──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝐎















L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —










































             UN SOUPIR FRANCHIT mes lèvres tandis que je pose pied dans le commissariat. Hervé, que je reconnais à ses locks nouées en un chignon, lève les yeux sur moi et acquiesce simplement. Je lui offre un sourire timide en guise de remerciement.

             Il n’est pas coutume de laisser des personnes se rendre en cellule pour discuter avec des prisonniers. Mais cela fait des années maintenant que je le connais. Nous nous sommes rencontrés à une réunion et, pendant un temps, il a même été mon parrain.

             J’ai trop honte pour lui avouer ce qu’il s’est passé cette nuit.

— Ton pote est un sacré numéro, me lance Hervé tandis que nous franchissons les couloirs. Il a littéralement pleuré sur mon épaule pendant que je lui passais les menottes et je me sentais trop mal pour lui dire que normalement, il devait mettre les mains dans le dos.

— Il n’était pas dans son état normal, vous l’avez bien vu ? Pourquoi l’avoir embarqué ?

— Bah, j’ai refusé.

             Je m’arrête de marcher, fronçant les sourcils. Il se tourne vers moi, me jauge un instant de ses yeux sertie de lentilles colorées avant de pousser un soupir, grattant la peau brune de sa joue.

— Il m’a traité de… C’était quoi déjà ? « Enculé de fils de putain de ta grosse mère la chienne. » Et après, il m’a demandé tout fièrement si cela pourrait me convaincre de l’embarquer ?

— Je suppose que tu as été convaincu ? je maugréé.

— Et bien, quand il s’est mis à traiter ma collègue d’abrutie issue de partouzes consanguines, j’ai bien dû me résoudre à faire quelque chose.

             Je pousse un soupir exténué, pinçant l’arrête de mon nez. Parfois, je me demande ce qu’il peut bien se produire dans la tête d’Eren pour qu’il ait l’idée de faire des choses aussi stupides. Puis, je me souviens qu’il l’est.

             Je lève les yeux au ciel.

— Bon sang mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour me coltiner un connard pareil ? je crache en basculant la tête en arrière dans un geste exténué.

— La fois où t’as brisé la vitrine d’un bar pour avoir des bouteilles ? Ou celle où t’as volé de l’argent au père de N…

— Hé, une fois sobre, je l’ai remboursé et avec intérêt !

             Je marque un bref temps d’arrêt avant de plisser les yeux, le foudroyant du regard.

— Et tu veux que je fasse la liste de toutes les conneries que toi, tu as faite ? Monsieur je me suis fait rétrogradé après avoir pissé dans le casier de mon ch…

— C’est bon, c’est bon. Et je te signale que ça l’a fait marrer, après coup.

— Après-coup ? Et ça veut dire combien de temps ?

             Il pose les mains sur sa taille, semblant compter mentalement :

— Je pense… Dans trois ans environ.

             Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Nous recommençons à marcher. Je finis par dévaler quelques marches menant à un sous-sol que je ne connais que trop bien. Mes sourcils se froncent en remarquant d’ailleurs que nous prenons cette direction.

             Lançant un regard éloquent à Hervé, je remarque sa moue gênée.

— Je suppose qu’il ne pouvait pas prétendre au confort d’une cellule ? je demande d’un ton sarcastique. Trop luxueux pour le drogué qu’il est ?

— Je l’ai déplacé le temps de lui poser quelques questions…

— Hervé, je sais qu’il ne t’a pas fallu longtemps avant de réaliser que ce gamin est bourré de problèmes. L’addiction en fait malheureusement partie… Es-tu tombé si bas que tu t’en servirais pour soutirer des informations sur un petit dealer mineur ?

             L’homme lève le menton, déglutissant. Je sais qu’il n’aime pas ce qu’il voit dans mon regard, là.

— Tu me juges. Tu ne devrais pas, lance-t-il.

— Regarde-moi faire.

             J’ouvre la porte devant laquelle nous nous étions arrêtés. Aussitôt, mes yeux tombent sur la silhouette du brun, avachie sur la table. Je sais qu’il respire encore, cela se voit à ses épaules se soulevant difficilement.

             Sa joue collée à la table et les paupières closes, il dort manifestement.

— Je l’emmène.

             Ma voix est froide, stricte. Elle résonne comme un ordre.

— (T/P), notre amitié t’octroie quelques passe-droits, c’est vrai. Mais ne crois pas que tu peux annuler une…

— BORDEL, HERVE, IL A UN PROBLEME !

             Je n’arrive même pas à me retenir. Un hurlement franchit ma gorge, griffant ses parois et mon poing se serre tant que mes phalanges me tiraillent. Mais je continue de le contracter, furieuse qu’il se soit permis une telle chose.

             Putain. Lui qui a connu l’addiction à l’alcool, celle qui te pousse à perdre ton boulot, ta femme, tes gosses… Comment peut-il se servir de celle d’Eren afin de récupérer ses galons ?

             Je secoue la tête d’un air réprobateur, les larmes aux yeux.

— Tu me déçois tellement.

             Là, quelque chose vacille dans son regard. Son buste se contracte, comme pris d’un soubresaut irrépréhensible. Il tourne la tête et lèche ses lèvres pulpeuses avant de les mordre d’un air soucieux.

             Puis, il lâche un rire. Froid. Sans joie.

             Il me regarde à nouveau.

— Quand as-tu replongé ?

             Mes yeux s’écarquillent. Sa phrase me fait l’effet d’une claque. Je me tends, reculant d’un pas. Mon dos touche alors la table et je pose une main derrière moi pour me rattraper, touchant la surface du meuble.

             Mon cœur bat si vite qu’il me fait mal.

— J… Mais de quoi tu parles !? je m’exclame, sur la défensive.

— J’ai embarqué ton ami pour outrage à agent. Il va juste faire une garde à vue d’une journée, ce qui est très peu pour le sketch qu’il m’a fait. J’espérais simplement m’en servir pour faire mon boulot parce que putain, depuis que je suis sobre, je le fais bien !

             Ma lèvre tremble.

— Tu sais très bien que ça n’aurait pas figuré dans son casier. Il est simplement assis à cette table, même pas menotté… Je ne le traite pas en suspect mais en témoin. Je voulais simplement de l’aide pour faire mon travail qui est de protéger la population, notamment du mal qu’est la drogue et qui met ton ami dans cet état et toi, tu…

             Il fronce les sourcils, affichant un sourire amer :

— Et toi, tu me dis que je te déçois !?

             Mon menton tremblote. Je baisse les yeux, sentant mon regard se faire vacillant.

             Soudain, une main saisit la mienne. Eren. Il est réveillé. Nos doigts s’entrelacent. Son pouce caresse ma peau.

             Et, étrangement, les battements de mon cœur ralentissent légèrement. Il m’apaise.

— (T/P), je t’ai déjà vue comme ça. Acerbe, prête à sauter au cou de tout le monde, à en découdre…

             Là, sa mine outrée fond telle neige au soleil. Ses épaules s’affaissent. Il pousse un soupir. Quant à moi, embarrassée, je saisis ma lèvre inférieure entre mes dents, mes yeux s’humidifiant.

             Je devrais m’excuser. Mais ma gorge est serrée. Je n’ai même pas la force d’ouvrir la bouche.

— Tu as replongée. N’est-ce pas ?

             J’acquiesce. Là, je ne parviens à me retenir.

             Des larmes coulent sur mes joues.

             La main d’Eren se fait plus ferme et chaude encore autour de la mienne. Je tente d’inspirer mais l’air se bloque dans mes poumons. Je hoquète, sanglotant. Puis, aussitôt, honteuse, j’essuie les larmes sous mes yeux.

             Hervé me regarde quelques instants :

— Je vois.

             Fermant la porte derrière lui, il croise les bras sur ses pectoraux. Puis, il nous jauge quelques instants. Je vois dans la vitre sans-teint de la salle d’interrogatoire le reflet d’Eren. Il fait toujours semblant de dormir. Mais je sais que le policier n’est pas dupe.

             Je le regarde à nouveau. Jamais je n’ai eu autant honte.

             Je n’aurais pas dû lui parler comme je l’ai fait. C’était tellement…

             Injuste. Idiot. Méchant. Digne d’une alcoolique.

             Digne de moi.

— Bon. Voilà ce qu’on va faire.

             Il s’approche, tire une chaise et s’assoit devant nous. Je reste debout, la main d’Eren encore solidement refermée autour de la mienne.

— Je ne vais rien mettre sur l’arrestation d’Eren dans son casier. Ni pour détention, consommation et revente de drogues, ni pour outrage à agent. Je suis même prêt à le relâcher plus tôt. A 16 heures, pour être précis.

— Pourquoi 16 heures ? résonne une voix dans mon dos.

             Hervé sourit :

— Je te remercie d’arrêter d’insulter mon intelligence en me montrant que tu es en réalité réveillé.

             Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire.

— A 16 heures, je termine de travailler. Et une demi-heure plus tard, il y a une réunion. Nous irons tous les trois.

— Attendez, j’ai déconné mais je suis pas un drogué, hein ! lance Eren.

             Aussitôt, ma main lâche la sienne. Je me retourne. Les yeux émeraudes du brun se posent aussitôt sur moi. Un soupir las franchit mes lèvres. Il fronce les sourcils en me voyant faire :

— Quoi !? gronde-t-il. Qu’est-ce que t’as encore à dire !? Qu’est-ce que la grande conna…

— PUTAIN, EREN, TU T’ES BALANCE TOUT SEUL AUX FLICS AVANT DE LES INSULTER SUR PLUSIEURS GENERATIONS POUR ETRE SUR D’ETRE INCARCERE ALORS TU PEUX REFUSER DE TE SOIGNER MAIS ARRÊTE DE NIER QUE T’AS UN SERIEUX PROBLEME ! MERDE !

             Il ne répond pas tout de suite, se contentant de tourner la tête. Il cesse de me regarder. Mes épaules s’affaissent en le voyant faire.

             Avant de rencontrer Eren, je n’avais aucune idée de ce que cela faisait de vivre au contact d’une personne avec des problèmes d’addiction.

             La peur constante.

             La colère coupable.

             Et l’épuisement qu’elles provoquent.

— Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux ? Boude dans ton coin. Je viendrais te chercher demain à 10 heures.

             Là-dessus, je tourne les talons.

— A ce soir, Hervé.

             Puis, j’ouvre la porte. Mais je n’ai pas le temps de franchir que la voix d’Eren résonne derrière moi :














— D’accord. J’accepte de venir.


















































heeey

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