──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟑















L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —



































             JE DEGLUTIS PENIBLEMENT en arrivant à hauteur de ma chambre. Ma gorge est serrée tant j’ai envie de pleurer. Je me sens humiliée à tous les degrés. Moi qui me faisais une joie de sortir, qui m’étais pomponnée, qui marchais joyeusement dans les rues malgré le froid mordant.

             Je me sentais vraiment jolie. J’avais l’impression qu’une histoire d’amour passionnée se présenterait à moi. Je m’imaginais déjà prendre ce café, repartir main dans la main avec Rémy, être raccompagnée jusqu’à ma chambre et le laisser m’embrasser devant.

             Au lieu de cela, j’ai attendu longuement devant le café et suis entrée à contrecœur après la remarque d’une cliente. Puis, Eren est arrivé, auteur d’une blague stupide plantant mon rendez-vous, il m’a ensuite insultée, remettant en question mon physique.

             Je me sentais vraiment jolie.

— (T/P) ? Je peux te parler ?

             Je me retourne à l’instant où je m’apprêtais à rentrer dans ma chambre. Rémy se trouve là, devant moi. Cependant je n’ai même pas le temps de sourire en le voyant et m’empresser de lui expliquer la mauvaise blague d’Eren et m’excuser à sa place. Mes yeux s’écarquillent.

             Le contour de son œil droit est entièrement violacé. La commissure de sa lèvre est bleutée et un pansement orne le milieu de son nez. Il s’est fait frapper.

— Bon sang, Rémy ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? je m’exclame.

— Disons que je vais apprendre à surveiller ma langue devant ton mec, il m’a semblé très susceptible, pour quelqu’un qui te déteste, rit-t-il doucement.

             Mes sourcils se froncent. Mon quoi ? Je ne saisis rien des paroles de Rémy, légèrement hébétée.

— Quoi ? Mais de quoi tu parles ? C’est quelqu’un que je connais qui t’a fait ça ?

— Eren, lance-t-il.

             Mon cœur s’immobilise. Mes yeux s’écarquillent. Ma gorge s’assèche et ma mâchoire se contracte. Ce nom me fait l’effet d’une claque. Un instant, je me dis que je me trompe forcément. Que j’ai du mal entendre. Mais je comprends bien vite à l’expression amusée du blond que je ne suis pas en train de confondre quoi que ce soit.

             Un cri nait dans ma gorge que je tais aussitôt, provoquant un son étrange et étranglé.

— Je rêve !? je m’exclame. Il t’a cogné dessus ? Mais il est complètement malade, cet abruti !? Il t’a frappé ? Il t’a frappé ! Non mais c’est pas possible ! C’est quoi, ce connard !? Non mais, pourquoi ?

             Rémy laisse filer un gloussement assez mignon. Mais je ne m’arrête même pas dessus, encore hébétée par ce que j’ai entendu aujourd’hui.

— C’est parce que je parlais de la blague que tu m’avais dite. Il a pas aimé et devant tout le fast-food, il s’est levé de sa table, il est allé à la mienne et il m’a frappé.

— Quelle blague ?

— Quand t’as dit qu’on devrait prendre un café, j’ai accepté et pour déconner je t’ai proposé le Charlies. Et du coup quand tu m’as remercié quinze mille fois, ça m’a fait rire parce que t’as des sacrés talents de comédienne, tu sais ! Bref, je leur ai dit que t’avais fait la michetonneuse qui profitait de la fortune d’un mec pour un café au Charlies.

             Je me fige. Une… blague ? Une… michetonneuse ?

             Ma gorge se serre pour la énième fois depuis que j’ai quitté ce maudit café. Je frissonne, croisant les bras en tentant de ne rien montrer de ma réaction physionomique. Mais je peine à refreiner les larmes prenant d’assaut mes yeux. Je détourne les yeux pour ne rien montrer de ma peine.

             Ne pas avoir compris qu’il s’agissait d’une blague est une chose. Avoir pensé que c’était la vérité, m’être vue posée un lapin et me faire traiter de michetonneuse en est une autre.

             Mais cela signifie aussi qu’Eren m’a menti. Il n’a pas appelé le Charlies pour décommander la table de Rémy et en prévoir une. Non. Il a appelé le Charlies pour avoir un endroit où m’inviter et ne pas me laisser m’humilier devant l’hôtesse d’accueil. Malgré la suite abominable des évènements, lorsqu’il a franchi la porte en embrassant ma tête, il n’avait que l’intention de me sauver d’une honte cuisante.

             Eren m’a empêché de me faire humilier.

             Et il a frappé Rémy car celui-ci m’a traité de groupie.

— (T/P) ? m’appelle le blond en me voyant perdue dans mes pensées. Ouhou, la terre appelle la ba…

— Ferme bien ta gueule.

             Aussitôt, je tourne les talons. Ma voix crache ces mots. Non seulement Rémy m’a posé un lapin, m’a traitée de michetonneuse mais il a surtout fait bien pire que cela. Il m’a obligé à me sentir redevable envers Eren.

             Sous le choc, le blond ne tente pas de me retenir. Agacée, je marche à toute vitesse. Je n’oublierais par la profonde incorrection d’Eren et sa remarque sur mon physique. Mais je me dois de revenir sur ma colère initiale contre lui.

             Je vais prendre une de ses cartes et lui en donner une. Donnant-donnant.

             Dévalant les escaliers, je traverse les quelques rues internes à la cité universitaire, passant devant des boutiques, des bâtiments consacrés à d’autres filières que la mienne. Bientôt, j’arrive sur le secteur gardé par un portail où des pavillons s’étalent.

             Dans cet endroit de l’université se trouvent les plus grosses fêtes de cette faculté. La dernière fois que je me suis rendue ici — où j’ai très copieusement insulté Eren — une de ces fameuses soirées se déroulait.

             Au moins, je sais où le trouver.

             Empruntant un chemin pavé fendant une pelouse parsemée de cadavres de bière, je monte sur le perron d’un pavillon de plusieurs étages et frappe à la porte. Elle s’ouvre quelques secondes après sur un homme qui s’en va aussitôt sans même un mot, comme s’il était habitué aux visiteurs improvisés survenant à n’importe quel heure.

             J’ai tout juste le temps d’apercevoir les cheveux roux d’un des amis d’Eren. Un dénommé Floch. Il remet son casque et s’assoit devant un ordinateur, dans le salon. Je devine qu’il est en train de regarder une série mais il ne m’accorde aucun regard.

             Super… Ça commence bien.

             Les légendes sur les soirées de Jäger ne sont bonnes que pour une unique raison. Je sais où se trouve sa chambre sans avoir même pris le temps de me renseigner dessus. Je dévale les marches des escaliers et saisis la poignée de la première porte que je croise.

             Je ne prends pas la peine de toquer. Je viens m’excuser pour ma méchanceté mais je n’oublie pas ses remarques sur mon physique. Alors je compte bien me montrer un minimum impolie. A l’instant où la porte s’ouvre, mon regard se pose sur une silhouette sous la couverture épaisse. Ou plutôt deux silhouettes qui s’animent brutalement, cherchant visiblement à se cacher.

             Je viens d’interrompre une rencontre torride, manifestement.

— OH PUTAIN ! je hurle en plaquant mes mains sur mes yeux.

— PUTAIN, ON T’A JAMAIS APPRIS A FRAPPE, IMBECILE HEUREUSE !?

             Mes épaules s’affaissent. Ce n’est pas la voix d’Eren. Mais c’est une voix masculine. Et qui ne m’est pas étrangère. Loin de là.

— Jean !? je m’exclame. Tu couches avec Eren !?

             Brutalement, la couverture s’envole, me laissant voir la silhouette entièrement nue de deux personnes. L’une d’elles, aux cheveux noirs coupés courts, tient le drap qu’elle vient apparemment d’ôter de leur corps.

             Le châtain a pour réflexe de se jeter sur elle, tentant de cacher la majeure partie de son corps.

— J’ai une gueule à ressembler à Eren !? crache-t-elle.

             J’écarquille les yeux en constatant que je ne viens pas de surprendre le brun en plein coïte. Et étonnamment, mes entrailles se détendent à cette idée.

— Mais pourquoi vous faites ça dans la chambre d’Eren ? je lance, étonnée.

— C’est ma chambre, tonne Jean. Il veut juste personne dans la sienne. Alors quand il baise ou il invite des potes, ils viennent ici.

— Vraiment ? j’insiste, hébétée. Genre… Même ses parents ?

— Non, genre : là t’es juste devant mon pieu où je suis à poil avec ma meuf et je sais pas comment tu fais pour pas comprendre que t’es de trop, ABRUTIE !

             Je sursaute quand il crie soudain. Je ferme aussitôt la porte derrière moi. J’enchaîne décidément les moments embarrassants, aujourd’hui. Je m’apprête à rebrousser chemin quand la voix de la femme retentit de nouveau, étouffée par la porte :

— ET AVANT DE TE LAISSER RESONGER A LA MAGNIFIQUE IDEE DE TAPER L’INCRUSTE PENDANT UN CUNNI POUR NOUS DEMANDER OU IL EST, IL EST DANS LA CHAMBRE AU BOUT DU COULOIR. SUIS L’ODEUR DE WEED.

             Mes sourcils se haussent.

— Merci… Je suppose ?

             Mon regard se pose sur cette fameuse porte, au bout du couloir. Peut-être est-ce une vision de mon esprit mais il me semble que la peinture blanche embaumant son bois est plus sombre que celle couvrant les autres surfaces.

             Mon estomac se tord. Tout à l’heure, je ne me suis pas laissé le temps d’être nerveuse à l’idée de me rendre dans son intimité. J’ai marché vite, ma tête était froide, mon regard était droit. Cependant, maintenant, les nouvelles informations que j’ai en tête me font comprendre combien je suis troublée et anxieuse à l’idée d’affronter cette pièce.

             Personne n’a le droit d’y aller.

             Prenant une profonde inspiration, je marche jusqu’à la porte. Cette fois-ci, je prends la peine de toquer. Seulement aucune réponse ne me vient lorsque je le fais. J’attends de longues minutes avant de recommencer. Mais le silence persiste. Je tente une troisième fois.

— Le silence ça veut dire dégage, grogne sa voix.

             Je lève les yeux au ciel. Ses habitudes de diva commencent à me gonfler sérieusement. Alors, saisissant la poignet, j’entre sans même le prévenir.

— J’entre si je veux. Non mais tu te prends pour q…

             Je me tais en poussant un hoquet écœuré. Plaquant mon avant-bras sur mon nez, je tente de me protéger.

— PUTAIN MAIS T’AS FOUTU QUOI ICI, CA SCHLINGUE BORDEL ! je hurle.

— Je t’avais dit de pas entrer.

             Le fait qu’il ne parte pas au quart de tour et ne hurle pas de mécontentement m’étonne. Ouvrant les yeux, je regarde autour de moi. Il fait très sombre. Tous les rideaux sont tirés et des vapeurs s’élèvent dans les airs. Il me faut quelques battements de paupières pour m’habituer à cette luminosité nouvelle.

             Là, j’aperçois Eren. Assis au bord de son lit, il fume sur un bang, fixant le sol. Ses yeux sont rougis et ses cheveux sont emmêlés. Autour de lui, le sol n’est même plus visible. Un amas de détritus le recouvre. Mouchoirs, vêtements, guitares, bangs — il a l’air de faire collection —, cartons de pizza, cahiers et autres… Cette pièce est une véritable déchèterie.

             Je ne suis pas étonnée qu’il refuse de faire venir des filles ici. Ce doit être compliqué de conclure dans un amas de nourriture en décomposition.

— Putain mais t’es vraiment un porc ! je gueule en voyant cela. Non mais sérieux, c’est quoi ce bordel ?

             Balançant la tête en arrière, il ne répond pas tout de suite. Une dense fumée s’échappe de ses lèvres et l’odeur acre s’intensifie. Il finit pas refaire basculer son visage en avant et, sans me regarder, me répondre.

— Si ça te dérange t’as qu’à nettoyer, grogne-t-il.

— Je t’emmerde. Je t’emmerde mais alors avec un énorme « E », Eren. Va te faire foutre, Eren.

— T’es venue jusque ici pour me dire ça ? Un texto aurait fait l’affaire, fallait pas t’emmerder pour ça, ma belle.

             Je lève les yeux au ciel en entendant ce surnom.

— Non, je suis pas venu pour ça.

— Alors pourquoi ?

             Je viens tout juste de lui hurler dessus, je me sens plutôt stupide. Je ne me vois pas lui dire aussitôt que j’ai appris la vérité sur Rémy. Pas après l’avoir traité de gros dégueulasse.

— Je veux te parler mais je veux pas que tu planes ni qu’on soit entouré de… ça, je lance dans un grognement.

— Oh, serait-ce une déclaration d’amour ? lance-t-il en haussant les sourcils de façon subjectifs.

             Je soupire dans un rire. Secouant la tête, je pouffe :

— T’es vraiment le roi des cons, E…

             Mais je ne termine pas ma phrase. Mon regard s’arrête soudain sur un emballage que je connais bien. L’enveloppe d’un médicament que j’ai déjà vu, auparavant. Le défanyl.
















             Un antidépresseur.










































merci de ne pas vous
moquer de l'état d'eren
du coup les reufs

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