𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟕

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS















Tu es laid, Jean.

             Assis en face d'Emeraude dans le carrosse trainé depuis plusieurs heures maintenant pas des chevaux, le châtain se retint de rétorquer une bien vile remarque à la jeune femme. Si celle-ci ne semblait pas craindre les deux personnes assises à leurs côtés dans le véhicule, lui le faisait.

             Et il ne tenait pas forcément à se faire sèchement réprimander par ses supérieurs pour s'être permis de rentrer dans son jeu.

             Elle, de son côté, n'avait pas un instant songé au fait qu'Erwin, situé à sa droite, ne se permette de la gronder. Il était en réalité si concentré sur leur plan risqué qu'il n'écoutait rien des mots qu'elle et son ami pouvaient s'échanger et elle le savait.

             Aujourd'hui, sur ordre du tribunal militaire, Eren et elle devaient être livrés à la justice. Le premier car l'échec de leur dernière mission consistait en une infraction de l'accord passé lors de son procès —qui stipulait alors qu'il pourrait rester sous la juridiction des bataillons à la seule condition qu'il leur soit bénéfique. Et la deuxième pour avoir insulté un passant qui s'était en plus avéré être le cousin d'un haut dirigeant.

             Autant dire que la pilule n'avait pas grandes chances de passer.

             Alors Erwin, concentré sur le fait que Jean se faisait présentement passer pour Eren en s'affublant d'une perruque pendant que celui-ci tendait un piège à Annie aux côtés de Mikasa et Edward, ne prêtait en effet pas la moindre attention aux paroles d'Emeraude. Son esprit était obnubilé par la réussite de cette mission. Coincer cette traitresse. Le titan féminin.

             Levi, de son côté, ne songea pas plus à interpeller la soldate. Bien sûr, il avait entendu ses mots et même écouté. Mais, suite à l'étrange scène s'étant déroulée entre eux la veille, il préférait agir comme si elle n'existait pas, se contentant de l'observer de temps en temps, profitant de sa position qui le plaçait en diagonale par rapport à elle pour le faire discrètement.

             Il ne parvenait pas à s'en empêcher. Chaque seconde s'écoulant, ses hématites glissaient jusqu'aux traits de la jeune femme. Puis, aussitôt, il s'en détachait. Il avait besoin de la regarder, de revivre au travers d'un simple contact visuel la sensation de ses lèvres sur sa peau mais ne pouvait en même temps pas supporter de le faire.

             C'était étrange comme cela lui manquait. Le simple fait de s'abandonner à ses désirs le temps d'un instant afin d'oublier l'horreur de la guerre.

Non mais sérieusement, Jean. Cette perruque est horrible.

             Aucun des deux n'avait ébruité ce qu'il s'était passé. A vrai dire, ils leur semblaient même qu'ils se fourvoyaient sur les évènements tant ils semblaient irréels. Eux, deux inconnus, un supérieur et sa subordonnée ne pouvaient décemment pas avoir connu une telle proximité.

             Alors, que ce soit aux autres ou à eux-mêmes, ils préféraient taire la vérité.

On doit être arrivé à Stohess depuis le temps qu'on cavale, pas vrai, caporal ? demanda le châtain au noiraud afin d'éviter la jeune femme.

             Cette dernière, naturellement, se tourna vers l'intéressé et surprit aussitôt son regard tourné en sa direction. Sa gorge s'assécha immédiatement et une forte chaleur assaillit ses entrailles mais elle maintint le contact visuel, voulant paraitre inébranlable.

             La tête haute, elle confronta ces deux hématites, déterminée.

             Autour de ces pupilles dilatées semblables à un puits sans fin scintillaient des volutes argentées au chemin envoûtant. Et, par-dessus, comme un voile protecteur, s'étendait la barrière à la fois opaque et incolore qu'il avait pour habitude de revêtir. Mais celle-ci n'empêcha pas la jeune femme de se sentir percutée par la puissance de ses mirettes.

             Son cœur rata un battement. Son souffle se coupa. Elle se laissa aller à se confronter à ce regard à la fois doux et douloureux. Le dos droit contre la paroi du véhicule, le menton levé et simplement tourné en direction du noiraud, elle le fixa sans ciller le moindre instant. Malgré la chaleur qui émanait de ce simple contact visuel, elle le soutint.

             Seulement, soudain, ses yeux s'écarquillèrent sous ceux avisés de Levi qui se redressa quelque peu sur son siège. Son mouvement attira l'attention du major qui suivit son regard et se tourna vers Emeraude au moment où celle-ci posait une main tremblante sur son ventre, là où se trouvait sa blessure.

             Quelque chose en elle venait de naitre. Là, à l'exact endroit où la vertèbre du titan féminin l'avait transpercée, une étrange sensation l'avait prise, crispant sa plaie. Comme un pressentiment. Son sixième sens.

             Ses iris semblèrent se brouiller mais la souffrance n'en était pas responsable. Et, sans même pouvoir l'expliquer, tous en ces lieux l'avaient compris.

             Aussi, aucun d'entre eux ne manqua de retenir son souffle lorsqu'elle leva la tête. La paume toujours pressée sur son abdomen, le dos courbé en avant sous la douleur, seule sa nuque se redressa. Ses yeux vinrent se planter avec ardeur dans ceux du noiraud. Il faillit tressaillir.

Le plan a échoué, murmura-t-elle. Elle est sur le point de se...

             Mais sa phrase mourut soudain, avalée par l'assourdissant bruit d'une déflagration, quelques rues plus loin. Une explosion aussi sonore que terrifiante retentit, faisant tout trembler sur son passage. Le carrosse s'immobilisa soudain tandis que les pavés sous ses roues étaient pris de spasmes, la rumeur de la ville formée par les discussions des villageois se tut brutalement et un éclat rageur vint supplanter le soleil, si vif que tous les trois le perçurent à travers le rideau pourtant opaque de la fenêtre.

             La jeune femme sentit un spasme violenter sa poitrine tandis que son ventre la tiraillait. Elle le sentait à l'exact endroit où Hanji et Edward s'étaient évertués à la recoudre, engloutissant ses espoirs. Le douloureux pressentiment que cette journée les changerait à jamais.

             Annie Leonhardt venait de se transformer. Le plan avait échoué.

En position, retentit soudain la voix du major à sa droite. Emeraude, tu restes ici.

             Les yeux écarquillés fixés sur le plancher sous ses pieds, la jeune femme n'opposa pas la moindre résistance. Dans sa tête, ses pensées allaient à toute vitesse. Edward se trouvait en plein cœur de l'action, est-ce possible de survivre à une telle explosion ? Elle se mit à trembler, espérant que la chance le frappe comme elle l'avait frappée, elle.

             Le sol qu'elle regardait s'illumina soudain, signe que la porte du carrosse venait de s'ouvrir. Des bruits de pas lourds et rapides retentirent le temps d'un instant, quelques silhouettes passèrent devant ses yeux. Erwin, Levi et Jean quittaient le véhicule. Trois bruits d'étoffes retentirent lorsqu'ils posèrent pieds à terre mais l'obscurité mit quelques instants à revenir dans les lieux.

             Et, en effet, la main posée sur la portière, le noiraud à l'extérieur attarda son regard quelques instants sur la jeune femme avant de la refermer, mal à l'aise face à la panique qu'il lisait dans ses yeux.

             Car, même si cela lui coûtait de l'avouer, ses pressentiments s'avéraient toujours juste.

Non.

             S'échappant des lèvres d'Emeraude tel un sifflement à peine émis, ce bruit en précéda un autre. Celui de sa veste en cuir frappant le banc dont elle glissa lorsqu'elle tomba soudain à terre, là où ses pieds reposaient depuis le début du voyage.

             L'obscurité autour d'elle ne lui permettait pas de détailler le bois des lieux. Mais, de toute façon, elle n'y prêtait guère attention. Son cœur battant n'avait de cesse de la ramener à ses interrogations les plus vives. Celles qui tourmentaient son esprit.

Non, ce n'est pas possible.

             Ses pupilles s'agitaient frénétiquement entre ses paupières, cherchant vainement quelque chose d'invisible. Peut-être de l'espoir, peut-être un guide. Edward était en danger, elle le savait.

             Et il n'existait qu'une seule personne qui pouvait l'aider.

Eren, je t'en supplie.

             Sa voix s'était faite gémissante, comme un appel à l'aide. Elle ne la domptait pas. Elle ne domptait plus rien. Car, au fond d'elle, au creux de ses entrailles, là où l'intervention chirurgicale avait eu lieu, parmi la douleur, elle sentait.

             Oui. Elle savait exactement ce qui était en train de se produire.

Transformes-toi...

             Elle ne pouvait l'expliquer. Là, au fond d'elle, sa souffrance était à la fois vive et éteinte. Comme si ce qu'elle ressentait n'était que l'écho d'un autre mal. Comme si ses maux ne venaient pas de sa blessure à elle mais d'une autre.

             Eren était blessé. A l'exact endroit où elle-même l'était. Quelque chose traversait son corps de part en part. Il était inconscient. Et c'était cela qu'elle ressentait maintenant.

Je t'en supplie, réveilles-toi.

             Une larme roula sur la joue de la soldate. Sa paume vint inconsciemment se presser plus étroitement sur sa plaie, comme pour maintenir son lien au garçon.

             La douleur, songea-t-elle soudain. Qui le lui avait dit ? Elle ne parvenait à s'en souvenir. Mais la douleur était l'élément-clé. La connexion au chemin ou à la Passerelle passait par cette même douleur. Celle qu'elle et le titan ressentaient à présent à l'exact même endroit. La raison pour laquelle elle pouvait fermement déclarer maintenant qu'elle savait dans quel état il se trouvait.

             Son cœur rata un battement.

             Il s'agissait aussi de la raison pour laquelle elle venait de comprendre qu'aujourd'hui, elle ne pourrait pas compter sur lui. Pas pour cette bataille.

Eren..., murmura-t-elle une nouvelle fois, l'implorant vainement.

             Il ne se réveillerait pas tout de suite. Seulement la guerre ne l'attendrait pas. Et cela, la jeune femme pouvait l'affirmer à la simple sensation de son corps sautant sur le parquet du carrosse, la route sous elle étant secouée par les lourds pas du monstre.

             Le titan féminin était là. Il approchait à grand pas.

             Aussitôt le comprit-elle que ses muscles se raidirent. Là, dehors, ses collègues se tenaient prêts, l'arme au poing, parés à défendre les civiles jusqu'à ce que le titan ne leur vienne en aide.

             Mais il ne viendrait pas.

             Annie s'approchait, elle pouvait le sentir. Autant qu'elle pouvait s'imaginer Petra et Auruo courant sur les toits devant elle afin de la rattraper, Edward et Mikasa s'élançant à sa poursuite, Conny et Sacha se parant pour l'attaque, Reiner et Marcel sécurisant le périmètre, Marco et Christa protégeant les civiles, Erd et Gunther tendant le piège, Ymir et Hanji les aidant. Jean et Erwin parés à les rejoindre.

             Levi.

             Ses longs doigts agiles s'enroulant autour du pommeau de son sabre.

Et merde, lâcha-t-elle soudain.

             La douleur dans son abdomen était forte. Lancinante. A un point tel que, le temps d'un instant, elle crut que ses plaies s'étaient ouvertes de nouveau. Mais, malgré cela, elle devait se lever et les aider.

             Car cette bataille n'était pas de celle que l'on remportait seul.

             Un spasme la prit. Le flanc collé au sol, ses jambes s'étendaient derrière elle, un bras la soutenait dans une position assise tandis que l'autre restait collé à sa blessure. Ce ne fut que lorsqu'elle songea à se lever qu'elle réalisa combien il lui serait douloureux de le faire.

             Sa souffrance était assourdissante.

             Paralysante, elle semblait être la naissance d'une longue et continu décharge électrique qui saisissait toujours plus violemment le moindre de ses muscles. Ses jambes contractées à leur maximum ne parvenaient même plus à se plier tandis que son buste tremblait violemment. Jamais elle n'avait ressenti telle douleur.

             Soudain, son cœur rata un battement. Elle venait de comprendre. Mais oui, la douleur. Elle venait d'en être frappée.

Seul un état plus proche de la mort que de l'ataraxie..., lâcha-t-elle entre ses dents serrées.

             A bout de souffle, elle ôta brutalement la main qui le soutenait du sol, se laissant choir contre celui-ci. Puis, la tendant droit devant elle, elle vint accrocher sa paume tremblante sur le parquet, la collant à celui-ci avant de plier son coude dans un souffle exténué, tirant son corps vers l'avant.

             Elle devait sortir d'ici.

...peut permettre une connexion au chemin.

             Ses mots sortaient de façon saccadé, l'effort qui lui coûtait à les prononcer étant immense. Chaque respiration amenait une pluie de spasmes sur le moindre de ses muscles. Jamais elle n'avait connu telle douleur auparavant.

             Mais elle devait poursuivre.

             Aussi, malgré les tiraillements qu'elle ressentit au niveau de sa paume après avoir tiré son corps en avant, elle n'hésita pas une seconde à la replacer loin devant elle pour réitérer son geste. En se faisant, elle sentit nettement l'interstice de la porte sur le bout de son doigt. Un maigre sourire étira ses lèvres à ce geste. Elle y était presque.

La douleur..., commença-t-elle en tirant sur sa main.

             Son corps glissa sur le sol, se rapprochant de la porte.

...est un lien aux autres habitants du chemin.

             Elle y était. Proche de la porte. Son dos collé à celle-ci, ses jambes étendues devant elle, elle pouvait entendre la rumeur des cris de l'autre côté de la surface. Annie s'approchait. Mais elle aussi.

             Sa main droite se leva, tremblante, vers la poignée située au-dessus de son épaule droite. Ses cinq autres doigts, de leur côté, se dirigèrent vers sa chemise, tirant celle-ci de son jean et la remontant juste assez pour dévoiler son ventre contusionné.

             Elle ne savait comment l'expliquer mais elle savait exactement ce qu'elle devait faire.

Un état proche de la mort, quant à lui...

             Sa main droite vint trouver la poignet froide et métallique qu'elle saisit avec toutes ses forces. Et, lorsque sa main gauche vint trouver sa plaie, elle retint sa respiration. Mais une larme coula tout de même sur sa joue.

             Du bout de ses doigts, elle pouvait sentir le relief des fils qu'avaient utilisé les scientifiques. Elle les caressa un instant, peu sûre de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Mais les traits fins et précis de Levi lui apparurent soudain, chassant de son esprit le moindre doute sans même qu'elle ne le réalise.

...permet un plus grand contact, finit-elle d'une traite tandis que sa voix se crispait sur les derniers mots.

             Pour cause, elle venait de le faire. Ses phalanges, brutales, s'étaient enfoncées entre les fils, provoquant divers craquements sinistres lorsque ceux-ci avaient éclatés. Et une douleur grondante s'éleva avec force de la plaie, submergeant son corps tandis qu'elle basculait la tête en arrière et raffermissait sa prise sur la poignée métallique.

             Un gémissement de douleur étouffé sorti de sa gorge. Elle venait de rouvrir sa plaie. Elle sentait l'odeur putride du sang lui monter aux narines à mesure que celui-ci glissait entre ses doigts. Ses jambes, parcourues de spasmes, ne cessaient de trembler tant la douleur était grande.

             Mais il le fallait.

             Soudain, venue du plus profond d'elle-même, une énergie nouvelle. L'adrénaline, peut-être. Ou cette connexion si vive au chemin que son geste avait établi. Le sol sous ses pieds tremblait, Annie n'allait pas tarder à débouler devant eux. Mais elle saurait l'accueillir.

             S'aidant de sa prise ferme sur la poignée, la jeune femme se releva subitement. Sa main s'enserra sur l'objet, actionnant celle-ci inconsciemment, tant et si bien que la porte s'ouvrit soudain en un grand fracas, laissant la vive lumière du soleil la frapper de plein fouet.

             Dehors, le bruit attira l'attention des Brigades Spéciales ayant encerclée Erwin et Levi ainsi que celle de ces derniers. Toutes les têtes se tournèrent vers le carrosse, y dévoilant la silhouette d'une jeune femme tremblante et tenant à peine debout sur ses jambes.

             Le cœur du noiraud rata un battement et ses yeux s'écarquillèrent. Elle saignait.

             Légèrement penchée en avant à cause de la douleur, ses pieds avançant maladroitement sur les marches et manquant de tomber à chaque instant, la silhouette mal avisée de la jeune femme se démarquait par la tâche d'hémoglobine qui ne cessait de s'agrandir sur son ventre, les gouttelettes écarlates qui coulaient sur le sol et le liquide de la même couleur qui imbibait sa main gauche qu'elle pressait n'importe où dans le but de trouver un tant soit peu d'équilibre.

Qu'est-ce que ça veut dire !? retentit la voix de Neiss dans leur dos.

             Mais ils ne le savaient pas eux-mêmes et n'eurent d'ailleurs le temps de se questionner bien longtemps.

             Le sol fut soudain pris d'un spasme encore plus violent que les autres. Comme si la menace s'était approchée. Et, avec horreur, tous se tournèrent vers l'extrémité de la rue, constatant au bout de celle-ci la haute silhouette du titan féminin se découper en contre-jour. Elle approchait.

             Emeraude la regarda quelques instants. Elle ne se trouvait qu'à une cinquantaine de mètres d'eux et approchait à grands pas. Ils n'auraient pas beaucoup de temps.

             Autour d'elle, des cris ne cessaient de retentir. Les villageois couraient sans cesse, tentant d'échapper à l'imposant monstre qui avançait en leur direction. Sur les rues, elle discernait déjà les ravages de celui-ci, des débris d'immeubles éparpillés dans les allées tandis que des soldats couraient sur les toits de ceux déjà intacts.

             Et, à cette vision, comme s'il ne lui avait fallu que constater leur présence, voir les points noirs des silhouettes des siens risquer leurs vies autour d'Annie, la jeune femme se sentit parcourue d'une force nouvelle. Sa douleur la quitta subitement, comme aspirée par une force extérieure.

             Les muscles de ses jambes se détendirent un à un, son ventre sanguinolant se redressa subitement et ses bras se trouvèrent bander d'une détermination à toute épreuve. Comme si une armure invisible l'avait enveloppée. Comme si un être fait d'air et de pensées l'aidait.

             Et Levi n'avait rien raté de ce brutal changement de posture.

Emeraude, NON ! hurla-t-il en se tournant vers elle, ayant deviné ce qu'elle s'apprêtait à faire.

             Mais il était trop tard. Elle s'était déjà élancée.

             Sous les regards atterrés des soldats, elle s'était mise à marcher en direction du titan. Alors même que les villageois autour d'elle s'en allait loin de la bête à toute allure, elle avançait jusqu'à celle-ci.

             Le dos droit, le menton relevé et le regard fier, elle marchait. Ses pas, comme automatiques, s'articulaient en une cadence rythmée et certaine. Son ventre, d'où s'écoulait une quantité de sang non négligeable, ne semblait pas la faire souffrir le moins du monde. A vrai dire, rien ne semblait avoir d'emprise sur elle.

             Et sans doute fut-ce pour cette raison que nul n'essaya de l'arrêter.

             Face à elle, à une trentaine de mètre maintenant, le titan sembla la voir. Malgré son apparence monstrueuse, tous les soldats autour d'elle remarquèrent la lueur d'intérêt qui traversa ses grands yeux bleus et les suivirent automatiquement, découvrant la jeune femme qui avançait dans sa direction.

Est-ce que c'est bien qui je crois ? retentit soudain la voix de Petra.

Oui ! cingla celle de Jean en réponse, le garçon étant visiblement très agacé de voir qu'elle n'avait pas écouté Erwin. C'est Emeraude.

             Aussitôt ce dernier mot franchit les lèvres du garçon que le titan se redressa. Auparavant penché vers un toit afin d'y ramasser les soldats présents, le monstre sembla soudain bien peu intéressé par sa précédente occupation. Les paroles de Jean avaient su éveiller son intérêt.

             Ils n'eurent le temps de réagir. Annie s'était élancée.

MERDE ! ELLE VA OÙ LÀ !? retentit soudain une voix dans leur dos.

             Ses pieds frappant avec force le sol jonché de débris, elle courrait. Ses pas se succédaient avec hargne sous le regard atterré des soldats autour. Ses yeux bleus se concentraient sur une seule et unique personne tandis qu'elle progressait. Emeraude.

             Cette dernière s'était arrêtée. Debout le dos droit au milieu de la route, la tâche écarlate au niveau de son abdomen ne cessant de s'étendre toujours plus, son menton levé dans une posture déterminée. Elle semblait patienter.

             Devant elle, le titan féminin avançait. A une grande rapidité, elle franchissait les mètres les séparant sans se soucier des militaires volant autour d'elle. Aujourd'hui, elle n'avait qu'une seule cible.

             Et la concernée le savait très bien.

Il faut ébranler le chemin avec assez de force pour déclencher la transformation d'Eren, murmura-t-elle.

             Elle ne savait pas réellement à qui elle parlait mais était certaine qu'on l'écoutait. Oui. Elle en était convaincue. Un visage doux bercé d'une tignasse aux cheveux dorés était là. Juste à côté. Prêt à les aider.

             Et sans doute le comprit-elle finalement car, alors qu'une dizaine de mètres seulement les séparaient, elle et Annie, que le titan levait son poing en sa direction, prête à la frapper, que tous retenaient leur souffle face à cette scène, elle murmura :

Protège-moi, Armin.

             Soudain, sa main se leva brutalement. D'un geste aussi vif que brutal, elle présenta sa paume face à elle, plaçant son bras tendu devant elle comme pour signaler à Annie de s'immobiliser dans sa course. La tête haute et le dos droit, elle semblait sûre d'elle.

             Mais la blonde n'en écouta rien.

             Son poing vint fendre les airs, se rapprochant dangereusement la main humaine qui sembla minuscule face à la sienne. La collision allait survenir. Violente.

             Mais Emeraude ne cilla pas le moins du monde lorsqu'elle hurla soudain, la paume tournée vers Annie.

EREN, TRANSFORMES-TOI !



             Juste avant l'impact.








bon.

vous êtes prêt.e.s pour mon moment 🐑 ?



måneskin.

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