𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS


S01E14
petit spoiler









Encore sonnée par son réveil plus que brutal remontant à tout juste une heure, la jeune femme prit place sur une monture noire, non sans un regard méfiant envers Levi qui ne lui accordait aucune attention. Hanji, qui était lae seul-e à les accompagner, intercepta ce coup d'œil avec un sourire penaud à l'égard de leur invitée.

Cette dernière ne savait d'ailleurs pas quelle tournure auraient pris les évènements sans l'intervention de lae brun-e. En effet, lorsque Levi lui avait demandé -pourtant à voix basse- la raison pour laquelle elle dormait sous son toit, ce simple murmure avait suffi à réveiller sa consœur.

Hanji, se redressant péniblement, avait cherché à tâtons ses lunettes qu'iel avait fini par trouver puis enfiler. Après quelques battements de paupière habituant ses yeux aux verres de la monture, iel s'était finalement tournée vers l'origine de son réveil et était tombée nez à nez avec un spectacle des plus surprenants.

Debout le dos droit, le caporal Levi avait gardé son bras gauche le long de son corps fin, se servant du droit pour maintenir la lame d'un poignard pressé contre le cou de la jeune fille. Comme à son habitude, il exécutait son geste avec un flegme tel que cela en devenait blessant pour celle qu'il menaçait.

Tandis que les traits de celle-ci, crispés, montraient alors qu'elle était à deux doigts de se faire dessus, lui semblait presque désintéressé de sa personne. Le rapport de force était à ce moment-là tellement déséquilibré que s'en devenait humiliant.

Fort heureusement, lae brun-e s'était empressé-e de calmer l'homme, prenant sur son dos toute la responsabilité de la situation. Iel avait expliqué que tous s'étaient montrés clairement réticents à laisser la jeune femme dormir avec eux mais qu'iel n'avait pas voulu la laisser seule dans le froid.

Etant donné la confiance infaillible qu'il vouait à lae scientifique, il n'avait pas douté une seconde de ses dires et s'était donc naturellement détaché de leur hôte sans un regard pour celle-ci. Elle l'avait alors regardé partir en tremblotant, touchant du bout des doigts la peau de son cou étant rentrée en contact avec la lame.

A peine remise de ses émotions, elle avait appris par Hanji qu'iel et Levi devaient se rendre au tribunal le jour-même au sujet de ce Jäger. D'abord décontenancée qu'iel lui parle de ça, la jeune femme avait froncé les sourcils jusqu'à ce que lae brun-e l'informe que le caporal souhaitait qu'elle vienne avec eux.

Voilà pourquoi, depuis plusieurs minutes maintenant, le noiraud avançait sur son destrier suivit de près par les deux cavalièr-e-s. Tous étaient habillés à l'identique, l'homme n'ayant pas souhaité qu'on le voit marcher avec une civile à ses côtés.

Suite à l'affaire Eren, les tensions étaient vives et chaque citoyen suspectait son voisin d'être doté des mêmes facultés que le garçon. Alors, si la jeune fille était vue en leur compagnie, il ne donnait pas cher de sa peau. Les villageois allaient préférer répandre la rumeur d'un autre métamorphe servant le caporal plutôt que de réfléchir à la possibilité qu'elle connaisse simplement des difficultés. Après tout, il n'était pas dans les habitudes de l'escouade d'offrir ce genre d'aide à la population.

Par ailleurs, jamais elle ne pourrait accéder au palais de justice, habillée comme une civile. D'autant plus que ses vêtements trahissaient le fait qu'elle était sans-abris depuis longtemps.

Par-dessus une chemise blanche qu'elle avait rentré dans son pantalon serré de la même couleur, elle avait solidement sanglé un appareil tridimensionnel. D'un marron foncé, diverses ceintures plates parcouraient ses jambes, sa poitrine et sa taille. Dans les mêmes tons, de grandes bottes remontaient juste au-dessus de ses genoux. Finalement, une veste cannelle brodée du sigle du bataillon d'exploration était coupée à la moitié de son buste, son col remontant le long de sa nuque.

C'est avec une grande précision que la jeune femme avait observé les divers détails de cet accoutrement, excitée à l'idée de les revêtir. Sous le regard interloqué de Erd et Gunther, elle avait défilé devant le miroir accroché dans le salon, prenant diverses poses assez ridicules.

Alors maintenant qu'elle paradait dans la ville au milieu de villageois indifférents, elle ne pouvait s'empêcher de lever fièrement le menton. Soit, elle n'était pas soldat. En revanche, non seulement elle donnait l'impression de l'être mais elle paraissait en plus servir la légende qu'était Levi Ackerman.

Cela faisait plusieurs dizaines de minutes maintenant que le trio avançait à un certain pas. Les rues se succédaient, toutes plus désertes les unes que les autres. Pour cause, ils s'étaient levés en même temps que le soleil.

Ainsi, la circulation était assez fluide et légère, contrairement à l'atmosphère entre eux. Personne ne parlait, la nouvelle venue n'ayant toujours pas digéré le réveil particulièrement brutal remontant au matin-même. Et Hanji avait bien remarqué, aux regards qu'elle lançait à Levi, ce qu'il se tramait dans son esprit.

- T'inquiètes pas trop, hmmm, commença-t-iel en s'interrompant, iel qui s'apprêtait à l'appeler par son prénom. Il ne t'aurait pas tuée.

Son interlocutrice tourna la tête vers iel, intriguée par ses mots et quelque peu soulagée. Par ailleurs, elle se dit que le fait de ne pas avoir de nom pouvait être handicapant pour autrui. Surtout que le noiraud semblait l'avoir embarquée pour un petit moment. Il fallait qu'elle se baptise.

- Enfin, je crois, ajouta lae brun-e après une légère hésitation.

Ignorant délibérément cet ajout pour ne pas s'inquiéter, la jeune femme songea alors à la cape verte que lui avait donné Petra le matin-même. En effet, lorsqu'elle avait voulu rendre à la rousse son haut, celle-ci lui avait demandé de le garder. Face au désemparement de son invitée, la soldate avait expliqué qu'elle avait vu avec quelle fierté elle s'était parée des vêtements du bataillon et voulait qu'elle continue de les admirer, la majeure partie de la population préférant les décrier.

C'était extrêmement gentil de sa part, pensa la jeune femme en s'imaginant les retrouvailles avec son frère. Quand elle reverrait Eddie, elle porterait cette étoffe vert émeraude et lui raconterait sa rencontre avec les héros de leur enfance. Elle avait hâte de voir sa réaction.

C'est lorsqu'Hanji lui demanda si tout allait bien qu'elle revint à la réalité. Sans s'en rendre compte, elle avait affiché un triste sourire en songeant à son frère. Elle le sentait au plus profond d'elle, comme une mauvaise intuition qu'on ne peut ignorer : ils n'allaient pas se revoir de sitôt.

- Oui, ne t'en fais pas. Je me disais juste que, si c'est plus pratique pour vous, vous pourriez m'appeler Emeraude.

Hanji lui offrit un sourire chaleureux tandis qu'ils arrivaient devant un grand palais à l'architecture élaborée. Après avoir approuvée sa décision en lui disant que ça lui faciliterait la vie, elle s'engagea à la suite de Levi dans la cour.

Celle-ci était assez vaste. Ils avaient pu y accéder par un portail doré qui s'étendait en une ligne droite derrière eux, fermant le carré que formait la large bâtisse en U. Sa façade rouge brique formait une délicate harmonie avec ses décorations blanches et vitres ouvragées.

Alors que la fraîchement baptisée Emeraude - en référence à la cape du bataillon - s'attendait à ce qu'on leur désigne les écuries, Hanji et Levi posèrent tout de suite pied à terre d'un même geste. Aussitôt, elle les imita tandis que divers jeunes garçons d'écuries s'inclinaient devant le caporal et promettaient de bien s'occuper de leurs chevaux.

Sans un mot ou regard de plus à l'intention de ses collègues, le noiraud s'engagea en direction de l'entrée principale du palais de justice, celle qui faisait face au portail. En chemin, il ignora les soldats de la garnison qui s'inclinèrent jusqu'au sol en le reconnaissant.

Cette entrée se situait en haut d'une dizaine de marches et sa porte, derrière de multiples arcades ouvragées se succédant. Ces dernières étaient surplombées par un enchevêtrement compliqué et élégant de carreaux et sculptures où deux femmes se distinguaient.

Posées de façon symétrique l'une en face de l'autre, elles ne différaient qu'en un point : l'une tenait une balance et l'autre, une épée. D'un côté la justice et de l'autre, l'armée. Aucun doute n'était possible, ils étaient bien au tribunal militaire.

La jeune femme amorça un pas en direction des escaliers, s'apprêtant à rejoindre le caporal. Seulement elle n'eut le temps de lever le pied qu'Hanji l'attrapa solidement par le bras et la tira en arrière.

- Nous, on va accompagner le prisonnier pour son jugement.

A ces mots, Emeraude écarquilla les yeux. Le prisonnier !? Elle balbutia quelques onomatopées traduisant sa détresse. Elle n'avait aucune envie de se retrouver avec cet Eren Jäger. Après tout, s'il était soumis à un procès, ce n'était pas pour rien. Et elle ne désirait pas forcément finir en bouillie.

- Tu veux dire... le titan ? demanda-t-elle pour être sûre de qui ils s'apprêtaient à rencontrer.

Lorsque lae brun-e acquiesça, continuant de la tirer à sa suite en direction d'une autre entrée située plus en retrait, elle se sentit faiblir. Même si elle n'opposa aucune résistance et accepta de se faire trainer jusqu'au garçon, elle n'en sentit pas moins sa gorge s'assécher et ses mains devenir moites.

A peine eurent-ils pénétré le bâtiment que son rythme cardiaque accéléra de plus belle. Elle n'avait aucune idée d'où elles avaient mis les pieds mais ne souhaitait pas le savoir. L'architecture n'avait plus rien du beau palais que l'on voyait depuis l'extérieur. Non.

Les murs et sols de briques usées étaient plongés dans la pénombre, la seule lumière les éclairant venant de torches fixées au mur à distance égale. Devant l'une d'entre elle et au sommet d'escaliers crasseux, la silhouette d'un homme aux cheveux mi-longs se découpait. Tapis dans l'obscurité, il semblait les attendre.

Lorsqu'il les vit, il tourna la tête vers eux. Son visage barbu aux traits tirés ne laissait transparaître aucune émotion. Tant et si bien qu'Emeraude ne sut comment saluer l'inconnu et se contenta de détourner le regard. L'atmosphère n'en devint que plus lourde.

- Mike, il y a exceptionnellement une jeune recrue avec nous. Ordre de Levi.

Si le dénommé Mike fronça les sourcils face au début de sa phrase, il ravala son regard réprobateur dès lors qu'il entendit ces derniers mots. De toute évidence, la simple mention du noiraud suffisait à maintenir l'ordre et la discipline. Le soldat était aussi redoutable et respecté que les histoires le laissaient entendre.

L'homme porta son attention sur la jeune Emeraude sans dire le moindre mot. Soudain, en fronçant le nez, il se pencha dangereusement près de son visage, arrachant un couinement de surprise à la jeune femme. Tout était allé extrêmement vite.

Mais qu'est-ce qu'il a, lui !? s'exclama-t-elle intérieurement en constatant que seulement quelques centimètres séparaient son visage de son cou qui semblait l'intéresser grandement. Peu à l'aise avec les agissements particuliers de l'homme, elle lança un regard empli de détresse à Hanji. Elle réalisa au même moment que Mike était en train de la renifler. Purement et simplement.

Comprenant, à l'expression de la nouvelle, que celle-ci n'appréciait pas du tout la situation, lae brun-e choisit d'y mettre un terme. Leur tournant le dos, iel s'engagea sans plus de cérémonie dans les escaliers mal-éclairés devant eux qui menaient aux sous-sols.

- Vite. Le petit Jäger nous attend. Et les jurés aussi.

Aussitôt, le châtain s'écarta d'Emeraude pour s'engager à la suite de la scientifique. La nouvelle les imita alors, encore abasourdie, et ne tarda pas à rejoindre le sous-sol qui, dans son architecture, était similaire à l'étage qu'ils venaient de quitter. Une seule chose le distinguait du rez-de-chaussée : à intervalles réguliers, des barreaux montraient la présence de cellules.

Ils marchèrent calmement sur plusieurs mètres, attirant l'attention des gardes qui protégeaient les différentes cages. Ils ne se saluèrent point, l'entente entre les brigades spéciales et le bataillon d'exploration n'étant pas au beau fixe.

Soudain, alors qu'ils approchaient du fond du couloir, Hanji abandonna sa démarche lente pour se ruer sur l'entrée de la dernière cellule, agrippant les barreaux de ses mains et coinçant sa tête entre eux. Là, avançant un maximum son visage pour voir le contenu du lieu, iel s'exclama :

- Alors c'est toi, Eren. Ça va ? Rien à signaler ?

Iel s'était adressé-e à lui avec une grande douceur, comme s'il n'était rien de plus qu'un chiot égaré. Emeraude, de son côté, ne comptait pas faire preuve d'autant d'imprudence. Elle ne savait rien du titan à l'exception du fait que, justement, il en était un.

Un peu en retrait, elle écouta lae brun-e s'excuser pour son retard et lui dire qu'il serait bientôt libre. A ces mots, Mike vint se poser à côté de la scientifique qui tripatouilla sa ceinture durant quelques instants. Le soldat lança alors un regard appuyé à Emeraude, lui intimant silencieusement de les rejoindre.

- Mais avant...

Ne voulant se mettre à dos deux chefs d'escouade qui risquaient, en plus, d'en informer Levi Ackerman, elle obtempéra immédiatement et quitta sa position. Se faire remonter les bretelles par le caporal était bien la dernière de ses envies. Il avait déjà failli la tuer, elle espérait donc ne plus jamais se retrouver confrontée de la sorte au noiraud.

- ...on va devoir te mettre ça.

A l'instant où la jeune femme s'arrêta devant la cellule d'Eren Jäger, celui-ci leva les yeux en direction des menottes que lui tendait lae brun-e. Là, elle se tourna vers le titan non sans une bouffée de chaleur. Elle appréhendait ce qu'elle s'apprêtait à voir.

Elle fut donc assez étonnée de constater qu'il était on-ne-peut-plus banal. Sous d'épais sourcils bruns étaient dessinés de grands yeux émeraude profonds. Ceux-là, bercés d'une tendre innocence et trahissant la peur qu'il ressentait, lui donnaient une allure de petit garçon. Tout comme ses cheveux en bataille.

En voyant les menottes que lui tendait Hanji, il afficha un désarrois tel qu'Emeraude sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Et, oubliant toute la méfiance qu'elle avait nourri pour lui depuis le moment où elle avait appris son existence, elle laissa filer quelques mots d'un air compatissant sans même s'en rendre compte :

- Tout va bien se passer, Eren. Ne t'en fais pas.





Mais elle n'en croyait pas un mot.













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