𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟖

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS














             Un soupir las franchit les lèvres de la jeune femme tandis que le nœud inconfortable dans son estomac se resserrait. Un mois. Quatre semaines. Une trentaine de jours.

             Tel était le temps s’étant écoulé depuis l’excursion à Shiganshina. Tel était le temps s’étant écoulé depuis qu’ils s’étaient réappropriés l’étendue de leur territoire. Tel était le temps s’étant écoulé depuis qu’elle avait ramené Armin parmi eux. Tel était le temps s’étant écoulé depuis que cette action avait poussé tout le monde à recouvrer la mémoire.

             Tel étant le temps s’étant écoulé depuis que Levi avait cessé de lui donner signe de vie.

— Ce doit être le choc, tenta de la rassurer la douce voix d’Armin à sa gauche.

             Assise sur le lit de sa chambre élaborée, celle-là même qui avait accueillie leur nuit torride et leurs baisers timides, elle n’avait même pas la force de rétorquer quoi que ce soit. Ses yeux demeuraient fixés sur la vaste armoire de bois brune située sur le mur d’en face, à gauche d’une porte donnant sur la salle de bain où ils s’étaient enlacés et où il l’avait nettoyée après cette soirée endiablée.

             Elle se souvenait de tout. Ses bras sous son corps la transportant, l’eau montant jusqu’à ses clavicules, les doigts de l’homme se baladant sur son entrejambe pour le débrasser de sa semence, le silence reposant. Malgré son demi-sommeil, elle avait gardé l’empreinte de la douceur avec laquelle il l’avait traitée. Quand, la croyant profondément endormie, il l’avait soigneusement nettoyée, allant même jusqu’à frotter ses dents avec une brosse et l’habiller de linges propres avant de la déposer délicatement dans ses draps.

             Dernièrement, elle ne cessait d’y penser. Retournant la situation dans tous les sens, elle se demandait comment elle aurait pu agir de façon à sauver ce qu’ils avaient alors, ne pas tout gâcher.

             Car il semblait qu’à présent, ils n’avaient plus rien.

— Le choc ? répéta-t-elle d’un ton moqueur sans même regarder le garçon à sa gauche, le regard fixé dans le vide. Ils s’en sont tous très bien remis, après un mois. Sauf lui, apparemment…

— (T/P), essaye de te montrer moins dure avec lui, ce n’est pas une chose facile que de se rappeler subitement de t…

— Tu crois que ça a été facile pour moi ? la coupa-t-elle brusquement, se tournant vers le garçon.

             Elle ne voulait pas se montrer rude avec lui. Après tout, depuis qu’on l’avait amenée dans ce lit, un mois auparavant, lui interdisant formellement de quitter cette chambre pour qu’elle puisse reprendre des forces, il avait été le seul à la visiter tous les jours.

             Edward et Hanji venaient aussi souvent que possible mais les récentes révélations provoquées par le retour d’Armin les avaient poussés à devoir se plonger plus longuement sur leurs recherches en laboratoire. Ymir, encore vexée par leur dispute, ne la veillait que lorsqu’elle la croyait endormie, ne voulant se faire remarquer. Mais (T/P) savait pertinemment que la brune venait la voir et en était touchée. Petra, Auruo, Erd et Gunther tentaient aussi de venir régulièrement, discutant durant des heures de ce que tous avaient découverts mais la garde de leurs prisonniers nécessitait des effectifs, ce qui les contraignait à espacer leurs visites. Sacha, Marco, Jean, Mikasa et Conny essayaient aussi de passer la voir souvent mais leurs devoirs de soldat les empêchaient d’être toujours là, contrairement à Armin qui ne revêtait plus l’uniforme, considéré comme suspect. Erwin aussi était venu la veiller un soir, en silence, s’assurant simplement de changer ses pansements dans un acte se voulant conciliant. Historia s’était rendue dans sa chambre à son tour, la remerciant pour son devoir accompli au cours de la lutte à Shiganshina.

             En y repensant, un sourire moqueur étira les lèvres de la jeune femme. La reine elle-même était venue s’enquérir de son état.

             Mais pas Levi.

— Tu crois que ça a été facile, pour moi ? répéta-t-elle, sentant la colère monter. Tu veux que je te rappelle pourquoi je suis alitée depuis un mois !? Tu penses pas que j’ai aussi souffert, là-bas ?

— Ce n’est pas ce que je voulais dire…

             Entendant le ton navré du garçon, elle se mordit la lèvre, soudain bien embarrassée. Ses cheveux mi-longs blonds noués en queue de cheval basse, il avait baissé les yeux vers ses mains posées sur ses cuisses, visiblement embêté. Depuis le réveil de la jeune femme, il n’avait cessé de défendre le caporal-chef face à elle.

             Mais il comprenait tout à fait sa douleur.

— Non, bien sûr que ce n’est pas ce que tu as voulu dire, répondit-elle d’une voix douce, ne voulant l’embarrasser. Je le sais, ne t’en fais pas.

             En ramenant Armin chez lui, elle avait fragmenté une partie du Chemin, poussant les deux mondes — leur vie antérieure et celle qu’ils menaient actuellement — à se rencontrer et donc, naturellement, provoquant un regain de souvenirs chez tous. Alors le choc était grand. Très grand. La pilule passait difficilement.

             En une fraction de seconde, au moment où le corps d’Armin avait jailli du néant, enfermé dans les bras de la jeune femme, tout s’était déchainé dans leurs têtes. La chute du mur Maria, la véritable fin de leur excursion contre le titan féminin, la façon dont Dan s’était lié d’amitié à Levi, la mort de leurs frères à Shiganshina et, surtout, ce qu’il s’était passé après Mahr.

             Le Grand Terrassement.

— C’est très étrange comme sensation, tu sais, tenta encore une fois de justifier Armin. Ils n’ont pas réellement regagné leurs souvenirs, ils n’ont pas d’images de ce qu’il s’est passé de leurs propres yeux, ils… savent juste que tout s’est produit.

             Elle acquiesça. Elle savait, oui, puisqu’elle avait elle-même vécu la même chose. Et sans doute était-ce pour cela qu’elle avait réussi à se remettre aussi facilement du choc de ses souvenirs. Car, au même titre que les autres, elle n’avait pas réellement regagné ses souvenirs.

             Elle savait que quelque chose s’était produit, voilà tout. Mais elle n’avait aucune idée de ce qu’il s’était précisément passé. N’avait pas d’images en tête de cette vie-là. Seul Armin en avait.

             Quelques certitudes flottaient dans son esprit. Le mur Maria s’était effondré, Edward était décédé, elle avait rejoint le bataillon d’exploration, l’escouade Levi était décédée, elle avait tenté de tuer Levi, Ymir avait été enlevée et dévorée, un certain Bertholt avait été le titan colossal, Shiganshina avait signé la mort de la plupart de leurs hommes, ils s’étaient rendus à Mahr, Eren y avait commis un massacre, Sacha était morte, le retour à Paradis avait suscité une guerre au sein de leur camp, le Grand Terrassement était survenu, Hanji avait rendu l’âme, la plupart de la population mondiale en avait fait de même.

             Tout. Tout leur était revenu. Ou plutôt, tout s’était naturellement débloqué dans leur esprit, comme s’ils avaient toujours été conscients de cela et l’avaient soudain compris.

             Mais ils ne se souvenaient précisément de rien. Armin savait par exemple que, si (T/P) savait qu’elle ressentait et avait ressenti quelque chose pour le caporal, elle ne pouvait décrire exactement leurs interactions, leurs paroles, leurs contacts au cours de cette vie antérieure.

             Et là était la raison pour laquelle elle ne comprenait toujours pas combien leur amour était fort et que Levi ne l’avait pas vraiment laissée tomber.

— Le caporal essaye sans doute juste de comprendre. Il ne se souvient pas précisément de ce qu’il s’est passé quand Edward, Petra, Gunther, Auruo, Erd, Erwin et même Hanji sont décédés, expliqua le blond. Imagine un peu, réaliser en une fraction de secondes que le peu de personnes qui te restent sont autrefois décédés et ne pas comprendre exactement ce qu’il s’est passé… Il y a de quoi perdre pieds.

             Elle déglutit péniblement. Bien sûr, Armin avait raison. Elle aussi se posait des centaines de questions, se demandant surtout si l’intégralité de ses souvenirs lui reviendraient un jour. Et, vu sous cet angle, elle se sentait terriblement égoïste.

             Mais elle ne parvenait à faire autrement.

— Je sais, céda-t-elle. Mais j’espérais qu’il mette ça de côté pour venir me voir quand même… J’ai faillit y passer, je croyais que ça aurait de l’importance pour lui.

             Après un mois passé aux côtés d’Armin — en plus des diverses années s’étant écoulées avec lui figé dans son crâne — elle n’avait plus du tout peur de lui cacher ses sentiments. Et, surtout, elle savait qu’il se doutait de ceux-là étant donné qu’il la connaissait aujourd’hui mieux que quiconque.

             Et, en effet, il comprenait son point de vue.

— En me ramenant ici, tu as brisé le chemin et, en étant Gardienne, cela t’a sérieusement affecté, rappela-t-il. Le choc de cette ancienne vie t’a entièrement traversé et endommagée. Alors oui, tu as failli mourir et c’est même un miracle que tu aies survécu. Ironiquement, le fait que tu sois Gardienne du Chemin a poussé le chemin à se briser en toi, ce qui t’as blessée. Mais tes pouvoirs en tant que Gardienne t’ont aussi sauvé la vie.

             Lorsqu’elle était réapparue sur le mur Maria, Armin blotti dans ses bras, certains avaient hésité avant de s’élancer à leur rencontre, secoué par les souvenirs qui remontaient — en quelque sorte — subitement jusqu’à eux. Mais Levi, lui, ignorant tout cela délibérément pour s’enquérir de l’état de cette jeune femme, s’était jeté sur eux.

             Et ce qu’il avait alors vu avait failli lui arracher un cri d’effroi. Le visage ensanglanté, méconnaissable et parcouru de griffures, elle était étendue là, sous ses yeux. Ses ongles semblaient avoir été retournés et son abdomen laissait filer une quantité astronomique de sang. Plus tard, il avait appris que plusieurs de ses cotes avaient été brisées et ses doigts aussi.

             Alors, même après un mois, elle ne s’était toujours pas relevée et devait encore se reposer.

             Beaucoup admirait son sacrifice parmi les rares au courant. Tous avaient été soulagé d’apprendre qu’Hanji et Edward lui avaient sauvé la vie, la soignant malgré ses graves blessures et, ils s’étaient donc présentés à son chevet, un sourire aux lèvres pour l’apaiser et la remercier d’avoir enduré tant de souffrances.

             Durant sa convalescence, bien des choses s’étaient déroulées. Eren ainsi que tous ceux anciennement reconnus comme pro-jäger avaient été enfermés par sécurité, une lettre souhaitant un sommet diplomatique avait été envoyée à Mahr afin d’éviter une issue similaire à celle qu’ils avaient autrefois connue — le Grand Terrassement — et nombreux s’étaient élancés sur les traces de Brown Teyber, le seul titan qu’ils n’avaient pas encore appréhendé.

             Entre toutes ces activités, pas une seule fois le noiraud ne s’était arrêté dans sa chambre, s’asseyant à ses côtés et lui demandant si elle allait bien. Mais ce qu’elle ne savait pas, c’était qu’il se plaçait régulièrement dans le couloir y menant, juste à côté de sa porte, l’écoutant discuter avec Armin silencieusement, se rassurant sur son état en l’entendant rire légèrement.

             Le blond, lui, le savait. A vrai dire, il savait bien des choses. Comme le fait que le noiraud n’était présentement pas là et qu’ils pouvaient donc parler de lui sans le moindre embarras.

             Alors il fit le choix de se lancer.

— Tu sais, il n’est pas aussi froid que ce que tu peux bien croire, l’informa le blond.

             Elle lâcha un gloussement sarcastique. Elle n’arrivait pas à le défendre. A vrai dire, elle se sentait profondément blessée par son attitude.

             Avant de l’abandonner dans sa chambre et cesser de lui donner de ses nouvelles, elle n’avait rien oublié de ce qu’il avait fait. De la promesse qu’ils avaient décidé de formuler. Son regard alla d’ailleurs se perdre sur son annulaire et elle leva les yeux au ciel. Elle aurait du devenir sa femme, pas se morfondre dans un lit en se demandant où il était passé.

— Armin, il ne m’a même pas rendue visite pendant la semaine où j’étais dans le coma, quand mon pronostic vital était engagé, répondit-elle, visiblement lasse qu’il le défende autant. Tu te rends compte que même quand j’étais sur le point de passer de l’autre côté, il n’a pas daigné venir me dire au revoir !?

             Elle ne comprenait pas. Elle avait sincèrement cru que Levi l’aimait. Mais était-ce réellement le comportement d’un amant ? D’un époux ?

             Armin, de son côté, saisissait ce qu’il se tramait dans l’esprit du noiraud et là était la raison pour laquelle il prenait aussi fermement fait et cause pour lui. Il se souvenait du moment où il avait ouvert les paupières, juste après avoir basculé dans le vrai monde. Jamais il n’oublierait ce qu’il avait alors vu en tournant la tête vers sa sauveuse, là-bas, sur le mur Maria.

             Son corps inerte enfermé entre les bras du caporal, celui-là la pressant de toutes ses forces contre lui, des larmes coulant le long de son visage rendu rougi par les larmes, il n’avait cessé de supplier un être omniscient de la laisser à ses côtés, répétant qu’il n’y arriverait pas sans elle.

             Jamais le blond n’avait vu Levi pleurer auparavant. Qu’il s’agisse de la mort de son escouade, de Mike, de Nanaba, d’Erwin ou même d’Hanji, il n’avait toujours su afficher qu’un regard profondément fatigué. Non pas qu’il s’empêchait de pleurer, plutôt qu’il n’arrivait plus à le faire, enseveli dans les remparts qu’il s’était forgé.

             Alors, en le voyant ainsi, dévasté par la douleur, des larmes coulant sur son visage habituellement austère, Armin avait réalisé combien il aimait cette femme. Combien elle l’avait changé, à quel point il avait su affaiblir ses remparts.

             Il avait réalisé à quel point ils avaient besoin l’un de l’autre.

             Et, surtout, il avait compris la raison fondamentale pour laquelle le noiraud ne venait pas la voir maintenant. Cela n’avait rien à voir, malgré ses belles excuses, avec le choc des souvenirs ou ses occupations militaires, non. Il avait simplement mal et peur.

             Jamais ne s’effacerait de son cœur l’empreinte de la douleur suscitée par la vision qu’il avait eu d’elle, ce jour-là. Et il était terrifiée de réaliser à quel point elle avait eu mal et qu’il avait failli à sa tâche de la protéger.

             Même si, aujourd’hui, elle semblait bien plus en forme, il se sentait toujours aussi coupable. Comme à chaque fois qu’il perdait quelqu’un.

— Un jour, tu le comprendras, (T/P), assura-t-il. Je l’ai déjà dit…

             Il était sûr de ce qu’il disait quand il affirmait cela. Car, à l’instar d’Eren dans leur vie antérieure, sa connexion au Chemin lui avait permis de lire en l’avenir, d’une certaine façon. Et il savait ce que leur réservait le futur.











— …l’amour qui vous lie nous sauvera.

 


















désolée pour la longue absence !

et ce chapitre sans livai avec que du blabla

il sert surtout de teasing et explications

c'est pas top mais la suite sera mieux, il fallait juste une transition :)

je vais essayé de me rattraper

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top