𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟑


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬





S03E09
petit spoiler





             Etrangement calme, Emeraude marchait aux côtés de Levi. Celui-ci, après lui avoir fait savoir qu'il souhaitait s'entretenir avec elle, lui avait demandé si elle était capable de se lever seule. Sans doute pousser par la peur de l'importuner, elle s'était immédiatement mise sur ses deux pieds.

             Ils étaient à présent à l'extérieur de la chambre. Les cheveux de la jeune femme étaient en bataille et ses larges vêtements blancs, froissés, mais elle ne s'en préoccupait pas. Ils avaient décidé de rester dans les étages, à l'abri des regards.

Vous vouliez me voir ? demanda-t-elle simplement.

             Elle osa très rapidement prendre la parole. Compte tenu des précédente remarques cinglantes qu'elle n'avait cessé de lui faire depuis son retour, Emeraude trouvait cela très étrange mais l'atmosphère entre eux n'était pas aussi lourde qu'elle ne l'aurait cru.

             Soit, il était particulièrement silencieux mais ce n'était pas pour autant désagréable. A petits pas, ils avançaient côte à côte sans se regarder mais en ayant conscience de la présence de l'autre et il trouvait cela amplement suffisant. Cela avait un côté rassurant.

Oui.

             Après cette affirmation, il ne répondit plus durant quelque seconde. Emeraude ne le pressa pas, concentrée à ne pas tomber. Même si la marche était recommandée suite à ce qu'elle avait subi, son coup à la tête perturbait son équilibre et elle s'y focalisait donc grandement.

             Pendant plusieurs secondes, ils se turent et avancèrent sans que la scène n'en devienne gênante pour autant. Le silence était calme.

As-tu mal ? demanda-t-il simplement au bout d'un moment.

             Les lèvres de la jeune femme se contractèrent aussitôt, comme un réflexe. Elle prit alors grand soin de déguiser son sourire mais il était trop tard, elle savait ce qu'elle avait fait. Même à son insu.

             De toutes les questions ou plutôt, les réprimandes, jamais elle n'aurait cru que le caporal formulerait celle-ci. Elle ne pouvait donc s'empêcher d'en être très fortement amusée. La balance du pouvoir et des relations semblait être perturbée.

             Là, il donnait l'impression de s'intéresser à elle.

Non, mentit-elle.

             Bien sûr qu'elle avait mal. Elle venait de se réveiller de plusieurs jours de coma suite à un choc à la tête qui lui avait provoquée une amnésie partielle. Ne pas souffrir aurait été bien trop surprenant pour qu'elle ne l'ait pas déjà souligné.

             Mais elle ne jugea pas utile de se montrer honnête. Même si elle savait que le noiraud n'était pas du genre à poser des questions pour faire la conversation, elle sentait qu'être sincère sur ce point leur ferait perdre un temps bien inutilement. Après tout, au vu de ses compétences, il ne pouvait pas faire grand-chose pour elle.

             Il acquiesça à sa réponse.

Bien. Je voulais te voir car je te dois des remerciements.

             Aussitôt, Emeraude se retourna vivement vers son interlocuteur à sa gauche, les sourcils froncés. Il gardait ses yeux gris rivés droit devant lui, n'oscillant même pas légèrement son fin nez en direction de la jeune femme.

             Mais il devinait son regard insistant et ce, aisément. Il savait que Levi Ackerman, le soldat que tous décrivaient dans leurs légendes idiotes ou même au bar du coin, ne s'excusait ni ne remerciait personne. Il était le loup solitaire au milieu de la meute, l'intru mais en même temps le mieux venu.

             Ainsi, étant donné toute la légende qui existait derrière son personnage, il trouvait logique que la jeune femme soit étonnée de l'entendre prononcer des mots pareils. D'autant plus qu'a priori, leur relation ne laissait voir que peu de choses pouvant justifier sa gratitude.

             Mais ce qui différenciait aussi justement le noiraud des autres était sa capacité à remarquer ce qui ne se voyait pas. Et cela précisément, il ne l'avait pas oublié.

Même si tu t'es mal comportée avec eux par la suite, tu as sauvé la vie de trois de mes hommes dans la caverne puis lors de la confrontation avec le titan rampant, commença-t-il. Mikasa t'a vue abattre un soldat qui s'apprêtait à tirer dans la nuque de Sacha puis Conny et elle m'ont rapporté que tu l'as sauvé d'une chute mortelle. Finalement, tu es dans cet état pour une raison que nous connaissons tous puisque nous avons tous vu ta chute.

             Emeraude écarquilla les yeux. Elle n'aurait jamais pensé qu'il aurait été mis au courant de ces premiers actes dans la chapelle ni même qu'il n'y aurait prêté un intérêt quelconque. Comme celui-ci le lui avait dit à son réveil, sauver ses collègues était chose parfaitement normale dont elle n'avait à être remerciée pour.

             Quelque chose clochait. Il ne disait pas tout.

Sans compter les trois fois où tu m'as sauvé, moi, termina-t-il.

             Elle sentit sa température corporelle monter immédiatement et sut qu'elle venait de violemment rougir. Elle ne prit donc pas la peine de se tourner vers le caporal pour le lui montrer et se contenta d'avancer, tête haute mais les yeux écarquillés.

             A ses côtés, il ne dit rien sur son brutal changement d'attitude qu'il avait pourtant remarqué. Il était normal qu'elle soit embarrassée, elle qui avait cru avoir agit dans la plus grande discrétion depuis tout ce temps.

Vous... Vous saviez ? demanda-t-elle d'une petite voix timide.

             Lorsqu'elle avait revu Levi pour la première fois après avoir quitté la base, au bar où elle travaillait, elle s'était élancée à sa poursuite et l'avait longuement pris en chasse. Mais, animée par un désir de vengeance, elle avait neutralisé tous ceux s'approchant du caporal pour être la seule à pouvoir l'exécuter.

             Alors de loin, la scène avait sans doute semblé très noble. La soldate qui, après ce que les brigades avaient sans doute interprété comme étant de longues semaines sous couverture, s'était élancée vers son chef sabres dehors pour le protéger au péril de sa vie. Mais la réalité n'était pas bien reluisante.

             Plus tard, alors qu'elle s'apprêtait à le trouver de nouveau et l'avait pris en chasse dans une forêt, la venue de soldats des brigades spéciales l'avait tant chamboulée qu'elle en avait bouleversé ses plans et avait décidé de tirer une flèche, non pas dans la gorge de Levi pour l'assassiner, mais dans une brindille pour émettre un craquement et attirer leur attention.

             Son pari était alors risqué mais avait fonctionné. Naturellement, ils avaient tous levé les yeux, les sens aux aguets, cherchant l'origine du bruit. Là, ils avaient entendu la voix des deux soldats ainsi que leur bruit de pas.

             Finalement, en arrivant dans la chapelle Reiss, Emeraude n'avait pas perdu de temps avant de combattre les soldats lui faisant face. Et, progressant, elle était vite tombée sur Kenny Ackerman qui prenait alors en joug Levi.

             Lorsqu'elle avait frappé dans sa main, déviant sa trajectoire, elle avait ainsi finalement sauvé une nouvelle fois la vie du caporal qui n'avait donc pas été touché par la balle tirée.

             Mais à l'exception de ce dernier exemple, elle avait toujours été convaincu qu'il n'avait rien su de ses manœuvres.

Comment vous..., commença-t-elle.

             Sa remarque pouvait sembler grossière mais elle était perplexe. Elle avait toujours été convaincue d'être passée incognito, ces fois-là.

             Il ne répondit pas verbalement, se contentant de s'arrêter de marcher sans pour autant se tourner vers elle. Elle l'imita et ils restèrent donc côte à côte dans ce couloir vide durant quelques instants, ne disant le moindre mot.

             Au bout d'un moment, elle vit quelque chose entrer par la gauche dans son champ de vision. Elle identifia vite les doigts du noiraud. Mais le plus important était ce qu'il tenait. Car elle aurait reconnu cet objet entre mille.

             Fin et s'étendant sur quelques centimètres, en son bout brillait une pointe finement et précisément taillée, d'une beauté qui ne brillait que davantage par son efficacité que tous connaisseurs pouvaient deviner. De l'autre côté, des plumes impeccables, pas le moins de monde froissées, s'étendaient de part et d'autre de la tige.

             Il s'agissait de la flèche qu'elle avait tiré pour les alerter, plus d'une semaine auparavant. Ce jour semblait loin et proche à la fois. Tout s'était passé mais en si peu de temps.

Vous saviez que...

             Elle ne finit même pas sa phrase, bien sûr qu'il savait. Il s'agissait de Levi Ackerman. Ne sachant que faire face à cette information, elle demeura immobile durant quelques longs instants, se demandant ce qu'il attendait d'elle.

             Compte tenu de la façon dont il levait sa main, elle en conclut assez rapidement qu'elle devait se saisir de cet objet qui était le sien. Mais à peine leva-t-elle ses doigts pour amorcer l'idée de tenter de le prendre que la flèche disparue à nouveau de son champ de vision.

             Elle la suivit des yeux, tournant la tête vers le noiraud qui la rangea précautionneusement dans sa veste. Elle ne le rappela pas à l'ordre pour avoir refusé —même sans le dire— de lui rendre son dû. Une fois n'était pas coutume, l'atmosphère entre eux deux étaient relativement calme et elle s'en réjouissait.

             Elle ne voulait donc pas tout gâcher en le sermonnant inutilement. Surtout qu'elle n'était pas sûre de demeurer en vie si elle s'avisait de faire une chose pareille au caporal. Dans le doute, elle préféra donc ne rien tenter et se contenta de reprendre leur conversation.

Vous n'avez pas à me remercier pour quelque chose de normal, répondit-elle simplement.

             Il ne sourit point mais sentit son cœur léger en constatant qu'elle venait de citer ses propres mots. Mots auxquels elle le vit acquiescer du coin de l'œil tandis qu'ils se remettaient calmement à marcher.

Tu as raison, dit-il. C'est normal, pour un soldat.

             La jeune femme se mordit la lèvre. Il est vrai que, même si elle se plaisait à agir en tant que telle et revêtir leurs uniformes, elle n'était membre d'aucun corps de l'armée. Aussi, elle n'était pas aussi légitime que les personnes présentes dans la base, ce qui la mettait mal à l'aise.

             Et ceci, le caporal en avait parfaitement conscience.

C'est pour quoi j'en ai discuté avec Historia qui, après son couronnement de cet après-midi sera la seule capable d'un tel acte, dit-il doucement.

             Elle se raidit, craignant d'avoir compris ces mots. Il ne lui en avait pas fallu beaucoup pour qu'elle fasse quelques liens en les écoutant et avait donc immédiatement pensé à quelque chose de bien particulier.

             Et elle ne faisait pas fausse route.

Demain, tu seras officiellement intégrée au bataillon d'exploration sans devoir endurer les trois ans d'entraînements habituels, dit-il simplement. Et tu pourras choisir ton escouade.

             Elle s'arrêta de marcher. La nouvelle était tombée comme une masse sur ses épaules. Son cœur venait de manquer plusieurs battements. Sa gorge devint sèche. Sa vue devint moins nette. Avait-elle bien compris ?

             Si Levi l'imita et s'arrêta dans sa marche, il ne se tourna pas vers elle, se contentant de lui monter le dos. Sentant un pique d'endorphine se répandre en elle, elle garda ses yeux profonds fixés sur les larges épaules du noiraud, détaillant la façon qu'avaient ses omoplates de tirer sur la chemise de son uniforme.

             Elle serait un soldat sous peu. Tétanisée par le choc de la nouvelle, elle n'avait pas la moindre idée de comment réagir. Mais elle savait qu'elle était heureuse et ce, profondément. Un léger rire franchit la barrière de ses lèvres et ses doigts se mirent à trembler.

             Ce moment, elle en avait rêvé.

             Et là, en cet exact même moment et de façon simultanée, constatant le rire enjoué qu'avait poussé la jeune femme, ils pensèrent tous deux la même phrase.





             Tu es fier, Eddie. N'est-ce pas ?







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