𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟖
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S02E—
aucun spoiler
Le jour commençait à se lever sur Sina. Dans une ruelle adjacente à un bar, un groupe était amassé, tous affichant une mine grave. Un peu plus loin, se pressant afin de mieux les regarder, des villageois se poussaient et demandaient des explications aux soldats devant eux qui tentaient de les contenir.
Tôt ce matin-là, une femme avait poussé un hurlement de terreur qui avait ameuté tout le voisinage. Le patron du bar, le plus proche de la ruelle, s’était empressé de la rejoindre en saisissant son fusil, pensant qu’elle était en train de subir une agression. Mais l’origine de son effroi était tout autre.
Devant elle, étendu dans une marre de sang, un corps gisait. A quelques pas de lui, sa tête tranchée d’un coup vif trainait, les yeux vitreux du cadavre tournés vers la malheureuse. Elle s’était époumonée, hurlant toujours plus fort sans parvenir à faire le moindre mouvement. Cette découverte l’avait mise en état de choc.
Quelques heures plus tard, encore tremblante d’effroi, elle avait eu bien du mal à se remettre de ses émotions. Mais maintenant, elle semblait fin prête à se sortir du mutisme dans lequel sa macabre découverte l’avait enfermée.
Devant elle, un homme venait tout juste de se planter. Même si elle était assise, elle le devinait petit. Il n’en était pas moins impressionnant. Il la fixait de ses yeux gris semblables à deux hématites. Son visage lui était familier.
Il était arrivé sans annoncer sa présence aux autres soldats. Il ne voulait pas s’embarrasser de formalités. Grâce à un soldat qu’il avait chargé de surveiller Emeraude, il était au courant que le bar voisin au crime était devenu son lieu de vie depuis un moment. Ainsi, même s’il était originellement venu à Sina pour s’entretenir avec le major Erwin Smith des évènements qui étaient survenus depuis l’apparition des titans colossal et cuirassé, il avait naturellement fait un détour pour s’assurer que la jeune femme allait bien. Mais il ne souhaitait pas faire savoir aux brigades spéciales qu’il était là.
Soudain, celle qui avait découvert le cadavre réalisa pourquoi le visage sous ses yeux ne lui était pas inconnu. N’étant pas vêtu d’un uniforme mais d’un costume formel et noir, elle ne l’avait d’abord pas reconnu. Mais, ayant maintes fois assisté au départ des bataillons d’exploration pour leurs missions extra-muros, elle réalisait maintenant où elle avait déjà vu l’homme devant elle.
— Caporal-chef Levi Ackerman ? demanda-t-elle d’une voix fébrile.
Il hocha la tête lentement pour acquiescer. Même s’il ne comptait pas ébruiter sa présence dans ces lieux auprès des soldats, il ne voyait pas l’intérêt de cacher son identité à une civile. D’autant plus qu’elle serait sans doute plus encline à lui livrer des informations en sachant qu’il était caporal-chef.
— Pourriez-vous me raconter ce qu’il s’est passé ?
Elle acquiesça maladroitement, quelque peu impressionnée par l’aura qu’il dégageait. Sans même le forcer, il irradiait la puissance et la détermination. Ses yeux pourtant indéchiffrables semblaient lancer perpétuellement des éclairs.
Ainsi, elle ne songea même pas à refuser sa demande. Balbutiant quelque peu d’abord sous son regard sévère, elle finit par se racler la gorge et reprendre plus calmement :
— J’étais en train de rentrer à mon travail. Avec une collègue, on échange souvent des tours de service et elle a pris celui de l’après-midi et début de soirée. J’ai passé la soirée avec ma sœur dans une taverne pas loin, expliqua-t-elle pour se donner un alibi. Sur le chemin du retour, j’ai entendu des cris étouffés. J’ai cru reconnaitre la voix de ma collègue et, comme c’était à côté du bar, j’ai pensé qu’elle se faisait agresser et ait voulu l’aider mais…
Sa voix se perdit dans les aigus et elle ramena le bout de son étoffe sur son visage hâlé pour s’éponger le dessous des yeux. Elle commençait à pleurer. Elle était encore sous le choc.
Le caporal, de son côté, avait parfaitement su dissimuler la surprise qu’il venait de ressentir. Car les propos de la serveuse –une dénommée Cynthia— lui rappelait quelqu’un de particulier. Arrête de penser à elle, se dit-il simplement, réfutant l’hypothèse qu’il n’avait même pas encore mentalement formulée.
— Il n’y avait que du sang. Enormément de sang, reprit-elle en tremblant. J’ai levé les yeux et les ait vu…
Elle marqua une pause, son regard s’alluma d’une lueur vive. Levi la reconnaissait pour l’avoir maintes et maintes fois vu sur le champ de bataille. Il s’agissait de la terreur. Ce souvenir la terrifiait.
— …ses yeux vitreux qui me fixaient, termina-t-elle avec un hoquet de dégout. Enfoncés dans sa tête séparée de son corps.
Sa poitrine se souleva. Le caporal recula d’un pas. Elle se pencha violemment en avant. Il détourna le regard. Elle était en train de vomir. Il avait horreur de la saleté. Il patienta quelques secondes qu’elle ait terminé, les bruits de raclements de gorge lui donnant des indices sur l’évolution de ce qu’elle faisait.
En attendant, il fronça quelque peu les sourcils. Il avait réfuté cette hypothèse dès lors qu’une partie de lui avait ne serait-ce que songé à la formuler mentalement. Mais, malgré son envie de la considérée comme fausse, les indices de cette dénommée Cynthia concordaient vers un point précis. Emeraude.
Selon son espion, la jeune femme sortait régulièrement à midi. Elle en avait d’ailleurs un jour profiter pour voler un équipement tridimensionnel aux brigades spéciales. Il était donc probable que la collègue qu’elle ait mentionnée avec qui elle échangeait souvent ses tours de garde soit elle. Et elle avait ensuite expliqué avoir été attiré dans la ruelle par des cris étouffés dont la voix était similaire à celle de cette collègue. Il y avait donc fort à parier qu’Emeraude était derrière tout cela.
Mais pourquoi ? Il ne comprenait pas ce qui avait bien pu la motiver —si jamais elle était bel et bien l’auteure de ce crime— à commettre un tel geste. J’espère sincèrement que je me trompe sur toute la ligne, Emeraude.
Il entendit les bruits de succion qu’émettait Cynthia s’évanouir. Il comprit qu’elle avait finit de vomir. Il décida alors de poursuivre et finir leur discussion. Il se tourna vers elle au moment où elle se redressait en essuyant sa bouche. Il prit grand soin de ne pas regarder le contenu de son estomac à présent étalé sur le sol.
— Rien d’autre ? demanda-t-il simplement.
Le temps d’un instant, elle se figea. Une très courte seconde. Infime, presque imperceptible. Mais il l’avait vu. Alors, lorsqu’elle commença à secouer la tête pour nier, il la fixa avec une telle intensité qu’elle cessa immédiatement son geste.
Sa bouche devint sèche tandis qu’elle sentait les hématites du caporal la brûler. Elle ne savait pourquoi mais il était terrifiant. Tout simplement. Elle baissa la tête pour ne pas avoir à soutenir ce contact visuel davantage. C’était essoufflant.
Seulement elle vit bientôt une main apparaitre dans son champ de vision. Juste en dessous de son visage, les doigts écartés et la paume vers le ciel, il lui faisait signe. Et elle savait très bien ce que cela signifiait. « Donne-le-moi. Maintenant. »
Tremblante, elle fourra une main peu assurée dans son corsage et, sans lever la tête vers le noiraud, en extirpa un objet. Elle n’osait pas le regarder. Il la terrifiait. Elle se contenta donc de poser ce qu’elle avait pris sur les lieux du crime sur la paume de Levi.
— Il est petit et pas tâché de sang donc je ne pensais pas que c’était l’arme du crime, minauda-t-elle pour se justifier. Je l’ai pris car j’avais peur que l’assassin revienne pour me tuer, moi aussi.
Le caporal ignora ses explications et se contenta de tourner les talons sans un mot de plus. Les yeux rivés sur le contenu de sa main, il fut bien soulagé qu’aucun soldat n’ait été mis au courant de sa présence sur les lieux. Soit, certains l’avaient remarqué mais aucun haut-gradé. Ceux-là lui auraient demandé des comptes. Et il aurait eu du mal à expliquer ceci.
Sous ses yeux, brillant malgré sa lame profondément encrassée et émoussée, le canif qu’avait légué Eddie à sa sœur trônait dans sa main. Il avait une preuve de ce qu’il redoutait : la jeune femme était bien l’auteur du crime.
Pas une seconde il n’hésita sur ce qu’il devait faire. C’était tout naturel pour lui. Il fourra l’arme dans sa poche, la dissimulant aux yeux de tous. Nul ne saurait jamais la vérité sur ce meurtre mais cela lui était égale tant qu’Emeraude était sauve.
Plus loin, affublé autour du corps, un petit groupe aux uniformes des brigades spéciales regardait le cadavre. Tous avaient la mine grave, certains pleuraient. Le seul qui ne semblait pas s’en préoccuper était celui qui, contrairement aux autres, était habillé en tenue de ville.
Sous un long manteau noir se trouvait d’autres vêtements noirs. Et, attisant l’obscurité déjà dense qui émanait de sa personne, un chapeau noir était posé sur sa tête, dissimulant une partie de son visage. Mais nul n’avait besoin de voir ses traits pour deviner qu’ils devaient terrifiants. Il était horriblement mystérieux.
Bientôt, tous les soldats se tournèrent vers lui, semblant attendre des ordres. Il jeta un regard à la dépouille sous son couvre-chef avant de prendre la parole. Sa voix était profonde, rocailleuse et caverneuse. Semblable à celle d’un cauchemar.
— Ma main à couper que c’est la petite pute de Levi qui a fait ça.
La blonde devant lui acquiesça vivement. Depuis qu’elle avait vu la serveuse qui avait discuté avec le caporal au tribunal, elle ne lui faisait pas confiance. Son chef l’avait averti que le noiraud était prêt à tout. Mais jamais elle ne l’aurait cru capable d’ordonner qu’on tue l’un des leurs.
— Ne vous inquiétez pas les enfants, on va s’en occuper, dit-il calmement.
Ils se tournèrent vers leur défunt camarade, sentant la colère les envahir à mesure que le sang stagnant sur le sol séchait. Ils avaient tué leur ami.
— D’abord on tue le morveux, puis la pute.
Il marqua une pause, redressa quelque peu la tête pour dévoiler un sourire terrifiant sous son chapeau.
— La guerre est déclarée.
⏂
FIN DE LA PARTIE 2
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