𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟖𝟓

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬

CH
aucun spoiler

             Silence.

             Emeraude se tenait assise. Appuyée sur sa cuisse gauche dont le genou plié en angle droit la maintenait, elle laissait son autre jambe trainer derrière elle, savourant la sensation des grains de sable s'infiltrant parmi les tissus de ses vêtements ainsi que celle du mollet de Levi frôlant sa hanche.

             Les secondes s'étaient écoulées dans cet espace pourtant hors du temps et un sol similaire à celui d'une plage avait pris forme sous eux, les forçant à s'assoir dessus à mesure qu'il se matérialisait. Et, sans cesser de se faire face, ils tentaient de comprendre ce qu'il se passait autour d'eux.

             L'obscurité dense qui les avait envahis s'était lentement illuminée, révélant une splendide voûte céleste les surplombant. Ils n'avaient eu besoin de lever la tête pour parvenir à la voir, sa cascade sombre s'étendant si loin qu'elle entourait leur champ de vision de da beauté calme. Sur l'ardoise de cette nuit, des millions d'étoiles aux allures de paillettes abandonnées brillaient.

             Par endroit, tels des volutes colorées, ils pouvaient distinguer des amas de lumière entourant certains astres. Des trainées violettes, marrons ou rosées. Une empreinte aussi belle qu'éternelle dans ce tableau qu'ils n'auraient jamais cru avoir la chance de voir. L'étreinte de constellations.

             Au loin, comme l'appel des mondes, une coruscante lueur s'élevait jusqu'aux infinités de cette voie lactée, illuminant avec force l'intégralité des lieux. Lointaine et proche à la fois, cette colonne de lumières évoluait en volutes irrésistibles qui, de par leur simple mouvement, appelait ces deux égarés en cet endroit si particulier.

             La liberté.

             Elle parvenait à n'être à la fois que cela et surtout cela. Sa puissance étincelante les enveloppant malgré cette distance entre eux, elle se présentait aux yeux de ces deux âmes égarées comme l'idéal qu'ils avaient désespéré d'atteindre, le véritable portrait caché derrière les deux ailes brodées en leur dos.

             Ce ciel enveloppé par la nuit projetait ses lueurs mirifiques sur le sable infini autour d'eux. Ces grains, semblant aussi nombreux que les étoiles brillant dans le ciel les entourant, étaient fins et blancs. Glissant sur les jambes en des caresses chaudes, ils procuraient cette sensation de réconfort qui leur avait tant manqué durant leurs sombres années de guerre.

             Et, naturellement, spectateurs d'un spectacle aussi éblouissant qu'apaisant, leur tout premier réflexe quand celui-ci prit forme autour d'eux fut de se tourner l'un vers l'autre, désireux de partager ce nouveau monde ensemble.

             D'un même mouvement, ils reportèrent leur attention sur leurs traits respectifs. Les pupilles de la jeune femme se dilatèrent tandis qu'elles se posaient sur celle, brillante sous ce ciel coloré, de l'homme. Et là, malgré ses bandages multiples et sales, rien qu'en observant la façon qu'avaient ses cils de demeurer stables lorsqu'il la regardait avec intensité, simplement en se délectant de cette iris argentée qui n'avait de cesse de parcourir ses traits, elle sentit ses muscles se détendirent un à un.

             Une douce torpeur vint se propager dans son ventre, s'écartant en volutes dense dans le moindre de ses membres tandis que, le cœur battant à tout rompre, elle le détaillait et il la regardait comme si la peinture qu'elle était ne connaissait pas d'égal. Son sourcil légèrement haussé, ses lèvres fendues entrouvertes de telle sorte qu'une respiration tenue en filait et venait s'écraser sur celles de la jeune femme, il ne parvenait à se détacher d'elle.

             Malgré leurs jambes que l'apparition du sol leur avait forcé à étendre sous eux, ils n'avaient rien changés de leur position. Là, assis sur ce sable fin, à quelques centimètres à peine l'un de l'autre, à l'abris dans leurs auras se complétant pour n'en former qu'une, ils avaient le sentiment d'être enfin rentré à la maison.

             La main droite du caporal enfermait toujours la gauche de la soldate en une poigne ferme mais douce. L'autre, dans un désir de l'enfermer contre lui, s'était placée sur la chute de ses reins où le simple contact de sa paume irradiait une force telle qu'elle s'en sentait frissonner. Finalement, elle pressait sur l'épaule de son vis-à-vis ses cinq doigts libres, apaisant de son toucher délicat cette zone tiraillée.

             Ils étaient là, l'un en face de l'autre. Un ciel mirifique embaumant les lieux de sa lueur qu'il projetait sur eux, l'infinité de ces chauds grains de sable les caressant, leurs mains se pressant sur leurs peaux respectives pour ne faire qu'un et, surtout, leurs yeux mouillés se dévorant chacun avec autant de retenu que de hargne. Oui, ils étaient là.

— Bienvenu dans le chemin, retentit soudain une voix à côté d'eux.

             D'un même geste, ils se tournèrent vers le nouveau venu. Un peu en retrait, il se situait néanmoins entre leur position et celle de cette colonne de lumière aux volutes de la liberté. Mais la puissance de cette dernière était telle que, malgré ses larges épaules, Armin ne put la dissimuler à leur vue.

             Un peu surprise, Emeraude détailla quelques instants le garçon vers qui elle n'avait jamais vraiment pris le temps de se tourner et constata que, sous ses cheveux d'or coupés à la manière du caporal, ses deux yeux bleu océan surplombaient de hautes pommettes. Ces dernières étaient striées de nervures rougeâtres qui lui étaient familières. Il s'agissait du vestige que la transformation en titan laissait sur le corps des propriétaires de Primordiaux.

             Derrière lui, une autre silhouette attira l'attention de la jeune femme ainsi que de l'homme à ses côtés. Fine et grande, elle provoqua néanmoins un froncement de sourcil chez Emeraude qui, de loin, n'identifia que certains détails de cette personne et se surprit à les trouver familier.

             Sous une robe blanche, large et simple, on distinguait le corps d'une femme rudement entrainée, ses muscles développés apparaissant nettement. Dépassant du col rond du vêtement, un grand cou se terminait en un visage ovale où, inquisiteurs, deux yeux verts en amande intensifiés par de fins sourcils surplombaient une pluie de tâche de rousseur.

Emeraude se redressa quelque peu sans rompre son contact physique avec Levi. Elle était sûre de connaitre cette jeune femme. Plus particulièrement son nez retroussé et ses fins cheveux bruns coupés en carré.

Et ce fut le caporal qui balaya d'un mot les questionnements de la soldate. Deux syllabes. Simples.

— Ymir ? appela-t-il simplement.

             Là, comme s'il n'avait suffi que de la voix du noiraud pour qu'elle en débloque des souvenirs enfouis, Emeraude écarquilla les yeux. Quatre ans auparavant, alors qu'Eren venait tout juste de rejoindre les bataillons, ses amis de la 104ème brigade d'entrainement en avaient fait autant. Dont cette femme.

             Plus tard, lorsqu'elle travaillait au bar, les oreilles trainantes de Bosuard l'avaient informé de la véritable nature de la brune. Elle était un titan. Non pas un proche des mahrs alors infiltrés —Reiner, Bertholt, Annie— mais tout de même l'un de ces monstres. Elle avait manifesté sa véritable nature au cours du combat où Nanaba avait péri.

             Ce fut à cette précise pensée que la phrase de bienvenu d'Armin lui revint. Comme une claque. Levi et elle, des humains —quoique peu banals— se trouvaient sur le Chemin, le point de rencontre des titans ayant vécu et qui vivraient plus tard. Cela n'avait pas de sens. Leur place n'était pas ici. D'ailleurs, ils s'étaient éclipsés sans voir la fin des combats.

             Que s'était-il passé ?

             Le blond dut deviner ses questionnements intérieurs car, haussant son visage nervuré en sa direction, il ouvrit la bouche.

— Nous aurons l'occasion d'identifier la raison pour laquelle tu es si étroitement liée à l'au-delà, Emeraude, commença-t-il. Mais aujourd'hui, nous allons tâcher d'exploiter ce même lien afin de réparer nos erreurs.

             Elle ne put réprimer un froncement de sourcils que Levi, ne l'ayant pas lâchée une seule seconde physiquement mais consacrant son attention visuelle aux nouveaux venus, imita. De quoi parlait-il ?

— Je t'ai appelée ici car, à l'heure actuelle, tu es bien la seule à pouvoir nous aider, expliqua-t-il simplement. Mais ton lien physique et émotionnel à Levi semble avoir pris le pas sur le fait que je n'avais ouvert l'accès au Chemin qu'à toi et toi seule. Voilà pourquoi il est avec nous.

             La jeune femme sentit soudainement ses joues cuir tandis qu'un mouvement à sa gauche indiquait que le caporal venait de se tourner en sa direction. Et, en sentant ses hématites chauffer ses tempes à mesure qu'il regardait son profil, elle déglutit péniblement.

             En de brefs mots, Armin venait d'expliquer qu'elle était tant attachée à l'homme qu'elle n'avait pas été fichue de se déplacer hors du temps sans le laisser dans le monde que tous connaissaient. Un frisson d'embarras la prit tandis que, de son côté, le noiraud sentait son cœur battre avec bien plus d'intensité.

             Elle fit mine de l'ignorer. Le blond poursuivit ses explications tandis qu'Ymir demeurait silencieusement en retrait. Mais elle sentait que la femme allait jouer un rôle important dans ce qu'ils s'apprêtaient à faire.

— Ecoute-moi bien, Emeraude.

             Elle se figea à ce ton si sérieux. Les mots qu'ils s'apprêtaient à prononcer, et elle pouvait le sentir à la soudaine stabilité de sa voix d'ordinaire fluette, changeraient à jamais le monde tel qu'ils le connaissaient.

— Tu vas devoir faire ce choix.

             Sa salive passa difficilement dans sa gorge mais elle ne s'en préoccupa point, ses oreilles ayant sifflé à ces mots. Un choix. Il avait déjà prononcé ce mot lorsqu'elle avait été projetée dans la Passerelle. Et elle ne sentait que maintenant son importance.

             Car, même sans qu'il ne le dise, elle avait compris que l'avenir de tous se jouerait en celui-ci.

— Ici, les années s'écoulent au rythme des secondes sur terre. Au moment exact où je vous parle, vos deux corps sont encore en plein mouvement dans les airs. Mais le monde tel que la guerre l'a laissé est bien trop endommagé pour que je ne t'explique pas la possibilité qu'il nous reste.

             Levi et elle l'encouragèrent à poursuivre d'un mouvement de tête tandis que leurs mains s'affirmaient sur les corps de l'autre, cherchant à se rassurer mutuellement face au ton grave que prenait la voix du blond.

             Et, levant ses yeux où se reflétait la voie lactée en direction de celle-ci, il poursuivit. Annonçant son projet la tête haute, sachant pertinemment l'enjeu que représentait celui-ci. Mais il se devait de le faire.

— Je peux remonter le Chemin, dit-il simplement dans un premier temps. Moi, détenteur du titan colossal, je peux marcher jusqu'à retrouver Ymir sous la forme du titan ayant erré pendant près de cinquante années.

             Toutes les têtes se tournèrent vers la brune qui demeura impassible, montrant par son simple manque de réaction qu'elle approuvait ce plan.

— Vous ne le savez peut-être pas mais, transformée plus jeune en titan, elle a conservé cette forme durant un demi-siècle avant que son chemin ne croise les soldats mahrs envoyés à Paradis. Ils étaient à l'époque quatre : Reiner, le Cuirassé, Annie, le Féminin, Bertholt, le Colossal, Marcel, le Mâchoire.

             Il baissa de nouveau les yeux en leur direction, détaillant rapidement leurs traits détendus et sourcils haussés tandis qu'ils buvaient ses paroles.

— Ayant mangé le Mâchoire, Ymir a repris forme humaine de cette façon. Mais, si je retourne à cette période d'errance et lui confie le titan colossal avant cela, l'histoire en sera entièrement bouleversée. Et, même si un tel procédé me pose problème du point de vue des anomalies que cela créera sans doute, je pense qu'il s'agit de la meilleure solution à ce jour.

             Mais Levi et Emeraude n'eurent pas de réactions particulières. Bien sûr, ils sentaient que ses dires étaient importants et cruciaux. Seulement ils devaient admettre que les paroles d'Armin ne ressemblaient ni plus ni moins à leurs oreilles qu'à une musique incompréhensible.

             Le blond dut le deviner en voyant leurs expressions figées car il détailla ses pensées, entamant la partie la plus intéressante de l'histoire.

— Le Colossal n'étant plus aux mains des mahrs mais d'Ymir, la mission visant à casser le mur Maria se verra de toute façon repousser. Il ne se sera pas effondré, les morts de ce jour-là n'existeront plus ainsi que tous ceux ayant suivi.

             Aussitôt, le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine et une intense vague de sueurs la prit. Levi la sentit se tendre vivement à ses côtés mais lui, étrangement, ne se redressa pas brutalement sur ses genoux comme elle venait de le faire. Non, il garda les yeux rivés sur le sol.

             La jeune femme laissa un large sourire étirer ses lèvres tandis qu'elle prenait conscience de ce que tout cela signifiait. Sans Bertholt et son Colossal pour casser le mur, les mahrs seraient intervenus bien plus tard et de façon bien moins efficace, le massacre de Shiganshina n'aurait jamais eu lieu ainsi que tous ce qui s'en était suivi.

             Une larme de joie courut le long de sa joue qu'elle ignora, bouleversée par ce plan. Ses battements de cœur irradiaient leur force dans son corps à mesure qu'elle prenait conscience de ce que cela signifiait. Si Ymir prenait possession du titan colossal, les changements seraient nombreux. Et, le temps que les mahrs mènent leur mission afin de briser le mur, ils pourraient le passer à se préparer à l'assaut.

             Ses yeux s'écarquillèrent. Ses lèvres remuèrent faiblement.

— Edward. Gunther. Auruo. Petra. Erd. Nanaba. Mike. Erwin. Hanji. Jean. Conny. Sacha. Marco...

             Sa voix se perdit. Les noms étaient si nombreux qu'elle ne pourrait pas tous les énumérer. Mais le plus important résidait en ce qu'elle déclara d'une voix traversée par la joie en se tournant vivement vers Levi.

— Ils seront tous vivants ! éclata-t-elle en se positionnant face à lui.

             Mais, son unique œil tourné vers le sable, il ne la regardait pas. Et elle sentit peu à peu la prise sur son corps se défaire. Comme s'il ne parvenait plus à établir de contact avec elle. Une ombre passa sur son visage.

             Sans daigner lui lancer un seul coup d'œil, il ajouta d'une voix visiblement étranglée.

— Nous ne nous serons jamais connus.

             Elle se raidit. Leur rencontre ainsi que le développement de leur relation avaient été en priorité basés sur la mort d'Edward. Mais, dans un monde où le massacre de Shiganshina n'aurait pas encore eu lieu, le blond serait encore vivant et rien ne justifierait qu'ils se lient l'un à l'autre.

             Un spasme la prit tandis qu'elle laissait ses prunelles détailler les traits assombris de l'homme. L'idée de la perdre semblait davantage l'affecter que celle de retrouver ceux perdus. Un étrange sentiment, entre douleur et confort, la prit.

             Jamais il ne le dirait à haute voix. Mais cette simple remarque qu'avait fait Levi venait de lui montrer qu'il l'aimait. Une dense chaleur la prit tandis que des larmes imbibaient ses yeux. Cet amour la soignait autant qu'il la détruisait.

             Car il disparaitrait bientôt, d'une façon ou d'une autre. Que ce soit parce que l'un d'eux serait emporté par les irréversibles blessures de la guerre ou à cause du plan d'Armin impliquant qu'ils ne retrouvent peut-être jamais, l'histoire si forte qu'ils avaient construite, ces dernières années, semblait vouée à mourir.

             Un spasme la prit. Il avait ôté ses mains de son corps et ne la regardait toujours pas. Son cœur se serra. Qu'était-il arrivé au guerrier froid et dénué d'intérêt pour elle qu'elle avait toujours cru connaitre ? Et pourquoi désespérait-elle maintenant de le revoir alors que la certitude que ses sentiments soient réciproques aurait dû la combler ?

             Peut-être parce qu'elle préférait qu'il n'éprouve rien pour elle dans la joie plutôt qu'il l'aime à s'en voir douloureusement meurtri par une nouvelle qui aurait dû lui arracher multiples cris de joie.

             Levant une main tremblante en sa direction, elle saisit délicatement son menton du bout de ses doigts. Alors qu'elle redressait légèrement celui-ci en sa direction pour le forcer à la regarder, la pupille de l'homme se dilata, engloutissant son iris et son cœur se mit à courir dans sa poitrine.

             Jamais elle ne l'avait touché ainsi.

             Et là, sentant la caresse de ses cinq doigts sur son menton dénudé, se délectant de ses entrailles qui se soulevaient à ce simple geste, s'abandonnant dans les prunelles infinies de son vis-à-vis, il eut un élan d'espoir. Oui. Une étincelle brillante qui vint animer son unique œil tandis qu'elle esquissait un faible sourire.

             Car là, en cet instant précis, en observant ces traits qui avaient pris pour habitude d'hanter ses rêves, en se perdant dans la couleur infinie de ses iris, en écoutant la musique si paisible de sa respiration, il comprit.

             Dans cette vie-là ou une autre, il lui serait impossible de ne pas aimer cette femme.

             Et, comme si elle avait deviné ses pensées, elle laissa ses yeux se plisser à mesure que ses croissants de chair se haussaient et déclara tout simplement :

— Je t'ai fait une promesse. Nous rentrerons ensemble à la maison, ou nous ne rentrerons pas.

             Une larme coula le long de sa joue mais son sourire n'avait pas diminué, au contraire. Et il se perdit davantage dans ses prunelles, savourant le contact de ses doigts délicats sur la peau de son menton, caressant au passage le coin de ses lèvres en lui arrachant un frisson.

— Alors n'espère pas une seule seconde pouvoir te débarrasser de moi sous prétexte d'une autre vie, lâcha-t-elle dans un pouffement au travers d'une autre larme.

             Le pouce remonta du coin de sa lèvre jusqu'à la cicatrice la fendant, provoquant mille frissons sur ses croissants de chair.

— Le monde libre sera notre maison.

             Il sentit une caresse prolongée et mouillée le long de sa joue. Lui aussi, venait de laisser échapper une larme.

— Alors, plus sincèrement que jamais je te le dis : on rentrera ensemble ou on ne rentrera pas.

             Son cœur fit un bond dans sa poitrine tandis que la douce chaleur de l'alacrité le prenait, réconfortante. Il ne doutait pas d'elle. Pas une seule seconde. Alors, si elle lui affirmait qu'ils parviendraient à se retrouver dans cette autre vie, il ne pouvait que la croire. Surtout qu'ils savaient que son attachement à elle était si profond qu'une partie de lui, même là-bas, la chercherait comme sa moitié perdue.

             Et c'était ce qu'elle était, finalement.

             Un soupir le prit et, admirant la beauté de ce visage dont il ne se souviendrait bientôt plus, se noyant une dernière fois dans ses profondes prunelles qui enfermaient tant de souvenirs qui ne tarderaient pas à disparaitre, il acquiesça. Un simple hochement de tête rapide tandis qu'elle n'avait quitté ses doigts de son menton et ses lèvres. Une libération. Il acceptait.

             Le cœur léger, elle laissa alors son pouce s'égarer plus longuement sur ses douces lippes et son sourire s'agrandir à mesure que les larmes se faisaient plus nombreuses sur ses joues. Cette décision était aussi douloureuse qu'apaisante mais elle demeurait leur meilleure option.

             Alors elle s'en irait bientôt, cachant au plus profond d'elle-même son désir de retrouver cette âme qui lui serait à jamais liée.

             Armin, qui s'était jusque-là tu, compris la résignation de Levi. Et, malgré son embarras à l'idée de s'introduire dans la pureté de ce moment, il reprit tout de même la parole après un raclement de gorge. Se faisant, ses yeux ne quittèrent pas le regard profondément amoureux que s'échangeaient cette âme semblant scindée en deux corps.

— Cette décision ne sera pas sans inconvénients, Emeraude.

             Tous deux se tournèrent vers lui mais elle garda sa main ancrée sur le visage du noiraud. Après avoir déglutit péniblement face à l'intensité des prunelles des deux figures si fortes qu'il avait sous les yeux, il reprit.

— Je serais, par mon action, le lien de ce nouveau monde à l'ancien. Et, même si la vie que vous avez vécu n'aura jamais existé, j'aurais parfaitement conscience de tout ce qu'il s'est passé, contrairement à vous. Mais le prix d'un tel procédé est que je resterai enfermé dans le chemin.

             Emeraude écarquilla les yeux. Avait-elle bien entendu ? Armin, dans cette prochaine vie, ne serait pas à leurs côtés ? Son sang se figea dans ses veines et elle ne pût s'empêcher de se sentir éblouie par la figure droite de l'homme qui venait d'annoncer sans sourciller qu'il se sacrifierait en se condamnant à perpétuité dans ce lieu afin de leur laisser l'opportunité de recommencer ce qu'ils avaient échoué.

             Un sourire étira les lèvres de la jeune femme. Elle savait que le blond s'était longuement senti coupable que sa vie ait été choisie en priorité sur celle d'Erwin. Et, longtemps, il s'était demandé s'il avait mérité ce choix.

             Mais la vérité était qu'elle savait qu'Erwin lui-même aurait approuvé leurs actions. Car, au bout du compte, le poste de major sciait parfaitement au blond. Il était leur guide, leur sauveur.

             Et ce fut pour cette exacte raison que le sourire admiratif de la jeune femme laissa place à un autre, plus enfantin. Petit, je n'en dis rien pour l'instant afin d'éviter un de tes sermons, songea-t-elle, mais si tu crois sérieusement que je n'irais pas te chercher ici par la peau du cul pour te ramener chez nous, tu te trompes fortement.

             Ignorant les pensées qu'avait actuellement la jeune femme, il poursuivit de son ton calme et sérieux.

— Si je t'en parle à toi en priorité, c'est parce que ton lien si intime entre les mondes m'aidera à me servir de toi comme passerelle. Je te guiderai afin qu'on ne refasse pas les mêmes erreurs, je serais ton sixième sens. Mais ce sera loin d'être agréable.

             Emeraude, sans s'en rendre, compte, avait progressivement laissé sa main quitter le menton de Levi en se concentrant sur les mots d'Armin. Et le noiraud frissonna en lui jetant un rapide coup d'œil.

— Je sais que ton instinct t'agace déjà mais il sera encore plus présent. Parfois à un point tel que tu penseras nager dans la folie. Mais, même si tu ne te souviendras pas des mots que je te dis, je veux que tu saches maintenant que je ne te laisserais pas tomber et continuerait à te guider afin qu'on ne fasse plus les mêmes erreurs. Car le mur Maria va forcément chuter un jour et tu devras compter sur moi.

             Elle sourit faiblement. Cette dernière phrase lui avait mis du baume au cœur. Et, comme s'il ne lui avait fallu que ce rictus pour savoir que le moment était venu, Armin se tourna soudain vers Ymir qui acquiesça.

             Ils accordèrent un dernier regard au couple accompagné d'un hochement de tête entendu.

— Nous allons remonter le Chemin jusqu'à ce moment. Cela vous laisse le temps de vous dire au revoir.

             Le blond, à ces mots, se prépara à leur montrer le dos. Mais Emeraude le retint. D'un simple mot, elle le fit s'arrêter quelques secondes.

— Merci.

             La bouche légèrement ouverte à cause de la surprise, il la ferma bientôt en un sourire entendu. Puis, acquiesçant une toute dernière fois, il s'en alla rejoindre Ymir sous les yeux admiratifs des deux soldats assis sur le sol. Celle-ci attendit qu'il parvienne à sa hauteur avant de se mettre en marche, lui emboitant le pas.

             Levi et Emeraude les suivirent du regard quelques instants, détaillant leurs sauveurs s'enfoncer dans l'abîme éthérée du chemin, laissant à jamais dans ce sable fin les empreintes de leur pas. Une marche vers un renouveau. Un espoir.

             Puis, il se tournèrent l'un vers l'autre.

             Leurs yeux se croisèrent. Un frisson les prit. Combien de secondes, d'années les séparaient-elles d'un autre de ces contacts visuels qu'ils aimaient tant ? Quand pouvaient-ils espérer se perdre à nouveau dans les profondeurs de leurs iris ?

             Les mains d'Emeraude se levèrent en tremblotant, il les regarda remonter jusqu'à son visage et un frisson le prit quand il sentit la pulpe de ses doigts presser sa chair au travers de ses bandages. Et, avec un froncement de sourcils, il sentit ceux-là se détacher de sa peau.

             Son cœur battit avec plus d'intensité à mesure que, regardant attentivement les traits concentrés et doux de celle qu'il aimait, il voyait les bandes de tissu s'écarter de sa peau et sentait la température paisible du chemin caresser ces zones meurtries.

— Je veux juste te voir une dernière fois, murmura-t-elle d'une voix étranglée par l'émotion.

             A l'instant même où elle déclara ces mots, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Son visage à présent dénudé venait de sourire. Son menton semblant avoir été taillé dans du marbre était légèrement haussé en sa direction tandis que ses lèvres fendues s'incurvaient doucement. Remontant cette cicatrice fine qui longeait son nez droit, elle tomba sur son œil fermé voisinant l'iris brûlante qui la couvait.

             Un frisson la prit. Caché sous ses bandages, il avait su lui faire oublier combien il était attirant. Mais là, tandis qu'elle se sentait fondre sous son regard incandescent, qu'elle plaçait timidement ses mains sur ses joues et sentait la douceur de sa peau irradier une intense chaleur sur ses paumes, elle se remémorait. Sous ses cheveux noirs tombant en une pluie fine, l'iris argentée ne l'avait pas quittée.

             Malgré l'infériorité numérique de ses yeux, la persistance de sa pupille et son intensité fut telle que le cœur de la jeune femme manqua de lâcher tant la délicieuse caresse qu'était son regard sur sa peau la projetait dans un état second. Et, tout en se perdant sous cette prunelle profonde, elle se sentit frissonner à mesure que ses mains caressaient les joues de l'homme.

             La chaleur avait monté d'un cran. Une vague de chaleur s'abattit soudainement sur son corps déjà tremblant. Il venait de se saisir de son visage. Sa grande main posée sur sa nuque, son pouce caressait sa mâchoire tandis que ses quatre autres doigts irradiant leur intense brûlure pressaient sa nuque. Elle frissonna.

             Ses yeux descendirent sur ses lèvres, ne pouvant se contenir davantage. Celles-ci, légèrement, entrouvertes, semblaient l'appeler. Sa respiration se fit plus courte. Son visage se rapprocha de celui de son vis-à-vis. Ses battements de cœur accélérèrent.

             Naturellement, elle ferma les yeux. Et, plongée dans cet état de cécité, à une poignée de millimètres seulement de ce souffle s'échouant en volutes incandescente sur ses lippes, abandonnée à son délicieux toucher, elle l'entendit faiblement murmurer :

— A tout de suite, mon amour.










             Et là, dans un dernier geste appartenant à une vie s'effaçant déjà, il écrasa doucement ses lèvres sur les siennes.



bon.

étant donné qu'Isayama a pour projet "d'ouvrir un spa avec nos larmes" voyez en cette fanfiction une thérapie gratuite

avant de poursuivre, je me sens obligée de le demander parce que je ne suis parfois pas claire, avez-vous compris ce qui s'est passé ?

si oui, comment pensez-vous que la suite des événements va se dérouler ?

sinon !

je me suis servie de picrew pour tenter de vous montrer comment je me représente les personnages.

dan :

bosuard :

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