𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟔𝟕


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬





S04E08
grand spoiler






             Le calme semblait revenu dans les rues de Mahr. Du moins, les cris n'étaient plus et les rares survivants de cet affreux épisode se tairaient, ne voulant suivre leurs voisins tombés en cette sombre soirée. Dans les allées, seuls les flammes, débris et cadavres subsistaient. Nul ne s'y trouvait.

             A une exception près.

             Habillé d'une combinaison noir enveloppant son corps musclé, un homme avançait. Le pas lent et la poitrine serrée, il semblait hésiter. Son regard se faisait tremblant à mesure qu'il le gardait ancré sur la femme devant lui.

             A genoux sur le sol et lui présentant son dos sur lequel avait été brodées les ailes de la liberté, Emeraude ne semblait pas l'avoir entendu venir. Ses épaules étaient voutées tandis que sa tête, rivée sur le sol, remuait quelque peu au rythme de paroles qu'il ne pouvait entendre.

             Il s'arrêta à une dizaine de mètres d'elle.

Emeraude ? appela-t-il d'une voix rauque, presque éteinte par l'émotion.

             Il vit la silhouette se redresser. Son cœur s'emballa. Il s'agissait bien d'elle, le doute n'était possible. Etant donné la nature de leur mission, nul à l'exception du caporal ne portait de sabres. Et absolument aucun soldat ne s'habillait encore des uniformes qui étaient en vigueur à l'époque où Erwin était aux commandes.

             Ses yeux ambrés la détaillèrent lorsque, de ses jambes tremblantes, elle se releva. Elle semblait considérablement affaiblie. Après avoir protégé l'enfant et le titan charrette, elle s'en était allée si vite que tous avaient cru à un mirage. Dan songea soudainement qu'elle avait dû se blesser en se battant plus tard.

             Seulement, lorsqu'elle se tourna vers lui, dévoilant des yeux imbibés de larmes, une chemise blanche couverte de sang sur laquelle reposait le crâne enfoncé d'une enfant visiblement morte, il réalisa pourquoi elle se sentait si faible. De l'hémoglobine coulait le long de ses cheveux d'or et des traces de griffures zébraient ses pommettes où se promenaient une pluie de tâche de rousseur.

             L'homme sentit son cœur rater un battement et son souffle s'étrangler dans sa gorge. Ses yeux détaillèrent l'enfant et il ne put déglutir convenablement. Ce soir, il n'avait pas été de ceux qui, sabres en main, défendaient la population. Non. Il ne pouvait pas dire qu'il avait honoré son uniforme ni même les défunts morts dans celui-ci, donnant leur cœur.

             Les cadavres autour de lui, les hurlements qui résonnaient encore dans sa tête, cette fillette innocente que les parents cherchaient sans doute désespérément maintenant et le coup de hache infecté que nul pansement ne pourrait soigner dans le cœur de tant de personnes... C'était eux. C'était lui. Ils étaient à l'origine de tout cela.

             Je suis navré, Erwin, songea-t-il alors qu'Emeraude, encore prise de spasmes et tenant fermement ce crâne enfoncé contre sa poitrine, laissait une larme couler sur sa joue. Et, avant même qu'elle ne prenne la parole, il devina ce qu'elle allait dire.

Ils ont donné leur vie pour lui, laissa-t-elle filer de sa voix étranglée.

             Il poussa un soupir ému. Il savait de qui elle parlait. Edward. Auruo. Petra. Gunther. Erd. Erwin. Mike. Moblit. Nanaba. Marco. Thomas. Et tant de noms qu'une vie entière ne suffirait pas à connaitre mais qui avaient tant fait pour l'histoire. Tous ceux morts pour l'Humanité ou, la plupart, pour Eren seulement.

Pour ça ? demanda-t-elle-même si elle savait que Dan n'avait pas la réponse, comme si en lui parlant, elle s'adressait en réalité au cruel univers. A-t-il seulement le droit de salir leur mémoire ainsi ?

             Une larme roula sur la joue de son ami. Quelques semaines auparavant, si on lui avait déclaré qu'il retrouverait sa défunte amie Emeraude, il aurait sûrement sauté de joie. Mais les circonstances étaient telles qu'aujourd'hui, il n'était bon qu'à se demander ce que tous pensaient. Et s'ils l'avaient écouté, elle, et avait éliminé le garçon plus tôt ?

             Elle se pencha doucement vers le sol et, dans un geste d'une tendresse infini, déposa l'enfant à leurs pieds. Puis, se relevant sans la quitter des yeux, elle s'autorisa un sourire à travers la douleur. Là, sa blessure orientée vers le sol, on eut dit qu'elle dormait. Simplement.

             Dan n'avait pas quitté son regard ambré du visage de la jeune femme. Et, lorsqu'il la vit soudain abandonner son air attristé pour un froncement de sourcils qu'il ne connaissait que trop bien, son estomac se souleva. Non, se dit-il. Mais il était trop tard.

             Lorsqu'elle se redressa vers lui, elle vit au vague mouvement de tête qu'il exécuta de gauche à droite qu'il avait compris. Et elle en fut navrée. Jamais elle n'aurait cru que leurs retrouvailles se dérouleraient ainsi. Dans les feux et les larmes, devant le corps d'une enfant. Mais elle dut se résoudre à dire ce qu'il refusait pourtant d'entendre.

Sacha, murmura-t-elle tout simplement.

             Il se figea. Comme une condamnation, elle avait laissé filer entre ses lèvres le nom de son amie. Et il sut à ce moment précis qu'il était trop tard. Si Emeraude avait pu la sauver auparavant dans la caverne Reiss, la faucheuse ne repartirait aujourd'hui pas sans elle.

             Alors, le visage baissé, il leva soudain son bras en l'air tout en marchant vers elle. Elle n'opposa aucune forme de résistance. Elle savait ce qu'il allait faire et, face aux évènements de ce soir, ressentait au fond d'elle qu'elle ne pouvait se permettre de les laisser partir sans elle.

             Au bout de son bras tendu se trouvait un pistolet. Il enserra sa taille d'un geste las avec l'autre, comme affaibli par cette lourde soirée, tout en appuyant sur la détente. Dans un cliquetis mécanique, un grappin s'éleva dans les airs pour se figer sur une surface blanche.

             En voyant l'objet s'y planter, Emeraude réalisa ce qu'il se passait au-dessus d'eux et que, accaparée par l'enfant mourant dans ses bras, elle n'avait pas réalisé. Leurs pieds décollèrent du sol et elle sentit le vent plaquer ses vêtements contre son corps à mesure qu'elle montait, fixant le dirigeable énorme mais semblant si léger qu'ils s'apprêtaient à rejoindre.

             Elle ne regarda pas le sol, ne se délecta pas du sentiment de voler et d'échapper à la gravité. Non. Ce soir, elle se sentait lourde comme la pierre. Car, maintenant que quelques secondes les séparaient d'atteindre la porte ouverte de l'appareil, quelques cris se faisaient entendre, corroborant ses dires.

             Lorsque Dan, s'aidant de son bras droit musclé, se hissa seul en appuyant sur sa main jusqu'à l'intérieur de l'engin, nul ne le remarqua. Et Emeraude, qu'il amena en même temps du fait de sa prise sur sa taille, passa tout aussi inaperçue. Pour cause, un bien triste spectacle se déroulait sous leurs yeux.

             Ils se redressèrent dans la vaste pièce qu'elle ne prit pas le temps de détailler, son regard irrémédiablement attiré par un corps au centre de la pièce. En quatre ans, elle n'avait pas changé. Ses cheveux bruns demeuraient soyeux et sa bouille, enfantine. Mais elle nageait dans une flaque de sang. Oui. Sacha était morte.

             Maudissant son sixième sens, la jeune femme resta en retrait et regarda avec un pincement au cœur Mikasa, Armin, Conny et Jean qui, à genoux autour de son cadavre, hurlaient de douleur. Elle perçue un mouvement à côté d'elle et vit Dan s'avancer vers la jeune femme. Ses yeux devinrent humides quand elle entendit le cri qu'il poussa.

             Jamais elle n'avait entendu le garçon pleurer auparavant. Et elle constata combien ce son était douloureux et déchirant. Mais ses pensées furent interrompues par une voix fluette à sa droite, résonnant quelques mètres plus loin.

Ne te laisse pas berner par leurs larmes, Falco. Ce sont des démons insulaires. Tu m'entends ? Des démons ! cingla-t-elle.

             Les traits d'Emeraude s'affaissèrent entièrement. Plus de crispation ni sanglot de douleur. Oui, son visage devint inerte. Car, poussée par cet instinct hors du commun qui l'avait autrefois aidé, elle venait de réaliser qui était l'auteur de ce crime. C'est alors que sa colère parla d'elle-même.

             Ses yeux toujours posés sur Dan dont le large buste se trouvait sur celui de la défunte, leur corps se rencontrant dans une dernière étreinte, elle entendait les hurlements de soldats qu'elle ne connaissait même pas mais qui venaient de perdre un être cher, elle sentait l'odeur acre de la mort et du désespoir, dans sa bouche émergeait l'amertume de savoir une nouvelle personne du côté des martyrs et au bout de ses doigts filaient des fourmillements. Elle ne se retiendrait pas.

Ce sont des dém...

             Cette phrase mourut lorsque, soudain, un cri aigue retentit, attirant l'attention de tous qui se tournèrent vers les deux enfants assis au fond de la pièce. Si le garçon comme la fille écarquillaient les yeux en direction de l'entrée du dirigeable, seule la deuxième portait sa main au niveau de sa gorge. Et ils réalisèrent soudain pourquoi.

             Sous sa paume, du sang coulait. Et, à côté de celle-ci, le canif d'Edward était figé dans le mur. En voyant celui-ci et constatant la précision de ce lancer de couteau qui n'avait fait qu'érafler la fillette, chacun comprit qu'elle était de retour. Mais ils prirent quand même la peine de suivre le regard de la brune pour le constater de leurs propres yeux.

             C'est alors qu'ils la virent.

             Le menton levé et le dos droit, elle toisait l'enfant terrifiée de toute sa splendeur. Malgré ses traits inexpressifs, ses yeux lançaient des éclairs tels que nul n'osa faire le moindre mouvement lorsqu'elle se mit à marcher en sa direction, posant ses pieds l'un après l'autre dans une musique tétanisante.

             Brillaient dans ses yeux les âmes de tous ceux morts dans cette guerre. Et, guidée par la seule douleur de s'en rappeler, elle la rejoignait. Là, elle était impressionnante. A un point tel que Falco, qui l'avait reconnue pour l'avoir vue le sauver plus tôt, sentit son admiration laisser place à une profonde léthargie.

             Ils ne savaient pas ce qu'elle allait faire. La frapper ? La tuer ? La torturer ? Avec une personne aussi instable qu'elle et sans le seul être capable de la canaliser qui se trouvait dans l'autre pièce, tout était possible. Mais nul n'appela le caporal. Car, dévastés par la peine, nul ne souhaitait sauver cette gamine du courroux de celle qui avait trop perdu.

             Une larme coula sur la joue de la fillette lorsque la femme s'accroupit à sa hauteur, à quelques centimètres seulement de ses jambes. Ses dents s'entrechoquèrent lorsqu'elle constata à quel point elle se trouvait près de ce qui n'était autre que le plus grand cauchemar qu'elle n'ait jamais croisé.

             Soudain, Emeraude tendit la main vers elle, elle se crispa en poussant un couinement de terreur. Sa main frôla son oreille, une larme coula sur sa joue. Falco se contenta de la regarder récupérer le couteau, tétanisé par la façon qu'avait eu l'ange de tantôt de se muer en un envoyé de Satan.

             Lorsque l'enfant rouvrit les yeux après quelques secondes, son cœur se mit à battre encore plus fort. Si la soldate avait retiré ses mains de sa nuque et avait ramené le couteau jusqu'à elle, un autre détail la frappa. Encore plus troublant.

             Elle souriait. Un sourire dérangeant, malsain et profondément bouleversant. Seul un coin de ses lèvres était relevé, tordant son visage auparavant inexpressif en un masque issu de ses plus sombres cauchemars.

Oh, ma chérie..., commença-t-elle d'une voix douce.

             L'interpellée eut un sursaut et Falco se raidit davantage. Nul à leur exception pouvait le voir, pas même Emeraude, mais le pire de tout venait de se produire à l'intérieur même de ses prunelles. Ses iris avaient revêtu une teinte rouge lumineuse.

             Comme un message des enfers.










...crois-moi, tu n'as aucune idée de ce qu'est un démon.












elle a lâché son meilleur coup de pression

PS : nous avons atteint les 6k de lecture !!!!
ça me fait tellement plaisir !!!!
merci énormément à celles et ceux lisant cette histoire, c'est vraiment plaisant !

du coup, comme d'habitude, double update ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top