𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕𝟔
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S04E16
aucun spoiler
Douleur. Tout n'était que douleur.
Lorsqu'Emeraude revint à la réalité, ce ne fut qu'en battant de nombreuses fois des paupières. Filtrant entre ses cils tout en l'aveuglant, la lumière du dehors lui brûla la rétine. Mais elle continua de cligner des yeux, mue par le désir de voir s'il s'en était sorti.
Même s'il lui fallut quelques secondes pour se souvenir de ce qui l'avait mené dans une si grande souffrance corporelle, pas un instant elle ne se demanda pas où se trouvait Levi et s'il allait bien. A vrai dire, cela était devenu comme une habitude pour elle du temps où elle était l'otage de Teyber. Elle n'était restée en vie que dans l'espoir de la retrouver. Alors, à chaque fois qu'elle se réveillait, la même question lui venait.
Soudain, elle se rappela. Ses mains devenues moites, sa langue engourdie et son esprit brumeux. Un battement de cœur raté. Une réalisation. Ses jambes courant jusqu'au caporal. Celui-ci, inerte, qui la regardait progresser au loin. La distance entre elle et le missile se faisant moindre. L'explosion.
Elle ne savait combien de temps elle était restée inconsciente. Quoi qu'il en soit, un acouphène désagréable lui transperçait maintenant les oreilles et elle ne pouvait quasiment faire aucun geste. Comme paralysée.
Elle le sentait à la pression du sol sur son torse, elle était allongée sur le ventre. Ses bras étendus devant elle, comme si elle avait tenté d'attraper un objet au loin durant sa chute. Peut-être de l'espoir. Car, tandis qu'elle ne pouvait que se demander comment allait le caporal suite à cet incident, l'espoir était ce dont elle avait cruellement besoin.
Finalement, elle parvint à ouvrir les yeux. Ses pupilles habituées à la lumière du jour, elle put enfin discerner certains détails autour d'elle. Mais, ne pouvant bouger le moindre de ses membres, elle dut se contenter du paysage s'offrant juste devant ses yeux.
Au loin, elle discernait les arbres de la forêt. Mais cette dernière ne commençait qu'à une cinquantaine de mètres environ. Jusqu'à sa lisière, tout n'était qu'herbe humide et touffue. Une verdure étincelante. Enfin, jusqu'à ce qu'on arrive à sa position où les plantes se voyaient tâcher d'une couleur plus vive. Ecarlate.
Ses bras tendus devant elle étaient maculés de sang. Tellement abondamment qu'elle ne put voir où la coupure se situait exactement. Un liquide chaud coulant le long de son front, couvrant celui-ci et s'arrêtant sur ses tempes. Peut-être était-ce de la sueur, sans doute était-ce de l'hémoglobine. Elle ne savait pas.
Là, allongée sur le ventre et incapable de bouger, elle réalisa soudainement que ses blessures étaient bien trop graves. Elle sentait les brins d'herbe et bout de terre chatouiller son menton mais ne pouvait bouger celui-ci. A vrai dire, dans tout son corps, seuls ses globes oculaires demeuraient réactifs. Et ils s'agitaient à une vitesse démesurée.
Il fallait qu'elle le voie. Oui. Sa seule priorité n'était pas son esprit embrumé, la douleur lancinante dans ses jambes ou même son état de paralysie avancée. Non. Il lui fallait être certaine de l'état du caporal.
Soudain, à l'instant même où ses yeux se posèrent sur sa droite, loin de Levi qu'elle devinait derrière le ruisseau à sa gauche, son cœur rata un battement. Là, juste à côté d'elle, peut-être à un pas de son visage, se trouvait une paire de chaussure. Les orteils de son propriétaire étaient rivés en sa direction, signe qu'il la regardait.
Elle ne perdit pas un instant. S'arrachant un spasme douloureux particulièrement intense, elle redressa vivement la tête. Sans qu'elle ne puisse le contrôler, des larmes s'échappèrent automatiquement de ses yeux à ce mouvement. La souffrance qu'elle avait ressenti à ce simple geste était telle qu'elle devina que ses cervicales avaient subi un coup.
Mais là n'était pas le plus important.
— Là-bas, il y a un homme...
Si elle eut la sensation d'hurler, que ses poumons la brulèrent tant elle consacrait de souffle à ses mots, elle n'entendit filer d'entre ses lèvres qu'un faible murmure. La personne à côté d'elle pouvait l'aider, elle le savait, mais elle se trouvait trop loin de sa bouche pour entendre sa supplication à une telle tonalité.
Alors, écarquillant les yeux, elle tourna vivement la tête en direction de l'homme. Sans doute le besoin de sauver le caporal était-il si grand chez elle qu'elle était parvenue à surpasser son état de léthargie. Quoi qu'il en soit, son mouvement provoqua un claquement sinistre sous son crâne qui ébranla l'intégralité de ses os, provoquant en elle un large frémissement de douleur.
— Je vous en supplie, allez le...
Mais sa voix n'était pas plus forte et un battement de cœur particulièrement violent la prit lorsqu'elle réalisa que l'homme à ses côtés ne l'avait pas entendue. Seulement, s'il continuait de ne rien percevoir de ses supplications, jamais il n'aurait le temps de trouver le caporal et le soigner. Et celui-ci risquerait donc de ne pas survivre à ses blessures.
A cette pensée, un hoquet la prit. Ce geste secoua son corps et elle sentit soudainement chaque os brisé de celui-ci, comme si l'explosion avait broyé la majeure partie de ses membres. Mais elle n'eut même pas le temps de songer au fait qu'elle était peut-être paralysée qu'un sanglot vint éclater dans sa gorge.
— Levi... Il s'appelle Levi... Levi Ackerman...
Douleur. Tout n'était que douleur. Ses bras ensanglantés n'avaient pas bougé de devant elle mais sa tête, dans des spasmes effroyablement intenses, s'était mue pour regarder mieux les bottes de l'homme. Celui-ci n'avait pas bougé.
Une autre larme coula sur sa joue. Il fallait qu'il aille aider le noiraud. De toute urgence. Chaque seconde s'écoulant rapprochait l'homme des portes de la mort.
— Laissez-moi ici, laissa-t-elle filer dans un autre sanglot qui lui arrachant un frisson de douleur, c'est lui qui doit être sauver.
Les bottes ne bougèrent point. Et elle était tellement obnubilée par cette paire de chaussure noire devant ses yeux qu'elle ne remarqua pas qu'une cinquantaine d'autres souliers identiques se trouvaient derrière le garçon, quelques dizaines de mètres en retrait. Comme une armée.
Non. Elle ne le réalisa pas. Car la seule chose à laquelle elle fut capable de penser était qu'à cause d'elle, comme elle ne parlait pas assez fort, son ami était actuellement en train de souffrir atrocement.
Un autre hoquet. Un nouveau spasme de douleur.
— Cassez-vous, pleura-t-elle plus bruyamment cette fois-ci.
Soudain, comme s'il ne lui avait fallut que ça, un désespoir total, une peur panique de perdre l'être qu'elle avait de plus cher, un sentiment de solitude intense qui ne cessait de croitre, une dense chaleur la prit. Mais elle n'avait rien de douloureux ou réconfortant. Ce n'était ni la colère ou même le réconfort.
Non. Il s'agissait d'une force nouvelle venue d'ailleurs. Tout simplement. Quelque chose né en elle lorsqu'elle en avait le plus besoin.
Alors, lorsqu'elle ouvrit de nouveau la bouche, ses paroles se firent bien plus sonores. A vrai dire, ses mots sortirent en un cri assourdissant qui déchira le calme alentour. Un hurlement de désespoir.
— LAISSEZ-MOI MOURIR ET SAUVEZ-LE.
Ces mots, elle les avait prononcés avec tant de force que sa gorge la chatouilla par la suite. Mais là n'était pas le plus important. Elle savait que l'inconnu l'avait entendue. Oui. Il ne pouvait pas en être autrement.
Et, en effet, les bottes s'agitèrent soudainement. Enfin. Mais elles ne quittèrent pas le champ de vision de la jeune femme, au grand damne de cette dernière qui sentit un vide se creuser en elle et de nouvelles larmes couler sur sa joue. Mais qu'attend-t-il, à la fin ? se demanda-t-elle, percée par le désespoir.
Elle vit les talons des souliers se soulever légèrement de terre à mesure que les jambes auxquels ils étaient rattachés se pliaient. L'inconnu venait de s'accroupir devant elle, lui laissant voir le pantalon beige qu'il portait. Un bas qu'elle aurait reconnu entre mille. Il s'agissait d'un élément de l'ancien uniforme des bataillons d'exploration.
La jeune femme se raidit. A son exception, plus personne ne portait cet accoutrement. Un frisson la parcourut. Quelque chose n'allait pas dans cette situation. Elle le sentait.
Soudain, coupant court à ses réflexions, une pression vint s'exercer sur son crâne. Chaude et réconfortante, il s'agissait ni plus ni moins que d'une main la caressant légèrement en ces temps durs. Un geste doux et affectueux qu'elle n'avait pas ressenti depuis tant d'années qu'elle en avait oublié les bienfaits.
Malgré la douleur, un faible rictus étira soudainement ses lèvres. Avec autant de douceur que de lenteur, cet inconnu venait d'établir un contact avec elle. Un contact si chaud qu'elle en oublia presque les souffrances irradiant le moindre de ses muscles.
— Ne t'en fais pas pour lui, résonna une douce voix. Hanji l'a emmené il y a un peu plus d'une heure. Comme tu étais loin, elle ne t'a pas vue. Et Levi était inconscient donc il n'a pas pu la prévenir de ta présence. Mais elle s'occupe de lui maintenant.
La pression sur son crâne redoubla d'intensité. Et, comme si la main de l'homme était dotée de pouvoir, elle sentit peu à peu chacun de ses maux s'envoler. Sa tête devint plus légère, ses jambes moins lourdes et chacune de ses respirations ne lui arracha plus de spasmes douloureux secouant l'intégralité de son corps. Elle commençait à aller mieux.
Comme s'il ne lui avait fallut que cette nouvelle pour lâcher prise.
Mais là ne fut pas ce qui retint son attention. Non. Malgré le soulagement qu'elle ressenti à ses mots, la seule chose qui la poussa soudainement à poser ses paumes contre le sol et s'appuyer dessus pour se redresser fut la voix qu'elle venait d'entendre. Elle savait de qui il s'agissait.
A sa grande surprise, pas une once de souffrance ne la parcourut lorsqu'elle se remit dans une position assise. A vrai dire, elle ne sentit rien. Ni le sol sous ses paumes, ni son dos se tordant à mesure qu'elle se redressait ni même les muscles de son cou quand elle se tourna vers son interlocuteur.
Mais tout cela, elle n'y songea pas une seule seconde quand ses yeux tombèrent sur la figure si douce de l'homme. Il n'avait pas ôté sa large main de son crâne, continuant de la presser de façon affective. Et ça, elle le sentait nettement.
Ses yeux s'écarquillèrent soudain lorsqu'elle remarqua le nombre de personnes situées derrière l'homme. Tous étaient habillés de l'exact même façon : l'ancien uniforme des bataillons. Et une larme d'émotion coula sur sa joue lorsqu'elle reconnut certains visages familiers dans la foule.
Ils la regardaient. Le menton droit et les yeux fiers, tous posaient leurs yeux en sa direction, attendant certainement que l'homme à ses côtés finisse de lui parler. Et elle comprit pourquoi.
Soudain, cela la frappa comme une évidence. La douleur qui s'était effacée lorsqu'il l'avait touchée, cette voix qu'elle n'aurait jamais dû entendre à l'ordinaire, la foule amassée derrière eux dans cette clairière vide et, surtout, la facilité avec laquelle elle s'était redressée suite à ses blessures.
Tournant la tête vers la gauche, elle attarda ses yeux sur le sol. Et ses doutes se virent confirmer, lui arrachant une course frénétique de son organe vitale.
En dessous d'elle, allongée sur le sol inerte, son corps se trouvait. Elle s'était redressée, soit, mais son enveloppe corporelle demeurait. Ses yeux clos encadrés de traits tirés en une moue douloureuse, on voyait qu'elle avait souffert horriblement jusque dans ses derniers instants.
Elle se raidit. Avait-elle bien compris ?
Alors, comme pour confirmer ses soupçons, la pression sur son crâne augmenta quelque peu, la forçant doucement à tourner la tête vers le garçon devant elle. En se faisant, elle put voir ces visages d'antan qui derrière lui, la regardaient toujours. Mais elle reporta vite son attention sur ce visage doux qui lui avait tant manqué.
Et celui-ci ouvrit soudain les lèvres, laissant filer dans un sourire réconfortant ces mots :
— Ça fait plaisir de te revoir, petite sœur.
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encore une grand merci pour les 1k votes ! vous êtes adorables !!!!
sinon, pour en revenir à ce chapitre, vous avez l'explication de la fameuse phrase du chapitre 69 :
« Mes amis (sous entendu les martyrs), nous allons nous revoir bientôt. »
que va-t-il se passer, à votre avis ?
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