𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟕


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬



S03E11
aucun spoiler






             Une certaine routine s’était installée depuis les deux semaines qui s’étaient écoulées après le couronnement d’Historia. Emeraude, à présent soldat, se levait chaque jour à l’aube pour aller petit-déjeuner. Elle faisait cela seule et rapidement, s’empressant de laisser sa place à une escouade entière qui avait toujours un peu plus de retard que la sienne. Juste avant de partir, elle se faisait quotidiennement intercepter par le soldat en charge de distribuer le courrier qui lui donnait alors une lettre de menace qu’elle avait reçue.

             Puis à l’instar de ses collègues, elle remontait se doucher. Ils étaient bien les seuls à devoir se laver tous les jours mais tels étaient les ordres de Levi. Il ne supportait pas les crasseux. La pire dans cette catégorie étant Hanji qui ne se lavait pas tant que le caporal n’en venait pas aux mains avec elle.

             N’ayant pas l’eau courante, ils transvasaient chaque matin de grands sceau d’eau depuis la fontaine jusque dans leur baignoire. Puis, tout en grelottant de froid, ils frottaient énergiquement leur corps avec une brosse.

             Cela leur laissait le temps de digérer leur repas jusqu’à l’entraînement qui suivait jusqu’au déjeuner. Généralement, Emeraude se débrouillait pour se nettoyer le soir et profiter du matin pour aller discuter avec Hanji, Dan, Erwin ou, durant ses jours de repos, Bosuard.

             La fillette s’étant décidée à rester à l’école en semaine, c’est aux côtés de la scientifique que, le matin-même, elle s’était habillée en toute hâte.

             Désireuse de parler avec son amie et excitée de ne pas recevoir, pour une fois, des regards hostiles —car l’escouade Levi l’avait habituée au sentiment de ne pas être la bienvenue— elle avait courue dans les couloirs de sorte à ne pas perdre la moindre minute de leur conversation. Elle était si enjouée que son lourd équipement lui avait paru plus léger qu’à l’accoutumée.

             N’ayant pas eu l’occasion de se parler depuis longtemps, les deux jeunes femmes avaient eu une longue conversation bien animée. Elles avaient eu bien des choses à rattraper. Malgré cela, elles n’étaient pas assez proche pour qu’elle se soit sentit libre d’ouvrir son cœur à sa collègue.

             Elle se sentait tout de même bien, maintenant. Après cette heure riche en rires où la brune lui avait décrit ses multiples expériences scientifiques et que l’autre lui ait raconté avec précision son combat avec son tout premier titan —chose qu’Hanji brûlait d’envie d’entendre— la soldate avec dû quitter son amie.

             Elle était donc là, maintenant. A une demi-heure en cheval de la ville, en plein milieu d’une plaine située à l’orée d’une forêt qu’elle ne connaissait pas. A ses côtés, les pieds à terre à côté de leur monture, le restant de l’escouade fixait Levi du même regard interrogatif qu’Emeraude.

— Nous sommes donc dans le nouveau camp d’entraînement dont vous nous aviez parlés, Caporal-chef ? demanda Eren d’une voix calme et mesurée pour marquer son respect envers son interlocuteur.

             La jeune femme promena un regard autour d’elle. N’étant pas au milieu des arbres mais à côté de la forêt, ils n’auraient strictement aucune prise pour s’accrocher. Cette idée était stupide.

— Tu te fous de nous, Levi ? demanda-t-elle d’un ton bien différent de celui du titan.

             Si les soldats autour d’elle se raidirent, elle n’en fit rien. Elle avait bien compris que l’homme les terrorisait et qu’ils se faisaient dessus à la simple idée de lui manquer de respect. Mais ce n’était pas son cas.

             Non pas que le noiraud ne lui faisait plus peur, loin de là. Ils avaient simplement développé une relation étrange où nul parmi eux ne savait se situer. A chaque fois qu’un sentiment de paix ou de calme tentait de s’instaurer, l’un des deux se sentait toujours obligé de provoquer l’autre.

             Et aujourd’hui, c’était le tour d’Emeraude.

             Elle ne savait pourquoi mais c’était plus fort qu’elle. Sans doute comprendrait-elle bien plus tard qu’une atmosphère détendue entre eux était synonyme d’indifférence. Et, même si elle n’était pas près de le réaliser et encore moins de l’admettre, elle avait horreur de ne pas attirer l’attention du noiraud.

             Elle préférait qu’il soit agacé par elle en la regardant bien plutôt que le contraire. Et d’ailleurs, lorsqu’elle n’était pas celle mettant le feu aux poudres, lui s’en chargeait. Ils étaient comme chien et chat. Sauf qu’ils étaient armés. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle le restant de l’escouade avait pris l’habitude de retenir leur souffle à chaque fois que l’un d’entre eux ouvrait la bouche.

             Après son commentaire, elle se retourna donc vers Levi et ne fut pas surprise de voir avec quelle ardeur il fixait déjà ses deux hématites sur elle. Seulement elle eut bien du mal à déglutir et sentit ses joues la brûler lorsque ses yeux gris descendirent et vinrent fixer ses lèvres.

             Ses croissants de chair lui parurent soudain incandescent, à un point que leur simple contact entre eux ébouillantait l’autre et elle dut donc les entrouvrir, rouge. En voyant ce mouvement, le caporal ferma automatiquement les yeux comme pour se donner de la contenance.

             Puis, sans les rouvrir jusqu’à ce qu’elle ne soit plus dans son champ de vision, il tourna la tête vers les autres soldats. Ceux-là n’étaient pas surprit, seulement habitués aux regards assassins qu’ils passaient leur temps à s’échanger.

— Votre exercice d’aujourd’hui consistera à tenter de vous déplacer à l’aide de vos bouteilles de gaz seulement. Il se peut qu’à l’avenir vous rencontriez une situation où vous ne pouvez pas vous permettre d’atterrir mais n’aurez pas non plus de prise.

             Emeraude entendit un très faible soupir, quasiment inaudible loin d’elle. Elle savait que la plupart n’avait pas entendu Jean mais son ouïe était bien plus développée que la moyenne.

— Ils savent plus quoi inventer…, lâcha le châtain.

             Là, elle sut qu’elle n’était pas la seule à l’avoir entendu. Tous se raidirent à côté d’elle. Elle esquissa un faible rictus. Elle adorait les voir paniquer. Spécialement parce qu’elle n’en supportait aucun, d’autant plus depuis que la seule qu’elle appréciait, Historia, n’était plus là.

             Le caporal leva quelque peu la tête, humant l’air. La nature dégageait son parfum humide propre au matin. Ils avaient encore trois bonnes heures devant eux en plus du chemin du retour. Ils pouvaient commencer.

— Jean, puisque tu ne vois pas l’objectif de cet exercice, tu vas le découvrir en premier.

             Le noiraud recula de quelques pas, signe que l’intéressé devait le remplacer. Là, Emeraude réalisa que ce n’était pas un exercice qu’ils devraient faire tous ensemble et simultanément. Au contraire, ils allaient devoir tous passer les uns devant les autres. Et elle détestait cela.

             Naturellement, elle leva les yeux au ciel tandis le châtain balbutiait des protestations qu’il n’osait formuler. Non pas qu’il ne souhaitait pas obéir. Tous savaient qu’il devinait simplement qu’il n’allait pas réussir cet exercice.

             A la surprise général, le noiraud accepta ses réticences d’un hochement de tête.

— J’avais oublié que tu n’étais pas prioritaire. Tu m’excuseras donc, Jean mais je pense que ta place revient naturellement à Emeraude, déclara Levi en se tournant vers l’intéressée tandis qu’il prononçait son prénom.

             Elle tenta de ne rien laisser paraitre de son agacement mais celui-ci fut plutôt conséquent. Pour l’avoir vu faire mille et une fois à l’ancienne base, le garçon savait pertinemment qu’elle était capable de se déplacer sans grappin ou sans bouteille. Avec l’aide d’un seul de ces deux outils, elle pouvait faire des miracles. Aussi devinait-elle qu’il la convoquait devant tout le monde dans le seul but de la mettre mal à l’aise.

             Elle le fusilla du regard durant quelques instants mais il l’interrompit relativement rapidement, la sommant de se presser de commencer l’exercice. Non sans rouler des yeux, elle rejoignit la place qu’il lui désignait.

             Il la regarda venir à lui sans aucune expression faciale. Du moins, pas une que n’importe qui pourrait voir. En ce lieu, seule elle devinait la lueur provocatrice qui dansait dans ses yeux. Et c’est la raison pour laquelle elle souhaitait ardemment les arracher.

— Bien. Ton exercice sera de…

             Elle ne l’écouta pas plus. D’un geste auquel elle était maintenant tellement habituée qu’il en était devenu une seconde nature, elle profita du fait que la cape de Petra cachait ses bras pour faire glisser ses doigts sur les bombonnes de gaz, les dévissant. Puis, elle appuya sur les pédales d’un geste franc.

             Aussitôt et avant même que son supérieur ne finisse sa phrase, elle décolla de plusieurs mètres dans les airs. Il ne lui fallut pas bien longtemps avant de se retrouver si haut qu’elle ne put discerner davantage les traits de ses collègues. De là où elle était, elle ne pouvait voir qui était qui. Mais tous la regardaient, elle était sûre de ça.

             Sa cape collait à son corps à mesure qu’elle s’élevait toujours plus haut et elle sentait l’air frais lui claquer les joues. Elle adorait cette sensation vivifiante. Au-dessus du monde, des hommes et même des arbres, elle se sentait invincible.

             Ses membres, à mesure qu’elle montait, se voyaient parcourir de fourmillements électriques. Elle était vivante. Tout simplement mais aussi plus que jamais.

             Seulement bientôt, elle se sentit ralentir avec effroi. Là, sachant pertinemment qu’elle n’avait pas amortit sa prise sur ses pédales et donc réduit le gaz qu’elle tirait, elle fut frappée d’horreur. Il ne lui fallut qu’un instant pour comprendre qu’il n’y avait plus de gaz dans ses bouteilles. Mais il était trop tard.

             Soudain, son corps cessa de monter et bascula brutalement. A une vitesse ahurissante, il se mit à chuter dans le vide, franchissant toujours plus vite la vingtaine de mètres qui la séparait du sol. Même dos à lui, elle savait qu’elle n’allait pas tarder à s’écraser. Voulant ralentir sa chute, elle écarta les bras.

             Levi, qui ne s’était pas senti alarmé jusque-là, habitué à ses façons peu orthodoxes de se laisser tomber depuis un point haut dans le ciel, fut soudain frappé d’horreur. Il savait pertinemment que le fait de se mettre dans la position qu’elle venait d’adopter permettait de ralentir une chute. Si elle avait prévu cette dernière, elle aurait écarté les bras avant. Non, là, c’était contre son grés qu’elle tombait.

             Mais il ne sut pourquoi, il ne fit le moindre mouvement pour l’aider. Non pas que la panique le pétrifiait. Au contraire, il mobilisait toutes les ressources de son corps pour ne pas appuyer d’un grand coup sec sur les pédales de ses bombonnes et la rejoindre.

             Il y avait cette voix en lui, ce sixième sens qui se développait au contact d’Emeraude et qui lui criait de ne rien faire. Son instinct le lui hurlait.

             C’est alors qu’il la vit distinctement donner un coup dans les airs à l’aide de ses jambes pour se remettre de façon perpendiculaire au sol. Afin de se préserver un maximum lors d’une chute, mieux valait minimiser le point qui subirait l’impact.

             Là, elle leva les bras. Naturellement, les pans de sa cape s’envolèrent, dévoilant son uniforme. Ses aisselles n’entravant plus sa route, le tissu continua de s’élever jusqu’à passer autour de son cou. A ce moment précis, elle referma ses doigts dessus.

             D’un geste habile, elle déplaça sa main gauche sur l’étoffe de sorte à ce qu’aucun des trous du vêtements ne soit au-dessus d’elle et puisse laisser filer l’air. Ce dernier s’engouffra donc contre la cape, formant une bulle épaisse qui ne cessa de grandir et ralentit sa chute tel un parachute.

             Elle se mit soudainement à se rapprocher du sol à une vitesse bien moins conséquente et c’est avec une élégance infinie que, le dos droit et les pieds rivés vers le sol, elle atterrit sur ceux-là sans chuter.

             Tous la regardèrent, ébahit par la facilité avec laquelle elle avait réagi et son ingéniosité. Ils n’étaient pas sûrs qu’à sa place ils auraient eu le réflexe de transformer son uniforme en parachute.

Ils ne dirent rien lorsque, les joues rougies par l’exercice et le regard illuminé par l’adrénaline, elle marcha en leur direction calmement, sa cape posée sur son bras.

             Elle les rejoignit bientôt, évitant soigneusement le regard qu’elle sentait pénétrant de Levi.

— As-tu des ennemis ?

             Surprise, elle ne répondit pas. Elle se tourna tout de même vers lui, sentant à sa voix que la conversation était sérieuse et fronça les sourcils pour lui faire part de son incompréhension. Aussitôt, il se mit à marcher vers elle.

             Une vague de chaleur la frappa soudain lorsqu’elle constata avec quelle détermination il fondait en sa direction. Sa gorge devint sèche et elle déglutit péniblement. Le regard de son interlocuteur était d’une noirceur telle qu’elle eut presque envie de pleurer. Même si elle aimait se montrer insolente, elle n’était pas prête à subir ses foudres.

             Seulement, dès qu’il arriva à sa hauteur, c’est sa ceinture qu’il empoigna. Vigoureusement, il s’empara de la lanière en cuir et tira un coup sec dessus, rapprochant ainsi le corps de la jeune femme du sien. Elle sentit ses entrailles se tordre et sa peau s’échauffer. Ses pores irradiaient un sentiment étrange, proche de l’extase, qu’elle ne connaissait pas.

             Mais elle en tremblait.

— Tes bouteilles sont vides et la corde de ton grappin, cisaillée. Ton équipement a été trafiqué.

             Encore un peu sonnée par le regard pénétrant de l’homme et la proximité de leurs deux torses, elle mit du temps à réaliser ce qu’il disait. Les lèvres gonflées et le cœur battant démesurément vite, elle dut faire preuve d’un effort surhumain pour comprendre ses dires.

             Mais elle le fit.

— Quoi ? fut-elle alors seulement capable de formuler.

             Aussitôt, elle eut une pensée pour les lettres qu’elle recevait quotidiennement. Alors même qu’elle était sur le point de dire que tout cela n’avait aucun sens, ce souvenir l’avait frappée et Levi s’était redressé face à elle, levant la corde de la jeune femme.

             Son grappin n’était pas en son bout. Cela expliquait pourquoi elle s’était sentie si légère depuis ce matin. Le noiraud déclara alors ce que tous avaient compris :










— Quelqu’un a essayé de te tuer.

 










Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top