──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟏











L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —























             JE N’AI DE CESSE de changer de tenue. Sur mon lit s’étalent des vêtements, soigneusement disposés pour former une coordination murement réfléchie. Je me suis inspirée de quelques photographies de magazine arrachées çà et là dans des salles d’attente, à l’université.

             Dans une demi-heure, je devrais m’en aller pour prendre à café avec Rémy. Dans une demi-heure, je vais prendre une boisson en tête-à-tête avec une personne absolument charmante.

             Cependant je suis très loin d’être prête. Ma tenue n’est pas choisie. Mon maquillage non plus. Un masque en tissu trône encore sur mon visage tandis que je tournoie autour de mon matelas, ne cessant de déposer des combinaisons de vêtements assortis de bijoux. Je suis terriblement nerveuse.

             Dans mon dos, Noor pianote sur son ordinateur. Elle ne me prête aucune forme d’attention. Il faut dire que nos dernières discussions ne se sont pas forcément bien déroulées. Alors il est logique que nous ne nous adressions plus la parole.

             Mais je le regrette souvent.

             Mon téléphone sonne soudainement. Précipitamment, je le saisis, me demandant s’il s’agit du blond. Mais un soupir de frustration me prend quand je reconnais le nom d’Eren. Je ne sais même pas pourquoi j’ai enregistré le numéro de cet abruti.

— Qu’est-ce que tu veux ? je crache avec animosité.

— Désolé de te déranger, (T/P) ! Mon téléphone n’a plus de batterie et je voulais savoir si tu pouvais me rendre mon lutin avec les preuves sur l’affaires comprenant le harcèlement contre les filles voilées ? Je vois le directeur de département informatique aujourd’hui et j’aimerais le lui remettre, s’il-te-plaît.

             Je m’adoucis aussitôt en reconnaissant la voix de mon ex-petit-ami.

— Armin ! C’est toi ! je souris largement. Bah écoute, j’ai un rendez-vous dans une demi-heure donc ça te dit de passer après ?

— A vrai dire, il me le faudrait pour avant une demi-heure…

             Je me fige. Mes yeux se posent sur mon reflet, dans le miroir de la coiffeuse de Noor. Je suis encore en peignoir, des pantoufles au pied et un masque au tissu sur le visage. Je ne serais jamais prête à temps.

— Quoi ? Si tôt ? Mais je dois me préparer, je…

— (T/P), je suis désolé. Je te le demanderais pas si c’était pas si urgent, me répond-t-il.

— Laisse-moi deviner, elle pète encore les couilles, c’est ça ? retentit une voix, dans le fond.

             Je contracte la mâchoire en reconnaissant son propriétaire.

— Armin ? Tu peux me faire le plaisir de dire à Eren d’aller se faire foutre, s’il-te-plaît ?

— Eren, (T/P) te demande de… Enfin, elle aimerait que tu te taises.

             J’éclate de rire en entendant la reformulation et lève les yeux au ciel.

— Bon, laisse tomber, je t’apportes ça bientôt. Et juste, une dernière chose, s’il-te-plaît, Armin…, je demande, hésitante et sentant mes joues chauffer.

             Non seulement Noor va entendre ce que je m’apprête à dire mais Eren aussi. Je ne suis pas sûre de vouloir m’embarrasser de la sorte mais je suis dos au mur.

— Pour un café au Charlies, tu recommanderais quel genre de tenue ?

— Un café au Charlies ? répète-t-il. Je sais pas, c’est un truc assez guindé, rien que pour un café, il faut une réservation donc…

— (T/P) au Charlies ? s’esclaffe Eren, dans le fond. Il s’investit un peu trop, le Rémy. Elle mérite même pas un menu à emporter sur une aire d’autoroute.

— Tu sais quoi, laisse tomber, Armin. Par contre, dis vraiment à ton pote d’aller se faire foutre.

             Exaspérée, je raccroche et lance mon téléphone sur le lit en soupirant. Mes mains se posent sur mes hanches et je regarde à nouveau mon allure dans le miroir. Je n’aurais jamais le temps de finir mes soins, m’habiller, me maquiller et me parfumer avant de passer voir Armin et me rendre au Charlies.

             Je dois êtes au café dans une heure mais je préfère compter une demi-heure pour le trajet, histoire de ne pas y arriver en retard.

— Prends la combinaison et le manteau beige. Avec des bijoux doré, ça fera très élégant. Mais n’enfiles pas ces escarpins. Tu ne les as jamais mis auparavant et c’est un pari trop risqué avec des talons de cette taille.

             Je me tourne, surprise. Noor pianote encore sur son ordinateur et ne me prête aucun regard. Comme depuis que je suis sortie de la salle de bain. Je pensais qu’elle ne prêtait juste pas attention à ce que je faisais. Il faut croire que j’avais tort.

— Ne te maquilles pas. Ou très peu. Tu n’as pas le temps de recommencer quatorze fois un trait d’eyeliner pas symétrique. Et pas de faux-cils, la colle que t’as achetée te fait des boutons. Un peu de correcteur mais pas de fond de teint, tu n’as jamais su l’unifier et bien le fondre, tu auras des traces de pinceaux partout.

             Je la fixe, atterrée. Elle lève les yeux de son ordinateur et me sourit. Ce geste me réchauffe de l’intérieur. J’avais désespéré de la revoir étirer son visage si doux et accueillant.

— Tu vas être superbe, (T/P).

— Je… Merci.

             M’emparant de la tenue désignée, je fonce en direction de la salle de bain. Ôtant mon masque, je le plie en deux et le pose sur mon cou avant de masser les résidus pour les faire pénétrer ma peau. Puis, retirant ce qu’il se trouve sur ma gorge et le jetant à la poubelle, j’essuie tout avec une serviette propre.

             Enfilant en toute hâte mes vêtements, je termine ensuite mes soins pour le visage avant de déposer quelques touches de correcteur assez clair à côté des ailettes de mon nez, sur mon menton et sur les quatre coins de mes yeux. Tandis que cela repose, j’enfile mes bijoux et saisit mon parfum.

             Quelques gouttes sur le creux de mes bras, derrière mes oreilles puis autour de mon décolleté. Je saisis ensuite un pinceau et étale le maquillage sur mon visage. Une touche de mascara et de blush plus tard, c’est un visage radieux qui me fixe dans le miroir. Je me sens enchantée.

             Noor a toujours su me mettre en valeur. Je suis fin prête pour mon rendez-vous.

             Sortant de la pièce, j’enfile mes chaussures habituelles. Puis, saisissant mon sac à main dans lequel j’ai glissé le lutin violet, je marche en direction de la porte. Légèrement nerveuse, je marque un temps d’arrêt avant de me tourner vers mon amie.

— Noor ? j’appelle.

— Mmmm, répond-t-elle sans lever le nez de son ordinateur.

— Merci.

             Je ne lui laisse pas le temps de réagir et m’en vais. Marchant à toute vitesse dans les couloirs, j’atteins la salle que m’a envoyé Armin par message. M’arrêtant devant cette dernière, je frappe plusieurs coups rapides et secs à la porte.

             Il faut vraiment qu’il se dépêche de venir chercher ce foutu porte-vue. Même si Rémy ne m’a jamais dit que nous serions dans un rendez-vous amoureux, le fait est qu’il a pris une réservation au Charlies alors je compte bien y arriver à l’heure.

— Armin ! Armin ! j’appelles en continuant de frapper, entendant le silence s’éterniser derrière la porte.

— Oui, c’est bon. J’arrive. J’arrive. J’ARRIVE !

             La porte s’ouvre sur le visage d’Eren. Celui-ci semble particulièrement agacé et, à en juger par la vitesse à laquelle son ton est monté quand il a prononcé ses dernières paroles, je me doute que j’en suis la raison.

— Bordel, (T/N), ça te coûterait d’être polie pour une fois dans t…

             Ses paroles meurent dans sa gorge quand ses yeux émeraudes tombent sur mon visage. Puis, ils glissent le long du reste de mon corps jusqu’à mes pieds, inspectant ma tenue élégante. Mon estomac se noue sous son regard inquisiteur.

             Trouve-t-il cela outrancier ? Se moque-t-il de moi intérieurement ? Cela ne devrait pas m’intéresser, de toute façon. Le principal est que Rémy aime, lui.

— Ah ouais, t’as vraiment un rendez-vous amoureux, alors…, lance-t-il d’une voix légèrement éraillée.

— Vas-y, je soupire.

             Il hausse un sourcil, visiblement interloqué. Puis, levant un bras sur lequel il s’appuie dans l’encadrement de la porte, ses bras tatoués se contractant à ce geste, il penche la tête sur le côté.

— Vas-y quoi ? demande-t-il.

— Dis-moi que je suis un laideron, que je suis pas élégante et tout le baratin, histoire qu’on en finisse. Parce que, au cas où ça t’aurait échappé, mon vieux, je suis particulièrement pressée et je n’ai vraiment pas que ça à faire. Alors vas-y, insultes-moi et…

— T’es un peu moins dégueulasse que d’habitude.

             Ses mots me font m’effet d’une claque. J’arrête de parler et lui lance un regard surpris. Il hausse les épaules et jette un regard par-dessus son épaule. Ses paroles m’ont tant prise de court que je ne réagis même pas quand il hurle dans la salle de classe :

— Armin ! Connasse-en-chef est là pour te donner un truc !

             Là-dessus, il tourne les talons. Le blond apparait aussitôt et je lui tends le lutin. Il le saisit, le feuillette et, relevant la tête dans ma direction, lance un :














— Bon rencard. T’es sublime, ma belle.







































             Je suis frigorifiée. Je ne cesse de frotter mes mains en me balançant d’un pied sur l’autre, observant l’extérieur du bâtiment. Le Charlie possède une enseigne particulièrement élégante. Les lettres de son nom sont gravées de dorées sur un fond bleu marine et les larges vitres laissent voir un intérieur de bois conçu dans le style des vieux cafés d’époque.

             Cet endroit est véritablement très chic. Là est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai été si surprise en lisant le message de Rémy m’y invitant. Je ne pensais pas que quiconque — à l’exception de l’héritier et décérébré Eren Jäger — parmi les étudiants de cet établissement pouvait s’offrir une telle somme.

             Cela fait dix minutes que j’attends une réponse de Rémy. Nous sommes censés nous présenter tous les deux au comptoir à l’heure précise de la réservation qui arrivera dans une minute à peine. Je ne peux pas me permettre de demander une table enregistrée à son nom alors qu’il n’est pas là. Je ne sais pas comment cela se passe, dans ce genre d’endroit, mais si jamais ils demandent la carte d’identité de la personne ayant réservé et que je n’ai rien à montrer, j’aurais l’air stupide.

             Grelottant et me balançant d’un pied sur l’autre, j’observe donc la rue, mal à l’aise. Vite. Viens vite, Rémy. S’il-te-plaît.

             Cela doit être un effet de mon imagination mais j’ai l’impression d’être dévisagée par tous les passants de cette rue et je ne le supporte pas bien. Je regarde autour de moi, pas bien à l’aise. Je croise quelques regards et tourne aussitôt la tête, cherchant à les éviter.

— Madame ?

             Je me tourne vers un homme assez développé qui vient de me parler. Il sort du Charlies. Un cordon rejoint son oreille et s’enfonce dans le chemise blanche de son costard.

— Je suis désolé mais vous ne pouvez pas rester comme ça devant notre établissement. Votre présence incommode nos clients. Si vous avez une réservation, vous pouvez vous mettre au chaud sinon, je serais dans l’obligation de vous demander de partir.

             Mon estomac se noue. Je suis embarrassée. Cela incommode les clients ? Les clients se sont plaints de ma présence ? Combien ? Un ? Plusieurs ?

— Désolée, j’ai réservé… Enfin, mon ami a réservé et je l’attends. Il a réservé à son nom donc je sais pas si je peux me rendre à la table si je ne suis pas lui.

— Vous pouvez, madame. Entrez.

             Dans un sourire poli, il m’invite d’un geste de la main à pénétrer le café, ce que je fais. Ma chaleur s’empare aussitôt de moi et je pousse un soupir de soulagement en approchant le comptoir de marbre derrière lequel se trouve une jeune femme qui m’offre un sourire poli.

             La réceptionniste porte une chemise blanche et un pantalon noir disparaissant derrière un tablier. Aucun doute n’est possible. Nous sommes dans un lieu chic, ici.

— Bonjour, madame. Vous avez réservé ?

— Mon ami Rémy André l’a fait. A. N. D. R. E, accent aigue.

             Elle tapote sur sa machine et ses sourcils se froncent.

— Nous n’avons aucune table enregistrée à ce nom, navré.

             Mon estomac se soulève et je regarde autour de moi. Une dame me fixe d’un regard noir, tournant les pages de son journal d’un geste sec. Je parie que c’est elle, qui a envoyé l’agent de sécurité dehors.

— Alors peut-être le mien ?

             Je l’épèle mais cela ne donne rien. Ma gorge s’étrangle et je tente de trouver une solution mais la vieille dame lance, depuis sa table :

— On ne rentre pas au Charlies comme on veut. Cela m’étonnerait qu’avec de tels vêtements, vous ayez de quoi fréquenter le même établissement que ma personne, vêtue de Chanel. Alors je vous prierais de cesser d’incommoder ma vision quand je vois mon café et de vous en a…

— C’EST BON ! JE SUIS LA ! Je suis là !

             Je sursaute presque en tendant cette voix couper celle de la cliente. Un bras s’enroule autour de ma hanche et je hausse les sourcils quand le nouveau venu, qui n’est pas du tout Rémy, dépose un baiser sur mon crâne.

— Désolé de t’avoir fait attendre, lance-t-il.

             Hébétée, je ne réagis pas et il demande à la réceptionniste :














— Désolé, elle a cru que mon assistant avait enregistré la table à son nom. Essayez le mien, s’il-vous-plait : Eren Jäger.




























eren tu fous quoi frérot

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