𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕𝟐


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬



S04E12
aucun spoiler





             Le soleil était assez haut dans le ciel mais le morale d'Emeraude se faisait gris. A ses côtés, Dan marchait silencieusement depuis quelques minutes maintenant. Il voyait bien, à la mine renfrognée de son amie, que quelque chose la tracassait. Mais elle ne semblait pas prête de se livrer.

             Tous deux se trouvaient dans la cour de la nouvelle base militaire. Derrière eux étaient plantées diverses arcades de pierres menant à des portes marquant l'entrée du bâtiment tandis que, devant leurs yeux inattentifs, des personnes se pressaient aux grilles noires entourant le lieu.

             Elle n'avait de cesse de ressasser les différents évènements survenus ces dernières vingt-quatre heures. Tout d'abord, alors qu'elle croyait ce temps révolu, la guerre l'avait rattrapée en une heure de temps et elle s'était retrouvée à accompagner une enfant dans ses derniers soupirs. Puis, face au cadavre de Sacha, elle avait bien failli perdre le contrôle d'elle-même et tuer une enfant. Enfin, après avoir croisé une Hanji telle qu'elle n'en avait jamais vu, elle avait dû se confronter à la réalité.

             Malgré son mauvais pressentiment et le fait que tous ne doutaient pas de son sixième sens, nul n'allait l'écouter et Eren continuerait à marcher jusqu'à son funeste dessein.

             Elle ne leur en voulait pas. Comment en vouloir à ceux qui avaient vu tant des leurs mourir pour le garçon ? Oui, comment se mettre en colère que les siens refusent de balayer leurs sacrifices d'un coup de lame ? Même plus, comment en vouloir à des personnes qui étaient en train de perdre, d'une manière différente, un ami ?

             Mais elle ne pouvait empêcher son cœur de se compresser dans sa poitrine lorsqu'elle pensait au visage ruisselant de larmes d'Hanji. Jamais elle n'aurait cru voir un jour le visage habituellement rieur de son amie ainsi. Sans doute cette vision avait-elle été le plus grand moteur de son geste lorsqu'elle avait tenté d'entailler sa nuque plus tard.

             A ses côtés, Dan poussa un soupir las. Ses retrouvailles avec son amie disparue revêtaient une allure bien différente de ce à quoi il aurait pu s'attendre. Point de rires par respect pour Sacha, de sourire à cause de ces temps rudes ou même larmes pour ne pas alourdir la douleur que tous ressentaient déjà.

             Percevant son souffle, Emeraude se redressa subitement, gênée. Puis, tentant de changer le ton de cette sombre journée, elle s'autorisa un faible rictus.

Quatre ans sans mes disputes rythmées avec Levi, ça a dû être ennuyant, souligna-t-elle.

             Passant sa large main tatouée dans ses cheveux longs qu'il n'avait aujourd'hui pas noués, son interlocuteur laissa filer un soupir amusé.

Dur à penser mais il s'est dégoté quelqu'un d'encore plus agaçant pour lui taper sur le système. D'ailleurs ils m'attendent pour surveiller Sieg, là.

             Le rictus d'Emeraude devint un sourire, elle savait pertinemment de qui il parlait. Après tout, la fillette vannait déjà bien souvent le caporal sur sa taille du temps où elle était encore avec eux.

             Alors, maintenant qu'elle avait environ seize ans et qu'elle le dépassait, elle pouvait être sûre que les remarques s'étaient intensifiées.

J'ai bien l'impression que Bosuard est la seule de l'armée à ne pas craindre son courroux, pouffa Dan.

             Son interlocutrice acquiesça, légèrement amusée. Mais son rictus laissa place à un miroitement douloureux dans ses prunelles. Et, même s'il ne le vit pas du fait qu'il se trouvait sur sa gauche, l'homme le devina.

Elle a beaucoup souffert de ta disparition, voilà pour quoi elle t'en veut. Certains pensent même qu'elle est celle en ayant été le plus marquée, bien que la plupart se soit douté que, malgré le fait qu'il ne montre pas ses émotions, Levi en a été le plus blessé.

             Emeraude haussa vivement la tête. Elle avait joué un rôle important dans le développement de la jeune femme et devinait donc aisément sa douleur à l'annonce de son décès et celle qui la poussait aujourd'hui à la fuir comme la peste. Elle se sentait trahie.

             En revanche, elle aurait cru le caporal moins impacté par son départ. Non seulement il savait qu'elle était en vie mais, de surcroit, il posait sans arrêt un tel regard sur elle qu'elle avait le sentiment de n'être qu'une gêne entre ses jambes.

             Seulement, en s'arrêtant soudain sur cette dernière supposition, quelques souvenirs lui revinrent en mémoire. Du jour où, désespérée, elle s'était laissée tomber d'un toit en espérant qu'il la rattrape à cette nuit où tremblante d'effroi, elle s'était effondrée dans ses bras en passant par leurs dernières heures ensemble où il l'avait contrainte à survivre. Elle sentit ses joues la cuir. Jamais elle ne s'était rendue compte qu'il tenait à elle.

             Dan, qui remarqua bien vite la rougeur de ses pommettes, esquissa un sourire moqueur. Et il jaugea que le moment était venu pour lui de relancer un vieux sujet de conversation :

Tu te souviens, il y a quatre ans, quand je t'ai dit que tu étais amoureu...

Ta gueule, le coupa-t-elle aussitôt.

             Sa réaction fut immédiate et il éclata d'un rire franc et sincère, s'attirant un regard noir de son amie qui se mua peu à peu en un plissement des yeux traduisant un certain contentement. Elle aimait le voir heureux. Surtout en ces temps où la guerre semblait si loin de toucher à sa fin.

             Les rares périodes de trêve qu'ils se créaient tous au travers de simples sourires ou fausses disputes comme celles auxquelles l'ancienne escouade Levi l'avait habituée étaient un phare dans la tempête des combats. Et ils ne restaient debout que dans l'espoir de le revoir, jour après jour.

             Dan, levant les mains à hauteur de son visage en signe de capitulation, s'arrêta dans sa marche alors qu'ils atteignaient bientôt les grilles marquant la sortie de la base derrière lesquelles se trouvaient une population furieuse. Emeraude l'imita quelques instants plus tard, se tournant vers lui.

             Et c'est là qu'elle le vit de nouveau, cet ami insouciant et rieur qu'elle avait abandonné à Paradis, trois ans plus tôt. L'imbécile fauteur de troubles qui lui avait passé les menottes aux poignets, l'enfant terrifié qui, alors que le titan rampant s'apprêtait à les rejoindre, s'était davantage focalisé sur le caporal-chef qui les fusillait du regard. Oui. Son ami était bel et bien là. Le soldat n'était plus.

             Elle sourit face à son rictus moqueur en se préparant à le sermonner. Elle se doutait qu'il allait lui envoyer une pique bien sentie.

D'accord, d'accord, lâcha-t-il dans un rire. Je ne parlerai pas du fait qu'en quatre ans de temps de flirt, tu n'as toujours pas couché avec Le...

             Mais il n'eut le temps de terminer sa phrase. A vrai dire, personne autour d'eux ne continua de parler. Les sons venaient d'être avalé par une détonation furieuse au-dessus de leur tête. Un bruit d'explosion qui avait déchiré le calme des lieux.

             Emeraude, qui avait pressenti celle-ci une seconde à peine avant qu'elle ne retentisse, venait de se jeter sur son ami. Ou plutôt, elle avait bondi à ses côtés et, envoyant son pied valser avec force dans l'articulation de ses jambes, l'avait contraint à se coucher sur le sol. Tout en assénant ce coup, elle s'était elle-même allongée à plat ventre.

             Et, tandis qu'une vive lueur orangée illuminait soudain le ciel de sa couleur dévastatrice, une large masse noire traversa soudain la cour, passant juste au-dessus des corps des deux amis, là où ils se seraient encore trouvés sans l'intervention de la jeune femme.

             Tout ne fut soudain plus que silence. Les habitants fixèrent leurs regards écarquillés sur une pièce au première étage dont la façade, percée, laissait voir un contenu incendié ou des flammes brûlaient différents meubles et objets. La température avait monté d'un cran et, si tous sentaient nettement l'odeur de chair brûlée montant dans les airs, rares étaient les personnes pouvant entendre quoi que ce soit. L'explosion avait été si forte que nombreux en avaient les tympans blessés.

             Aussitôt eut-elle vu la masse sombre s'échouer à quelques mètres de leurs pieds qu'Emeraude se redressa et, après un regard à Dan pour s'assurer qu'il allait bien, se précipita sur l'objet. Une mauvaise impression lui tordait les entrailles et celle-ci se vit bien vite confirmée.

             Quelques pas lui suffirent à rejoindre la masse noire dont elle reconnut bientôt les contours humanoïdes. Il s'agissait d'un corps. Ou plutôt, d'un cadavre. S'arrêtant à sa hauteur et malgré la suie sur ses traits, elle reconnue le visage rond et ridé du Général Zackley, l'homme qui avait présidé le procès d'Eren, quelques secondes après sa rencontre avec le titan, celui-là même qui lui avait demandé de prendre part à un coup d'Etat lors du procès d'Erwin Smith.

             Elle n'eut le temps de se sentir attristée que sa langue s'engourdit soudain, son cœur augmenta ses battements et elle déglutit péniblement. Elle avait compris. C'est pas vrai, songea-t-elle. Se redressant d'un geste brusque, elle se tourna soudainement vers les quelques soldats alentours qui fixaient le cadavre à ses pieds de leurs yeux écarquillés :

CONDAMNEZ LES SORTIES, EREN JÄGER TENTE DE S'ENFUIR ! rugit-elle en bondissant vers l'entrée de la base afin de se ruer sur la cellule du garçon.

             Mais, tandis qu'elle se mettait à courir au cœur de cet immeuble enflammé, battant le sol de ses pieds engourdis par un nouveau mauvais pressentiment, elle réalisa une vérité qu'elle aurait préféré ignorer. Oui, alors même qu'elle martelait de toutes ses forces la terre dans l'espoir d'arriver à temps, elle sentait au plus profond d'elle-même qu'il était trop tard.

             Alors, s'engouffrant dans la salle d'entrée où divers soldats titubaient sous le choc de l'explosion, elle ne cessa pas d'avancer mais laissa une larme couler sur sa joue. Elle n'avait pas réussi à retenir Eren et elle savait qu'il était déjà parti. Mais, sans doute un espoir stupide la guidant, elle continua sa lancée vers la cellule du garçon en murmurant :





Je suis tellement désolée, Erwin.









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