذا. Mais la vérité est qu’il ne te sauve pas car tu ne veux pas être sauvée. Et je crois que j’aurais préféré qu’il en soit simplement incapable car savoir que le seul obstacle entre toi et la guérison est toi-même est encore plus douloureux. »

             Mes yeux se posent sur Eren. Je les sens s’humidifier. Ce jour-là, Ahmed m’a adressé la parole pour la dernière fois. Je crois qu’il serait fier de savoir que je suis devenue sobre…

             Il le serait moins d’apprendre que j’ai replongé.

— Mikasa…, reprend-t-il après un long silence. J’ai grandi avec elle. Elle est comme ma petite-sœur. Alors quand j’ai cru qu’il la trompait…

             Mon cœur se serre. Il enfouit son visage dans ses mains.

— Je crois que je lui ai cassé le nez. La fenêtre de leur chambre était ouverte. Mikasa m’a collée une droite si violente que je l’ai traversée et suis tombé dans la piscine. Floch m’a sauvé de la noyade et après… J’ai réalisé ce que j’avais fait.

             Ses yeux se ferment et une larme coule sur sa joue.

— Je te jure que je n’avais pas réalisé que…

             J’acquiesce. Je le sais pertinemment. Je le comprends. Je l’ai vécu.

— J’ai un problème.

             Je hoche la tête. Il me fixe quelques instants.

— Je crois que c’est irrécupérable.

— C’est très loin de l’être. Et dis-toi que tu as franchis l’étape la plus compliquée et la plus dure à surmonter : la première. Tu as admis ton problème là où plein d’autres le nient.

             Il ne me regarde pas, continuant à fixer le sol. Je ne sais exactement quelles sombres pensées traversent son esprit, maintenant. Mais j’ai souvenir de la difficulté qu’on peut avoir à les maitriser ou les ignorer.

             M’avançant, je m’agenouille devant lui. Il me regarde faire. Je saisis son visage en coupe. Mes doigts se perdent dans ses cheveux mouillés tandis que mes pouces essuient le dessous de ses yeux.

— Je sais que tu t’en fous mais je suis fière de toi, Eren.

             Ses paupières s’écarquillent. Je vois nettement ses pupilles se dilater. Sous mes paumes, je peux sentir son pouls s’accélérer drastiquement. Je ne fais aucun commentaire dessus. Je suppose que cela compte davantage pour lui que je ne l’aurais cru.

— Tu as raison, je m’en fous.

             Il m’offre un sourire moqueur en prononçant ces mots et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Eren a toujours du mal avec les scènes sérieuses. A chaque fois que notre conversation prend un ton grave, il cherche à la faire basculer pour ne pas sombrer dans le mélodramatique.

             Mais ce n’est pas grave. Car malgré les apparences, ce qu’il s’est produit aujourd’hui est une excellente chose.

— Bon, allez… Tu vas te laver pendant que je te trouve des vêtements propres et prépares ton lit. Ensuite on mangera un plat que j’aurais commandé. Qu’est-ce qu’il te tente ?

             Ses mains se posent par-dessus les miennes, sur son visage. Une vague de chaleur s’empare de moi quand il entrelace nos doigts. Puis, se penchant sur moi, son nez frôle le mien et il réduit la distance entre nous.

             Je distingue chaque détail de ses iris.

— Tu sais, tu pourras mieux me surveiller si on dort dans le même li…

— Vas te faire foutre, Eren.

             Je me lève. Il éclate d’un rire narquois avant de rejoindre la salle de bain. Je fixe la porte se fermant, un sourire aux lèvres.












             Mon cœur bat anormalement vite dans ma poitrine.






































             Lorsque Eren sort, je ferme la porte de ma chambre en remerciant le livreur. Je n’ai pas le temps de déposer mes plats sur le comptoir qu’un rire bruyant franchit mes lèvres.

             Pendant qu’Eren se lavait, je suis allée chercher ses vêtements sales que j’ai mis dans mon panier à laver et lui ai donné quelques pièces de ma penderie. Soit, j’en ai des neutres mais je ne pouvais résister à l’envie de le fringuer comme une adolescente des années 2000.

             Les mains rangées dans les poches d’un jogging léopard, il hausse un sourcil tandis que ses pectoraux se contractent, parfaitement moulés dans un teeshirt blanc barré d’un chic « babygirl » écrit en lettres gothiques.

— Tout ça vient de ton armoire… Tu es d’un vulgaire, ma pauvre.

             Mais cela ne parvient pas à m’arrêter de rire. Posant maladroitement les sacs sur le comptoir, je m’écroule de tout mon long, découvrant les chaussons licornes qu’il a enfilé. Il va sans doute les déformer mais le jeu en vaut la chandelle.

             Sur le dos, j’agite les jambes en m’esclaffant. Il soupire en levant les yeux au ciel.

— Tu crois pas que t’en fais un peu trop, là ?

— Laisse-moi prendre une photo.

— Quoi !? Mais ça va pas la tête !?

— S’il-te-plaît !

             Je me mets à genoux, joignant les mains pour l’implorer et lui faisant des yeux de chiens battus.

— T’as vraiment aucune dignité, lâche-t-il en me voyant le supplier.

— Alors vu ta dégaine, c’est particulièrement culotté.

— Ce sont TES vêtements ! s’exclame-t-il.

             Profitant de sa fureur qui me sert de distraction, je saisis mon portable et commence à le prendre en photo, par en-dessous. Lorsqu’il le réalise, il se jette sur moi. Je continue à prendre des photos jusqu’à ce qu’il tente d’attraper mon téléphone. Là, hurlant, je le verrouille.

             Ses bras se referment sur moi et nous roulons sur le sol tandis qu’il tente de me voler mon appareil.

— SUPPRIME !

— PLUTOT MOURIR !

— T’INQUIETES PAS, CA VA ARRIVER PLUS VITE QUE PREVU SI TU SUPPRIMES PAS TOUT DE SUITE !

             Je hurle, tentant de le pousser à me lâcher. Là, il plaque sa main sur mes lèvres, étouffant le son. Son torse est collé à mon dos et de sa main libre, il tente de me forcer à décroiser mes bras derrière lesquels se trouve l’objet de sa convoitise.

             N’ayant pas dit mon dernier mot, je lèche sa paume pour le forcer à me lâcher.

— ESPECE DE GROSSE DEGUEULASSE ! hurle-t-il en s’essuyant sur mon tee-shirt.

             Je lâche un rire machiavélique, frappant l’air de mes jambes pour le forcer à me lâcher.

             Il finit par le faire, s’avouant vaincu. Je me relève tandis qu’il reste allongé sur le sol, respirant difficilement.

— Tu es une adversaire redoutable.

— Non, c’est toi qui es beaucoup trop nul.

— T’AS DIT QUOI !?

             J’éclate de rire en me mettant à courir. Il se relève aussitôt et me suit. Comprenant que je n’ai pas d’autres choix, j’ouvre la porte de notre chambre à la volée et m’élance. Je suis sûre qu’il n’osera même pas sortir avec la tenue que je lui ai…

             La porte s’ouvre à nouveau derrière moi et il jaillit. Je pousse un cri de stupeur et il rit avec malice. Pieds nus sur le sol, je cours à toute vitesse, continuant de lui ordonner de retourner dans la chambre. Bientôt, nous faisons tellement de bruits que des portes s’ouvrent sur notre passage, laissant voir des élèves curieux.

             J’atteins la cage d’escaliers que je dévale. Il me suit, hilare.

             Je ne peux m’empêcher de rire, un mélange d’excitation et de peur m’animant. Il est rapide. Mes poumons me cuisent déjà et je ne sais pas combien de temps je vais tenir.

— C’EST BON !

             Deux bras forts m’enlacent par derrière avant de me soulever de terre. Je pousse un hurlement euphorique quand mon dos rencontre des pectoraux. Eren m’assoit sur son épaule avant de tourner à toute vitesse.

             Je cris encore plus fort dans le couloir, craignant de tomber.

— LÂCHE-MOI, CONNARD !

             Mais je ne peux m’empêcher de rire en même temps, grisée.

             Soudain, il me fait descendre. Brutalement, il me rattrape. L’une de ses mains se plaque sur ma bouche. Il recule et une porte se ferme sous mes yeux.

             Nous sommes dans un placard à balais. Mon dos est plaqué à sa poitrine se soulevant difficilement. Sa main m’empêcher de prononcer le moindre mot. Mes sourcils se froncent. Qu’est-ce qui lui prend ?

— Qui est là ? Je vous préviens, si je vous attrape, vous êtes viré !

             Mes yeux s’écarquillent.

             Le surveillant de l’internat.

             Je me tourne vers Eren qui garde sa main plaqué sur mes lèvres. Nous respirons avec force. J’ai l’impression que le monde entier peut nous entendre. Nos regards se plongent l’un dans l’autre. Nous acquiesçons d’un même geste, comprenant ce qu’il se passe.














             Si nous plongeons, nous plongeons ensemble.






















































ils sont meugnon

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