𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟐
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E09
petit spoiler
Les yeux d’Emeraude s’agitèrent quelque peu sous leurs paupières closes, tirant sa peau d’une façon qui éveilla le major, jusque-là inerte. Il était seul à côté de la jeune femme et cela faisait plusieurs jours qu’il n’avait pas dormi. Lorsque ses prérogatives ne l’exigeaient pas dans ses bureaux, il restait aux côtés d’elle la plupart du temps.
Il aurait apprécié ne pas avoir à se dépenser de la sorte mais l’état de la jeune femme montrait une réalité à laquelle il n’avait pas songé. Depuis les deux jours qu’elle avait passé dans cette chambre, il avait été la seule personne à venir la veiller, Bosuard ayant été interdite car une civile n’avait pas le droit d’atteindre ces étages-là de la base et Hanji étant toujours fourrée dans son laboratoire afin de trouver des remèdes pour la tirer de son coma.
Assis immobile dans un fauteuil vert bordant le lit de la jeune femme, il avait donc eu le temps de penser à ceux qu’elle avait perdu. Même si, théoriquement, il avait toujours su cela, jamais il n’avait pris le temps de comprendre ce que cela signifiait. Quelle horreur, avait-il simplement pensé.
L’escouade Levi était probablement loin en train de fêter l’extinction du titan rampant par Historia qui serait bientôt officiellement leur reine. Même si le blond doutait que son amie puisse avoir envie de se saouler aux côtés d’Eren, il regrettait que le fait qu’elle ait sauvé la future monarque l’empêchait de fêter sa victoire.
Tous avaient d’ailleurs nettement vu la scène à l’exception des soldats les plus concentrés dans leur tâche. Majoritairement, les yeux étaient restés fixés sur celle qui deviendrait leur souveraine, veillant à ce que rien ne lui arrive.
Aussi, personne n’avait perdu une seule miette du moment où Emeraude, le sabre droit devant elle, avait sauvé la vie de la blonde. Et surtout celui où, une seconde après, elle avait fait une chute de plus de cinquante mètres dans les airs, totalement inconsciente.
De toute façon si certains n’avaient, à ce moment-là, pas regardé les deux jeunes femmes, le cri d’effroi qui succéda l’explosion avait suffit à attirer l’attention des derniers soldats désintéressés. Et pour cause, ce n’était pas tous les jours qu’un homme comme Levi hurlait ainsi, presque à son décrocher la mâchoire.
Ce dernier, après avoir abandonné sans une once d’hésitation ce qu’il était en train de faire et sauvé Emeraude, s’était empressé de trouver Hanji tout en gardant le corps inanimé de la jeune femme dans ses bras. Puis, après que la brune se soit chargée d’elle et l’ait installée dans une chambre de gardes, il n’était jamais apparu dans celle-ci. Comme s’il n’avait été qu’un songe.
Erwin savait où il était actuellement. Des éclaireurs étaient partis sillonnés la caverne Reiss, dirigés par Dan, à la recherche de blessés. Les premiers jours, ils n’en avaient trouvé aucun mais, quelques heures auparavant, un messager était venu signaler la présence d’un survivant gravement affaibli du nom de Kenny Ackerman.
Les choses n’allaient pas au mieux de leur forme entre Erwin et le noiraud en ce moment donc ce dernier ne s’était pas expliqué sur la situation. De toute façon, même si leurs liens n’avaient pas changé, le caporal n’appréciait pas de se confier et ne l’aurait sans doute donc pas fait.
Le blond savait juste que Kenny avait été important dans la vie de son ami et qu’il avait tenu à s’y rendre en personne. De plus, il se doutait qu’il s’agissait-là d’une excuse bien trouvée pour ne pas avoir à affronter le réveil de la jeune femme. Car, depuis les quelques secondes qu’il voyait ses paupières se crisper, le major avait compris qu’il était imminent.
— Nous sommes là ! Nous sommes là ! s’exclama soudain une voix particulièrement forte au ton enjoué depuis la porte d’entrée.
Erwin leva la tête. Etant donné la disposition de la chambre —le lit se trouvait au fond à gauche de la chambre, à un mètre du mur sous la fenêtre et le major se tenait dans cette interstice— il n’avait pas besoin de se tourner pour voir la porte. Il se contenta donc de ce léger haussement de tête suivi d’un de ses rares sourires. Elle ne serait pas toute seule, c’est tout ce qui lui importait.
Paré de vêtements de civiles simples tels qu’un pull épais bordeaux rentré dans un pantalon noir pour couvrir un maximum de peau et ainsi la protéger des projections en laboratoire, Hanji s’agitait à quelques mètres de la malade. Derrière ses imposantes lunettes brunes, ses yeux de la même couleur se mouvaient à toute vitesse, cherchant les signes avant-coureurs d’un réveil chez Emeraude.
Sa poitrine se soulevait difficilement, elle avait couru pour être là à temps afin de l’accueillir correctement dans le monde réel. Mais elle avait tout de même fait un détour dans sa course pour aller chercher l’enfant qui avait tenu lieu d’acolyte à la jeune femme et se tenait maintenant juste à côtés de la scientifique.
Bosuard avait dorénavant des vêtements à sa taille. Levi avait personnellement veillé à ce que l’on créé un uniforme —sans système tridimensionnel, bien évidemment— pour la fillette. Aussi, sous une veste en cuir marron gravée des quatre sigles de l’armée se trouvait une chemise blanc immaculé qu’elle avait rentrée dans un jean beige. Ses cheveux crépus, eux, étaient finement agencés en une multitude de tresses collées le long de son crâne. Elle ressemblait à une tout autre personne.
Pour cause, elle avait tenu à faire bonne impression pour le réveil d’Emeraude. Elle savait que la jeune femme n’avait pas beaucoup d’amis mais voulait qu’elle remarque, d’un simple coup d’œil, que ceux-là tenaient assez à elle pour l’accueillir dignement.
— Elle s’est pas réveillée pendant qu’on n’était pas là, hein ? demanda l’enfant, excitée comme une puce.
Tandis qu’elle s’élançait vers le lit où son amie dormait encore, le major secoua mollement la tête pour rassurer la petite. Non, elle n’avait pas manqué son réveil.
La brune, quant à elle, s’approcha moins rapidement de la patiente que l’enfant lui ayant bondit dessus mais vint tout de même se pencher au-dessus d’elle. Juste à côté de Bosuard qui fixait les traits de l’endormie de ses grands yeux attentifs, elle l’imita et constata que son réveil était imminent.
— Salut, la tarée, dit-elle dans un rire doux.
La concernée eut un autre mouvement plus marquant que l’agitation de ses yeux sous ses paupières. Elle tourna soudain la tête vers la droite, comme s’il s’agissait d’un spasme. Ses sourcils se froncèrent d’ailleurs tandis que l’enfant lâchait un rire excité.
Concentrés tous les trois sur la jeune femme —même Erwin qui était tout de même resté sur la chaise pour ne pas l’étouffer de présence— nul ne remarqua qu’au moment où Emeraude s’était inconsciemment tournée vers l’entrée, un homme s’y était silencieusement posté.
— Alors, on fait la grasse mat’ ? demanda la scientifique d’une voix niaise.
Les poings de la patiente se serrèrent brusquement. Cela faisait bien une dizaine de minutes qu’elle avait commencé à bouger. Elle se réveillait doucement, mais surement.
— Je me sens seule quand t’es pas avec moi ! s’indigna Bosuard pour la pousser à se réveiller. Ils sont pas drôles les autres !
Un autre spasme saisit le corps de l’endormie et elle se retourna vers Erwin en pinçant violemment les lèvres. Il sourit.
— Nous y sommes, dit-il simplement.
Là, ses paupières se mirent à papilloter, dévoilant ses iris profondes et ses pupilles dilatées. Il lui fallut quelques battements de cil pour s’habituer à la luminosité et un peu plus pour comprendre ce qui lui était arrivé.
Elle était dans une position confortable. Elle n’avait ni trop chaud, ni trop froid. La température était idéale. De plus, son corps reposait sur un coussin particulièrement moelleux qui lui fit presque oublier sa douleur à la tempe. Mais elle n’eut le temps de vraiment penser à elle et se demander le pourquoi de cette souffrance, qu’elle remarqua les trois pairs de yeux la fixant.
La plus proche était composée des iris marrons de Bosuard et se tenait au niveau de sa tête de lit, à quelques centimètres d’elle seulement. Juste derrière elle et à droite du lit se situait Hanji. Seul sur le flanc gauche et plus éloigné d’Emeraude, Erwin fermait le trio.
— Tout va bien ? demanda-t-il doucement pour ne pas le brusquer.
Elle regarda autour d’elle-même si sa vision était obstruée par les deux filles. Avec un pincement au cœur, elle constata que Levi ne se trouvait pas là. Même s’ils n’étaient pas proches, elle aurait apprécié une marque d’attention de la sorte.
— Je suis au max, railla-t-elle en fermant les yeux pour se reposer, l’esprit encore embrumé.
Hanji eut un sourire mais tenta de contenir son excitation pour ne pas brusquer son amie. Seulement son sentiment se fit entendre dans sa voix.
— T’as dormi quatre jours et raté le retour à la vie normale mais, heureusement, tu pourras assister au couronnement !
Tout en gardant les yeux clos, Emeraude lâcha un pouffement amusé.
— Ecoute, Hanji. C’est pas que je m’en bat…
— Ton langage ! la coupa aussitôt Bosuard.
Abasourdie par le fait qu’une enfant se permette de la rappeler à l’ordre, elle fronça quelque peu les sourcils avant d’ouvrir les paupières pour viser la fillette de son regard indigné. Mais elle ne s’en préoccupa point.
— Quand est-ce que tu vas revenir ? Je m’ennuie sans toi !
Aussitôt qu’il eut entendu cette phrase, Erwin brisa le silence dans lequel il s’était volontairement plongé. Même s’il ne voulait pas interférer dans ces retrouvailles, il ne fallait pas que la fillette mette autant de pression à la patiente.
— Elle va d’abord se reposer un peu, histoire de récupérer.
Bosuard se tourna vers le blond en fronçant les sourcils, ne comprenant visiblement pas bien son intervention.
— Elle a dormi quatre jours. C’est suffisant.
Ce n’était pas une question mais une affirmation. En entendant la fillette montrer son petit caractère bien trempé, la jeune femme eut un léger rire qu’elle regretta aussitôt après, la contraction de ses traits ayant tiré sur sa blessure.
— Quel petit tyran, commenta Hanji.
Bosuard se retourna vers la scientifique d’un geste brusque, la fusillant du regard. Son amie la regarda faire avec un sourire réjoui, heureuse qu’elle et les deux autres l’aient accueillie à son réveil. Mais elle ne comprenait pas pour autant la situation.
Reprenant une expression faciale neutre pour leur montrer le sérieux de la situation, elle se râcla ensuite la gorge. Ils se tournèrent vers elle et, dans l’encadrement de la porte, le nouveau venu leva la tête.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda-t-elle.
Erwin et Hanji échangèrent un regard. Ils en avaient parlé mais auraient tout de même apprécié que leur hypothèse ne se confirme pas. Or c’était le cas : suite à sa commotion cérébrale, la jeune femme semblait souffrir d’une amnésie.
Celle-ci ne concernait que les minutes précédant le choc et serait momentanée mais la brune craignait qu’elle ne soit annonciatrice d’autres problèmes neuronaux. Elle décida de ne pas en parler à la concernée pour ne pas l’effrayer et se contenta de répondre.
— La cinglée que tu es s’est élancée à plus de soixante mètres du sol, au-dessus du vide avant de couper ses bouteilles pour tomber en chute libre ! la réprimanda-t-elle en levant l’index pour lui montrer sa colère.
Même si l’agacement d’Hanji était atténué par sa joie de savoir son amie en vie, cette dernière savait que sa phrase était un véritable sermon. Alors, se sentant coupable de l’avoir inquiétée, elle baissa les yeux.
— Mais heureusement, Levi s’est précipité vers toi et t’a rattrapée juste avant que tu ne te prennes le sol.
Emeraude haussa quelque peu les sourcils face à cette information, visiblement peu emballée par celle-ci. Puis, elle poussa un soupir ennuyé.
— Ça veut dire que je vais devoir le remercier ? demanda-t-elle, pas vraiment enjouée à cette idée.
Etant donné ses disputes répétées avec le noiraud, sa fierté en prenait un sacré coup.
— Tu n’as pas à me remercier pour quelque chose de normal, retentit soudainement une voix particulièrement grave.
Emeraude frissonna. Les trois autres se tournèrent vers l’entrée. Elle les imita juste après, prenant d’abord une grande inspiration pour calmer les battements de son cœur qui venaient de s’affoler. Mais ceux-ci s’intensifièrent lorsqu’elle croisa le regard de Levi.
Comme à son habitude, le noiraud affichait une expression indéchiffrable. Seulement elle n’avait pas besoin de comprendre ce qu’il ressentait pour être assujetti à ses brûlantes hématites. Elles irradiaient la rage, incitaient au respect, reflétaient sa puissance. Et ce contact visuel la fit frissonner tant il était intense.
On eut dit que nul ne se trouvait dans la pièce à par eux tant la façon qu’ils avaient de se dévisager était puissante. Et cela, Erwin sembla le comprendre.
— On va vous laisser, dit-il simplement en se levant.
Hanji acquiesça vivement, peu à l’aise avec ce brutal changement d’ambiance. Et, sans attendre la réponse des deux concernés qui n’avaient de toute façon même pas entendu le blond, elle saisit Bosuard par la main et la tira vers la sortie.
Celle-ci tenta bien de protester, gratifiant même le caporal d’un surnom dégradant au passage, mais Erwin aida la scientifique à faire évacuer l’enfant en toute hâte. Malgré ses cris, ils franchirent donc bientôt le seuil de la porte.
En se faisant, il tourna la tête, jetant un coup d’œil au profil de Levi. Son nez fin pointait droit devant lui, comme son regard gris et déterminé. Ses cheveux corbeaux étaient toujours aussi étrangement ordonnés qu’à l’accoutumé, entre coiffés et décoiffés. Mais il y avait quelque chose de changé en le caporal.
Le blond secoua la tête, décidant de ne pas s’attarder sur ce détail. Malgré les tensions existantes entre eux, Levi était son ami. Si le blond devait être mis au courant de quelque chose, le noiraud le ferait.
Ainsi, quelques interrogations en tête, il le dépassa tout en tenant l’autre main de l’enfant qui s’agitait quelque peu pour se défaire de leur prise. Bientôt, le bruit de leur pas et des protestations de Bosuard s’évanouit.
Levi et Emeraude étaient seuls dans la chambre.
Elle déglutit péniblement, un peu sonnée par le contact visuel qu’ils maintenaient toujours silencieusement. Et, au moment où elle se demanda quand ils allaient bien consentir à mettre fin à ce silence pesant, il déclara de sa voix grave et tétanisante :
— Je dois te parler.
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