𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕𝟒


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬





S04E14
aucun spoiler





             Le silence s'était fait. Assourdissant. Parmi les hauts arbres où, jadis, l'ancienne escouade du caporal avait connu la mort, plus aucun bruit ne subsistait. Le cœur battant, Emeraude comprenait peu à peu pourquoi.

             Quelques secondes auparavant, alors que sa langue s'engourdissait et ses mains se faisaient moites, ses lèvres avaient laissé filer un son. Un seul. Un nom. Celui du seul homme en qui elle avait confiance en ces lieux. Celui de la seule personne à même de comprendre, grâce au simple ton de sa voix, que quelque chose allait survenir.

             Et, maintenant qu'elle se tenait là, sur le sol moelleux de la forêt, aux pieds d'une centaine de soldats positionnés dans les arbres, elle comprenait. Ses mains fermées autour de lames affutées et brillantes dans l'obscurité de la forêt, elle dardait sur eux un regard déterminé.

             Derrière elle, les pas de Sieg quittant son poste l'avaient interpellée. Même étouffés par les herbes mouillées, ce son était parvenu jusqu'à ses sens affutés. Et, comprenant qu'il fuyait les lieux, elle s'était redressée de toute sa hauteur, portée par son seul instinct.

             Pas un seul instant elle n'avait songé à prendre l'homme en chasse. Non. Ses yeux, dès lors qu'elle avait réalisé sa fuite, s'étaient naturellement posés sur les branches. Et elle voyait clair maintenant. Oui. Devant ses pupilles dilatées se trouvaient la source de ses pressentiments.

             Et elle n'eut d'autres choix que de déglutir péniblement.

             Seule. Elle était seule. Située sur le sol de cette vaste forêt, son cou tordu de sorte à ce qu'elle puisse avoir une vue nette sur les soldats, elle ressentait nettement la position qu'elle ne tarderait pas à revêtir. Celle de la proie.

             Perchés sur les branches, l'épiant attentivement depuis leur hauteur tels des millions de regards en sa direction, il était là. Le danger. Juste au-dessus d'elle. Maintenant insignifiant mais bientôt destructeur. Car elle le sentait, le pire était à venir.

             Instinctivement, elle fit glisser la pulpe de ses index sur ses bouteilles, les déverrouillant d'un geste aisé sans quitter les soldats des yeux. Il y avait quelque chose d'étrange dans leurs regards. Sous leurs prunelles étonnées vivaient une force sombre. Inconnu. Grondante.

             Terrifiante.

             Soudain, déchirant le silence jusque-là installé, un cri. Sombre, gutturale, sonore. Animal. Un hurlement tel qu'elle n'en avait jamais connu. Un appel aux démons les plus noirs enfouis en chacun. Un son qu'elle entendait pour la première fois et qui lui semblait pourtant si familier. Comme une demande implicite.

             Oui, filtrant dans ses oreilles, l'appel des condamnés resonnait furieusement. Et, immobile sur le sol de cette forêt, elle ne détacha pas ses yeux des hauteurs, épiant les soldats tandis que le cri ayant signé le dernier battement de cœur de tant de martyrs s'insinuait en elle. Aussi dévastateur que vivifiant.

             Les visages qu'elle ne cessait de fixer commencèrent soudain à se secouer, comme pris de soubresauts venus de l'âme même des hommes. Sous leur peau, roulant en volutes de haine, un mal qu'ils n'avaient pas soupçonné venait d'éclore en eux, fruit d'une lutte profonde et douloureuse qui les déchirait pourtant depuis si longtemps.

             Tellement longtemps qu'une question venait d'apparaitre dans l'esprit échauffé d'Emeraude. Comment avez-vous fait pour ne pas ressentir cela avant ?

             Ses mains serrées sur ses sabres, sa taille alourdie par les bouteilles ouvertes, ses grappins prêts à se planter dans la première prise venue et son cœur tambourinant dans sa poitrine, elle ne cillait point. Ses pupilles demeuraient fixées sur le visage grossissant et secousses horrifiantes des soldats. L'un d'eux s'écrasa à genoux.

             Elle ne pouvait pas agir. Pas tout de suite. Non. Qu'importe combien cela amenuisait ses chances de survivre à ce qui ne serait autre que la plus grande attaque qu'elle ait jamais menée, elle voulait voir. Oui. De ses prunelles abimées par le triste spectacle de la guerre, elle voulait constater ce qu'il s'était passé dans son village natal. Elle voulait assister personnellement au spectacle du banal devenant sublime, du complexe devenant simple, du guerrier devenant titan, de l'allié devenant ennemi.

             Un feu était né dans sa poitrine. Incandescent et furieux, il léchait chaque paroi de son corps, consumant ses espoirs de paix d'un fragment de flammes. Elle le sentait grandir, l'avait toujours su en elle, dévorant et immensément grand. Mais elle n'avait jamais soupçonné sa puissance.

             Là, la rage était. A l'état brut, animal. Oui. Sa colère était.

             Titanesque.

JE VEUX VOIR, hurla-t-elle, des larmes de fureur habillant son regard.

             Et, au même moment, elle vit. Ebranlant la forêt jusqu'en son cœur, une multitude de déflagrations retentirent soudain, paralysantes. Il lui sembla que les arbres avaient disparu, noyés sous l'éclat vifs de ces détonations. Le bruit, quant à lui, résonna tel l'écho de million de vies brisées en elle. Celles des martyrs.

             Toutes ces explosions n'avaient qu'une signification : les soldats venaient d'être transformés en titans.

             Le militaire auparavant à genoux se releva en un hurlement vrombissant qui ébranla les lieux. L'humain, auparavant haut d'un peu moins de deux mètres, en faisait à présent six. Monstrueux, l'homme d'il y a un instant avait laissé place à son propre cauchemar.

             Emeraude laissa soudain son regard se promener autour d'elle. Tous. Ils s'étaient tous transformés. Seule au milieu de cette forêt, elle ne voyait plus les arbres qui constituaient auparavant son paysage. Il n'existait plus qu'eux, seuls êtres visibles de ce monde où elle avait grandi.

             Les titans.

             Elle prit une inspiration tout en les laissant s'approcher. Seize. Ils étaient seize. Elle ne pouvait pas expliquer comment elle le savait mais elle en était certaine. Et de leurs trente-deux yeux globuleux, ils la dévisageaient en accourant en sa direction, un sourire benêt étirant leurs lèvres.

             Alors, debout au milieu de ce cercle qu'ils formaient et qui ne cessait de rétrécir, elle ne fit le moindre geste. Du moins, presque. Si ses jambes et ses bras demeurèrent statiques, nul ne vit le faible sourire qui étira bientôt ses lèvres. Sieg, si tu pensais m'arrêter en transformant des êtres humains, sache que j'ai trop sacrifié pour m'arrêter à ce genre de considération.

             Elle le sentait, le plus proche de l'attraper se trouvait derrière elle. Sa main tendue en sa direction, il ne lui faudrait sans doute que cinq secondes avant de refermer ses doigts autour de son corps. Elle lâcha un pouffement amusé. Cinq secondes étaient largement plus qu'il n'en fallait.

             Ses mains s'agitaient de spasmes de rage. Edward. Sa gorge se faisait sèche tant le cri de rage qu'elle voulait pousser grondait en elle. Petra. Ses jambes tremblotaient à mesure que la fureur s'étendait en elles. Erd. Sa poitrine ne cessait de se soulever sous le souffle chaud de la colère. Auruo. Ses cuisses la démangeaient, grignotées par d'obscures sentiments. Gunther. Ses lames brillaient tant l'envie de trancher leur nuque se faisait pressante. Mike. Son cœur battait avec toujours plus rage dans sa poitrine.

             Erwin.

JE DEVOUE MON CŒUR.

             Son hurlement déchira les lieux au moment où, dans un saut énergique, elle se retourna et propulsa son grappin derrière elle. La prise vint se planter avec précision dans la pupille du monstre et, tirant violemment sur la pédale de sa bouteille, elle fondit en sa direction à l'instant même où il refermait son poing dans le vide.

             A côté de lui, un de ses semblables se trouvait. Elle envoya son deuxième grappin dans sa chair tout en les rejoignant et, une fois à hauteur de leur nuque, croisa ses lames qu'elle ouvrit dans un mouvement sec, tranchant leurs points faibles d'un geste maitrisé. Puis, ne laissant pas le temps à leur corps de tombé, elle détacha sa prise qu'elle envoya loin devant elle.

             Son grappin se planta dans l'omoplate d'un titan brun. Entre le monstre et elle, sept autres créatures se trouvaient. Et, tirant un maximum de gaz, elle s'élança en sa direction. Tout en progressant, elle passa derrière leurs nuques qu'elle trancha d'un simple passage, poussant un hurlement vengeur en accomplissant sa tâche. Un sang chaud et collant vont gicler sur son visage à mesure qu'ils s'effondraient telle une pluie miraculeuse sur le corps des sacrifiés.

             En arrivant sur le dernier qui se tenait accroupi sur le sol, elle leva ses mains à hauteur de sa tête, brandissant ses sabres tout en pointant ses pieds en direction de sa peau. Il la regarda faire, tournant lentement ses billes globuleuses en sa direction.

             Là, debout dans les airs, dardant des yeux rouges étincelants sur cette bête recroquevillée à genoux en-desous de sa personne, elle dégageait une puissance telle qu'on eût dit qu'elle était le prédateur. Oui, elle était immensément puissante.

             Titanesque.

             Ses chaussures cognèrent la chair épaisse du monstre au moment de la collision et, s'aidant de ce contact, elle projeta son buste en avant en plantant profondément ses lames dans sa couenne. Et, alors que sa tête demeurait en bas et qu'elle faisait passer ses jambes par-dessus elle afin d'exécuter un salto, Emeraude veilla à laisser ses sabres bien enfoncés dans sa nuque en exécutant cette figure, cisaillant ainsi son unique point faible de façon mortelle.

             Et, lorsque le morceau de chair s'éjecta et toucha la terre ferme, la jeune femme abattait déjà deux nouvelles lames sous le crâne de différents monstres. Tournoyant sur elle-même à la manière de Levi, elle élimina cinq autres de ses ennemis d'un geste prolongé et maitrisé.

             Mais elle n'eut le temps de replanter de nouveau son grappin sur une arbre alentour qu'elle s'immobilisa soudainement. Même dans les feux des combats, elle l'avait ressenti. Quelque chose allait se produire.

             Debout sur le crâne d'un titan mort, ses jambes se firent soudain flageolantes et elle sentit les pommeaux de ses sabres adhérer difficilement à sa peau tant ses mains étaient devenues moites. Elle déglutit péniblement et sa langue s'engourdit.

             Pas une seule seconde elle ne s'arrêta sur l'exploit qu'elle venait de commettre. En une poignée de secondes seulement, elle était venue à bout de l'intégralité de ses ennemis. Mais son esprit n'était pas là. Non. Levi, songea-t-elle simplement.

             Son uniforme maculé de sang provoquait un bruit peu ragoutant quand sa poitrine se pressait contre le tissu de sa chemise. Mais elle ne cessait de le faire et ce, toujours plus vite à mesure que ses sens aux aguets sifflaient. Ses oreilles étaient prises d'un acouphène, dans sa bouche naissait un goût amer, le parfum brûlant du danger envahissait son nez, ses yeux ne voyaient plus les monstres se rapprochant dangereusement d'elle et ses mains étaient moites. Il se passait quelque chose.

             Naissant en elle, une bouffée violente au goût amer du danger se répandit dans son être. Elle avait compris.

IL VA SE TRANSFORMER, hurla-t-elle soudainement en tirant une violente décharge de gaz.

             Le caporal ne l'entendait point et elle le savait. Mais elle ferait en sorte d'arriver à temps pour le prévenir. Ses poils se hérissaient sur ses bras et une curieuse torpeur roulaient sous sa chair. Elle le sentait. Le bestial allait ressurgir de façon imminente.

             Et elle l'attendrait, sabres dehors, pour venger la mort d'Erwin.

             Dans son cri, elle avait ouvert ses bombonnes de gaz et décoller de plusieurs mètres dans les airs, distançant les cadavres des titans éliminés sous ses lames. Sa chemise imbibée du liquide chaud et visqueux vint se coller sur son torse, provoquant des bruits de succion tandis que sa montée à grande vitesse provoquait un vent violent.

             Bientôt, elle se sentit prête et, n'écoutant que son instinct, envoya d'un geste rageur un premier grappin devant elle. Celui-ci vint se fixer sur un arbre situé à une dizaine de mètres. Profitant de l'accélération déjà donnée par le gaz, elle envoya le deuxième plus loin et répéta l'action à toute vitesse, flânant entre les troncs à une vitesse qu'elle croyait inatteignable.

             Elle les tirait et plantait avec une force si grande que ses bras la brûlèrent bientôt mais elle n'en démordit pas. Elle devait trouver le caporal avant que ce fumier se lance. Si jamais il se trouvait à proximité de Sieg au moment de sa mutation, l'explosion le tuerait à coût sûr.

             Le paysage autour d'elle n'était plus que lignées de couleurs tant elle se déplaçait rapidement. Plus aucun détail n'était visible. Cela signifiait qu'elle épuiserait ses réserves bien trop vite.

             Mais elle ne s'en souciait plus.

             Soudain, ses poils se hérissèrent sur sa nuque et ses mains devinrent moites autour des pédales des bouteilles. Son cœur rata un battement et ses pupilles se dilatèrent. Il était trop tard.

             Là, comme pour corroborer ses pensées, elle sentit les cordes reliées à son bassin trembler fortement, signe que la prise à laquelle étaient fixés ses grappins étaient pris de spasmes. Et, même si ses pensées courant à une vitesse folle au-dessus de sa tête avaient couvert le bruit de l'explosion, elle vit nettement un tétanisant éclair de lumière au loin, à une vingtaine de mètres environ.

             Sieg s'était transformé. Elle n'était pas arrivée à temps.

             Seulement ses yeux eurent à peine le temps de s'écarquiller que ses sourcils se froncèrent brutalement. Ses mains —déjà rapides— tirèrent avec violence sur leurs grappins, arrachant plusieurs écorces aux arbres dans lesquels ils étaient logés et vinrent relancer les prises avec d'autant plus d'intensité et bien plus loin.

             Oubliant toute considération pour son gaz qui s'amenuisait bien trop vite, elle appuya davantage sur la pédale. Cela ne lui ressemblait pas. Carlos Juan, le vétéran de son village, lui avait toujours appris à se servir contentieusement de cette précieuse ressource. Oui. Il avait toujours insisté sur le fait qu'elle lui serait vitale.

             Mais il semblait que ce qui lui était vitale ne la préoccupait guère lorsque la vie de Levi Ackerman était en jeu.

             Une poignée de mètres restaient entre elle et le lieu de l'explosion. Son cœur ne cessait de battre avec force dans sa cage thoracique, quand bien même elle savait que le garçon était en vie. Elle était si liée à lui que, s'il en avait été autrement, un hurlement déchirant aurait transpercé cette nuit tombante.

             Pourtant, même en sachant cela, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être inquiète. Ses mains mouillées par la sueur de l'anxiété se faisaient flageollantes autour de ses prises, augmentant les risques de chute mais elle s'en fichait. Elle se devait de voir son ami.

             Soudain, tournoyant autour des hauts arbres comme un songe dans l'obscurité, la lueur de deux lames surprit le regard d'Emeraude. Il était là. Vivant. Son cœur rata un battement mais elle ne s'arrêta point dans ses mouvements, au contraire. Il lui fallait le rejoindre. Elle sentait qu'il aurait très bientôt besoin d'elle.

— Tu paniques, le barbu ? retentit sa voix grave et chaude dans l'obscurité dense de la nuit. T'aurais mieux fait de rester à bouquiner gentiment.

             Emeraude eut un frisson. Là, vibrante dans cet espace si large, envahissant la forêt comme un être omniprésent, la simple arme des cordes vocales de Levi semblait plus puissante que ses lames.

             Il était là. Pourtant, nul ne le voyait.

T'étais bien naïf de croire que tu pourrais me filer entre les doigts.

             La jeune femme, franchissant deux arbres, sentit soudainement un fourmillement la prendre qui la mèna à exécuter un mouvement de côté inconscient. Et, à l'instant même où elle se décala, une branche d'arbre épaisse comme sa cuisse frôla son crâne, manquant de l'assommer. Une autre suivit juste après.

             Tournant la tête, elle les suivit des yeux. Ceux-là s'écarquillèrent et un fourmillement parcourut ses mains, la démangeant de dégainer ses sabres. Et, tirant sur ses grappins pour les décrocher de leur prise, ce fut exactement ce qu'elle fit après avoir coupé son arrivée de gaz, se projetant volontairement dans une chute libre.

Tu pensais que j'aurais des états d'âmes à les trucider ? reprit Levi à quelques mètres au-dessus d'elle. T'as changé mes hommes en titan, et alors ?

             En contrebas, rivant ses yeux rouges sur les multitudes de branches d'arbres qui lui tombaient dessus, il se trouvait. Là, fixant sans vergogne les deux êtres qu'il avait jadis privé, d'un jet de pierre, d'un frère. Son corps hirsute et inégale se pavanant à leurs pieds comme s'il n'avait pas ôté la vie de celui qu'ils aimaient.

             Le corps d'Emeraude avait totalement basculé durant sa chute. Sa tête pointait le sol et ses pieds, le ciel. Ses yeux étaient rivés sur le bestial tandis que ses jambes pointaient Erwin Smith. Et le geste qu'elle s'apprêtait à faire, elle le ferait pour lui.

C'est la preuve que t'as pas la moindre idée...

             Elle se raidit dans sa chute. Les sabres rivés sur le bestial duquel elle s'approchait, ses vêtements plaqués sur son corps par le souffle du vent, elle sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine, animé par la rage de le vaincre et l'excitation d'entendre cette voix.

             Car cette dernière était là. Tout proche. Comme juste au-dessus d'elle.

...des innombrables sacrifices qu'on a fait jusqu'à présent !

             Elle n'eut le temps de constater qu'il ne restait qu'une dizaine de mètres entre elle et la bête qu'une prise ferme autour de ses hanches la surprit. Ses yeux se détachèrent de l'herbe qui ne cessait de se rapprocher et elle baissa la tête pour fixer devant elle. C'était lui.

             Son torse pressé contre le sien et son bras appuyant fermement leurs hanches ensemble, elle comprit. Il la connaissait assez maintenant pour savoir qu'elle avait coupé son gaz afin de chuter dans le vide alors, naturellement, il l'avait serrée contre lui, s'assurant qu'elle ne cogne pas la terre ferme avant d'avoir accompli son dessein.

             Ils échangèrent un regard. Elle sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Il était là, tout près. Leur nez se touchaient quasiment et, malgré leur brutale avancée vers l'impact, elle pouvait sentir aisément son souffle régulier s'échouer sur sa joue. Elle eut un frisson. Même s'il n'avait rien dit, elle comprit.

             Quatre ans auparavant, alors que le major Erwin Smith s'apprêtait à se lancer dans une mission dont il ne reviendrait pas, le noiraud l'avait contrainte de rester sur le banc de touche. Et, face à son visage tordu par l'effroi, il ne lui avait fourni qu'une seule explication, une simple phrase.

             Mais ces mots si énigmatiques, elle les comprenait aujourd'hui.

On rentre ensemble ou on ne rentre pas, murmura-t-elle à son oreille.

             Autour d'eux, le passage violent de divers projectiles les frôla quelque peu mais, animée par son seule instinct, Emeraude poussa son ami assez précisément pour que pas un seul débris ne les touche. Et, en-dessous d'eux, Sieg vit rouge à ce spectacle.

             Mais il avait beau envoyer toute sorte de projectile, il ne pouvait en réalité plus rien faire pour les arrêter. Car là, tombant ensemble depuis une vingtaine de mètres, solidement accrochés l'un à l'autre, armée de sabres ou portant quatre lances foudroyantes, ils étaient fin prêts.

Et dans les larmes de ceux qui vivent, chuchota Levi tandis qu'un simple mètre les séparait du bestial.

             Les yeux de celui-ci, qui ne les avaient pas quittés, s'écarquillèrent lorsqu'Emeraude ouvrit soudain les bras, se détachant du caporal. Il savait pour quelle raison elle avait fait cela. A vrai dire, tous en ces lieux, même les martyrs qui les épiaient depuis l'autre monde avaient compris.

             Car, à l'instant même où la jeune femme s'était éloignée du garçon, elle avait emporté dans son geste deux lances foudroyantes. Et le couple rivait maintenant ensemble la tête des missiles sur un seul et même point situé en-dessous d'eux : la nuque du bestial.

             Il ne leur restait que quelques secondes. Ils échangèrent un regard avant d'acquiescer, finissant ensemble la phrase que Levi avait commencée plus tôt :

...je lave le sang des martyrs.

             A ces mots, d'un geste si synchronisé qu'on eut dit qu'une seule personne l'avait esquissé, leurs bras se tendirent brutalement vers l'avant, projetant les quatre lances foudroyantes à seulement quelques mètres sous eux.





             Et, dans le bruit de l'explosion qui s'en suivit, ils embrassèrent le sacrifice des martyrs.









coucou !
voici le deuxième chapitre que je publie aujourd'hui et ce, pour une simple raison...

ON A PASSÉ LES 8K VUES !!

je suis vraiment super contente que cette histoire plaise autant et j'espère de tout cœur que l'évolution des chapitres vous satisfait !

n'hésitez pas à laisser un commentaire, j'adore les lire !

là-dessus, à demain pour le chapitre 75 !

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