𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟕
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E11
aucun spoiler
— Je ne te veux plus dans mon escouade.
L’ordre —car s’en était un— du caporal était tombé. Froid. Direct. Sa voix grave avait tranché l’air de ses mots telle sa lame fendant la chair des titans. Il les avait assenés avec une force infinie qui la saisit durant quelques instants.
Ai-je bien entendu ? se dit-elle simplement en prenant grand soin de ne rien laisser paraître de sa stupeur. Elle garda ses bras détendus le long de son corps et la tête haute, ne changeant strictement rien à sa posture. Mais Levi savait pertinemment quels effets avait eu sa phrase sur elle.
Elle se tourna lentement vers lui, figeant ses yeux profonds dans les deux hématites du caporal. Sans sourciller, elle maintint son regard. Il n’y avait aucune colère dans le sien, simplement un désir de lui prouver quelque chose. Et elle y parvint.
Jamais cette fille n’aurait été capable de maintenir un contact visuel avec moi auparavant et encore moins le provoquer, songea-t-il avec un sourire intérieur. Elle avait bien changé.
Bientôt, à la surprise générale, un léger sourire vint incurver l’extrémité droite des lèvres d’Emeraude. Elle demeura silencieuse durant quelques temps avant de lever le menton, faisant danser sinistrement les ombres sur son visage. Lorsqu’elle reprit la parole, sa voix se fit légèrement plus aigüe. Elle semblait amusée.
— Bien.
Là-dessus, elle quitta sa position. Le dos droit, le menton relevé et son regard affuté par ses longs cils, elle fixait un point droit devant elle. Ses pas étaient assez lents pour que tous puissent observer la splendeur de sa sortie tout en conservant un rythme assez soutenu pour marquer sa détermination.
Levi n’en était pas surpris mais cette sortie le lui prouva : elle ne regretterait pas un seul instant sa place dans l’escouade. Comme le dicton le disait si bien, mieux valait être seul que mal accompagné. Et elle l’était aux côtés de personnes en qui elle ne plaçait aucune forme de confiance.
Lorsqu’elle passa à côté de lui, son parfum —l’odeur du parchemin, de la cire de bougie avec une pointe de pétrichor— envahit les narines de Levi qui sentit ses poils se hérisser. Son corps réagissait bien à cette flagrance. Elle avait ce quelque chose de plaisant qu’il n’avait plus rencontré depuis plus d’une décennie.
La tension dans la pièce était si haute que l’air semblait être épaissi. Il faisait soudain chaud. L’atmosphère était si pesante que certains sentirent le besoin de courber quelque peu l’échine pour la soutenir. Emeraude irradiait une puissance telle que nul n’osait la fixer dans les yeux aux seules exceptions de Mikasa et Levi.
Soudain, la pièce se rafraichit et tous se détendirent. Le bruit de la porte se refermant venait de leur signaler qu’ils étaient à présent seuls. Elle était partie. Certains comme Jean s’autorisèrent un soupir de soulagement. La très courte période aux côtés de cette femme n’avait pas été des plus joyeuses.
Tous étaient tournés vers Levi qui lui gardait le dos droit tourné vers la porte. Il n’avait pas souhaité faire face au départ de la jeune femme, se contentant de tourner quelque peu la tête de sorte à mieux écouter le bruit de ses pas. Il était à mi-chemin entre le soulagement et l’agacement.
— Merci, caporal-chef ! lança Jean en massant mollement son bras encore douloureux. Cette fille est complètement barge, il était temps que quelqu’un la remettre à sa place.
Soudain, le calme qui était revenu dans la pièce au départ d’Emeraude s’envola. L’atmosphère s’alourdit de nouveau tandis que l’air s’épaississait à une grande vitesse. La chaleur monta au même rythme sous la mine quelque peu apeurée du soldat.
Seul le regard que venait de poser Levi en sa direction était la cause de ce brusque revirement de situation. Il n’avait pas eu besoin de parler. Le simple fait de montrer, pour une fois, ses émotions avaient suffi à terrifier l’homme devant lui qui déglutit péniblement, faisant tressauter maladroitement sa pomme d’Adam.
Le châtain eut bien du mal à faire le moindre mouvement lorsqu’il réalisa que les mots qu’il avait prononcés auraient mieux fait de rester dans sa tête. Après tout, il savait qu’il n’était pas le seul à les penser. Mais les dire était autre chose.
Une succession d’idées lui vint alors. Il avait plusieurs options, toute plus farfelues les unes que les autres. Mais face à une personne telle que le noiraud qui n’avait toujours exécuté le moindre mouvement et se contentait de le fixer rudement, il fallait faire preuve de grands moyens. Il dressa une liste de ce qu’il pouvait envisager de faire : pleurer, se cacher derrière Mikasa, pleurer, fuir, pleurer, le supplier de l’épargner, pleurer, pleurer, pleurer.
Pourtant, c’est un intervenant tout autre que la jeune femme qui lui sauva la mise. Sa voix calme déclara ses mots d’un ton se voulant neutre mais d’où transparaissait une pointe de regrets.
— Ce n’est pas pour nous que le caporal l’a fait, commença-t-il simplement. Mais pour elle.
Jean fronça les sourcils, éberlués tandis que Levi relevait quelque peu la tête, tendant à prouver qu’Armin était sur la bonne voie. Il le laissa poursuivre, curieux de savoir jusqu’à quel point le blond pouvait se montrer perspicace.
— Nous savons tous ce qu’il se dit sur leur relation au sein du bataillon. Levi n’a que peu d’amis et ceux-là bénéficient de son entière protection. Tout comme aucun d’entre vous ne s’imagine qu’il privilégierait notre confort à celui d’Hanji ou Erwin, il en va de même pour Emeraude.
Le châtain fronça les sourcils.
— Le caporal pense en termes d’efficacité, pas de confort, objecta immédiatement Jean.
— Et tu as le sentiment que nous sommes plus efficace maintenant qu’elle n’est plus là ?
Mikasa était celle qui venait de s’exprimer. Ses bras étaient croisés sur sa poitrine et son regard, rivé sur le sol. De toute évidence, elle n’avait pas digéré le fait que la soldate l’ait mise en échec. Pour cause, jamais ce n’était arrivé auparavant.
Elle était donc forcée d’admettre les qualités de combattante indéniable qu’Emeraude avait et qu’ils venaient de perdre.
— Justement, on le sera bien plus sans elle et c’est pour ça que le caporal l’a renvoyée, répondit Armin. Un bataillon nécessite une cohésion que les attaques de Mikasa et Jean envers Emeraude prouvent être inexistante. Sans confiance en les capacités de ses compagnons, les chances de réussir une mission collective sont faibles.
Levi ne dit rien, se contentant de penser. Le blond n’était pas loin de la vérité. Il lui manquait un simple détail.
— Ce n’est donc pour le confort de personne mais pour l’efficacité de tous que le caporal a pris cette décision, affirma Armin.
A ses côtés, Sacha et Conny ne dirent rien. Il était pourtant facile de voir l’embarras sur leur visage. Pour cause : eux avaient entièrement confiance en la jeune femme même si elle leur tapait sur le système. Et ils se sentaient quelque peu coupable donc de ne pas s’être prononcés sur son cas.
Mais Levi ne leur laissa pas le temps de se morfondre plus longtemps. Même s’il ne sourit pas et conserva un ton neutre, Eren devina rien qu’aux mots qu’il employa qu’il tirait intérieurement un sentiment de satisfaction de ses propos lorsqu’il prit la parole.
— Tu as raison, Armin. A l’exception d’un point, affirma-t-il. Jean n’était pas totalement en tort lorsqu’il vous a dit que je l’avais écarté pour votre bien.
Le titan se raidit soudain. Il venait tout juste de se remémorer son combat avec Emeraude qui remontait à quelques jours avant que l’ancienne escouade ne perde la vie. Levi lui avait déclaré quelque chose ce jour-là qui lui était resté en tête.
— Voyez-vous, Emeraude pense aussi en termes d’efficacité, continua-t-il. Si vous freinez ses missions, vous dégagez.
Une énorme goutte de sueur perla soudain sur la tempe de Jean. Il n’était pas sûr d’avoir bien compris ce que disait le noiraud. Eren, de son côté, savait pertinemment quelle allait être la suite de sa phrase.
Sa propre voix lui apparut comme un écho à ses pensées, venu de l’intérieur de ses souvenirs :
— Le major aurait dû l’inclure dans cette mission, elle est redoutable.
Toujours tirée de ses souvenirs, celle de Levi suivit :
— Je le sais. Mais le problème est que si nous l’avions laissée y prendre part, tu n’en serais pas sorti vivant. Elle aurait préféré te tuer que de les voir mourir pour toi.
Il n’avait donc pas mal compris à l’époque. Le noiraud était parfaitement conscient du fait qu’Emeraude était prête et avait sans doute déjà tué des soldats. Sans doute considérait-elle alors ses raisons comme légitimes.
Mais cela signifiait que, aux vues du peu de confiance qu’elle plaçait en eux, un drame se serait sûrement produit à la prochaine mission. Et le caporal-chef, après un rictus quasiment imperceptible, entreprit de terminer son propos.
— Emeraude n’a plus rien à perdre à l’exception de ses batailles, c’est d’ailleurs ce qui fait d’elle un combattant des plus redoutables. L’acte que Mikasa et toi venez de faire la mettra dans une éternelle prédisposition à se méfier de vous et donc, chose non négligeable, à vous considérer comme des freins, expliqua-t-il. Et les freins…
Il marqua une pause, affichant un sourire en coin.
— Elle les élimine.
Tous se raidirent.
— Ma question est donc simple.
Il releva ses yeux gris et froids qu’il vint planter dans ceux de Jean, le mettant dans un état de léthargie.
— Le jeu en vaut-il la chandelle ?
⏂
ce chapitre marque la fin de l'ellipse et oui, celle-ci n'a servi qu'à introduire une grosse intrigue du tome 2 !
j'ai trop d'idée de fanfic levi en tête purée (la prochaine sera plus courte et y'aura du 🍋🍋🍋🍋)
+ Changement de titre ! Ça fait un moment que ça me trotte dans la tête mais il me semble qu'il faut actualiser ce titre.
La Voix des Martyrs
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top