𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS

S01E13
petit spoiler





             Hébétée, la jeune fille regardait ses sauveurs de ses grands yeux écarquillés. Encore assise dans la main du défunt titan, elle n’avait été capable d’exécuter le moindre mouvement depuis l’intervention du noiraud, quelques minutes plus tôt.

             En effet, cela allait bientôt faire un petit moment qu’elle observait les quelques nouveaux venus se déplacer avec légèreté et grâce dans les airs, flottant autour des infâmes créatures comme s’il ne s’agissait que de banals intrus aisément maitrisables. Et, pour certains, il semblait en effet qu’appréhender les titans soit une activité des plus simples et rapides à exécuter.

             Malgré la cohue de leurs déplacements multiples et rapides, elle avait nettement identifié deux éléments dont le comportement l’étonnait. Le premier, une personne aux longs cheveux bruns noués en queue de cheval, ne cessait de rire toujours plus fort et de demander à ses compagnons de ne pas tous les tuer. La jeune fille avait cru comprendre qu’iel souhaitait en kidnapper certains pour faire des expériences.

             Le second n’était pas des moindres. Contrairement à l'autre, il n’affichait aucun sourire. Ni de rictus apeuré. Pas même une larme de colère. Non. Il conservait un visage impassible alors qu’il venait à lui seul d’éliminer trois titans en plus de celui sur lequel la jeune femme était encore assise.

             Il était sans conteste celui qui l’ébahissait le plus. Toutes les fois où elle avait pensé au bataillon d’exploration, même si elle s’était imaginée bien des hommes et femmes valeureux, jamais elle ne s’était dit qu’un tel guerrier existait. Il semblait insouciant, presque ennuyé par la situation. Elle qui avait cru se faire dessus en se faisant attraper la veste par un titan était presque vexée de voir avec quelle facilité et désintérêt il en éliminait quatre.

             Assez rapidement, le calme revint et tous les soldats reprirent position sur la terre ferme. Là, tandis qu’ils marchaient tous en sa direction d’un pas décidé et déterminé, elle put aisément les compter. Ils étaient six en tout. Tous habillés de la même cape verte où trônait fièrement le sigle du bataillon d’exploration.

             Le menton relevé et l’allure fière, ils avançaient d’un seul et même pas, comme coordonnés les uns aux autres. Là, progressant avec élégance devant le spectacle des titans qu’ils venaient d’abattre en arrière-plan, ils semblaient intouchables. Inatteignable. Et même, de par leur prestance et leur puissance, titanesques.

             Bientôt, ils atteignirent sa hauteur. Si la plupart s’arrêtèrent, l’homme qui avait tant attiré son attention la dépassa sans un regard et rejoignit son cheval qui se trouvait, avec les autres animaux, quelques mètres derrière elle.

— Que faisais-tu, seule face à des titans ?

             Si la voix était douce, la question l’était moins. Et la méfiance déguisée de la personne qui venait de lui parler ne la dupait point. Mais, l’ayant entendu plus tôt évoquer des titans qu’iel retenait en captivité, iel n’alla pas se risquer à se montrer insolente avec lae brun-e.

— Je devais faire distraction pendant que mon frère évacuait les villageois.

             Elle vit nettement les sourcils de la personne se froncer derrière ses imposantes lunettes rondes et noires mais n’y prêta pas attention. Une autre pensée venait de fuser dans son esprit.

— Normalement, vous les avez croisés. Comment vont-ils ?

             Les cinq individus devant elle échangèrent un regard gêné. Les voyant faire, elle craint soudain le pire et se redressa brutalement, quittant la main du titan pour se mettre sur ses deux pieds. Alors, même si elle constata que la différence de taille entre elle et la majeure partie des membres subsistait et qu’ils la dépassaient donc d’une tête par leur carrure imposante, cela ne la découragea pas.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je n’ai vu que six titans, me dites pas qu’il y en avait d’autres et que je les ai laisser filer ? Mon frère a dû défendre les villageois ! Où est-il !? Je suis sûr qu’il aurait été prêt à mourir pour eux ! Ne me dites pas que c’est ce qu’il s’est passé !

— Nous n’avons croisé personne, répondit une voix lasse dans son dos, coupant court à la panique qui montait en elle. Maintenant sois tu montes avec nous, sois tu restes ici sans cheval. On n’a pas la journée devant nous.

             Surprise par la rudesse de son ton mais soulagée par ses mots, la jeune fille n’eut aucune réaction. Le principal était de savoir Eddie en vie. Il avait déjà dû rejoindre la ville la plus proche, sans doute en utilisant un chemin différent du bataillon ce qui expliquait qu’ils ne se soient pas rencontrés. Elle le rejoindrait plus tard.

             Par ailleurs, même si le noiraud s’avérait être un personnage particulièrement grossier, il n’avait pas tort sur un point. Son cheval s’était fait la malle face au titan et embarquer avec eux était donc sa seule chance de quitter ce lieu pour retrouver le blond.

             Seulement elle n’eut le temps de rejoindre le restant des montures que lae brun-e fit de nouveau retentir sa voix, dirigeant cette fois-ci ses paroles contre le soldat impoli.

— Je sais que t’es aussi aimable que Pixis est capable de rester sobre mais tu pourrais au moins te montrer délicat avec une fille qui vient d’échapper à la mort et…

             La concernée l’observa faire des remontrances au noiraud tout en se laissant guider par un grand blond qui l’invita à prendre place à l’arrière de sa monture. Elle obtempéra tandis qu’un jeune homme aux cheveux bruns coupés courts et son collègue, un blond grisonnant, grimpaient sur les leurs. La dernière du groupe, une rousse aux cheveux lisses et mi-longs tira mollement sa collègue jusqu’à son animal attitré pour rappeler à celle-ci, sans l’interrompre, qu’ils devaient partir.

             Lorsqu’ils furent tous installés, le noiraud fut le premier à partir, instantanément suivit pas tous les autres, même lae brun-e qui ne cessa pas pour autant de lui expliquer qu’il devrait penser à se montrer plus conciliant avec les gens. La jeune femme en conclut alors qu’il était le chef de cette petite troupe. Ce qui se vit confirmer bien vite par cette simple phrase :

— Mais tu vas m’écouter, oui ? Levi Ackerman, je te parle !

             Installée derrière le dos imposant du blond, elle se raidit soudainement sans n’attirer l’attention de personne. Ce nom était loin de lui être étranger. Dans les nombreuses histoires qu’on racontait au sujet des bataillons d’exploration, deux hommes illustres revenaient sans cesse. Le major Erwin Smith, fin stratège, et le caporal Levi Ackerman, sans doute le meilleur soldat que l’humanité n’ait jamais comptée. Le même soldat qui lui avait épargné une mort atroce, quelques minutes plus tôt.

             Les yeux écarquillés, elle entreprit de détailler son sauveur, digérant difficilement ce qu’elle venait d’apprendre sur son identité. De là où elle était, elle ne voyait que son dos. Sa coiffure était divisée en deux segments : les cheveux de la partie inférieure de son crâne avaient été coupés courts et ceux de la partie supérieure était mi-longs. C’était tout ce qu’elle pouvait pour l’instant voir de cette légende.

             Et, en quittant des yeux les omoplates de l’homme pour regarder autour d’elle, elle prit conscience d’un autre fait. Les ouï-dire laissaient entendre que l’homme ne s’était entouré que des meilleurs dans sa lutte contre les titans. L’élite parmi l’élite. L’escouade Levi.

             Sans même se soucier de paraître impolie, elle observa attentivement chacun en essayant, à travers le souvenir des histoires qu’on lui avait contées, de poser un nom sur chaque visage. Et si elle eut d’abord du mal à exécuter son dessein avec leur simple physique, elle n’eut qu’à procéder à de simples déductions pour éliminer trois d’entre eux.

             Levi avait déjà été identifié. Celle qui ne cessait de le reprendre ne pouvait être que lae réputé-e scientifique Hanji Zoe. Iel n’était pas membre de son escouade, étant d'un grade supérieur noiraud. Mais elle l’avait tout de même reconnue car personne à part iel ne s’aviserait de lui parler comme ça. La fille à ses côtés était donc logiquement Petra Raille dont les récits du vétéran ne laissait transparaitre qu’une grande douceur.

— Tu t’es donc élancée face à six titans pour protéger les habitants de ton village ? C’est courageux.

             Elle mit quelques instants à comprendre que l’homme qui partageait son cheval avec elle s’adressait à elle. Ses cheveux blonds noués en queue de cheval lui rappelaient énormément son frère. C’est ainsi que, en se remémorant une remarque du vétéran sur leur ressemblance, elle réalisa qu’il ne s’agissait de nul autre que d’Erd Gin.

             Il n’avait pas menti, votre ressemblance est frappante, songea-t-elle en se décalant quelque peu pour mieux observer la courte barbe couvrant sa mâchoire carrée. Le soldat ressemblait en effet à s’y méprendre à son frère.

— Oui, effectivement ! approuva le blond grisonnant aux cheveux coupés à la manière de Levi.

             Alors qu’elle s’apprêtait à se tourner vers l’homme avec un sourire de remerciement, un rire moqueur fusa soudainement, interrompant son geste. Un peu plus loin devant Erd et elle, à leur droite et juste devant celui qui venait de parler, Petra interpella celui-ci :

— Qu’est-ce que tu as dit déjà, quand tu l’as vu hurler aux titans de la suivre ? Ah oui ! elle marqua une pause pour prendre une voix volontairement grave et caricaturale. « Je sais qu’on est pas censés se croire supérieurs à eux, mais qu’est-ce qu’ils sont cons, les civiles ! »

             Abasourdie par la révélation de Petra, la jeune femme ne put s'empêcher d’hausser les sourcils. Et, tandis que le concerné réprimandait sa collègue en lui disant que ce n’était pas exactement les termes qu’il avait employés, elle poursuivit ses déductions.

             Un regard de fouine et un égo surdimensionné… Il ne peut s’agir que d’Auruo Bosuard songea-t-elle soudainement en regardant droit devant elle, un peu surprise de voir que Levi restait en retrait et ne participait pas à la conversation. Depuis le début de celle-ci, il n’avait même pas tourné la tête ou prononcé le moindre mot. Elle doutait même qu’il les entende. Il devait être dans ses pensées.

             Ses questionnements intérieurs sur le comportement du caporal furent très vite écourtés par de nombreux rires fusant tout autour d’elle. Elle regarda alors l’escouade et constata que, à l’exception du noiraud et d’Auruo, tout le monde était hilare. Elle ne savait pas ce qu’elle venait de manquer mais cela avait eu l’air particulièrement cocasse.

— Tu peux répéter !? cingla le blond grisonnant en lui lançant un regard féroce.

             En le voyant faire, elle se dit d’abord qu’il parlait à l’homme avec qui elle était monté et n’y prêta donc pas attention. Seulement, lorsqu’il lui jeta un autre coup d’œil animé, elle comprit que sa phrase lui était belle et bien adressée, à elle.

             Désarçonnée, la jeune femme fronça les sourcils. Il avait dû confondre sa voix féminine avec celle de Petra car elle ne lui avait rien dit du tout. Du moins, c’est ce qu’elle croyait.

— Elle a dit que t’avais un regard de fouine et un égo surdimensionné, suis un peu, lança d’une voix guillerette le dernier homme qu’elle n’avait pas encore identifié et qui ne pouvait donc être autre que Gunther Schultz.

             Soudain, ses joues virèrent au cramoisie lorsqu’elle réalisa ce qu’il s’était produit. Je n’ai tout de même pas pensé à voix haute, si ? se demanda-t-elle en évitant soigneusement les regards courroucés d’Auruo qui attendait toujours des explications.

             Seulement sa tentative d’imitation tomba à l’eau pour de bon lorsque, trop occupé à foudroyer l’inconnue de ses yeux marrons, il ne prêta nullement attention aux soubresauts causés par le pas de sa monture. Tant et si bien que, soudainement, sa mâchoire se referma brutalement sous une impulsion du quadrupède et il se mordit la langue.

             Poussant un couinement de douleur, il s’attira davantage de moqueries bon enfant de la part de ses collègues. La jeune femme les regarda le taquiner et une étrange sensation lui prit. Au creux de ses entrailles venait de se propager une sorte de brume chaude et réconfortante. De l’allégresse.

             Son frère n’étant pas là, elle aurait dû se sentir sous tension. D’autant plus que les soldats qui l’accompagnaient n’avaient pas la réputation d’être des enfants de cœur. Notamment leur chef. Même si, à l’exception de ce dernier, ils ne s’en étaient jamais pris à des êtres humains, elle ne s’était pas forcément sentie à l’aise à l’idée de passer plusieurs heures de temps en compagnie de figures illustres de la lutte contre les titans.

             Alors, voyant avec quel naturel et humilité ils lui adressaient la parole malgré son allure traduisant le nombre d’années où elle n’avait pas eu de toit au-dessus de la tête ni prit un bain, elle ne put que se sentir confortée. Ils la traitaient en égale.

             Auruo, voyant qu’elle ne comptait plus argumenter sur ses propos, décida de la charrier un peu pour la mettre mal à l’aise. Il n’appréciait pas qu’on le remette à sa place.

— Et c’est quoi son nom, à miss parfaite ?

             Cette question, pourtant banale, eut un effet bien moins ordinaire sur la jeune fille. Nul ne le vit mais Erd sentit nettement sa compagne se raidir dans son dos. Il fronça quelque peu les sourcils mais ne s’en préoccupa pas davantage jusqu’à ce qu’elle réponde.

             Elle fit le choix d’être honnête. Mais se montrer franche sur une telle question n’était pas mince affaire. Elle ne pouvait tout simplement pas expliquer cette situation.

— Je n’en ai pas, répondit-elle simplement.

             Si la plupart haussèrent les sourcils face à ce qu’ils croyaient être de l’insolence, son interlocuteur, lui, sortit de ses gongs. S’agitant sur le dos de son cheval, il la rappela brutalement à l’ordre sous les rires des autres qui semblaient particulièrement apprécier de le voir en colère.

— Joue pas à ça avec moi, petite sotte ! Comment on t’appelle !?

             Ne voulant s’éterniser sur le sujet, c’est d’un ton ferme et sans appel qu’elle cingla la réponse, faisant clairement comprendre à Auruo qu’il valait mieux pour lui qu’il n’insiste pas sur le sujet.

— On ne m’appelle pas.

             Les rires ne se turent pas pour autant, tous croyant à une simple démonstration d’insolence de la part de la jeune femme. Seul son interlocuteur, en qui elle avait ancré ses yeux froids et profonds, avait compris qu’il devait se taire de toute urgence.

             Profitant que tous aient recommencé à rire entre eux, elle détourna son attention de leur conversation pour regarder droit devant elle, voulant mettre un peu de distance entre elle et le sujet qui venait d’être abordé.

             Seulement, lorsqu’elle tourna la tête pour observer le paysage devant elle, ses pupilles se dilatèrent brusquement. Sans doute Levi avait-il, contrairement à ce qu’elle pensait, écouté leur discussion car il la regardait à présent, une étrange lueur allumant ses yeux gris.

 

 






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