𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟐

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS




















             L’air s’était inexplicablement rafraichi. Parmi les hauts pins, les quelques rayons traversant du soleil avaient laissé place à une ombre persistante et froide qui maintenait les soldats dans une posture plutôt rigide depuis quelques heures.

             Et cette dernière n’était pas arrangée par l’ordre que le caporal-chef venait de prononcer, les prenant tous au dépourvu.

             Lui se déplaçait constamment parmi la végétation depuis une vingtaine de minutes, sachant pertinemment que le temps lui était compté. Non seulement ils ne devraient pas tarder à s’en aller s’ils souhaitaient profiter du court moment sans titan qui s’offrait à eux mais ils savaient aussi tous, aux vus de la scène qu’avaient laissé derrière elles Annie et Emeraude, qu’il y avait une chance que celle-ci s’en soit sortie.

             Seulement cette possibilité ne faisait que diminuer avec le temps passant.

             Inspirant une bouffée d’air frais pour se remettre les idées en place, le noiraud raffermit ensuite sa prise sur ses bouteilles de gaz ouvertes. Se laissant filer parmi les pins tout en promenant ses hématites affutées autour de lui, la même scène se rejouait en boucle dans sa tête depuis qu’elle était survenue. Il savait qu’il n’oublierait jamais l’expression d’Edward lorsque celui-ci l’avait rappelé à l’ordre.

             Peut-être une heure plus tôt, alors que les chefs d’escouade regardaient le titan féminin se faire dévorer, impuissants, le frère de la jeune femme s’était soudain manifesté à droite du soldat, interpellant Mike, Erwin et le noiraud. Quelque peu affolé, le blond promenait alors un regard vif autour de lui, appelant à répétition sa jeune sœur. Et tous avaient alors compris qu’elle manquait à l’appel.

             Levi ne sut exactement ce qui l’avait à ce moment-là poussé à se redresser vivement sur la branche qu’il occupait et écarquiller légèrement les yeux. Peut-être la peur de perdre un autre soldat. Car au front, chaque vie sauvée était une victoire et après avoir vu la jeune femme échapper à la mort face à la quinzaine de titans l’ayant attaquée, il avait espéré qu’il en serait fini de remettre en doute ses chances de rentrer à la maison.

             Quoi qu’en fut la raison, le noiraud s’était donc vivement tourné vers son collègue et, l’emportant à sa suite sans même avoir besoin de le lui ordonner, s’était élancé vers le fond de la forêt, là où Erd lui avait confié qu’ils se retrancheraient tous avec Eren. Car il savait pertinemment qu’elle chercherait à les trouver.

             Depuis que celle-ci avait franchi la barrière des lèvres d’Emeraude, la menace du funeste destin de son escouade ne le quittait pas. Et, en réalisant qu’elle, Erd, Eren, Petra, Auruo et Gunther manquaient à l’appel, deux voix contradictoires s’étaient éveillées en lui, entêtantes.

             D’un côté, l’idée logique selon laquelle elle serait une traitresse ayant inventé une prophétie afin de couvrir le meurtre qu’elle comptait commettre s’imposait à lui comme une évidence s’il jugeait objectivement la situation. Et cela signifiait donc que ses hommes était en grave danger car elle était une combattante redoutable lancée sur leurs trousses.

             D’un autre côté, cette même déclaration selon laquelle ils ne survivraient pas à cette journée l’avait poussait à s’imaginé qu’elle avait tenté de les sauver d’un mal qu’elle ne connaissait même pas encore et ne pouvait donc pas évaluer. C’était assez irresponsable mais, seule face au funeste destin d’amis, il pouvait comprendre ce qu’elle avait essayé de faire.

             Et, arrivant aux côtés d’Edward dans un coin reculé de la forêt, il avait finalement pu trancher la question en lui apportant une réponse nette. Seulement celle-ci, bien que positive étant donné qu’elle écartait la possibilité qu’Emeraude soit une traitresse, lui laissait un goût amer dans la bouche.

             Ou plutôt la façon dont il l’avait découverte.

             Slalomant entre les arbres, laissant ses billes d’acier observer avec grande attention les alentours pendant le peu de temps que lui avait accordé Erwin afin de retourner au campement, il ne cessait de revoir involontairement les images de la scène sur laquelle lui et Edward étaient tombés. Elles repassaient en boucle dans sa tête.

             Ce qui les avaient attirés en premier lieu tandis qu’ils se trouvaient trop loin pour voir les soldats avaient été les cris d’Eren. Oui. D’une voix éraillée et brisée, d’un ton secoué par des sanglots, le jeune homme hurlait alors à quelqu’un de le lâcher, qu’il voulait aller voir.

             D’abord interloqués par ces propos, les deux hommes s’étaient rapprochés. Puis, posant leurs pieds aux côtés de l’escouade, avaient bien malheureusement compris de quoi il s’agissait.

             Là, devant eux, sur le sol duveteux de la forêt, Erd se tenait alors. Ses bras solidement enroulés autour des épaules du titan faisaient de leur mieux pour retenir celui-ci. Face au garçon, son torse collé contre le sien comme s’ils se liaient en une étreinte chaleureuse, la vérité était en réalité tout autre.

             Ses bras tendus loin derrière l’homme l’enlaçant, son regard animé d’un miroitement douloureux, Eren tentait de se défaire de la prise du blond afin d’atteindre un point loin derrière eux. Environ à quelques mètres. Un lieu desquels ses yeux imbibés de larmes semblaient incapables de se défaire.

             Voguant maintenant parmi la végétation, Levi fit de son mieux pour ne pas clore rapidement les paupières et secouer sa tête afin de se remettre les idées en place. Il ne pouvait pas se permettre de perdre la moindre seconde en fermant les yeux. Chaque instant leur était précieux.

             Quand bien même ce qu’il avait vu tantôt, lorsqu’il avait alors suivi le regard d’Eren, le hantait comme peu de visions avaient su le faire. Cela était frais et il n’avait pas encore eu le temps d’en faire des cauchemars, comme lorsqu’il avait dû affronter les corps sans vie d’Isabel et Farlan, mais il sentait au fond de lui que la vision qui s’était alors offerte à lui l’avait profondément ébranlée.

             Il ne pouvait l’expliquer. Il ne s’agissait ni d’une personne qu’il appréciait particulièrement, ni même du cadavre de celle-ci alors il ne savait comment donner logique à la façon qu’avait son cœur de se serrer dans sa poitrine en y songeant. Ce n’était pourtant pas la première scène rude à laquelle il avait été confronté.

— Manquait plus que ça, maugréa-t-il en continuant d’analyser les troncs hauts et la vaste étendue d’herbes à quelques mètres en contrebas.

             S’imposant dans son esprit, il ne parvenait pas à éclipser le spectacle qui s’était déroulé lorsqu’il avait suivi le regard du titan. Oui. Quelque part, il frissonnait encore face à la sinistre scène qui s’était offerte à ses yeux impuissants.

             Gigantesque, un squelette s’élevait. Un simple tronc, un buste semblant incrusté dans l’herbe, des bras pas même formés, une ossature partielle. Là devant eux. Immense, une colonne vertébrale semblant se dérouler à l’infini vers les cieux marquait la naissance de dizaine de vertèbres saillantes et acérées.

             Cette simple image aurait pu les apaiser. Oui. La forme de la carapace et la place qu’elle avait prise dans les lieux au moment de se développer tendait à montrer qu’elle s’était articulée afin de protéger Emeraude de l’explosion tant et si bien qu’elle avait sans aucun doute survécu à celle-ci.

             Mais un détail les avait interpellés. Tous.

             Là, sur l’une des vertèbres située à une dizaine de mètres en hauteur, tâchant celle-ci comme un sinistre présage, une large trace de sang. Au bout même de l’os, s’étendant sur celui-ci et colorant sa surface ivoire d’un pourpre tétanisant, l’hémoglobine de leur amie recouvrait l’endroit d’une telle façon que nul n’avait pu ignorer ce qu’il s’était passé.

             Au moment de la transformation d’Annie, celle-ci avait fait son possible pour protéger la jeune femme de l’explosion tout en la capturant. Ainsi, la blonde avait décidé de développer son squelette autour d’Emeraude. Seulement cette dernière n’ayant eu alors aucune conscience des intentions de la blonde avait simplement projeté son corps loin de la femme, tentant d’échapper à la brûlure de la mutation.

             Et, en reculant au moment où le squelette s’était développé, elle s’était empalée sur l’une de ses vertèbres, se blessant très gravement. Ce qui signifiait, maintenant que tous s’étaient dispersés en profitant du peu de temps s’offrant à eux avant le retour des troupes pour la chercher, qu’ils devaient s’empresser de la trouver.

             Car, vu la quantité de sang qu’elle avait perdu, chaque seconde qui s’écoulait la rapprochait de la mort.

             Levi jura. Entêtante, la vision de ce haut squelette partiellement imbibé de sang ne le quittait pas. Et il ne parvenait point à expliquer pour quelle raison ceci l’avait tant troublé. Point de cadavre, de têtes arrachées ou membres disloqués. Pourtant son cœur se faisait particulièrement douloureux dans sa poitrine.

             Il n’y comprenait rien.

             Soudain, surgissant devant ses deux yeux baladeurs, une masse blanche attira son attention. Là, à quelques centimètres à peine de ses pupilles dilatées, flottant à hauteur de son visage ferme. Elle se trouvait.

             Instinctivement, ses mains placées sur ses bouteilles vinrent légèrement redresser la pédale abaissée et coincée pour l’aider à se déplacer, ralentissant sa progression. Les trainées vertes auxquelles se résumaient le paysage redevinrent alors des arbres distincts et il put prendre un peu de recul sur l’intru éclatant.

             A peine plus grand qu’un poing fermé, telle une petite sphère flottant dans les airs, le nouveau venu laissa bientôt à Levi le soin de le détailler plus longuement. Et, à vrai dire, dès lors que celui-ci était entré dans son champs de vision, une partie enfouie en lui s’était alors éveillée et il avait réalisé qu’il devait s’immobiliser ou au moins ralentir.

             C’était étrange comme, dès lors que ses yeux avaient repéré cette boule volante, il n’avait non pas été distrait de son objectif initial, mais s’était au contraire vu davantage concentré sur celui-ci. Oui. Il ne savait pourquoi mais le sentait, cette nouvelle distraction était liée à sa quête de retrouver Emeraude.

             Son corps ralentit, la masse n’en fit rien. Comme s’il continuait de parcourir les arbres à toute vitesse, le point blanc vola sans discontinuer en une direction certaine, lui arrachant un froncement de sourcils surpris. Jusqu’à ce que ses yeux s’écarquillent brusquement tandis qu’il réalisait à quoi il avait à faire.

             Ou plutôt à qui.

             Des plumes blanches s’étendaient sur le corps sphérique de ce petit oiseau, parsemant sa silhouette dodue et adoucissant celle-ci. Immaculée, elles étaient si propres qu’il semblait ne pas habiter la forêt et sa boue salissante. A l’exception peut-être de sa tête brune à partir de son cou.

             Oui. Il avait déjà vu cet oiseau.

— Isabel ? appela-t-il à faible voix.

             Ses membres se raidir tandis qu’il voyait l’animal s’éloigner.

             Non. C’était impossible. Il accordait trop de crédits aux affabulations d’Emeraude et commençait à voir des présages partout autour de lui. D’un autre côté, étant donné le rapport rapide que lui avait livré Petra sur ce qu’il s’était passé, la soldate disparue n’avait pas eu tort jusqu’ici.

             Alors peut-être pouvait-il se laisser aller à écouter cette voix en lui qui lui susurrait qu’il était sur le bon chemin ? Qu’il ne lui restait plus qu’à poursuivre cette route en suivant cet oiseau qui n’avait de cesse de s’éloigner toujours plus ? Qu’il fallait qu’il se presse avant que l’animal ne tourne et disparaisse pour de bon ?

             Un soupir franchit la barrière de ses lèvres et il dut réprimer un juron en réalisant qu’il envisageait sérieusement de suivre un oiseau dans son chemin sous prétexte qu’il était le portrait craché d’un animal qu’une défunte amie avait sauvé le jour de leur rencontre. Il leva les yeux au ciel. Décidément, la guerre avait dû faire bien plus de ravages sur lui qu’il ne l’aurait cru.

             Ses yeux se posèrent sur la masse flottante qui ne cessait de rapetissir. Il ne la voyait presque plus. Et, s’éloignant, elle emportait ses espoirs de retrouver Emeraude saine et sauve —ou au moins en vie— avec elle.

— Et puis merde, cracha-t-il en relevant brusquement la pédale de gaz qu’il avait auparavant baissée.

             Aussitôt, il sentit son corps se mettre en mouvement.

             Le vent vint plaquer les étoffes qu’il portait sur son corps, fouettant son visage au passage et il sentit les cheveux mi-longs sur le dessus de son crâne s’agiter quelque peu. Au même moment, son cœur remonta quelque peu dans sa poitrine, signe qu’il venait d’être propulser en avant.

             Il n’avait jamais vraiment apprécié cette sensation. Sans la trouver pour autant désagréable, il s’était contenté de s’y accommoder. Mais lorsqu’il avait rencontré Edward et ses longs discours passionnés sur sa sœur, il avait commencé à prêter attention à cette sensation qu’elle chérissait tant. Et, petit à petit, il commençait à réaliser pour quelles raisons elle l’appréciait.

             Là, par exemple, tandis que ses pieds demeuraient légèrement reculés par rapport à son corps fondant en direction de l’oiseau, que celui-ci devenait plus gros à mesure qu’il franchissait les mètres les séparant, qu’ils s’enfonçaient ensemble dans la forêt dense, que la faible luminosité offerte par les branches touffues tendait à s’éclaircir, un souffle frais et nouveau l’animait. Assez particulier. Vivifiant. Entre espoir et détermination.

             Et là, en cet instant précis, tandis que ses poumons s’en remplissaient, que ses yeux fixaient les ailes blanches de la liberté, que sa cape se soulevait derrière lui et qu’il songeait à Emeraude, il le sentait.

             Ce sentiment que tout s’arrangerait bientôt, cette sensation que ce souffle s’infiltrant entre ses lèvres apporterait un renouveau.

             Les arbres ne cessèrent de défiler sous ses yeux durant un certain temps, devenant très vite des trainées aux teintes verdâtres et brunes dont il ne pouvait distinguer les moindres formes. L’oiseau qu’il suivait allait à un rythme assez soutenu et semblait pour le moins sûr de la direction qu’il empruntait.

             Comme si, contrairement aux autres volatiles, il ne flânait pas dans l’air sans objectif mais était même certain d’où il se rendait.

             Soudain, les mains de Levi vinrent immobiliser d’elles-mêmes les pédales de gaz qu’il empoignait encore. Un cliquetis retentit dans le vaste espace s’offrant à lui et son corps ralentit brusquement tandis que l’oiseau devant lui continuait sa course d’un battement d’aile moins brutal et déterminé, comme s’il avait achevé sa mission.

             Et, en effet, il l’avait menée à bien.

             Juste devant lui, s’étendant sur un vaste terrain à perte de vue, une clairière. Couverte d’une dense herbe verte et sauvage brunie par endroit, elle ne semblait délimitée que par des pins alignés soigneusement autour de ce vaste carré dépourvu d’arbres et de personnes. En son milieu, une rivière se dessinait. Longue, fine et délicate, le soleil timide y projetait quelque reflet.

             Seulement, dès lors qu’il la vit, un spasme le saisit. Il ne sut réellement pour quelle raison son corps fut prit d’un frisson mais, dès lors que ses hématites croisèrent ce fleuve étincelant, un profond malaise s’empara de ses entrailles.

             Là, suspendu dans les airs à une trentaine de mètres du sol, ses pieds posés dans une atmosphère qui tendait à s’épaissir, sa cape tombant le long de son dos parcouru de sueurs froides et ses yeux rivés en contrebas sur cette eau aussi fluide que son souffle se faisait trouble, il sentit la prise de ses mains sur les pédales de gaz devenir moite. Quelque chose n’allait pas.

— Dis-moi, Levi, à la distribution des neurones, t’étais parti pisser ?

             Ses yeux s’écarquillèrent tandis que ses pupilles se dilataient. Cette voix narquoise. Il ne sut trop comment ni même pourquoi il devina qu’elle lui manquait. Atrocement. Comme un socle disparu sur lequel il n’avait pas soupçonné devoir reposer.

             Il était déjà venu ici.

— Je suis époustouflée.

             Son cœur cognait avec force dans sa poitrine. Son souffle commençait à se faire court tandis que, ses yeux fixés face à lui ne voyant rien, il se laissait embarquer par la beauté de cette voix au ton sarcastique.

— Si t’as besoin d’idées pour le torturer, appelle-moi.

             Son regard se faisait humide et ses mains, tremblantes. Quelque chose s’était produit en ces lieux.

             Irréparable.

             Rares étaient les fois où il avait ressenti une telle détresse et le pire était encore qu’il ne pouvait en expliquer l’origine. Là, suspendu à quelques mètres du sol, son regard se promenant sur ce qu’il ne parvenait à voir, il lui semblait que quelque chose en ces lieux renfermait de douloureux souvenirs.

— LEVI !

             Une voix. Lointaine. Venue du plus profond de son être. Un cri de détresse. Un appel désespéré et étouffé par son propre esprit.

             Sa langue s’engourdissait dans son palais à mesure que sa gorge s’enserrait, comme prisonnière d’un étau. Il y avait au fond de lui une douleur sourde. Un hurlement ultime. Une déflagration. Une silhouette accourant. Un battement de cœur raté. Une réalisation.

             Tout se bousculait en lui.

             Il ne pouvait expliquer ce qu’il se passait. Pourquoi il était si désemparé, lui qui avait pourtant l’habitude de se montrer maitre de ses émotions. Ni même pour quelles raisons son corps toujours aux aguets en territoire ennemi semblait aujourd’hui totalement s’abandonner à cette vive mais aussi douce douleur en lui.

             Peut-être les mots qu’Edward avait prononcé en découvrant la vertèbre couverte de sang du titan féminin l’avaient-ils davantage touché que ce qu’il aurait cru. En effet, même s’il s’était contenté d’ignorer le regard noir du blond et sa remarque acerbe, une partie de lui avait quelque peu songé à ses paroles lorsqu’il s’était élancé dans la forêt à la quête de la jeune femme.

             Il le revoyait encore, ses bras croisés sur sa poitrine, ses pupilles dilatées fixées devant lui, son visage tourné vers le sol projetant des ombres peu flatteuses sur ses traits qui avaient alors revêtu une allure émaciée. Une seule seconde d’attention. Un simple coup d’œil de la part du noiraud à son camarade.

             Et Levi avait vu sur Edward toute la douleur d’un homme sur le point de perdre un être cher.

— Elle t’avait prévenu.

             Ces premiers mots, il les avait adressés à son supérieur sans même le regarder, comme s’il n’était pas digne de son attention. Seulement, dès lors que ses bras croisés sur sa poitrine s’étaient mis à trembler, que Petra avait amorcé un geste dans sa direction pour le réconforter et que sa lèvre inférieure s’était retractée sous l’autre, il n’avait pu tenir une seconde de plus et s’était subitement redressé.

             Puis, dardant des mirettes accusatrices sur celui qu’il considérait pourtant comme quelqu’un d’extrêmement important à ses yeux, il avait poursuivi son propos avant de quitter les lieux. Ne pouvant patienter à l’idée de trouver sa sœur.

— Et tu as préféré jouer l’imbécile et la menacer de mort.

             Ces propos, Levi ne cessait de les ressasser. Car, au fond de lui, il savait pertinemment que le blond avait raison.

             Il n’avait pas envisagé l’idée qu’elle pouvait dire vrai et avait condamné son avis sans tenter de protéger ses hommes. Ceci avait mis en danger l’intégralité de leur mission et, à l’heure actuelle, l’une des leurs avait été enlevée.

             Il savait qu’il s’en voudrait longuement pour cette erreur. Surtout si elle coûtait la vie à l’une d’entre eux.

             Soudain, son regard fut attiré par une masse noire en contrebas. D’abord peu visible du fait qu’elle se confondait avec l’un des larges troncs auquel elle était adossée et que l’esprit du caporal se voyait légèrement embrumé par ses récentes réflexions, il réalisa bientôt que la forme des racines du pin était inhabituelle.

             Car il s’agissait d’un corps.

             Deux jambes s’étendaient dans l’herbe, habillée d’une étoffe claire qu’il aurait pu confondre avec le gazon. Mais une tâche sombre sur la cuisse droite de l’inconnu lui indiquait qu’il s’agissait bien d’une personne et que celle-ci était blessée.

             Il ne lui fallut pas plus d’éléments. Ses pupilles se rétractèrent et son esprit se vida de toute torpeur paralysante. Il fallait que ses pensées soient claires s’il souhaitait mener à bien cette opération de sauvetage. Surtout qu’il ne savait comme l’expliquer, mais il était sûr de qui était l’inconnu.

             N’importe quel soldat aurait pu se retrouver blessé. Mais, même à une soixantaine de mètres de la jeune femme, il savait qu’il s’agissait d’Emeraude.

             Comme si son corps le reconnaissait de lui-même.

             Ses mains de nouveau sèches vinrent se raffermir sur les pédales de ses bouteilles. Son buste se pencha légèrement en avant, faisant basculer ses jambes derrière lui tandis que sa cape se soulevait par la force de l’apesanteur, l’entourant tel un halo émeraude. Il sentit ses cheveux s’agiter sur sa tête tandis que ses hématites ne se détachaient pas une seule seconde de la personne en contrebas.

             Il n’avait pas une seule seconde à perdre.

             Lorsque son corps commença à se mouvoir, il sentit jusqu’à la moindre parcelle de tissu se coller à sa peau, l’enveloppant comme une armure protectrice. Le vent filant dans ses oreilles engloutit jusqu’à la moindre de ses pensées tandis que l’air s’engouffrant avec force dans son nez lui bloquait la respiration mais il s’en fichait bien. Fondant en piquet sur sa camarade, il ne comptait pas laisser quoi que ce soit entraver sa course.

             Le froid s’agglutinait autour de son corps, vivifiant. Mais il n’était d’aucune ardeur face à son cœur qui s’excitait toujours plus à l’approche de la jeune femme. Il avait réduit la distance entre le sol et lui, ne laissant plus qu’un mètre de différence pour qu’il puisse atterrir mais il lui restait encore dix secondes de vol avant d’arriver aux côtés de la blessée.

             Dix. Il pouvait distinguer le visage livide de la soldate. Neuf. Les yeux clos, sa tête tombait sur sa poitrine. Huit. Ses deux jambes tendues devant elle étaient couvertes de sang provenant de sa cuisse et de son ventre. Sept. Il ne voyait plus le tissu blanc de la chemise tant l’hémoglobine s’était élargie. Six. Son bras gauche pendait tristement à son épaule déboitée. Cinq. Il pouvait discerner une large plaie commençant à son arcade sourcilière et se prolongeant jusqu’à fendre ses lèvres. Quatre. Celle-ci lui parut étrangement familière. Trois. Il n’avait l’expérience médicale requise pour s’occuper de son ventre mais comptait bien endiguer l’hémorragie à sa cuisse et replacer son membre. Deux. Il ne lui restait qu’une fusée de détresse mais il devrait l’utiliser pour la soigner. Un. Il ne pourrait donc pas appeler ses collègues à sa position.

             Zéro. Il la porterait.

Emeraude, appela-t-il en posant pied à terre.

             Sans perdre la moindre seconde, Levi coinça ses pédales afin de refermer ses bouteilles et s’élança jusqu’à la jeune femme. Dans sa course, il sentit son cœur rater un battement. Elle ne réagissait pas à sa voix. Pas le moins du monde.

             En arrivant à sa hauteur, le premier réflexe du noiraud fut de s’accroupir afin de pouvoir se trouver en face d’elle. Il s’assied à sa droite, observant dans son geste les dégâts de sa plaie à l’abdomen. Il devrait se dépêcher s’il espérait se rendre utile.

             Sa main sembla quelque peu tremblante lorsqu’il avança son index et son majeur en direction du cou de la jeune femme. Son regard se perdit un instant sur celui-ci. La surface de sa chair semblait si douce qu’il sentit un nuage de chaleur s’étendre dans son ventre, il sentait la pulpe de ses doigts pulser à l’idée de se promener le long des plis de sa peau, sa couleur attirait ses iris comme les éclats du soleil sur l’océan.

             Il secoua la tête vivement. Ce n’était absolument pas le moment.

             Seulement lorsque le haut de ses phalanges vint se presser contre la jonction entre son cou et sa mâchoire, la moindre pensée déplacée s’éclipsa de son esprit. Ses pupilles se dilatèrent en se posant sur le visage de la jeune femme et son cœur rata un battement. Là, faible et quasiment imperceptible, il y avait un pouls.

             Elle était en vie.

Emeraude ! appela-t-il un peu plus fort en réalisant ce que cela signifiait.

             Il allait devoir faire vite.

             Tout d’abord, il se déplaça de l’autre côté de la jeune femme en toute hâte. Son plan était simple : lui reboiter l’épaule, arrêter le saignement de sa blessure superficielle à la cuisse et l’amener à Hanji et Edward pour qu’il s’occupe de son ventre pendant qu’ils rentreraient à la base.

             Sains et saufs.

             Ses deux mains vinrent empoigner le bras de façon stratégique. Malgré la veste en cuir de la jeune femme, il devinait aisément la bosse formée par sa blessure et, pour l’avoir vécu, il savait combien cela était douloureux. Mais il savait donc aussi comment réparer ce contretemps relativement rapidement. Un coup sec et franche qui lui aurait valu beaucoup d’insultes d’Edward s’il l’avait vu le pratiquer sans la demi-douzaine de préparatifs qu’il exigeait toujours avant ce type d’intervention.

             Mais le blond n’était pas là et il ne pouvait se permettre de perdre du temps.

— Il est hors de question que tu meurs aujourd’hui, morveuse.

             Une action rapide et vive. Un craquement sinistre. Un spasme violent. Des paupières s’agitant. Un gémissement de douleur. Il lui avait reboité l’épaule.

             Et la souffrance était telle qu’il l’avait aussi réveillée.

— Je vais te pendre avec ton intestin grêle, connard.

             Il ne s’attarda pas réellement sur les mots employés, ne pouvant s’empêcher de ressentir une certaine allégresse en entendant sa voix. Celle-ci était pâteuse et faible mais elle n’avait pas bégayé. Elle allait mieux que ce à quoi il se serait attendu. Comme si quelqu’un l’avait déjà veillée.

             Se tournant vers sa cuisse, il extirpa son pistolet fumigène de sa ceinture ainsi que les boîtes d’allumettes qu’il avait confisqué à Ymir le matin-même. Il l’avait surprise à fumer pendant qu’elle attelait son cheval et l’avait sermonnée pour son inconscience.

             Les animaux n’avaient pas à respirer ces toxines.

— Je vais mettre ça sur le compte de la douleur, répondit-il en s’emparant du canif rangé dans sa poche.

             Il en avait toujours un sur lui. Tout comme elle d’ailleurs. Et leurs deux armes cachaient une histoire. Seulement celle d’Emeraude était légèrement plus joyeuse.

— Vous pouvez, répondit-elle d’un ton qui lui laissa deviner qu’elle souriait. Mais vous êtes quand même un connard.

             Il n’accorda aucun regard au visage de la jeune femme, concentré sur la lame qu’il tenait. S’il voulait avoir accès à sa blessure à la cuisse il allait devoir déchirer son pantalon. Mais, si elle bougeait, il avait des chances de la couper.

             Il s’approcha du tissu.

— Bouge pas.

             Sa main vint se poser sur la cuisse blessée, à quelques centimètres de la blessure. Celle-ci était superficielle mais elle avait été exposée trop longtemps sans aucun soin, ce qui avait laissé le temps à beaucoup de sang de s’écouler.

             Ce contact chaud irradia une force sensuelle qui surprit la jeune femme. Même si elle ne fit aucun geste laissant présager le contraire, son souffle se coupa quelques instants et elle déglutit avec peine. Son bas ventre s’était vu saisir d’une dense torpeur lorsque la paume brûlante du caporal, même à travers son bas, s’était pressée à sa chair.

             Mais elle fit le choix de l’ignorer.

— Dommage, je comptais me lancer dans un petit cinq-cents mètres, vous me coupez dans mon élan.

             Même s’il ne sourit pas, elle vit nettement un éclair d’amusement passé dans son regard tandis qu’il venait d’insérer la lame par le trou imbibé de sang existant déjà et qu’il entreprenait de l’élargir.

             Elle savait pertinemment ce qu’il se disait. Et il ne tarda d’ailleurs pas à le formuler.

— Toi et ton frère, vous êtes exactement pareils.

             Un rictus releva le coin des lèvres de la jeune femme tandis que la fissure de quelques centimètres provoquée par son boomerang laissait place à une déchirure partant d’un pouce au-dessus de sa plaie jusqu’au-dessous de son genou.

             Levi laissa le couteau tombé dans l’herbe avant de se saisir des deux pans de son pantalon et de tirer un coup sec, élargissant dans l’autre sens son accès à la blessure dans un son sec.

— Je n’ai jamais fait exploser de laboratoire.

             L’homme fronça les sourcils. Il n’avait pas de quoi nettoyer la plaie. Et il ne pouvait se permettre de la refermer sans avoir désinfecter un minimum. Son regard se porta soudain sur le visage blême de la soldate. Ses yeux demeuraient clos mais il savait qu’elle faisait attention à ses moindres mouvements.

             Lui n’avait pas de quoi nettoyer mais elle, oui.

             Soudain, il plongea sa main gauche jusqu’à la botte de la jeune femme avant de la fourrer dedans, lui arrachant un gémissement outré lorsqu’elle sentit ses doigts encerclés ses mollets.

— Hé ! Vous faites quoi, là !? l’appela-t-elle d’une voix se voulant agressive mais qui lui parut bien faible.

             Sous le coup de la surprise, elle avait ouvert les yeux. Et ce fut grâce à cela qu’elle parvint à le voir extirper une flasque d’alcool particulièrement fort de sa chaussure avant de la brandir de la lever en évidence à hauteur de son visage.

             Elle fronça légèrement les sourcils avant de refermer les yeux et replacer son dos qu’elle avait redressé contre l’arbre.

— C’est pas à moi, dit-elle simplement d’un air détendu sans trop bouger, sachant pertinemment qu’elle devait préserver ses forces.

             Malgré lui, un très léger rictus vint étirer ses lèvres. Les sarcasme, l’alcool et la mauvaise fois.

             Aucun doute n’était possible.

— Vous êtes exactement pareil, insista-t-il en dévissant la flasque. Et tu n’as peut-être pas fait exploser un laboratoire mais vous avez tous les deux un rapport pour exhibitionnisme.

             Il la sentit remuer un peu.

— Quoi ? lâcha-t-elle d’un air surpris en se redressant.

             La flasque dévissée, il profita de son momentané moment d’égarement pour pencher l’objet et renverser en une pluie fine et délicate le liquide sur la plaie. L’alcool désinfecterai un minimum la blessure.

             Il savait très bien que la jeune femme n’était pas au courant de cette histoire. Mais il ne savait pas pour quelle raison il avait souhaité poursuivre la conversation avec elle d’une quelconque manière. Peut-être parce qu’il se sentait bien lorsqu’il discutait en sa compagnie.

             Ou qu’il voulait la distraire de la douleur. Sans succès.

Espècedeconnardjevaistefourrermonpiedàlendroitexactoùlesoleilnevoitjamaislejour, maugréa-t-elle à toute vitesse en se redressant vivement et faisant de son mieux pour ne pas poser sa main pleine de germes sur la plaie fraichement nettoyée.

             Une odeur puissante et nauséabonde s’élevait maintenant de sa cuisse mais il pouvait de nouveau voir la couleur originelle de sa peau et, surtout, la blessure sous ses yeux. Elle n’était pas plus grande que son pouce et serait donc assez facile à colmater. Même si l’opération serait encore plus douloureuse que celle qu’ils venaient tout juste d’effectuer.

             Il soupira.

— La plaie n’est pas bien grande.

— Comme vous.

             Levi roula des yeux avant de s’emparer des deux objets qu’il avait précédemment laissé sur le sol. Il savait que la douleur parlait à la place de la jeune femme, ce qui la rendait très agressive dans ses propos et ne lui en voulait donc pas. Après tout, il avait déjà eu l’occasion de s’occuper de son fraternel qui agissait de façon bien plus répréhensible en situation extrême comme celle-ci.

             D’autant plus qu’il aurait de quoi se venger avec la souffrance que ce pistolet fumigène et ses allumettes allaient lui provoquer lorsqu’il arrêterait l’hémorragie.

— J’ai pas fait ça souvent mais ton frangin a déjà sauvé la vie d’Erwin avec cette technique.

             S’emparant du pistolet, il entreprit de le démonter. Il lui fallait séparer le réservoir du reste de l’objet. Et, fort heureusement, il connaissait assez le matériel pour savoir comment exécuter une telle tâche.

— Donc vous n’avez pas fait ça du tout, conclut-elle.

             Ignorant sa remarque, il prit une profonde inspiration au moment de s’emparer du réservoir. Dans celui-ci se trouvait toute la poudre et celle-ci lui serait primordiale s’ils espéraient pouvoir arrêter cette hémorragie.

             Surtout que la soldate avait raison, il n’avait jamais fait ça.

             Lorsqu’il sépara la restant de l’objet de la partie l’intéressant, son regard vint caresser gentiment la dense poudre noire des yeux. Il y en avait beaucoup. Environ un fond de verre et la blessure était assez petite donc il n’utiliserait pas tout. Premièrement car trop de poudre serait douloureux, deuxièmement car il ne servait à rien de lui laisser une cicatrice énorme et troisièmement parce qu’il valait mieux qu’il en garde au cas où il raterait son coup où qu’un coup de vent la balayerait.

— Vous inquiétez pas caporal, ça va bien se passer.

             Même s’il ne répondit pas à cet encouragement, celui-ci lui mit du baume au cœur. Généralement, ce genre de convenances ne lui faisait ni chaud ni froid mais, en cet instant précis, grâce à cette voix qu’il commençait à apprécier sérieusement, il se sentit plus serein.

             Sa main tenant la poudre s’approcha de la plaie et il pencha légèrement le réservoir au-dessus de celle-ci.

— Au pire vous vous rater, je meurs et vous avez des remords mais ça c’est vraiment le pire qu’il puisse arriver.

             Aussitôt, le noiraud se raidit et il dut se retenir pour ne pas hausser un sourcil désapprobateur en sa direction. Sérieusement ?

             Se tournant vers la plaie, il pencha un peu plus le réservoir en direction de la blessure. Il était prêt à colmater cette brèche et ramener la soldate aux autres.

— Ouais désolée je suis pas douée pour les sentiments, s’excusa-t-elle au moment où il s’apprêtait à verser la poudre, lui arrachant un faible sursaut.

             Légèrement agacé, le noiraud lâcha un remerciement en serrant les dents. Il avait hâte que tout cela finisse. Soigner cette énergumène était bien plus compliqué que venir à bout d’une horde de titans.

             Eux au moins se taisaient.

— Enfaite ils sont un peu comme ma mère, reprit-elle au moment où il se reportait sur la plaie.

             Empêchant un juron exaspéré de franchir la barrière de ses lèvres, Levi se contenta de serrer les poings en pinçant les lèvres et avorter son geste pour la troisième fois. Mais cela ne l’empêcha pas d’entendre le pouffement amusé de la jeune femme qui semblait se retenir d’éclater de rire.

             A sa propre blague.

— Morts, expliqua-t-elle tandis qu’un soubresaut à sa poitrine montrait qu’elle n’était pas loin d’imploser.

             L’homme roula des yeux. Ils n’y arriveraient pas. Mieux valait qu’il profite de son moment d’euphorie pour la prendre par surprise.

             Mais il songeait sérieusement à l’abandonner là et partir. S’il expliquait le niveau de ses blagues, il était sûr que personne ne lui ne voudrait. Pas même Edward.

— J’avais saisi l’analogie, maugréa-t-il entre ses dents.

             Sans qu’elle ne s’en rendre compte, il déversa à toute vitesse un peu poudre sur la plaie avant de s’emparer de la boite d’allumettes derrière lui. Il en extirpa une sans ne perdre la moindre seconde tandis que le rire de la jeune femme s’élevait dans les airs.

             Elle semblait très amusée par sa blague.

— Non je crois pas que… CONNARD DE MERDE ! hurla-t-elle soudainement en ouvrant furieusement les yeux.

             Une odeur de brûlé s’élevait maintenant de la jambe de la jeune femme qui, avec horreur, posa les yeux sur sa plaie à présent refermée. Son cœur se mit à battre à toute vitesse dans sa poitrine tandis qu’elle respirait avec peine.

             Il venait de lui brûler la jambe.

             A genoux à côté de la plaie, l’allumette encore coincée entre ses doigts, Levi regarda la parcelle de peau noircie avec attention, satisfait que la jeune femme se soit tue. La douleur serait momentanée et Edward avait découvert dans le puit où Eren avait fait sa transformation une plante qui effacerait pour sûre n’importe quelle cicatrice, y compris cette brûlure. Et il savait que, face à l’importance de cette hémorragie et sans aiguille à porter de main, soudre la chair en la brûlant était encore sa seule chance de s’en sortir.

             Alors il n’y avait pas grand mal.

— Le procédé est un peu brutal mais…

— « BRUTAL » !? répéta-t-elle, indignée, les bagarres d’Ymir, c’est brutal, les râteaux de Mikasa à Jean, c’est brutal, l’égo d’Auruo, c’est brutal mais ça c’es…

— Ce dernier exemple n’a aucun sens, la coupa-t-il d’une voix tout à fait calme.

             Le foudroyant d’un regard, elle souffla lourdement.

— ON S’EN FOUT, J’AI MAL.

             Les hématites du caporal se perdirent un instant sur ce visage parcouru de veines prêtes à exploser, sur ces yeux imbibés de larmes de douleur, sur ces dents serrées entre elles un maximum et sur cette rage pas même dissimulée. Si elle avait la force d’être autant en colère, alors elle ne devait pas être si mal en point.

             Une dense chaleur se propagea soudain dans son ventre. La plaie à l’abdomen, pourtant grave, ne saignait anormalement plus et ses autres blessures étaient réparées. Il en était soulagé.

             A un point tel que, se perdant sur ses traits furieux et n’écoutant que d’une oreille distraite le copieux flot d’insultes qu’elle desservait sur lui, il laissa ses lèvres s’esquisser en un sourire sincère. Rien ne l’expliquait mais il savait qu’il n’aurait pas survécu à sa mort.



















             Alors aujourd’hui, il était reconnaissant.

 




















désolée de ne pas avoir bosser pendant un certain temps mais du coup voici un chapitre assez conséquent !!

j'espère que tout va bien pour vous !

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