𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝐎
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E02
petit spoiler
Le vent filait à toute allure ou plutôt, Emeraude le fendait avec une si grande vitesse que l’air s’amassait contre elle, comme pour tenter de la freiner dans sa quête inespérée. Mais rien n’était en mesure de la ralentir. Le regard brûlant fixant avec détermination un point devant elle, elle ressemblait à ces guerriers peints sur le toit de la cour martiale. Une bête féroce.
Sa cape verte, retenue au niveau de son cou, s’envolait derrière elle telle des ailes de verre. Le soulèvement de son étoffe dévoilait un corps tendu en une position agressive. Les mains serrées sur ses sabres dégainés, ses jambes arquées de sorte à ne pas entraver sa course, on sentait dans sa gestuelle une aisance propre aux soldats des bataillons d’exploration. Ceux qui œuvraient pour la liberté. Au même titre qu’elle.
Levi Ackerman était à quelques pâtés de maisons devant elle et ne l’avait pas remarquée. Ceci dit, il était déjà pourchassé par une dizaine d’autres personnes, distinguer le visage d’Emeraude dans cette foule était bien le cadet de ses soucis. D’autant plus qu’il ne la soupçonnait pas le moins du monde de se trouver là.
Elle observa quelque peu les assaillants tandis qu’elle rattrapait Levi. Ils étaient tous parés de ce qui semblait être un système tridimensionnel plus abouti. Du moins, il présentait un grand changement. Au bout de leur main ne se trouvait pas des sabres, mais des pistolets. Disposés sur les avant-bras.
Envoyant son grappin se planter dans un toit afin de ne pas tomber en contrebas, elle pesta intérieurement. Qui va prévenir ces imbéciles que les balles sont inefficaces sur les titans ? Seulement, à ce moment précis, elle vit le visage d’une des assaillantes.
Environ à quelques mètres devant elle, s’accrochant au toit d’une école et pointant son bras vers une charrette dans la rue pour faire feu, elle dévoila ses traits féminins et gracieux, entourés de mèches blond doré. Et, en voyant son air implacable et sévère, Emeraude n’eut aucun mal à se rappeler de la femme.
— Mettez-nous douze pintes. Blondes.
Il s’agissait de la soldate qui avait passé commande pour ses collègues, deux semaines avant. Elle se souvenait encore d’elle à cause de la condescendance qu’elle avait alors affichée et la rudesse de son ton. Comme si la serveuse n’était qu’une merde sur sa botte.
— Ce sera tout. Merci.
Elle réalisa soudain de qui s’agissaient les assaillants de Levi. Ce dernier les distançait quelque peu, semblant veiller à rester à hauteur de la charrette en contrebas. Mais il se protégeait tout de même de ceux qui n’étaient autres que des membres des brigades spéciales.
La jeune femme sentit l’incompréhension la prendre. Comment deux corps de la même armée pouvaient décemment se battre en plein territoire Sina, là, où se trouvaient les membres les plus influents de la population ? C’était le meilleur moyen de se faire arrêter pour terrorisme, abus de pouvoir, dégradation de biens publics et agression envers un fonctionnaire puisqu’ils l’étaient tous et s’attaquaient mutuellement. Quelque chose ne tournait pas rond.
Alors qu’elle arrivait quasiment à hauteur d’un soldat des brigades spéciales, elle descendit le regard en direction de la cible que visait la blonde de son arme. Plus bas, le visage couvert de sang et tordu de rage, Levi ne soupçonnait pas une seconde que la femme s’apprêtait à lui transpercer le crâne d’une balle. Et elle le savait. Emeraude le devina au sourire vainqueur qu’elle affichait.
Dégainant de nouveau son grappin pour le planter dans un autre immeuble et avancer encore plus vite —le gaz seul ne permettant que de maintenir une vitesse modérée— elle dépassa finalement le soldat brun situé au plus proche d’elle. Elle le vit tourné la tête en sa direction du coin de l’œil mais n’y prêta pas attention. Du moins, elle nota sa présence mais surveilla davantage la blonde qui venait de faire coulisser son doigt de sorte à l’approcher de la détente.
Emeraude sentit soudain la chaleur de la colère s’éveiller en elle telle une flamme incandescente. Elle crépita bientôt dans ses membres, l’irradiant d’une énergie nouvelle et d’une rage irascible. Et, alors qu’elle s’apprêtait à lancer son grappin pour l’ancrer dans un autre toit, elle se contenta de lever le bras en tenant sa corde.
— C’EST MA PROIE ! hurla-t-elle en projetant l’objet en direction de la blonde.
Celle-ci, voyant du coin de l’œil une masse fondre dans sa direction, eut tout juste le temps de se tourner avant d’être percuter de plein fouet par l’objet, attirant un cri du soldat situé juste à côté d’Emeraude et qui avait eu toute la scène.
Il se tourna alors naturellement vers la jeune femme avec un air méfiant mais il n’eut le temps de faire quoi que ce soit qu’elle trancha d’un coup de sabre la corde le reliant à son grappin. Désarçonné par son geste brutal, il ne put régler ses bouteilles de gaz qu’il chuta de plusieurs mètres sans qu’elle ne lui accorde un regard, déjà partie pour poursuivre ses attaques.
Son corps fendait l’air à une vitesse ahurissante tandis qu’il tombait. Ses cheveux noirs s’envolaient sur le sommet de son crâne et il hurlait à plein poumons en voyant le sol se rapprocher dangereusement de lui. Il n’aurait jamais cru qu’elle aurait l’idée de trancher sa seule prise. Il ferma les yeux, se préparant à l’impact.
Soudain, il se figea à quelques centimètres au-dessus du sol. Il ouvrit les yeux et vit la route s’éloigner à nouveau de lui, comme s’il s’élevait dans les airs. En sentant la façon dont sa culotte de cuir lui serrait le bas-ventre, il réalisa que quelqu’un l’avait attrapé par une de ses sangles avant qu’il ne meure. Et cette même personne le tirait à présent vers le ciel.
— Ouvre tes bouteilles et débrouille-toi avec un grappin, ordonna une voix forte et grave.
Tournant la tête vers la droite, il reconnut son collègue Dan. Celui-ci avait noué ses cheveux longs noir corbeaux en un chignon assez désordonné au-dessus de sa tête. Ses yeux jaunes ne le regardaient même pas, fixés sur la femme qui avait failli le tuer, à présent loin devant eux.
— Bordel, c’est qui, cette nana ? maugréa-t-il avant de tirer davantage de gaz pour accélérer.
La concernée se déchaînait. Lançant ses grappins aussi vite que son cœur battait pour se déplacer, elle se mouvait avec une agilité déconcertante, évinçant le moindre soldat qui tentait de s’en prendre au caporal. Elle voulait avoir le plaisir de lui ôter la vie, même si cela signifiait qu’elle venait de la lui sauver pour la troisième fois en cinq minutes.
La femme qu’elle venait de désarmer d’un coup de pied qui l’avait propulsée sur un toit l’insulta copieusement en réalisant qu’Emeraude avait profité de sa chute pour sectionner les cordes reliant ses deux grappins. La concernée n’y prêta pas attention et regarda autour d’elle.
Devant elle se trouvait quatre gardes, chacun courant et sautant de toit en toit en fixant cette fameuse charrette des yeux. Ils n’étaient pas les seuls, elle avait reconnu quelques amis d’Eren se battant contre eux aux côtés de Levi. Mais qu’est-ce qu’il se passe, bordel ?
Le temps d’un instant, elle s’autorisa à regarder la raison de leur combat en contrebas. Elle devait se montrer brève, ne pas focaliser trop longtemps ses pensées sur le véhicule afin de ne pas se laisser distraire. Le moindre moment d’inattention serait une faiblesse que ses adversaires pourraient exploiter pour la prendre par surprise.
Elle était relativement loin du caporal et de la charrette. Tant et si bien qu’elle eut un peu de mal à comprendre ce qu’elle avait de spécial. Elle ne contenait que deux villageois et un membre des brigades spéciales qui était tombé dans le véhicule.
Ce dernier, qui était en réalité une femme aux longs cheveux bruns, se tenait debout devant un homme châtain au long visage. Etant dos à Emeraude, il ne laissa rien voir de son visage et donc son identité, ce qui n’aida pas la jeune femme à comprendre l’enjeu de la situation. Mais, à en juger la façon dont la soldate venait de lever son arme sur l’homme déjà à taire, elle devina qu’il n’allait pas faire long feu.
Soudain, une détonation retentit et la femme s’écroula, dévoilant une jeune fille blonde se tenant juste derrière elle. Tremblante. Ce ne serait pas la petite qui m’avait si gentiment parlé au réfectoire ? se demanda Emeraude en se rapprochant inconsciemment du sol, là où ils se trouvaient.
La distance entre elle et la route se réduisaient mais elle n’était pas en danger, elle savait ce qu’elle faisait. La charrette ne se trouvait plus qu’à quatre mètres d’elle, elle pouvait à présent bien discerner le visage de celle qui venait de tuer la soldate. Et qui était en réalité un garçon.
Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’elle reconnut l’ami d’enfance d’Eren. Si ses souvenirs étaient bons, il s’appelait Armin. Elle ne sut pourquoi mais le voir commettre un tel acte l’ébranla. Sans doute parce que son sixième sens lui avait toujours murmuré que le blond était quelqu’un de pure.
Elle sentit son cœur se rétracter lorsque ses yeux tombèrent sur le visage crispé du garçon. Ses cheveux dorés tombaient autour de lui, créant un rideau derrière lequel il semblait vouloir se cacher à jamais. Des larmes imbibèrent son regard innocent, faisant briller la lueur de culpabilité et d’effroi qui y dansait déjà.
Cette vision ébranla Emeraude au plus profond de son être. Il ne l’avait pas remarquée, elle était proche d’eux mais positionnée à leur droite, là où lui et son collègue ne regardaient pas. Et, concentrée sur la façon dont la douleur déformait les traits de celui qui fixait le cadavre, elle fit une terrible erreur. Elle baissa sa garde.
Sa hanche la brûla soudain atrocement, là où pesait tout son poids —le système tridimensionnel était conçu ainsi. Prise de court et positionnée à un mètre du sol, elle n’eut pas le temps de se réceptionner. Souhaitant éviter une catastrophe, elle ferma instinctivement ses bouteilles de gaz.
Ses mains qu’elle gardait devant elle pour se protéger heurtèrent le sol en premier et ses jambes basculèrent par-dessus sa tête, renversant le poids de son corps. Elle sentit la vive douleur au niveau de sa hanche la lancer et elle hurla de douleur quand ses genoux, entrant violemment en contact avec le sol, la firent rebondir quelque peu et rebasculer ses pieds par-dessus elle.
— SALOPE ! cria-t-elle tandis qu’elle sentait son corps se liquéfier tant la souffrance était grande.
Elle atterrit finalement à plat sur le dos et réalisa qu’on lui avait tiré dessus. Ouvrant les yeux qu’elle avait gardé fermé dans sa chute par reflexe, elle regarda le ciel devant elle. Mais elle ne vit rien d’autre qu’une masse passant au-dessus d’elle à toute vitesse. Elle fixa le soldat inconnu qui se pencha vers elle, la foudroyant de son regard glacé.
Comme deux ambres brillant dans l’obscurité.
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