𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟑
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E11
aucun spoiler
Le chemin du retour fut bien plus pénible que celui de l'allée. Le silence n'était plus reposant, seulement tendu. Le caporal avait eu la décence de ne pas revenir sur ce qu'il avait vu, quelques dizaines de minutes auparavant. Mais il en demeurait marqué.
Etant un soldat des bataillons depuis dix ans, il avait vu et vécu des situations terribles, affronté de multiples ennemis et subit des blessures morales et physiques qui le travaillaient encore. Mais jamais il ne s'était senti aussi ébranlé face à une scène.
Il n'était pas sous le choc. Il était dur de le frapper d'horreur après les combats dans lesquels il avait été emporté. Non. Il était simplement déçu. Et intrigué.
Non seulement, lorsqu'il était revenu vers Emeraude, celle-ci avait tué un homme sous ses yeux mais quelque chose d'encore plus signifiant avait attiré son regard. Cela avait été vif, fugace et presque imperceptible. A un point tel qu'il commençait à penser qu'il avait fantasmé la scène à laquelle il avait assisté.
De son côté, la jeune femme gardait le dos raide, visiblement tendue. Ses mains crispées sur les rênes, elle déglutissait péniblement. Jamais elle ne s'était sentie aussi honteuse. Son esprit repassait en boucle la scène s'étant déroulé plus tôt et elle ne cessait de se demander pourquoi elle avait agi de la sorte, elle qui aurait peiné à le faire en temps normal.
Elle avait tué un homme. Les cinq doigts serrés autour de son col grâce auquel elle le suspendait au-dessus du vide, à six étages du sol, elle avait pris grand soin de le regarder dans les yeux, aux plus profonds de ses prunelles noirâtres avant de le lâcher. Elle avait tué un homme. Pas un titan. Pas un mutant. Un homme et, de surcroît, un soldat.
Elle avait commis cet acte sans sourciller.
En levant la tête, tout de suite après, son regard avait immédiatement accroché celui du noiraud qui, inquiet, était naturellement revenu sur sa position. Le dos droit, suspendu dans le vide grâce aux bouteilles de gaz, Levi la fixait. Et, rien qu'en regardant ses yeux gris voilés de déception, elle avait deviné qu'il avait assisté à toute la scène.
Le contact visuel qu'ils avaient alors échangé avait été bien plus insoutenable qu'à l'ordinaire. Plus intense, chargé d'une puissance nouvelle, comme électrique. C'était un renouveau. Il posait à ce moment sur elle des yeux différents de d'habitude. Et c'était encore le cas à présent.
Depuis la demi-heure qu'ils avaient passé dans le silence, il n'avait cessé de la regarder. Intensément. Il n'était toujours pas sûr de ne pas s'être trompé sur ce qu'il avait surpris, les prunelles qu'il avait croisées tantôt. Car celles-ci n'étaient alors pas habitée de la même couleur profonde qu'à l'ordinaire. Non.
Elles brillaient d'une intense lueur orange. Mirifique. Coruscante. Ethérée. Une lumière telle qu'il n'en avait jamais vu auparavant.
Il se détacha soudain de son visage dont il ne voyait que le profil. Ils venaient d'arriver à la base et une voix qu'il ne connaissait pas avait interpellé son amie. Il s'agissait d'une voix grave et masculine et, en se tournant vers son origine, il fut frappé de stupeur.
Il s'agissait d'un homme assez grand et tout en muscle. Sa taille était si haute que, lorsqu'il le devança sans un regard pour rejoindre la jeune femme située à côté, il vit que sa tête dépassait celle de son cheval. Au sommet de celle-ci étaient noués en un chignon relâché de longs cheveux noir de jais formant un contraste singulier avec ses yeux ambrés.
Levi le reconnut lorsqu'il constata la couleur de ses prunelles. Il se rappela l'avoir vu aux côtés d'Emeraude juste avant l'assaut du titan rampant. Il avait demandé à Erwin de qui il s'agissait mais le blond avait juste eu le temps de lui dire qu'il les avait aidés lors du coup d'état avant de tourner les talons, pressé de régler le problème qu'ils avaient alors.
Il ne savait donc de lui que le fait qu'il était proche de la jeune femme et soldat. Il ne sut pourquoi mais cette première information ne lui plut guère. Il ne savait pas s'il pouvait leur faire confiance, peut-être était-il même lié aux personnes qui avaient tenté d'assassiner Emeraude.
Aussi, dès lors qu'il vit ses bras bien développés et couverts de peinture noire, sans doute faite à l'aiguille pour s'ancrer dans sa peau, il pinça les lèvres. L'uniforme règlementaire ne comportait aucun débardeur, il n'était pas normal que le caporal puisse voir ses tatouages. D'autant plus que ceux-ci étaient interdits dans l'armée.
— Tu oses te pavaner devant un de tes supérieurs dans une tenue pareille ? siffla-t-il avant qu'il ne parvienne à hauteur de la jeune femme.
Celle-ci fusilla le noiraud du regard, appréciant moyennement sa remarque. Lorsqu'ils s'étaient retrouvés, le caporal avait passé la plupart de son temps en tenue civile mais jamais elle ne s'était permise la moindre remarque sur le sujet.
D'autant plus que, s'il n'appréciait pas d'obéir aux ordres de ses supérieurs mais s'évertuaient de le faire, ce genre de restrictions lui passaient largement au-dessus. La preuve : Emeraude n'aurait jamais dû intégrer ses rangs mais il avait fait en sorte que cela se produise.
L'homme se raidit en entendant la voix profondément grave aux tons ennuyés de Levi. Au même titre que tous les soldats et bien des civiles, il connaissait le caporal. Sa réputation le précédait et ce, de très loin. Aussi, il n'était pas forcément désireux de poursuivre dans sa lancée et ignorer le noiraud.
Immédiatement, il se tourna vers lui, affichant des yeux ronds comme des soucoupes bordés de longs cils noirs qu'il battit à quelques reprises, tentant de chasser quelque peu les larmes qui lui montaient aux yeux. Non seulement les sabots des chevaux soulevaient des volutes de sables sur le sol de gravier mais son interlocuteur le fixait avec un tel mépris que son corps l'en brûlait.
Il n'y avait pas à dire, les légendes étaient vraies. Il était terrifiant. En prenant conscience de cela, son premier réflexe fut de poser son poing droit sur son cœur et de ranger son autre bras dans son dos avant de lever la tête, fixant son supérieur qui se trouvait sur le majestueux cheval brun devant lui.
— Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour mes vêtements, caporal-chef. J'allais de ce pas me changer, caporal-chef, scanda-t-il en regardant son front, trop apeuré à l'idée de le fixer dans les yeux.
Levi entendit nettement la langue d'Emeraude claquer contre son palais, signe qu'elle désapprouvait ce qu'il se passait. Même si les soldats devaient le respect à leur supérieur, les obliger à se mettre dans une telle position avait quelque chose de dégradant qu'elle n'appréciait guère. D'autant plus que celui qui devait le subir était un de ses proches.
Elle était d'autant plus agacée que le noiraud n'avait pas l'habitude de se comporter de la sorte. Sans doute souhaitait-il la punir d'avoir tué un soldat en se comportant comme un imbécile. Mais Dan n'avait pas à en pâtir.
Elle ouvrit la bouche pour le sermonner et il l'entendit prendre une profonde inspiration qu'il accueillit avec un soupir. Son monologue promettait d'être long. Il avait horreur des personnes qui parlaient trop. Tout comme elle avait horreur de ceux qui pensaient trop.
— Il est en charge du courrier et devait se revêtir d'une combinaison particulière pour contrôler qu'aucun ne soit empoisonné avant de le distribuer, Levi. Son uniforme se trouve dans sa chambre et il y allait, ce n'est pas grave s'il s'est arrêté en route pour saluer notre amie, la coupa une voix avant même qu'elle ne commence.
Les trois se retournèrent d'un seul et même mouvement, tombant nez à nez avec le regard froid pourvu d'épais sourcils le rendant encore plus sévère d'Erwin. Ses cheveux blonds étaient, comme à leur habitude, particulièrement bien peignés et il gardait sa tête haute. Sa posture ainsi que son uniforme trahissaient son haut grade.
A ses côtés, ses yeux bruns grands ouverts derrière ses lunettes à épaisse monture noire, Hanji leur offrait un faible sourire en guise de salutation. Elle n'avait pas encore eu l'occasion de parler avec Levi et Emeraude mais avait passé la matinée en compagnie du dernier membre du trio. Ses cheveux emmêlés dans sa queue de cheval prouvaient d'ailleurs combien elle avait dû s'acharner sur sa tâche.
Levi soupira en les voyant. Tous deux lui étaient hiérarchiquement supérieurs et, même s'il aurait apprécié de leur demander d'aller se faire mettre, il savait pertinemment que ce n'était pas le moment. Alors, reportant son attention sur le soldat dont il ne connaissait pas le nom, il pinça les lèvres.
— Je vois, lâcha-t-il avec tout le dédain dont il était capable. Va te changer avant de lui parler, on est militaire, pas prostitués.
Hanji haussa vivement les sourcils. Depuis les années qu'elle connaissait le noiraud, jamais elle ne l'avait entendu commenter la tenue de qui que ce soit. Et elle savait d'ailleurs que ce n'était pas par retenue, simplement parce qu'il se fichait complètement de ce que les gens portaient. De plus, jamais il n'avait perçu le terme de prostitué comme une insulte. Dans un monde où tout se monneyait, regarder de travers un travailleur du sexe n'était que l'hypocrisie.
Non. L'allusion de Levi ne ressemblait pas à ce qu'il avait l'habitude de proférer comme insulte. A vrai dire, il semblait même que, pris de court, il ait simplement lâché au visage de Dan les premiers habituels discours qu'il entendait à l'accoutumée lors de dispute. Comme si le froid et implacable caporal s'était mué en un adolescent anxieux et dépourvu de réparti font le dernier recours avait été de rabâcher une vieille formule tout faite.
Cela ne lui ressemblait décidément pas.
Alors, qu'est-ce qui avait bien pu changer ? Pourquoi semblait-il avoir abandonné toute retenue et même une partie de ses capacités de réflexions ?
Elle esquissa soudain un large sourire qu'elle tourna vers le blond. Celui-ci vit ses yeux rieurs du coin de l'œil mais fit mine de ne pas l'avoir remarqué, voulant rester professionnel. Mais il savait très bien ce qu'il venait de passer par la tête de la scientifique.
Tu penses à ce que je pense ? pensa-t-elle de toutes ses forces en espérant lui communiquer ses mots par la pensée. Elle le vit alors lever faiblement les yeux au ciel. Oh oui, tu penses à ce que je pense, ria-t-elle ensuite intérieurement.
De son côté, l'état d'Emeraude était radicalement différent de celui de son amie. Elle était bien moins enjouée.
— Je t'accompagnes te changer, on parlera sur le chemin et je te montrerais le dos quand tu t'habilleras, lâcha-t-elle durement à l'intention de son ami mais en fixant le caporal.
Celui-ci eut un rictus moqueur et se tourna vers elle à son tour, soutenant sans sourciller ce contact visuel.
— Je sais que les salaires des soldats sont moindres mais si ça te démange tellement, je peux t'avancer une fille...ou un homme. Pas besoin de taper dans le bas de gamme.
Voyant trois hauts gradés réunis au sein d'un même groupe avec celle qui n'était autre que la soldate la plus mystérieuse de la base, nombre étaient leurs collègues qui s'étaient tournés vers eux et leur prêtaient attention. D'autant plus maintenant qu'il venait de lui asséner une telle remarque.
— Si tu veux aller te défouler au bordel du coin, grand bien te fasse. Je me contenterais d'une discussion avec un ami.
Elle vit la mâchoire de Levi se contracter.
— Parce que t'en as, des amis ?
— J'en aurais plus si tu les avais pas laisser crever sous tes ordres, lâcha-t-elle en crachant ce onzième mot.
Un silence s'abattit lourdement sur les lieux après cette phrase. Plus personne ne dit mot. Même Hanji avait abandonné son sourire attendri. S'ils avaient l'habitude de se chamailler, voilà longtemps qu'Emeraude n'avait pas ramené ce sujet sur la table. A vrai dire, la dernière fois était le jour où elle avait quitté leur ancienne base.
Il semblait d'ailleurs douloureusement se rappeler ce jour-là. Si la colère habitant ses yeux s'était muée en fureur, la façon dont Levi ferma alors les paupières apparut aux yeux de son interlocutrice comme de la peine. Aussitôt qu'elle le vit, elle pinça ses lèvres et battit des paupières, souhaitant chasser la poussière qui venait de s'y glisser.
Sans doute par manque de répartie, elle n'avait pas contrôlé ses mots et avait sorti la carte la plus blessante qu'il soit. Elle se sentait minable d'avoir agi ainsi. Cela lui avait pris du temps mais elle avait réalisé que ce n'était pas à cause de Levi que ses amis étaient morts. Elle savait par ailleurs que lui n'était pas tout à fait conscient de cela.
Elle baissa quelque peu la tête et, sentant les milles et unes pairs de yeux pointé dans leur direction, releva faiblement le menton. Sans n'en regarder aucune, elle lâcha d'une voix forte :
— Je sais que ma réputation me précède. Si l'un d'entre vous persiste à me fixer, je lui arrache les yeux. Compris ?
Leur réaction fut immédiate. Du coin de l'œil, elle les vit tous quitter les lieux. Mais elle n'y prêta pas vraiment attention, ses prunelles étaient rivées vers Levi mais lui ne la regardait pas. Elle avait merdé et elle s'en voulait.
Cela se voyait à la façon dont il venait de fermer les yeux, l'évitant soigneusement : ce qu'elle venait de faire venait de créer une fissure irréparable entre eux. Elle ouvrit la bouche pour s'excuser mais sa gorge serrée d'un étau ne fut capable de laisser filer le moindre son.
Il reprit les rênes de son destrier tout en continuant de l'ignorer et le fit avancer de quelques pas pour rejoindre l'une des boxes les entourant pour y ranger son cheval. En dépassant Dan, il ne prit pas le peine de s'arrêter mais lui déclara :
— Obéit-lui, trou du cul. Vous faites la paire.
C'est en affichant une moue navrée qu'elle le regarda les quitter sans un mot de plus. Dan fit de même puis, reportant son attention sur Emeraude, haussa un sourcil réprobateur. Elle fronça les siens en le voyant. Il s'expliqua sans même prêter attention au fait qu'Hanji et Erwin se trouvaient juste à côté.
— Je sais que t'es une handicapée des sentiments mais c'est pas en l'accusant de meurtre que tu pourras faire en sorte que tes sentiments soient réciproques.
Elle se raidit brusquement et le dévisagea encore plus intensément, pas sûre d'avoir bien compris ses mots. Ou plutôt, faisant mine de ne pas les avoir compris. Il fit alors l'erreur de s'expliquer.
— Je te parle du fait que tu es amoureuse du caporal.
Je vais lui en coller une à ce bouffon, fut sa seule pensée.
⏂
bon.
je voulais vous montrer de qui était inspiré le personnage de Dan et je vous préviens que ça va me griller dans mes lectures mais bon.
il est en réalité un croisement entre deux personnages de webtoon.
Tora dans Midnight Poppy Land.
Seigneur Yoon Seung Ho dans Painter Of The Night.
(Faites comme si vous ne saviez pas de quoi il s'agissait mdrrrr ça facilitera les choses pour tout le monde)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top