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ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E05
aucun spoiler
Avec un gémissement de douleur, Emeraude battit des paupières à quelques reprises. Naturellement, sa main se porta à sa tempe qui lui provoquait une douleur lancinante et elle sentit une matière inhabituelle venir se déposer sur ses doigts.
Elle amena ceux-là juste devant elle, dans son champ de vision trouble qui peinait à s’éclaircir et vit un liquide rougeâtre couler le long de ses phalanges. Elle soupira. Elle ne savait pas ce qui avait bien pu se passer mais elle avait maintenant une plaie à la tempe.
Autre chose attira son attention. En amenant sa main devant elle, elle avait senti son poignet comme un poids particulièrement lourd, ce qui n’était pas habituel. Après quelques instants où, groguie, elle ne fit rien, elle regarda son autre bras et réalisa qu’elle était lourdement enchainée au niveau de ses extrémités supérieures.
Là seulement, elle prêta attention à ce qu’il se passait autour d’elle. Le plafond était assez haut mais l’obscurité dans la salle était si dense qu’elle évaluait sans doute mal la distance. Les murs, eux, étaient en pierres encrassées et tachées par endroit. Sur eux se trouvaient des torches, seuls éclairages de cette salle et lui donnaient d’ailleurs un aspect fantomatique.
Elle se trouvait à genoux, ses bras tendus par des chaines en l’air et sa tête tombant sur son torse. Ses membres lui faisaient mal, le sol était écharpé par endroit et elle sentait quelques éraflures sur la peau de ses jambes. Ses épaules la lançaient. Par ailleurs, elle était prise d’un mal de tête immense.
Tout de suite, une question lui vint. Depuis combien de temps était-elle là ? D’autres suivirent. Qu’était-ce ce « là » ? Pourquoi était-elle enfermée ? Que se passait-il ?
— Y’a quelqu’un ? appela-t-elle d’une voix modérément forte.
Nul ne lui répondit. Elle patienta quelques secondes, un peu sonnée par la situation dans laquelle elle se retrouvait. Sans doute était-ce lié à son choc à la tête mais elle ne se souvenait que du moment où le soldat nommé Dan l’avait retrouvée. Ensuite, c’était le noir total.
Là, elle réalisa qu’importe ce qui avait pu se passer après, elle avait été trainée dans les cachots d’un des tribunaux de Sina. Elle se trouvait donc en prison. Cela répondait à pas mal de ses questions.
En réalisant qu’elle s’était faite prendre et ce que cela signifiait —à savoir qu’elle serait pendue sous peu— elle déglutit péniblement. Il était hors de question qu’elle se rendre sans se battre.
— DESCENDS UN PEU, QUE JE TE FASSE SUBIR LE MÊME SORT QU’A TON POTE ! rugit-elle en fixant la porte de la cellule qui n’était qu’un quadrillage de métal donnant sur l’extérieur.
Même si sa mémoire était défaillante, elle parvenait tout de même à se souvenir que Dan, l’officier qui l’avait trouvée la veille, l’avait arrêtée pour de très nombreux chefs d’accusation. Si elle n’était coupable que de l’un d’entre eux —punit d’une mise à mort— elle avait réalisé bien vite que toute cette mascarade avait été mise en place pour que les hautes instances n’aient aucun moyen de ne pas ordonner son exécution.
Alors, à moins de s’échapper maintenant, elle n’avait aucune chance de s’en sortir. Mieux valait donc pour elle qu’elle pousse un soldat à venir dans sa cellule et qu’elle le maitrise à l’aide de ses jambes. C’était le seul plan qu’elle avait.
— JE VAIS TE DECAPITER, TU M’ENTENDS !? T’ECOUTER PLEURER ET ME SUPPLIER SANS POUR AUTANT TE LAISSER FILER ! JE VAIS T’ECARTELER, T’ECHARPER, TE TORTURER ! TU N’EN SORTIRAS PAS INDEMNE ! JE TE POURSUIVRAIS MÊME DANS LA MORT !
Sa colère n’était pas feinte. Elle était véritablement furieuse d’avoir été prise si bêtement. Ce qui n’aurait pas été le cas si elle n’avait pas choisi d’aider Levi. Sa colère envers l’homme n’en fut que décuplée.
— Ton discours ne sert à rien, ils ont pour ordre de rester en haut, intervient soudain une voix depuis la cellule adjacente à celle d’Emeraude.
La jeune femme se raidit, sentant une vague de chaleur la submerger. Elle aurait reconnu cette voix entre mille. Et, à cet instant même, elle se sentit particulièrement soulagée d’être en présence de l’homme. Immédiatement et malgré la situation, elle se détendit.
— Et je n’ai pas pu bien te voir lorsqu’ils t’ont trainée mais il semble que tu ais une commotion cérébrale. Reste en place et essaye de dormir un peu.
Elle se tourna vers le mur de droite, faisant claquer ses chaines dans un bruit infernal. Un sourire naquit sur ses lèvres. Elle n’était pas seule. Sa joie de le savoir vivant fut telle qu’elle sentit l’émotion l’étrangler et des larmes envahirent ses yeux.
— Erwin ? Erwin ! C’est si bon de t’entendre ! s’exclama-t-elle tandis que sa voix oscillait dangereusement vers les aigus.
Il y eut un bref silence, elle entendit un faible soupir. Mais celui-là n’avait rien à voir avec de la frustration ou de l’agacement, non. Elle connaissait assez le major pour savoir qu’il venait simplement de sourire faiblement en expirant bruyamment.
— J’aurais aimé que ce soit en d’autres circonstances mais, oui, je suis aussi ravi de te revoir.
Elle ne sourit que davantage, rassurée. Elle n’allait pas lutter seule. Mais, immédiatement après, son rictus s’effaça et elle demanda à l’homme en fixant le mur, tentant de le deviner derrière :
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
Là, le silence fut plus long. Et le nouveau soupir qu’il poussa lui parvint plutôt comme un signe d’embarras. Elle déglutit péniblement. C’est du lourd, se dit-elle en réalisant que, si même le blond refusait d’en parler, c’est que quelque chose de très grave se produisait.
— Un coup monté. Le gouvernement est pourri, dit-il simplement.
Elle fut un peu surprise par la brièveté de cette réponse. Venant du major, elle se serait davantage attendue à un exposé détaillé des faits et gestes de la monarchie. Mais elle se rappela aussi que des soldats écoutaient sans doute leur conversation. Aussi valait-il mieux qu’ils en disent le moins possible sur ce qu’ils savaient. Afin de ne pas compromettre l’escouade Levi.
Elle en vint alors naturellement à penser au noiraud. Avec un soupir exaspéré, elle réalisa qu’elle ne serait pas dans cette geôle si elle n’avait pas décidé de le protéger. Comme d’habitude, quelqu’un d’autre va mourir à sa place, pesta-t-elle intérieurement. Là, elle comprit que son discours intérieur datant du matin-même était stupide. Le caporal devait mourir.
Elle ne put s’empêcher d’exprimer sa frustration. Après un rire court et sarcastique qui attira l’attention du major, elle brisa le silence qui s’était installé depuis quelques minutes maintenant.
— La valeur de la vie dans les bataillons d’exploration, cingla-t-elle avec un rire mauvais. Valoir le coup comme Eren Jäger, s’attirer l’intérêt de survivre comme Levi Ackerman ou n’être que le sang sur lequel on glisse jusqu’au sommet comme…
Elle marqua un temps d’arrêt, se mordant la lèvre. Tant de noms lui venaient en tête. Erd. Eddie. Petra. Auruo. Gunther. Elle. Ils étaient le bas de cette pyramide qu’était l’armée, ceux qu’on écrasait afin d’atteindre l’objectif de l’Humanité. La pâture. Et elle allait mourir comme telle.
Elle ne savait plus pourquoi elle se battait. Là, à genoux dans une cellule encrassée où les âmes des anciens condamnés subsistaient, elle ne pouvait que se demander pourquoi elle s’était tant évertuée à mener un combat lorsque celui-ci l’avait conduite ici. Aux portes de la mort.
De nouveau, elle se sentait vide. Depuis la mort de ses amis, elle avait tout fait pour ne jamais penser à eux. Mais, à présent à quelques pas de leurs retrouvailles, elle ne pouvait que songer à leurs corps empaquetés qu’elle n’avait pas pris le temps de veiller, à la dernière fois où ils s’étaient parlés et au jugement qu’elle avait pu lire dans leurs yeux. Il lui aurait fallu plus de temps. Juste une journée de plus pour tout régler entre nous, songea-t-elle amèrement.
— Cesses de te blâmer, retentit une voix dans la pièce d’à côté.
Elle fronça les sourcils aux mots d’Erwin. Ce n’était pas elle qu’elle considérait comme coupable mais Levi Ackerman. Elle était d’ailleurs surprise que le major, pourtant intelligent et clairvoyant, ne l’ait pas compris.
Mais elle n’eut pas le temps de le lui expliquer qu’il reprit.
— Dans ton sommeil, tu n’as pas arrêté de maugréer des menaces envers le caporal, expliqua-t-il.
Elle se sentit rougir. C’était assez embarrassant. Néanmoins, cela aurait dû suffire à l’homme pour qu’il ne se trompe pas sur la personne envers qui était tournée sa rancœur. Et, en effet, il ne s’était pas trompé.
—Mais je sais que tu le déteste par simple besoin de masquer la haine que tu ressens vis-à-vis de toi-même.
Elle se raidit, écarquilla les yeux. Son sourire se fana et elle déglutit péniblement. Avait-elle bien entendu ? Elle patienta, espérant qu’il lui dise qu’il blaguait. Mais il n’en fit rien. Il remua même le couteau dans la plaie.
— Tu n’es responsable de la mort de personne. A la guerre, des sacrifices doivent être faits. Ils le savaient. Tous. Ils se sont engagés en ayant connaissance de cela et ne sont morts que pour que des gens comme toi puissent, un jour, vivre en paix.
Elle ne répondit pas. Elle ne bougeait pas. Ces quelques phrases avaient suffi à la plonger dans un état de léthargie profond. Pourtant, elle l’entendait. Même plus, elle l’écoutait. Ses mots, aussi douloureux soient-ils, s’inséraient bel et bien dans ses oreilles et giflaient ses tympans.
A-t-il raison ? Est-ce moi, en réalité, celle que je considère comme coupable ? songea-t-elle en sentant son mal de crâne s’amplifier. Une larme naquit dans ses yeux à mesure qu’elle repensait à son absence aux côtés de l’escouade quand celle-ci était morte, à la ville entière qu’elle avait mise en danger en demandant à ouvrir la porte du mur Rose, au temps qu’elle avait pris au major lorsqu’il avait recherché quelqu’un qui était en réalité décédé. Elle ne les avait pas aidés. Depuis le début, elle n’avait été rien d’autre qu’un poids mort.
Une arme roula sur sa joue et elle inspira bruyamment. Ce n’était pas là des pleures de tristesse, non. Elle était libérée. Le major venait de lui dire ce qu’elle avait peiné à comprendre depuis longtemps. Il l’avait libérée d’un poids qu’elle ne soupçonnait même pas, sa culpabilité. Et surtout, il lui avait assuré que cette dernière n’avait pas lieu d’être.
Tu n’es responsable de la mort de personne, tu n’es responsable de la mort de personne, tu n’es responsable de la mort de personne, se répéta-t-elle. Et, malgré ces semaines que son inconscient avait passé à se persuader du contraire, elle réalisa là, en cet instant précis, qu’il disait vrai. Personne ne l’était. Pas même Levi.
Un sanglot vient obstruer son œsophage et elle se redressa quelque peu, faisant teinter ses chaines. Il fallait qu’elle lui parle du caporal. Avant d’être exécutée, même si le major risquait de l’être aussi, elle voulait qu’au moins une personne dans le monde sache ce qu’elle pensait de lui.
Mais que pensait-elle ? Elle voulait s’entretenir de ça avec Erwin, soit. Mais que dirait-elle ? Si Levi, autant qu’elle, n’était responsable de la mort de personne, qu’avait-elle à dire sur lui ? Pourquoi, même maintenant qu’elle réalisait peu à peu l’innocence du caporal, son besoin de mentionner son nom subsistait et n’en était même que renforcé ? Pourquoi ?
Seulement, avant qu’elle ne fasse quoi que ce soit, des éclats de voix lui parvinrent depuis le couloir. Intriguée, elle se tourna vers la porte de sa cellule en sentant des bruits de pas s’en approcher. Des hommes venaient. Mais qui ?
Elle ne les vit pas. A l’ouïe, elle sut qu’ils s’étaient arrêtés devant la geôle d’Erwin, soit avant la sienne. Un grincement sinistre la fit trembler de terreur. Elle ne sut pourquoi mais ce son la tétanisa. La porte était ouverte. Des cliquetis mécaniques et métalliques retentirent ensuite pendant quelques secondes suivis de bruits de pas. Emeraude fronça les sourcils.
— Allez, major. On y va.
Elle écarquilla les yeux en entendant ces mots. Immédiatement, sans se préoccuper des répercussions qu’un tel geste pourrait avoir, elle se mit à tirer brutalement sur ses chaînes, se sillant la peau à plusieurs reprises au niveau de ses poignets. Elles s’entrechoquèrent dans une cacophonie assourdissante qui lui sembla résonner dans tout Sina. Et, la peur grandissant en elle, elle hurla à plein poumons en direction des gardes.
Sa poitrine la brûla bientôt et ses cordes vocales lui firent si mal qu’elle eut l’impression qu’elles avaient claqué dans sa gorge mais elle s’en fichait bien. Son cœur se fit lourd lorsque, après de longues secondes à s’époumoner, elle réalisa qu’ils étaient bel et bien partis. Ses hurlements n’y avaient rien fait. Une larme roula alors sur sa joue.
Ils allaient exécuter le major Erwin Smith.
⏂
je pense que vous pourrez ou avez déjà pu le voir mais le personnage d'Eren prend assez cher dans l'estime d'Emeraude alors qu'il l'admire énormément
(on va avoir un scène particulière dans la partie 4, je vous préviens)
quoi qu'il en soit, pour un projet scolaire (oui je ramène les animes dans mes devoirs) j'ai relativisé son personnage et me suis surprise à le comprendre
j'ai donc traité de la question du syndrome du survivant en me servant de son histoire
et j'hésite à mettre cet écrit en fin de fanfiction
peut-être que ce sera un bonus.
ça et un lemon.
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