──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟏












L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —





























— ALORS ? C’était si horrible ?

             Je lance un regard amusé à Hervé tandis qu’Eren lève les yeux au ciel, machant hargneusement le hamburger dans lequel il a planté ses dents. Nous avons passé plusieurs heures ensemble, maintenant. Et, s’il n’a pas été très loquace lorsque nous somme sortis du commissariat, il l’a encore moins été durant la réunion.

             Les témoignages se sont enchainés, assez instructifs tout en restant soporifiques. Ce paradoxe m’a rappelée certains cours.

— C’était pas horrible. J’ai pas écouté, lance-t-il.

             Le policier ne semble pas surpris. Je ne devrais pas l’être. Cette séance visait à lui montrer à quoi ressemblaient les groupes de soutien et non lui faire prendre conscience de son problème. Car cette étape ne dépend que de lui.

             Seulement, en voyant son rictus goguenard, l’envie de lui faire avaler mon poing me démange. Je le fusille du regard. Eren le remarque.

             Il m’adresse un clin d’œil provocateur.

— Tu es une ordure, je lance en avalant une frite.

— Attends qu’on soit dans la chambre avant de me dire des mots sales, bébé.

             Je lève les yeux au ciel mais souris malgré moi. Il semble fier d’être parvenu à m’arracher ce rictus car son regard s’illumine. Hervé secoue la tête d’un air dépité.

— Vous avez cours, aujourd’hui ? demande-t-il.

— Je pense que c’est râpé. On va avoir du mal à les suivre.

— Je vais quand même vous raccompagner à votre internat. Et j’espère que vous méditerez sur cette journée. Enfin, je sais qu’au moins une de vous deux le fera.

             Le brun hausse les épaules, semblant se ficher royalement des paroles du policier, trop concentré sur sa nourriture. Je l’observe sans un mot, encore dépitée de tout ce qu’il s’est produit en si peu de temps.

             Noor m’a lâchée. Je me suis retrouvée seule. Je n’ai pas voulu l’être. Je suis allée chez Eren. J’ai bu. J’ai fui. Eren s’est puni pour ma rechute. Il a fini au poste. Nous avons été escortés à une réunion des alcooliques anonymes.

             Un soupir franchit mes lèvres.

—Ma vie était tellement plus paisible avant de te rencontrer, je soupire.

— Correction, ta vie était chiante à mourir, lance-t-il.

             Hervé lâche un rire et nous informe qu’il va s’acheter une boisson. J’acquiesce et le remercie d’un signe de tête, sachant pertinemment qu’il s’agit d’un prétexte pour me laisser seule avec Eren. Le brun, lui, ne semble pas le comprendre.

             Une fois seuls, j’observe le garçon quelques instants. Il ne me rend pas mon regard mais me lance, visiblement excédé :

—Bon. Accouche. Fais-moi ton sermon sur ma consommation de drogues. Je te jure que cette fois, je ferais semblant d’écouter et après je me cacherais de toi pour fumer. Si t’es sage, je ferais peut-être même semblant d’aller à des réun…

— Je peux dormir dans ta résidence ?

             Il cesse immédiatement de bouger. Ses muscles se raidissent et je déglutis péniblement. Il fixe le plateau badigeonné de frites et sauce, visiblement décontenancé. Je le regarde, soudain anxieuse.

             Face au silence s’éternisant, je me décide à étayer mes paroles :

— Noor est partie et je me sens pas de rester toute seule. Pas après ce qu’il s’est passé h…

— Demande à Aïsha.

             Sa réponse est froide, abrupte. Il ne me regarde pas, continuant à manger. Pour ma part, mon appétit se trouve soudain coupé et je ne parviens à expliquer mon estomac se tordant. Je crois que je suis extrêmement embarrassée.

             Eren et moi ne sommes pas les meilleurs amis du monde, je le sais. Mais il m’a semblé que cela s’était arrangé, dernièrement. A la fête ou même dans la salle d’interrogatoire, quand il a saisit ma main et l’a serrée dans la sienne, il me donnait l’impression de s’inquiéter réellement pour moi.

— Oh, eu…, je lance, encore assez surprise. D… D’accord. Désolée, je voulais pas…

— Tu crois que je sais pas que c’est qu’un prétexte pour m’espionner ? Que tu feras des rapports sur les joints que je fumerais ? Que tu me feras chier lorsque je serais avec quelqu’un ? Que tu feras des commentaire sur l’état de ma chambre ?

— Q… Quoi ? Mais non ! Pas du tout ! Ce n’est pas…

— Inutile de gaspiller ta salive. Je commence à te connaitre assez bien, la fouineuse, crache-t-il.

             Là enfin, il me regarde. Abruptement, il me fixe. Et de ses yeux émeraudes ont disparu toute trace de compassion, de gentillesse et de douceur. Bien qu’il ne s’agisse pas d’émotions que je voyais régulièrement en lui, je dois m’avouer assez déboussolée en constatant qu’il ne se montre pas plus doux qu’à l’ordinaire.

             Il m’avait semblé que les dernières vingt-quatre heures avaient été cruciales, dans notre relation.

— Je suis désolée, je chuchote.

             Ses sourcils se haussent. Je comprends pour quelle raison. Après avoir passé les dernières minutes à m’insulter, il devait logiquement s’attendre à s’en prendre une. Mais je ne peux pas réellement être outrée. Non.

             Pas après le chantage que je lui ai fait.

— Hervé te raccompagne. J’ai des courses à aller faire, je chuchote.

             Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je me lève, m’empare de mon manteau et plie bagages. Puis, quelques secondes plus tard, je me retrouve dehors. Je marche quelques instants, rangeant mes mains dans mes poches.

             L’hiver s’éternise. Mon manteau n’est pas assez épais. Je range mes mains dans mon manteau, respirant difficilement et grelottant. Quand soudain, quelque chose de chaud coule sur l’une de mes joues. Une larme.

             Je suis vraiment épuisée. Je n’ai qu’une envie : me rouler en boule sous mes draps et m’endormir. Mais je sais pertinemment qu’une fois sous la couverture, je n’arriverais pas à trouver le sommeil.

             Je marche malgré le fait que mes jambes peinent à soulever mon corps chaque jour.
















             Je ne sais pas vraiment combien de temps encore j’arriverais à tenir ainsi.






































             Assise dans mon lit, je regarde cette chambre trop vide s’étalant autour de moi. Je ne sais pas quoi faire. Je suis enfermée avec mes pensées. Mon cœur est lourd. Je n’aime pas cela.

             Soudain, deux coups sont portés à la porte de la chambre. Je ne suis même pas assez curieuse pour me lever et aller voir de qui il s’agit. Je ne bouge pas. L’intru finira bien par s’en aller.

             Les secondes passent quand deux nouveaux coups sont portés.

             Je ne bouge pas. Mes épaules tremblent et je fixe le sol devant moi. Je veux simplement qu’on me laisse tranquille. La conversation que j’ai eu, tout à l’heure, avec Eren, m’a assez épuisée pour deux jours. Alors tout ce que je demande est un peu de répit.

             A nouveau, deux coups sont portés.

             Mes yeux se ferment et mon cœur s’accélère. Je ne peux pas me lever. Je sais qu’il suffirait de répondre à cette porte pour que la personne s’en aille. Mais je n’y arrive pas. Mon corps est comme gelé, paralysé, incapable de bouger. Alors je fixe le vide devant moi.

             Deux autres coups.

             Ma gorge se serre. Des larmes imbibent mes yeux. Je me sens impuissante. J’aimerais simplement un peu de paix, de répit, que l’on me laisse. Pourquoi personne ne semble capable de comprendre cela ? Je suis simplement épuisée.

             Deux autres coups.

             Mon cœur bat trop vite. Enfin, je me lève. Mais mon corps n’obéit qu’à ma rage. Et je ne me contrôle pas le moins du monde quand je hurle, craquant complètement :

— BORDEL MAIS CASSEZ-VOUS ! VOUS POUVEZ PAS COMPRENDRE QUE SI JE REPONDS PAS C’EST QUE JE VEUX PAS VOIR VOS PUTAINS DE T…

             J’ouvre rageusement la porte, m’arrêtant brusquement sur le seuil. Il y a encore un instant, j’étais plongée dans une colère noire. Mais le paysage qui s’offre à présent à moi est si brutale, impactant, désarçonnant que je n’ose réagir d’aucune manière que ce soit.

— E… Eren ? je lance, surprise.

             Couvert d’eau des pieds à la tête, il ruisselle dans le couloir. Ses cheveux bouclent autour de son visage, plus foncés que d’habitude car mouillés. Il tremblote, visiblement transie de froid. Mais je remarque surtout que ses phalanges sont imbibées de sang.

             Après ce qu’il s’est passé dans le fast-food, la dernière visite que je m’attendais à recevoir était certainement celle d’Eren. Mais ma surprise ne fait que croitre lorsque, plongeant ses yeux dans les miens, il lâche simplement :













— T… Tu as raison. Je crois que j’ai un problème.















































ENFIN

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