𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟐

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS















             Avec un soupir de fatigue, la jeune femme vint ranger le chiffon qu’elle tenait dans le tiroir de sa commode, tentant de ne pas trop penser à la raison pour laquelle elle avait dû récurer le parquet. Ou plutôt, essayant de se focaliser sur autre chose pendant que les images de son corps haletant dans le miroir lui revenaient ainsi que l’ardeur avec laquelle Levi l’avait fixée la veille.

             Elle s’était effondrée dans ses bras tandis que l’eau du bain montait jusqu’à hauteur de ses clavicules. Puis, lorsqu’elle s’était réveillée le lendemain, propre et soigneusement habillée, remarquant que même ses dents avaient été brossées — le caporal avait décidemment un gros problème avec la saleté — dans un lit vide, elle avait d’abord cru à un rêve. Mais la sensation des mains du noiraud sur sa peau était simplement trop intense et entêtante pour ne venir que de son esprit.

             Et les tâches de sa semence sur le parquet qu’elle avait nettoyé, les joues chaudes, prouvaient qu’il s’était bel et bien passé quelque chose.

             Alors elle devait s’avouer pour le moins déconcertée. La nuit d’hier avait été incroyable, presque surréaliste. Tandis que la situation entre eux — même si elle tendait à s’apaiser — était assez embarrassante, il avait pénétré sa chambre en silence et, comme s’il n’y avait que ce déroulement là de possible, l’avait naturellement enserrée et déshabillée. Elle se sentait donc assez déroutée, après la chaleur de ses bras, l’intensité de leur rapport, la douceur du bain, de ne pas l’avoir trouvé à ses côtés au petit matin.

             Mais elle secoua bien vite la tête, tentant de se débarrasser de ses idées luxurieuses. Car elle avait mieux à faire, nettement mieux à faire. A la fin de la semaine, ils cavaleraient jusqu’à Shiganshina pour retrouver la cave du père d’Eren, celle censée renfermer le secret des titans et la clé vers leur liberté.

             Alors mieux valait qu’elle s’éloigne de ses souvenirs écarlates, qu’importe si la mélodie entêtante de la respiration de Levi ne semblait pas vouloir la quitter. Elle peinait encore à croire ce qu’il s’était passé tant cela avait été soudain et puissant.

Woaw, ça sent le sexe ici, retentit une voix dans son dos.

— Bonjour à toi aussi, Edward, répondit simplement sa sœur en se détournant de la commode pour regarder le nouveau venu.

             Les mains jointes dans le dos, ses cheveux blonds avaient été ramenés en un chignon imposant tandis que sa barbe dorée à la racine noire — signe qu’il devait refaire sa teinture — avait été taillée soigneusement, ne couvrant que légèrement son visage dans un style négligé.

             Son nez aquilin relevé, il semblait inspirer l’air de la salle. Et, en réalisant la première phrase qu’il venait de lui balancer, elle sentit soudain ses joues se chauffer. Si le blond, pour une fois, n’avait pas lancé une réplique au hasard pour l’embarrasser mais avait vraiment inspiré une odeur particulière ?

             Malgré elle, elle l’imita, tentant de savoir si son acte de la veille serait reconnaissable à l’odeur. Mais elle ne trouva que celle puissante des fleurs qu’on lui avait amenée pour changer le vase qu’elle avait projeté sur Erwin.

— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

             Il baissa les yeux dans sa direction.

— Te faire chier, répondit-il simplement.

— J’aurais dû m’en douter, roula-t-elle des yeux tout en se penchant vers son lit pour lisser les draps. T’as pas des expériences à faire avec Hanji ?

— Non, je me suis fais virer de son laboratoire.

             La soldate se redressa vivement.

— Hanji ? Cette espèce d’écureuil cinglé t’a viré ?

             Il acquiesça, tentant d’adopter un air attristé. Et ce fut en voyant ce dernier que sa sœur comprit. Ses traits surpris retombèrent brutalement et elle croisa les bras sur sa poitrine.

— Qu’est-ce que t’as fait ?

             D’une façon bien trop exagérée pour être honnête, son frère haussa soudain les sourcils, posant la main sur son cœur :

— Moi ? Coupable ? Et tu ne cherches même pas à connaître ma version de l’histoire ? Tu sais à quel point je me sens tra…

— Edward, le coupa-t-elle.

— Ok, j’ai peut-être provoqué un début d’explosion.

             Les yeux de la soldate s’écarquillèrent.

— ENCORE !? hurla-t-elle de stupeur, se rappelant qu’il avait déjà failli être radié de l’armée, trois ans auparavant, pour avoir mené trois bâtiments à leur perte.

— Mais j’ai géré la catastrophe ! se défendit-il en tirant légèrement sur sa chemise dans un geste se voulant fier.

— Et qu’est-ce que tu fabriquais, cette fois-là ? demanda-t-elle en haussant un sourcil.

             Lorsqu’il ne répondit pas, se contentant de la regarder avec un sourire stupide, elle songea sérieusement à commettre un fratricide. Car il ne lui en fallait pas plus pour comprendre ce qu’il s’était passé.

             A savoir la même chose que les trois autres fois.

— Non mais je rêve, c’était encore pour fabriquer une teinture !? rugit-elle.

— Hé ! Oh ! Tout le monde me complimente sur mes cheveux mais trouve que les racines réapparaissent trop vite, je perfectionne le remède ! Je veux pas les décolorer parce que ça les abîme mais j’ai trouvé un moyen de simplement les colorer malgré leur couleur foncé de base, c’est incroyable quand même ! Sauf que la couche blonde se dégrade trop vite et…

— Ce n’est pas un remède, Edward, c’est une invention qui a déjà coûté beaucoup trop cher aux citoyens, si tu veux mon avis ! le coupa-t-elle.

— Je passe ma vie à leur sauver le cul, j’espère bien qu’ils vont casquer pour ce magnifique faciès, répondit-il en faisant de grands gestes autour de son visage.

             Sa sœur ouvrit la bouche avant de la refermer immédiatement, ses sourcils se haussant en une moue surprise.

— Étonnamment… Tu marques un point, commenta-t-elle. Enfin, je veux dire, tu es laid, mais tu marques un point.

— Tu ressembles aux soldats après le passage des titans donc ouvre pas trop ta bouche, rétorqua-t-il.

— Je te demande pardon ?

             S’écartant du lit, elle fit mine de s’avancer en direction d’Edward, menaçante. Mais à l’instant même où elle apparut en entier dans son champ de vision et que le regard de l’homme tomba sur ses deux jambes flageolantes, son cœur rata un battement.

             Car l’expression de stupeur qui venait de traverser le regard du blond, elle la connaissait bien.

— Tu t’es envoyé en l’air ! s’exclama-t-il en la pointant d’un doigt accusateur.

— Quoi !?

— Ne me mens pas, j’ai un flair infaillible ! Et tes jambes tremblent légèrement !

— Mais arrêtes tes conneries ! tenta-t-elle de se défendre, poussant sur sa voix pour masquer son embarras.

— Tut tut ! (T/P) (T/N) tu ne réponds pas à ton fraternel !

— Et toi, utilises pas mon vrai nom sans ma permission ! la rabroua-t-elle.

— N’essayes même pas de changer de sujet !

— Mais je ne…

— Tut tut ! l’interrompit-il, la pointant de nouveau du doigt.

             Désarçonnée par tant d’impolitesse, elle ouvrit la bouche. Mais il ne semblait pas vouloir la laisser prendre la parole puisque, avant que le moindre son n’ait la chance de franchir ses lèvres, il hurla de plus bel :

— TUT TUT !

             La jeune femme le fusilla du regard, abasourdie par la stupidité de l’homme. Mais, voyant sa persistance dans l’idée d’agir comme un abruti, elle comprit qu’elle n’allait pas pouvoir s’en tirer comme ça.

             Alors, faisant le choix de le clouer sur place, elle assuma la vérité. L’entière vérité.

— Tu sais quoi ? Ouais, affirma-t-elle. Je me suis envoyée en l’air ici-même avec le caporal-chef, ça te va !?

             Étonnamment — ou plutôt tout à fait normalement puisqu’il s’agissait d’Edward (T/N) —, le blond n’alla pas éclater en colère ou afficher une expression sidérée. Non, il se contenta de sourire. Un sourire qu’elle connaissait bien.

             Un sourire joueur.

— Du coup, pour le pari ?

— Va te faire ! le coupa-t-elle en pointant la porte du doigt, abasourdie.

— Avec plaisir mais, avant, est-ce que j’ai gagné ? demanda-t-il avec soudain un grand sérieux, ses sourcils froncés.

— Mais t’as pas l’impression d’être un peu trop à l’aise ? s’exclama-t-elle, outrée.

— Si j’étais vraiment à l’aise, je te demanderais s’il veut qu’on l’appelle caporal au lit, parce que j’ai aussi fait un pari là-dessus.

             Les sourcils de la jeune femme se haussèrent violemment, elle était trop surprise pour se mettre en colère. Et elle ne savait réellement si son frère était le plus grand imbécile que cette terre n’ait jamais porté ou un génie.

             Mais la réponse ne pouvait pas être les deux.

             Affichant soudain un sourire plus doux, il posa ses yeux sur le parquet, visiblement attendri, tandis que ses mains venaient se poser sur sa taille.

— Quand je pense que c’est moi qui lui aie tout appris sur le sujet, déclara-t-il comme un père fier de son enfant. Si on y réfléchit bien, j’ai aidé mon meilleur ami à coucher avec ma sœur.

             Soudain, au moment où il prononça cette phrase, son sourire retomba et ses yeux s’écarquillèrent, visiblement effaré.

— J’ai aidé mon meilleur ami à coucher avec ma sœur, répéta-t-il, abasourdi.

             Comprenant qu’ils allaient en avoir pour un petit moment, elle soupira, rejoignant le lit pour s’assoir dessus. Elle n’était pas forcément ravie de partager ce qu’il s’était passé la veille avec le blond — d’autant plus qu’elle ne savait si Levi voulait qu’il soit au courant — mais Edward ne la laisserait sûrement pas tranquille sur le sujet.

             Il était aussi bon scientifique que commère. S’il avait passé autant de temps à s’entrainer qu’à écouter les ragots, il aurait sans doute déjà atteint le niveau des Ackerman depuis longtemps.

             Il était quand même le seul soldat à avoir demandé à Zackley de lui faire savoir les « petits potins » de chaque division de l’armée. Daris Zackley.

             Le grand chef.

             Autant dire qu’avec lae surexcité-e Hanji Zoe, le sanglant Levi Ackerman, le sniffeur Mike Zacharias et la commère Edward, les bataillons avaient eut une singulière allure durant pas mal d’années.

             Et, à vrai dire, étant donné l’aspect des nouveaux membres, c’était toujours le cas.

— Bon, au moins mes cours vous ont servi, tenta de se rassurer le blond en reprenant la parole au bout d’un moment. Vous avez bien désinfecté les protections avant de les utiliser ?

             La jeune femme, assise en tailleur sur le matelas, sentit soudain les traits de son visage s’affaisser. Et, lorsqu’Edward remarqua ce brutal changement d’expression faciale, il déglutit péniblement.

— Rassure-moi, vous vous êtes bien protégés ? insista-t-il.

— J… Heu…, balbutia-t-elle, mal à l’aise avant de tenter une excuse. Il m’a lavée après ?

             Et, quand le blond éclata soudain d’un rire nerveux particulièrement forcé, comme s’il tentait de cacher sa colère derrière ses cordes vocales, elle réalisa que sa dernière phrase n’avait pas été digérée.

— Ah bah s’il t’a nettoyée après, tout va bien ! lâcha-t-il.

— C’est vrai ? répondit-elle avec une lueur d’espoir dans les yeux.

             Elle vit l’éclair de colère qui traversa les yeux sombres de son frère et eut tout juste le temps de l’apercevoir se baisser, sa main s’enfermant sur sa botte.

— Je vais te foutre quelque chose de vrai, tu vas voir toi ! gronda-t-il en ôtant sa chaussure d’un geste trahissant son habitude de la chose et la lançant sur la jeune femme.

             Glissant sur le côté, elle évita tout juste l’objet qui s’écrasa contre le mur. Puis, avec une roulade gracieuse sur le flanc, tomba du lit afin de se projeter du deuxième soulier qui passa juste au-dessus de son crâne pour frapper l’armoire dans son dos.

             Le blond s’élança sur elle, plongeant au sol les bras en avant mais, habituée à ses techniques de combat, elle dévia aisément son attaque en se décalant sur le côté. A l’instant où il arriva à sa hauteur, atteignant l’endroit qu’elle venait de déserter, elle abattit son bras sur ses omoplates, lui arrachant un cri de stupeur. Mais il profita de sa position pour attraper son mollet dans sa chute et, tirant dessus, la faire tomber sur le ventre. Dans un grognement de douleur lorsque son menton vint taper le sol dur du parquet, elle saisit le col du jeune homme et, tournoyant sur elle-même en s’aidant de son pied sur le lit comme appui, ramena sa tête entre ses cuisses pour serrer sa gorge. Seulement au moment où il sentit son crâne approcher du corps de sa sœur, il envoya celui-ci en plein dans son ventre pour la désarçonner. Dans un réflexe, elle s’agrippa à lui en gémissant de douleur et roula sur le côté jusqu’au centre de la pièce, l’emportant avec lui dans son geste. Il tenta de se défaire de sa prise mais, d’un mouvement habile, elle le frappa dans les articulations quand il se redressa, l’empêchant de se lever et se mit sur ses deux pieds au-dessus de lui.

             Et ce ne fut que lorsqu’elle se retrouva debout devant son corps allongé qu’elle constata qu’ils avaient eu le même réflexe, à savoir saisir un sabre accroché à la taille d’Edward et le pointer chacun sur la gorge de l’autre.

             Le bruit de la porte grinçant juste à côté les tira soudain de leur moment particulier, les forçant à tourner la tête tandis que leurs lames touchaient quasiment leur pomme d’Adam respective.

             Dans l’encadrement de la porte, les yeux écarquillés, le visage figé de stupeur de Jean se dessinait, observant médusé la scène. Ses cheveux châtains en bataille sur son crâne et un sabre à la main, ils l’avaient de toute évidence attiré en catastrophe à cause de leur raffut, le garçon ayant cru à une attaque sérieuse.

             Alors il ne s’était sûrement pas attendu à tomber sur une scène pareille.

— Une partie de moi est intriguée, céda-t-il au bout d’un certain moment. Mais l’autre sait pertinemment que tout ce que je peux imaginer n’effleure même pas la vérité.

             Puis, sans un mot de plus, il quitta les lieux, visiblement désemparé. Et, si l’idée de se détourner de la porte pour se regarder les effleura, ce fut avant de se rendre compte que, juste derrière le châtain, un autre homme se tenait, ses traits figés en une moue impassible et ses mains jointes dans le dos.

             Les yeux des deux frères et sœurs s’écarquillèrent, honteux d’être pris dans une telle posture, l’un tentant manifestement d’assassiner l’autre et vice-versa.

— Je… Salut caporal…, tenta-t-elle sans bouger le moindre petit doigt, sidéré.

— Ça va, chez vous ? ajouta le blond.

             Le noiraud ne put s’empêcher d’hausser un sourcil. Là, l’un allongé aux pieds de l’autre, son sabre tendu vers la gorge de la jeune femme qui faisait de même en retour, ils semblaient pourtant tout à fait détendus.

             Comme si la situation était on-ne-peut-plus banale.

— J’espère que vous n’avez aucun frère caché parce qu’il y a définitivement quelque chose de bizarre dans vos gênes, cingla-t-il simplement. Debout, soldats.

             Aussitôt, ils s’exécutèrent, quelque peu saisis par le ton froid de l’homme. Lâchant subitement leurs armes au sol qui s’écroulèrent dans un fracas, ils vinrent se placer sur leurs deux pieds, raides comme des piquets.

             Levi fut quelque peu décontenancé de les voir respecter ses dires si facilement. Et il réalisa que la seule raison pour laquelle ils auraient bien pu se raidir comme ça en sa présence aurait été que ce qui les avait mis dans cet état était lié à lui et les gênait.

             Sa gorge s’assécha. Il songea de nouveau à la nuit d’hier, les omoplates de la jeune femme roulant tandis qu’elle gémissait, la peinture érotique qu’ils formaient dans le miroir, le contact de sa paume sur ses fesses, leur étreinte dans la salle de bain.

             Il était venu s’assurer que tout allait bien pour elle aujourd’hui, ayant entendu des rumeurs selon lesquelles certaines personnes souffraient tant après ce genre de choses qu’elles n’arrivaient plus à marcher. Mais, étant donné sa position avec Edward, il pouvait en conclure qu’elle se portait étonnamment bien.

             D’autant plus lorsque ce dernier se permit de prendre la parole.

— Tu sais, si nos gênes te dérangent tant, tu ferais mieux d’éviter de te donner une chance de les faire se reproduire.

             Levi ne laissa aucune marque de surprise déformer ses traits mais Edward le connaissait assez pour savoir qu’il voulait en savoir plus.

— Je parle du fait que tu n’aies pas utilisé de protection, hier.

             Levi se raidit, mal à l’aise à l’idée qu’Edward ait obtenu de tels détails sur cette soirée. Et, remarquant ses pieds nus et bottes envoyées aux quatre coins de la pièce, il réalisa alors la raison pour laquelle ils venaient de se battre.

             A la fois embarrassé et agacé, le noiraud se contenta de faire un pas sur le côté, laissant le champ libre au blond de s’en aller.

— Dehors, ordonna-t-il d’une voix rude.

— Mais…

             Le regard noir que lui lança le caporal le coupa dans ses protestations. Baissant quelque peu les yeux, il ne prit même pas la peine d’aller chercher ses bottes et sortit de la pièce docilement.

             Seulement, en arrivant à hauteur du noiraud, il se permit un dernier geste. Pointant son index et majeur en direction de ses yeux puis sur le visage de l’homme, il lui signifia qu’il le surveillait. Ce à quoi Levi répondit par un mouvement sec de la tête, faisant mine de l’attaquer.

             Pris de court, Edward sursauta et se cogna contre la porte derrière lui de plein fouet, arrachant un sourire amusé à sa sœur qui fit de son mieux pour ne pas éclater de rire. Puis, sans demander son reste, il franchit le seuil.

             Levi s’empressa de fermer derrière lui, présentant son dos à la jeune femme et s’arrêtant quelques instants dans cette position pour rassembler ses forces et sa concentration.

             Les images de la nuit dernière lui revenaient sans cesse, asséchant sa gorge. Et il ne savait pas réellement comment faire pour gérer la chaleur intense qui le prenait quand ses yeux tombaient sur les lèvres de la jeune femme. Il eut du mal à déglutir.

             Ressentant aussi la gêne ambiante, elle décida d’aborder un autre sujet, tentant de détendre l’atmosphère.

— Je comprends pas pourquoi tu le frappes jamais, c’est sûrement le plus insolent de nous tous, commenta-t-elle.

— Je l’ai déjà fait une fois, répondit-il simplement mais elle vit ses oreilles virer au cramoisie et comprit la nature délicate de ce souvenir.

— Et qu’est-ce qu’il s’est passé ?

             Mais elle n’était décidément pas préparée à entendre cela. Il se sentit presque mal de l’embarrasser davantage qu’elle ne l’était déjà alors qu’elle tentait juste de détendre l’atmosphère quand il rétorqua :

— Il a gémit.

             Les yeux de la soldate s’écarquillèrent et elle sentit sa mâchoire se décrocher. Si elle ne cria pas de stupeur, ce fut simplement parce que ce que venait de dire le caporal l’avait laissée sans voix.

             Son frère avait fait quoi ?

             Levi se retourna enfin vers elle, lui accordant un regard intense. Et elle dut faire de son mieux lorsqu’elle sentit avec quelle ardeur ces hématites venaient de l’accrocher. L’acier de ses iris était percutant. Mais elle se sentait bien dans ses yeux.

— C’était sincère ou juste une tactique pour te dissuader de recommencer ? demanda-t-elle d’une petite voix, abasourdie.

— Je ne sais pas et tu te doutes bien que je n’ai pas tenu à vérifier.

             Elle dut retenir un rire. Encore une fois, elle ne savait pas si son frère était profondément abruti ou un génie incompris. Car, au bout du compte, grâce à sa manœuvre, il était bien le seul que le noiraud ne frappait jamais.

             Lorsque le caporal remarqua le sourire de la soldate, il sentit son estomac se soulever. Elle était magnifique lorsque ses lèvres s’étiraient. Cela lui donnait encore plus envie de les embrasser.

— Si je puis me permettre c’était un grognement particulièrement viril de mâle alpha et pas un gémissement ! retentit la voix d’Edward, étouffée, de l’autre côté de la porte.

— DÉGAGE ! rétorquèrent-ils en chœur en se tournant vers le mur, abasourdis que le blond soit resté les écouter.

             Des pas précipités se firent alors entendre, s’évanouissant à mesure qu’Edward s’éloignait. Et elle dut retenir un rire en constatant la rapidité avec laquelle il avait obéit. Même si le noiraud ne le frappait pas, il restait intimidé par lui. Au même titre que tous.

             Et surtout d’elle, debout face à celui qui faisait tant battre son cœur.

             Lorsqu’il se tourna de nouveau vers elle, elle ne put que déglutir péniblement. Ses hématites accrochèrent ses yeux, lui arrachant des battements de cœur anormalement rapides. Elle sentit sa gorge s’assécher et ses mains devenir moites, le regard de l’homme semblant la sonder comme nul ne saurait le faire.

             L’air s’était épaissi. Le goût amer de l’angoisse emplissait sa bouche mais il se voyait adouci par la douce odeur de cire de bougie et thé noir qu’il apportait. Ses jambes se faisaient flageolantes mais le bruit de sa propre respiration saccadée lui permettait de se stabiliser légèrement. Et ses yeux se perdaient dans la splendide mer argentée de ses prunelles.

             Elle aurait aimé le regarder ainsi toute la journée. Mais, sans même réfléchir, voulant briser le silence pesant, elle prit la parole, sortant la première phrase lui passant par la tête. Et elle s’en maudit tout de suite après.

— Pourquoi tu es parti, hier ?

             Elle pinça ses lèvres furieusement en entendant son ton accusateur. Elle avait juste souhaité aborder le sujet d’une façon ou d’une autre. Mais elle semblait en vouloir au noiraud alors que ce n’était pas le cas, elle était juste quelque peu dépitée.

             Il haussa les sourcils, quelque peu surpris.

— Et bien, comme on n’est pas… Enfin, même si on a…

             Ses joues étaient rouges, il était embarrassé. Et c’était tellement rare de le voir dans cet état que, le temps d’un instant, elle dut faire preuve d’une grande maitrise de soit pour ne pas saisir entre ses mains ce doux visage cramoisie pour mieux l’observer.

             Mais, droite comme un I à trois mètres de lui, gênée à l’idée de s’approcher davantage, elle ne fit rien.

— On n’est pas comme… Tu vois le truc entre Ymir et Historia, là. Se tenir la main, s’embrasser, expliqua-t-il dans un regard fuyant.

— Tu veux dire en couple ? demanda la jeune femme en sentant les battements de son cœur amplifier, échauffée par la vision attrayante se présentant à elle.

— Oui… Voilà…, hésita-t-il. Je ne sais pas trop ce que je peux faire comme on n’est pas… en couple.

             Elle serra les mains sur ses coudes, tentant de s’empêcher par tous les moyens de s’approcher de lui. Avec ses joues rosées, son air anormalement embarrassé et ses lèvres gonflées sous la chaleur ambiante, il était incroyablement attirant.

— Donc j’ai pas osé t’embrasser et j’étais pas sûr que tu voulais me voir le matin dans ton lit…

             Elle sentit son cœur rater un battement, touchée par la maladresse du noiraud qui croyait réellement avoir fait le meilleur choix possible — et, dans un sens, l’avait fait. Et c’est en le voyant ainsi, gêné d’avoir pris tant de précautions pour ne pas l’importuner, qu’elle réalisa sans aucune pudeur qu’elle l’aimait vraiment passionnément.

             Ce n’était pas qu’une attirance. Elle savait que jamais son cœur ne battrait pour quelqu’un comme il battait à présent pour lui.

             Alors, minaudant timidement, elle demanda simplement :

— Et tu as songé à ça ? Le couple ?

             Il haussa les sourcils, quelque peu surpris :

— Avec toi ?

             Elle acquiesça, les joues chaudes et le regard fuyant. Ils ressemblaient à deux écoliers, là, à trois mètres de distance l’un de l’autre, n’osant point se regarder dans les yeux et respirant difficilement.

             Ce qui était un comble lorsqu’ils resongeaient au fait que, la veille à ce même endroit, ils étaient loin, très loin, de toute forme de timidité.

             Il ne sut comment répondre. A vrai dire, il ne voulait pas la blesser.

             Evidemment qu’il y avait pensé. Il s’était même surpris à sourire, en rentrant dans son dortoir la veille, songeant à une vie avec elle. Niaisement, il s’était imaginé se glissant sous les draps de sa chambre pour enfouir son visage dans le creux de son épaule, signer le papier leur accordant leur retraite du même stylo et s’en aller les mains jointes, se blottir dans les bras l’un de l’autre derrière les rideaux d’un coche qui les mènerait dans une maison rien qu’à eux et loin de la guerre.

             Mais, songeant à ce dernier mot, il s’était soudain rendu compte qu’il en demandait trop à la jeune femme. Ils étaient soldats, il était son supérieur, elle avait été faite prisonnière récemment par lui et la guerre les menaçait beaucoup trop pour qu’ils puissent croire fermement qu’ils s’en sortiraient vivant ensemble.

             Le risque était trop grand. Il ne voulait pas qu’elle souffre. Et il ne voulait pas souffrir non plus.

— Ce serait irresponsable, répondit-il alors d’une voix ferme, laissant le teint écarlate de tantôt disparaitre. Nous ferions mieux d’attendre la fin de la guerre, si elle se termine un jour.

             Les yeux de la soldate s’écarquillèrent et elle sentit une vive douleur lui pincer le cœur. Il ne l’avait pas rejetée. Pas entièrement. Mais elle avait quand même mal.

             Elle n’avait aucune envie d’attendre. Parce qu’elle aimait cet homme et que, justement, s’il décédait durant les combats, elle voulait être sûre d’avoir profité un maximum de lui avant de le laisser partir.

             Et aussi parce qu’elle n’était pas sûre de pouvoir rester dans une pièce avec lui sans céder à ses pulsions et se jeter sur ses lèvres.

             Mais, si tel était son souhait, elle devait le respecter. Alors, fuyant son regard de telle sorte qu’elle ne vit pas la peine sur son visage quand il remarqua la douleur sur le sien, elle répondit :

— Vous avez raison. Ce ne serait pas professionnel d’impliquer nos sentiments sur le champ de bataille.

             Il la regarda tenter de se convaincre, ses entrailles le brûlant tant il avait mal en voyant ses mains trembler.

— Nous enfreindrions l’article six de la Charte de l’Humanité.

             Tentant d’accepter lui-même ce qu’il venait de dire, il détourna les yeux en acquiesçant. Elle regarda le sol, déçue. Son cœur était douloureux dans sa poitrine. Elle ne voulait vraiment pas qu’il la laisse seule.

             Mais il posa ses longs doigts fins et musclés sur la poignée de la porte, présentant son dos à la soldate qui ne fit rien pour le retenir. Il hésita un instant, resongeant à son corps se tordant contre le sien, à ses gémissements amplifiant la pièce, à l’orgasme intense qui l’avait frappé et la douceur de ses omoplates contre son torse après.

             Il ne pouvait mentir sur le fait qu’il savait que ces images le hanteraient. Mais s’en arrêter là, pour le moment, était ce qu’il y avait de mieux.

             Les yeux toujours fixés sur le parquet, elle entendit la poignée de la porte s’abaisser et dut faire un effort surhumain pour garder ses larmes dans ses yeux. C’était ridicule. Elle était une soldate endurcie, avait affronté l’horreur de la guerre et terrassé des titans. Alors pourquoi le simple fait de le sentir partir allait la pousser à pleurer ? L’avait-il à ce point affaiblie ?

— Et merde.

             Elle n’eut le temps de comprendre pourquoi Levi venait de lâcher ces deux mots d’une voix aussi sèche et agacée que deux larges mains aux doigts délicats se posèrent soudain sur sa joue, l’enfermant avec douceur. Et, lui arrachant un battement de cœur plus fort que les autres, elle sentit soudain la pression de deux lèvres sur les siennes, ardentes et dévorantes.

             Ses yeux s’écarquillèrent dans un premier temps, remarquant ceux, clos, du caporal juste devant les siens. Et, lorsqu’une intense vague de chaleur délicieuse s’empara d’elle, soulevant le moindre de ses organes comme un vent régénérateur, elle réalisa ce qu’il se passait.

             Il l’embrassait.

             Ses paupières se fermèrent, la plongeant dans ce paradis qu’était la simple sensation de ses douces lèvres contre les siennes. Et, tandis qu’il gardait ses mains sur ses joues, elle vint agripper le col de sa chemise pour le rapprocher d’elle, entrouvrant les lèvres et le laissant insérer sa langue entre celles-ci.

             La chaleur était à la fois douloureuse et esquisse, les incendiant tandis qu’ils ne savaient trop comment supporter la vague d’émotions les submergeant. Leurs deux langues s’enroulèrent, se caressèrent, se touchèrent comme jamais elles n’avaient touché quoi que ce soit, se mélangeant en une danse sensuelle et exténuante.

             Les mains de la soldate se refermèrent sur le tissu, souhaitant l’attirer un peu plus contre elle. Elle voulait le sentir, l’avoir dans ses bras, être sûre qu’il ne s’en aille pas. Elle voulait plus. Toujours plus lorsqu’il s’agissait de Levi Ackerman. Et, lorsqu’ils s’arrachèrent soudain brutalement l’un à l’autre, prenant une grande inspiration après leur longue apnée, ils eurent le même réflexe.

             Posant leur front l’un contre l’autre, ouvrant les yeux pour pouvoir détailler chaque détail de leur visage collé, ils se plurent à se perdre dans leur propre regard.

— Cette charte a toujours été stupide, de toute façon, lâcha-t-il, haletant, tandis que ses mains demeuraient posées sur les joues de la jeune femme.

             Elle sourit en guise de réponse, grisée par ce qu’il venait de se passer. Et, égarant ses yeux sur ces lèvres gonflées qu’il venait tout juste de bouffer et malmener avec ferveur, il ajouta, laissant aussi un faible rictus étirer ses lippes :

— (T/P), c’est bien ça ?

             Elle acquiesça. Il ferma les yeux avant de plaquer de nouveau ses lèvres contre les siennes. Un baiser simple. Long. Intense. Quelques secondes durant lesquelles, les paupières closes, ils s’abandonnèrent à la simple sensation de ce lien si particulier.

             Et, lorsqu’il s’écarta de nouveau d’elle, gardant son front posé sur le sien et ouvrant les yeux, il murmura simplement, les joues rougies par l’excitation :










— Alors enchanté, (T/P).




















désolée de pas avoir publié hier hehe

mais du coup voici un chapitre de 5000 mots pour me rattraper

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