𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟒
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
Assis à la longue table de bois trônant dans le séjour, Levi réfléchissait. Le carrelage rouge brique était partiellement illuminé des lueurs du soleil filtrant par l’interstice des fenêtres existantes sur chacun des murs l’entourant, excepté celui auquel il faisait face. Ce dernier était pourvu d’une porte qu’il avait pris grand soin de fermer afin de penser dans le calme.
Les coudes posés sur le meuble ligneux brun, il ne parvenait pas à se concentrer. Mais cela n’était pas dû aux cris d’Hanji à l’extérieur qui semblait ravi-e d’expérimenter différentes choses sur Eren ou encore au ton anxieux de Mikasa qui n’avait pas l’air bien à l’aise avec les évènements ou même l’agacement se faisant entendre dans les réprimandes de Jean qui se lassait de voir le garçon peiner à se transformer.
Non. Cela n’avait strictement rien à voir avec tout cela.
« Tu es vraiment amoureux d’elle, en fait. »
La phrase d’Edward trottait dans sa tête depuis qu’il la lui avait déclarée. Cela ne faisait déjà plusieurs heures que les deux hommes s’étaient quittés pour s’en remettre à leurs activités mais il ne parvenait pas à se défaire de la remarque du blond.
Était-il amoureux de cette femme ? Et pourquoi cela le préoccupait-il autant ? Dehors, la guerre faisait rage. Eren était recherché par les brigades spéciales alors ils devaient réussir à le pousser à contrôler ses mutations et le pouvoir qui lui avait permis de repousser les titans à l’aide de ses simples cris, lors de la dernière bataille. Mais le temps se faisait court et ils n’avançaient pas grandement. Autant dire que consacrer ses précieuses heures à réfléchir sur ce qu’il ressentait vis-à-vis de la femme était stupide.
Pourtant, il ne parvenait à se détacher de ses éternels questionnements. Et, entre quelques remarques intérieures, il revoyait ses lèvres gonflées par l’excitation, les draps sous elle se froissant à mesure qu’elle bougeait, son corps prit de spasme tandis que l’orgasme la frappait. Oui, au détour de réflexions, il sentait de nouveau la pression de sa main sur sa hanche, de l’autre sur son sein, de ses lèvres sur les siennes puis sur sa mâchoire, ses clavicules et son cou. Filtrant entre des pensées réfléchis, il réentendait ses gémissements rauques, le son de sa voix hurlant son grade, la musique de sa respiration saccadée à son oreille.
Il avait chaud. Très chaud. Et, à mesure que sa gorge se faisait sèche, ses mains se mettaient à trembler. Elle n’était pas là. Elle n’était plus là. Il l’avait faite enfermer. Pourquoi avait-il fait ça ? Pour sa sécurité à elle ? Ou pour lui-même ? Pour s’assurer qu’il n’ait plus à affronter l’idée de vivre avec celle qui le mettait dans tous ses états ?
Et pourquoi, malgré le fait qu’il l’avait lui-même accompagnée à sa cellule, où qu’il aille dans cette maison trop grande sans elle, il la cherchait des yeux par réflexe ?
Brutalement, il se releva, faisant tomber la chaise sur laquelle il était assis dans un claquement sec. Appuyant ses paumes fermement sur la table, il tenta de reprendre un peu de contenance en inspirant profondément à plusieurs reprises, les mèches de ses cheveux noir corbeau collant à son front mouillé par la sueur.
Edward avait sans doute raison. Peut-être l’aimait-il, en fin de compte. Mais pas autant qu’il la haïssait de le rendre aussi vulnérable. Et pas autant qu’il se haïssait pour être incapable, malgré leurs moments privilégiés, de s’éloigner de l’image d’elle, tenant le couteau ensanglanté avec lequel elle avait assassiné Mike.
— Caporal ? Tout va bien ? résonna soudain une voix en face de lui.
La voix de Petra le ramena brutalement à la réalité. Ses muscles se crispèrent et il se redressa vivement vers la porte, découvrant la jeune rousse postée dans son encadrement. Ses yeux bruns fixaient le caporal avec une certaine appréhension, le laissant comprendre qu’elle venait d’assister à toute la scène.
Et la simple idée que, sans même être présente, Emeraude soit parvenue à le mettre dans des états tels qu’il avait brisé l’habituel mur de glace qu’il avait su forger autour de ses émotions l’agaçaient encore plus contre la jeune femme. Et sa colère s’accrut davantage lorsqu’il réalisa qu’il était complètement perdu dans ce torrent d’émotions.
Il n’avait le contrôle sur rien.
— Oui, je vais bien, dit-elle simplement en tirant un coup sec sur sa veste en cuir pour se donner un peu plus de contenance.
— Vous êtes sûr ? Je peux appeler Hanji, sinon, vous savez ? répondit-elle d’un air sceptique en voyant les rougeurs sur les joues du noiraud. Je suis sûre que…
— Que faites-vous là ? la coupa-t-il d’une voix dure, mal à l’aise à l’idée de s’éterniser sur ce sujet.
Il regretta quelque peu son geste en constatant l’embarras qui prit place sur le visage de la soldate. Comme toujours, elle se montrait simplement sincèrement gentille. Mais, son esprit obnubilé par une femme au caractère bien moins doux, il n’était pas en mesure de lui rendre la pareille.
Mais la rousse se reprit bien vite, avançant de quelques pas dans la pièce et fermant la porte derrière elle.
— Je venais vous parler de ce que vous avait dit mon père, au retour de la mission dans la forêt, minauda-t-elle en fuyant son regard, soudain bien mal à l’aise.
Levi ne put cacher la surprise qui traversa soudain son regard, même s’il entreprit aussitôt de l’effacer. Plusieurs mois auparavant, le géniteur de la soldate debout en face de lui était venu lui confier les sentiments qu’éprouvait sa fille pour lui, lui cédant avec embarras qu’il n’était pas prêt à la voir l’épouser car il la jugeait trop jeune pour le caporal.
A son retour, les joues en feu, le noiraud avait ordonné à la jeune femme de le suivre aux cuisines, l’avait informée sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit de ce que son paternel lui avait dit, que ses sentiments n’étaient pas réciproques et l’avait plantée au milieu de la pièce. Depuis, ils n’en avaient plus du tout reparler.
Et cela convenait bien à Levi.
— Ecoutez, soldat Raille, il vaudrait mieux que…, commença-t-il d’une voix ferme, ne voulant relancer ce sujet qu’il avait espéré être clos.
— Mon père a mal comprit ma lettre, le coupa-t-elle immédiatement, à sa grande surprise compte tenu du fait qu’elle respectait toujours scrupuleusement ses supérieurs hiérarchiques. Je disais vous admirer et être prête à me consacrer à vous dans le sens que je souhaitais devenir un membre permanent de votre escouade. Pas que je voulais… Enfin…
Levi se redressa quelque peu, un certain soulagement le prenant en entendant ces mots. Soit, l’ambiguïté entre lui et la rousse avait été le cadet de ses soucis, avec tout ce qu’il avait dû gérer dernièrement — la mutation d’Eren, Emeraude, l’enlèvement d’Eren, Emeraude, la mort de Mike, Emeraude, l’emprisonnement d’Emeraude, Emeraude, Emeraude, Emeraude. Mais il devait admettre que les paroles de la soldate lui enlevaient une épine du pied.
— Les sentiments que j’ai pu éprouver pour vous se sont avérés n’être qu’une profonde admiration pour la légende derrière votre nom et le choc de devenir l’un de vos soldats, poursuivit-elle, qui plus est pour veiller à la surveillance d’une cible telle qu’un titan. J’ai pu croire vous aimer mais je me suis vite rendue compte que je me sentais simplement flattée d’avoir été choisie par Levi Ackerman lui-même pour intégrer son escouade. Et jamais je n’aurais discuté de telles choses avec mon père, plutôt avec ma mère…
Elle avait ajouté cette dernière phrase dans un rire gêné, visiblement très embarrassée.
— Je… Je ne vous aime pas. Du moins, pas dans ce sens-là, finit-elle, les joues rouges. Je vous admire simplement.
Levi ne sut quoi répondre dans un premier temps, se contentant de la dévisager, interdit. Il savait que la gentillesse de Petra n’avait d’égale que sa timidité. Alors il devinait combien cela avait dû être compliqué pour elle de s’aventurer seule devant lui et lui confesser ce qu’elle avait sur le cœur. Même s’il se doutait que les boutades incessantes d’Auruo et Edward avaient du beaucoup jouer dans son désir d’en finir avec cette ambigüité.
Il la regarda donc silencieusement durant quelques instants, observant la façon qu’avaient ses grands yeux bruns de fuir son regard et les plaques rouges sur ses joues de s’intensifier. Elle était particulièrement angoissée de le confronter et, normalement, la Petra qu’il connaissait aurait exécuté un salut militaire digne de ce nom avant de partir immédiatement à reculons dès la fin de sa phrase pour se défaire de la situation étrange dans laquelle elle était empêtrée.
Mais elle demeurait là, juste devant la porte fermée, ses yeux écarquillés fixés sur le parquet. Car cette conversation n’était pas terminée.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il simplement au bout d’un moment.
Elle ne répondit pas tout de suite à sa question. Prenant quelques profondes inspirations, elle sembla emmagasiner tout le courage dont elle était capable pour affronter le noiraud et admettre ce qui la taraudait. Et, lorsqu’elle ouvrit la bouche, il comprit pourquoi.
— Je pense que vous faites une erreur en enfermant Emeraude, déclara-t-elle à toute vitesse, le buste quelque peu plié vers l’avant et ses yeux écarquillés rivés sur le sol tandis qu’elle réalisait ce qu’elle venait de dire.
Levi se raidit, frappé de stupeur. Non seulement il n’aurait jamais cru la douce et docile Petra capable de se rebeller face à l’un de ses supérieurs. Mais, malgré lui, son cœur venait aussi de rater un battement sous le simple prétexte que cette personne précise venait d’être évoquée.
Et cela l’agaça d’autant plus.
— Je te demande pardon ? demanda-t-il, ses yeux lançant des éclairs.
Elle continua de fuir son regard, tête baissée. Mais elle savait qu’elle ne pouvait, en réalité, plus reculer. Alors elle poursuivit malgré ses mains tremblantes.
— Nous avons besoin de ses talents et nous nous privons d’une personne qui pourrait réellement protéger Eren et…, tenta-t-elle maladroitement.
— Navré mademoiselle Raille, rétorqua Levi en faisant un pas en sa direction, presque menaçant. Ma mémoire doit me faire défaut car je n’ai aucun souvenir du jour où vous avez été promue caporale.
Elle se mit alors à trembler violemment, gardant ses prunelles ancrées dans le sol.
— Car, si j’y réfléchis bien, seul quelqu’un d’un grade similaire ou supérieur au mien pourrait se permettre de me faire la leçon sur mes décisions. N’est-ce pas ?
Il était furieux. Furieux parce qu’il savait qu’elle avait raison. Furieux parce qu’il pouvait presque entendre les moqueries qu’aurait proféré Emeraude à son encontre en entendant une telle chose.
— N’est-ce pas ? répéta-t-il d’une voix grondante face au mutisme de la jeune femme.
— O…oui…, répondit-elle d’une voix tremblante.
Il le regarda durant quelques instants, ne parvenant à faire taire sa colère.
— Rompez, siffla-t-il après un silence pesant.
La soldate ne se fit pas prier. Aussitôt ces deux syllabes lui parvinrent-elles à l’oreille qu’elle se retourna vers la porte, ouvrant celle-ci maladroitement et disparaissant à toute vitesse du champ de vision de l’homme.
Mais celui-ci garda ses deux hématites rivées sur le couloir qu’elle avait emprunté, ruminant ses remontrances. Il savait qu’elle disait vrai. Mais une part de lui ne pouvait s’empêcher de se dire qu’Emeraude était mieux là où elle était. Pas seulement pour se protéger de ceux qui lui voulait du mal, mais aussi parce qu’elle se trouvait dans cette cellule sur ordre d’Erwin et que le blond était intimement convaincu qu’elle y avait sa place.
Ses paupières se fermèrent. Il prit une grande inspiration.
Le cou de la jeune femme qu’il avait embrassé. La panique qui l’avait envahi en la voyant sauter dans le vide, à Stohess. Sa rage en découvrant la figure de l’homme qui avait essayé de la tuer. Sa terreur lorsque ses mains armées d’une lame s’étaient dirigées sur son cou. Son apaisement en entendant ses gémissements. Sa douleur en voyant la honte sur son visage le lendemain. Son appréhension en ne la voyant pas revenir, le jour où elle était allée chercher Mike. Son soulagement en la prenant dans ses bras et la réconfortant, quelques heures plus tard. Son dégoût en voyant l’ombre de sa main planter un couteau dans le cœur de l’homme. Sa souffrance en entendant la tristesse dans sa voix lorsqu’Erwin l’avait accusée d’être capable de tuer ses amis.
Tout. Rien. Il ne comprenait plus.
« T’es vraiment amoureux d’elle, en fait. »
Ses paupières s’ouvrirent de nouveau. Il savait ce qu’il voulait faire. Ce n’était peut-être pas une bonne idée, c’était même sans doute une très mauvaise idée. Mais il avait pleine conscience de ce que, intimement, il souhaitait.
D’un pas lent et assuré, il s’engouffra dans le couloir sur lequel donnait la porte. Remontant celui-ci, il ignora les escaliers à sa droite et toutes autres pièces pour se consacrer au porte manteau situé juste à côté de l’entrée.
Une fois arrivé à sa hauteur, il ôta une cape verte du support à l’aide de sa main droite puis extirpa de la poche de sa propre veste un trousseau de clé avec l’autre. Ensuite, dans un geste presqu’imperceptible, il rangea l’objet dans les plis du vêtement couleur émeraude et sortit de la maison, s’engageant dans le jardin l’entourant.
L’air était frais et le ciel, gris. L’herbe mouillée sous ses bottes émit quelques bruits de succion tandis qu’il rejoignait le centre de la clairière, là où les rumeurs d’une conversation lui parvenaient. Et, la cape verte toujours solidement enfermée dans sa main, il rejoignit le groupe rapidement.
Eren était étendu sur le sol, sa poitrine se soulevant difficilement tandis qu’il peinait à reprendre sa respiration. Accroupi à hauteur de son épaule, Mikasa tenait sa main, visiblement inquiète tandis que Jean, à l’aide d’un long bâton, le poussait quelque peu, comme pour vérifier s’il était toujours vivant. Derrière ce dernier, Marco, Sacha et Conny s’esclaffaient. Ymir et Christa, un peu en retrait, écoutaient patiemment le compte-rendu d’Hanji qui avait les bras croisés sur sa poitrine.
Le noiraud se dirigea vers iel, le pas ferme.
— Hanji, appela-t-il d’une voix dure, attirant l’attention de tous qui se tournèrent vers elle. Je veux que tu enfiles cette cape demain à la première heure et aille vérifier les constantes d’Emeraude ainsi que la façon dont elle est traitée.
Lae brun-e ne posa aucune question, se contentant d’acquiescer en saisissant le tissu. Et, sans plus de cérémonie, le noiraud tourna les talons, quittant la scène d’un pas déterminé en direction de la maison, laissant quelques personnes surprises de ce qu’il venait de se produire, la rapidité avec laquelle il était arrivé et ensuite reparti.
Lui, de son côté, ressassait ce qu’il venait de faire en ouvrant la porte, sa main inhabituellement tremblante.
Le trousseau de clé qu’il avait glissé dans la cape avec laquelle Hanji irait voir Emeraude ouvrait la porte de sa cellule. Et, connaissant la jeune femme, elle ne résisterait pas à l’envie de faire les poches de la scientifique et voler son contenu. Elle y trouverait donc l’objet et ainsi, un moyen de quitter sa cage.
Il prit une grande inspiration, troublé par les conséquences qu’auraient son acte.
Il venait de fournir à la soldate la possibilité de s’évader de prison.
⏂
on en a bientôt fini avec les chapitres chiants !!!!!
hâte de voir leurs retrouvailles ?
comment ça va se passer à votre avis ?
un indice ?
💀⚰️🔪💉
non je déconne.
quoique...
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