𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟔
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S01E15
petit spoiler
Le réfectoire était bondé. Beaucoup de soldats attablés à leur table discutaient de la prochaine excursion. Cela se voyait à la façon dont leurs doigts, tremblant, peinaient à tenir leurs couverts et la lenteur avec laquelle leurs dents mastiquaient leur miche de pain. Ils étaient terrifiés, la boule au ventre.
Eren s'en rendait bien compte. La table autour de lui était silencieuse. Même Sacha, une jolie brune espiègle, ne disait rien. Elle était d'ordinaire très loquace. D'autant plus que, son patelin et celui de Conny n'étant situés pas loin de leur base, ils en parlaient très régulièrement entre eux. Mais pas aujourd'hui.
Ce dernier, un garçon plutôt chétif et basané aux cheveux coupé courts, n'avait même pas touché à son assiette. Son amie, un ventre sur pattes, l'observait depuis quelques minutes maintenant. Eren avait deviné qu'elle voulait s'emparer du contenu de son plateau mais s'en abstenait car elle savait qu'il avait besoin de forces. Elle faisait beaucoup d'efforts.
A côté d'eux, un grand châtain au visage allongé regardait la scène avec toute la condescendance qui le caractérisait. Jean. Il s'appelait Jean. Si le titan avait commencé par ne pas l'apprécier, il apprenait au fil du temps à le connaitre et se faisait à sa présence. Malgré l'air hautain qu'il affichait en permanence, il était un bon et valeureux soldat. Ils l'étaient tous.
A droite d'Eren, sa sœur adoptive semblait bien moins préoccupée que les autres par les évènements à venir. Du moins, elle le cachait bien. Il savait qu'elle aurait voulu être affectée au même poste que lui car son désir de le protéger surpassait tout autre forme de sentiment chez elle. Mais il semblait que, là, elle préférait garder la face.
Ce qui n'était pas le cas de son meilleur ami, un petit gringalet aux cheveux longs et blonds. De par sa taille, ses yeux bleus et sa chevelure, Hanji l'avait maintes fois confondue avec Christa. Et, celle-ci étant actuellement dans le même état et habillée du même uniforme que lui, il est vrai que la ressemblance était frappante.
Ils étaient terrifiés, manipulant maladroitement leurs ustensiles et formant un contraste ahurissant avec leurs trois derniers compagnons qui affichaient un calme olympien. Eren ne savait d'ailleurs pas comment ils parvenaient à rester calmes. Mais cela le rassurait. C'était leur première expédition extra-muros alors voir Ymir, Reiner et Berthold aussi détendus lui permettait de se dire que certains étaient dans d'excellentes conditions pour commencer cette bataille.
Seulement, au moment où il se disait cela, la jeune blonde nommée Christa donna un coup dans son assiette, la projetant devant Sacha. Cette dernière, émerveillée devant la possibilité de manger plus, bondit sur le contenu qu'elle dévora goulument tandis que l'ancienne propriétaire du plat quittait le réfectoire en plaquant sa main sur sa bouche, signe qu'elle s'apprêtait à rendre.
Aussitôt, une brune au nez en trompette truffé de tâche de rousseur la suivit d'un pas pressé. Ymir ne dévoilait que rarement ses émotions mais, malgré cela, tous avaient cerné ses sentiments pour la blonde. Il était donc logique qu'elle souhaite s'enquérir de son état.
— Tu m'étonnes qu'elle soit terrifiée. On va sûrement crever, marmonna Jean assez distinctement pour que leur tablée puisse l'entendre.
Tous se raidirent à ces mots. Même si le soldat n'avait fait que formuler ce que chacun pensait, le fait est qu'il l'avait formulé. Cette phrase était maintenant dite, assumée, déclarée. La mort les guettait et ils en avaient conscience.
En voyant l'ombre qui passa soudainement sur le visage de ses amis, Eren se leva brutalement. Non. Il ne fallait pas qu'ils se laissent avoir par la peur. Même s'ils n'étaient pas nombreux, certains soldats avaient survécu durant des années. Ceux-là pouvaient être eux. Ils ne devaient pas se montrer défaitistes.
Le bruit que fit sa chaise en raclant le parquet attira l'attention de tout le réfectoire. La tête de chaque nouvelle recrue se tourna vers lui et, bientôt, il déglutit péniblement face à toutes ces pairs de yeux braqués sur son visage aux traits serrés. Il ne s'était pas attendu à ce que tous lui prêtent de l'attention.
Maladroitement, il s'éclaircit la voix en toussotant. La situation était embarrassante mais il se dit que ce qu'il s'apprêtait à déclarer à ses camarades pourrait servir au plus grand nombre. Alors il ne voyait pas l'utilité de se rassoir pour ne converser qu'en petit comité.
— Après-demain, nous irons pour la première fois hors des murs. Je vois sur votre visage que vous avez peur. Certains hésitent peut-être même à déserter. Mais je dirais à ceux-là que vous êtes allez beaucoup trop loin pour abandonner maintenant. Nous nous sommes entraînés durant trois ans. Trois années de souffrances durant lesquels nous avons vu des amis mourir.
Il vit dans le regard de certains que cette dernière phrase en avait touché plus d'un. Il reconnut alors le visage de celles et ceux qui, penchés au-dessus du corps encore chaud d'un proche, avaient hurlé de douleur, quelques mois auparavant.
Il n'aimait pas ces souvenirs.
— Mais nous connaissons la peur des titans. Nous avons défendu Trost. Certains étaient même peut-être là lors de l'assaut de Shiganshina. Nous nous sommes levés ! s'écria-t-il sur cette dernière phrase. Alors pourquoi se mettre à genoux maintenant ?
Certains hochèrent la tête à ce discours. S'ils ne pouvaient nier leur peur, ils ne pouvaient pas non plus nier qu'Eren disait vrai. Ce n'était pas seulement pour eux et la gloire qu'ils se battaient. Quelques-uns, si. Mais la majeure partie d'entre eux n'aspirait qu'à une chose. La libération.
— C'est facile à dire quand le caporal a donné à tout le monde l'ordre de mourir pour toi. Mais quand ce n'est pas le cas, tu es en droit de te chier dessus, s'éleva une voix masculine et rauque dont il ne parvint à identifier le propriétaire. Et nous faire un beau discours quand tu sais que, toi, tu rentreras à la maison c'est se foutre de notre gueule.
Eren ainsi que tous ceux assis à sa table se raidirent. Il ne savait ce qui le touchait le plus : la vision qu'avaient ses frères et sœurs d'arme de lui ou le fait que cette vision n'était pas erronée. Il était l'espoir de l'Humanité, il ne pouvait pas mourir. Tandis qu'eux, les soldats dont nul ne connaissait le nom à part une douce famille les attendant chez eux, n'étaient perçus que comme la viande nourrissant des titans le temps que lui et les autres personnages célèbres fassent de grandes découvertes.
Balayant l'assistance qui approuvait cette dernière intervention du regard, il tenta d'identifier celui qui avait parlé. Il ne voulait pas le réprimander. Loin de là. Son seul souhait était de le regarder, savoir à quoi il ressemblait et ne jamais l'oublier. Car, s'il s'éteint, qui le fera ? songea-t-il.
Voyant que l'homme ne comptait pas se montrer, il prit de nouveau la parole. Peut-être qu'au détour d'une phrase, il parviendrait à le pousser à parler de nouveau. Il le fallait. Il était hors de question que cette personne périsse, dans cette bataille ou une autre, sans qu'il ne retienne ses traits.
Alors, il s'éclaircit de nouveau la gorge.
— Tu n'as pas tort. Je suis mal venu de vous faire ce genre de discours, déclara-t-il fermement. Mais, si cela peut te rassurer, qui que tu sois, je ne compte pas vous laisser mourir pour moi sans en faire de même pour vous. Sous forme de titan ou d'humain, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous ramener à...
Une main agrippant fermement et violemment son bras l'interrompit soudainement. Surpris, il n'opposa aucune forme de résistance lorsque son corps fut trainé en direction de la porte donnant sur le couloir, le forçant à buter dans sa chaise au passage. Il se contenta de suivre maladroitement son propriétaire qu'il ne voyait pas —mais, vu la violence de ses gestes, il soupçonna fortement Levi.
Ils arrivèrent à la porte si vite qu'il n'eut pas le temps de se tourner pour regarder la personne qui le manipulait de la sorte. Et, lorsqu'il tenta enfin de tourner la tête, celle-ci le propulsa sans ménagement sur le sol, quelques mètres plus loin.
Le choc fut douloureux. Par réflexe, il tendit ses mains devant lui mais le fit trop tardivement, ses bras vinrent claquer les pierres dans un bruit sonore puis son menton suivit. Ses dents se cognèrent brutalement entre elles et, avant même que le reste de son corps ne se retrouve au sol, il sentit un goût métallique se répandre dans sa bouche. Du sang.
Surpris, il mit néanmoins quelques secondes avant de se retourner vers son assaillant. Ce dernier, paré de la cape vert émeraude des bataillons, se tenait debout à côté d'une torche accrochée au mur. Les flammes de celles-ci projetaient une lueur ondoyante et terrifiante sur son visage, conférant à ses yeux déjà profonds une puissance tétanisante.
Elle avait revêtu l'étoffe faite pour l'hiver, celle qui descendait jusqu'aux cheville et couvrait donc tout le corps. Seul son visage était visible —elle avait laissé sa capuche sur ses épaules. Et il connaissait bien ces traits. Il s'agissait d'Emeraude.
Il balbutia quelques onomatopées incompréhensibles, trop sonné par ce qu'il venait de se produire pour laisser s'échapper quelque chose de clair et distinct entre ses lèvres. Quand il ouvrit celles-ci, un filet de sang s'en échappa. Pourquoi ? fut le seul mot qui lui vint à l'esprit.
Il ne connaissait pas cette femme, ne savait comment la considérer. Une soldate ou une civile, une amie ou une ennemie, une alliée ou une possible traitresse. Il ne le savait pas. Autour de lui, les avis étaient mitigés.
S'il avait parlé de la jeune femme à tous —de la même manière qu'il avait présenté le reste des soldats importants à ses compagnons— il n'avait confié ses craintes qu'à une poignée de personnes. Ses deux plus proches amis, Mikasa et Armin, lui avaient sérieusement recommandé de ne pas s'en approcher. Selon eux, il devait y avoir une raison pour laquelle le caporal et le major la maintenait éloignée des autres.
Seulement ces derniers, en remarquant un jour l'embarras qu'avait ressenti le garçon lorsqu'ils lui avaient demandé de transmettre leurs instructions à la jeune femme, avaient eu un discours tout autre. Selon Erwin, sa peur des titans n'influerait en aucun cas sur ses jugements et il n'avait donc pas à craindre qu'elle essaye d'intenter à sa vie. Levi, lui, s'était montré plus concis, se contentant de dire qu'il lui faisait confiance. Et cela avait alors suffit au garçon qui savait que le noiraud n'accordait pas une telle chose à quiconque.
Ce sentiment n'avait été qu'accrue par la fois où, lorsqu'il s'était transformé par mégarde, elle lui avait tout bonnement sauvé la vie d'un tir précis de flèches. A vrai dire, ce jour-là, il n'y avait pas que sa mort à lui qu'elle avait empêché.
Mais aujourd'hui, toutes ces réflexions quant aux bonnes intentions d'Emeraude lui semblèrent soudain bien stupides. Si sa mâchoire ne lui faisait pas à ce point mal, il en aurait sans doute ri. Il se contenta donc de regarder la jeune femme qui s'avançait lentement, posant sur lui un regard des plus sévères.
— Comment oses-tu ? furent ses premiers mots.
Aucune expression ne déformait ses traits ni émotions ne modifiaient sa voix. Elle semblait calme. Pourtant il le savait, elle bouillait de l'intérieur.
Perplexe, il ne répondit pas. Oser quoi ? se demanda-t-il en se crispant un peu plus à mesure qu'elle s'approchait. Il s'était redressé sur ses paumes mais craignait que, en arrivant à sa hauteur, elle ne l'oblige à se rallonger d'un coup de bottes. Il ne savait pourquoi mais ne souhaitait pas forcément tenter un corps à corps avec elle.
Seulement, lorsqu'elle parvint à sa hauteur, ce qu'elle fit fut bien différent. Soit, elle s'arrêta. Mais elle ne le frappa pas.
— Lève-toi et réponds.
Il ne savait qui elle était. Lorsqu'il la croisait dans les cuisines, généralement en train de récurer le plan de travail, il la considérait comme une servante, une personne hiérarchiquement inférieure. Seulement, lorsqu'il voyait le soir avec quelle facilité elle maniait le système tridimensionnel, il ne pouvait s'empêcher de voir en elle un soldat. Une égale, donc.
Mais là, usant d'une voix ferme mais dénuée d'émotions, marchant le menton relevé et ne semblant pas le moins du monde craindre le fait qu'il était armé et pas elle, elle agissait en supérieur. Elle avait tellement confiance en ses gestes qu'il se dit, le temps d'un instant, qu'elle était peut-être même chef d'escouade. Impossible. Le caporal ne lui assignerait pas de telles tâches, se coupa-t-il aussitôt.
Il songea alors à la façon qu'avait ce dernier d'être sur la défensive quand on prononçait son nom. Il se souvenait du soir où, pensant être seul avec Eren et Reiner dans un couloir, Jean avait déclaré en regardant Emeraude manier son système tridimensionnel qu'il aurait apprécié qu'elle leur présente un autre type de spectacle nocturne.
Levi était alors apparu comme par enchantement, une expression indéchiffrable plaqué sur ses traits. Pourtant, ils avaient rapidement compris qu'il était agacé et que les remarques sur la jeune femme étaient donc à proscrire quand il leur avait ensuite assigné les tâches ménagères de celle-ci à faire dans les heures suivantes.
Entre ça et le fait qu'elle fasse partie des rares personnes à qui il fait confiance, elle est sans doute une de ses proches, songea-t-il en essayant de mettre fin au mystère qu'elle représentait. Il balaya bien vite l'hypothèse de la petite sœur : ils ne se ressemblaient absolument pas. Lui vint ensuite une autre qui le surprit lui-même. On l'a jamais envisagé mais, vu qu'il ne tolère pas ce genre de phrase, il est possible qu'il soit simplement son ama...
— Je t'ai demandé de répondre, le coupa-t-elle brusquement dans ses pensées. Comment oses-tu te permettre de leur mentir de la sorte ?
Là, il abandonna ses profondes réflexions. Elle avait attiré son attention avec ces derniers mots. Et, même si elle le lui avait demandé, elle ne lui laissa pas le temps de répondre.
— Si seulement c'était vrai, murmura-t-elle en plongeant ses yeux profonds dans les siens, le tétanisant. Si seulement tu étais capable de mourir pour les protéger.
Il sortit subitement de l'état de léthargie dans lequel il était plongé depuis quelques minutes maintenant et bondit sur ses pieds, ses sourcils se fronçant férocement au passage.
— C'est le cas ! répondit-il, sur la défensive.
Il serrait les poings, furieux qu'elle ait osé insinuer qu'il était prêt à sacrifier des soldats tandis que, elle, elle conservait des traits détendus, peu préoccupée par ses états d'âmes. Elle s'autorisa même un rire sarcastique. Elle n'en croyait pas un mot.
Commençant à faire les cent pas autour de lui, elle garda le silence durant quelques secondes tandis qu'il ne cessait pas de la regarder durement. Puis elle s'arrêta dos à lui et, les mains jointes dans son dos où trônait le sigle des bataillons d'exploration, poussa un soupir las.
— Je ne te fais pas confiance, Eren. Un soldat digne de ce nom ne laisserait pas d'autres mourir pour lui. Et il ne prétendrait pas non plus être prêt à faire de même simplement pour se donner une bonne image.
Abasourdi, il regarda l'étoffe verte de la cape un moment, assimilant les mots qu'elle avait prononcé. Ceux-là étaient rudes à entendre. En l'espace de quelques secondes, elle l'avait traité de menteur, l'avait dit indigne de son uniforme et avait ouvertement remis en cause ses motivations. Elle me voit réellement comme ça ? se demanda-t-il en fixant la façon qu'elle avait de lever le menton même si elle était dos à lui.
Eberlué, il mit quelques secondes avant de trouver quelque chose à répondre.
— Ils ne meurent pas pour moi mais pour l'Humanité ! tenta-t-il maladroitement d'une voix fébrile.
— Ils SONT l'Humanité ! rugit-elle en se retournant d'un mouvement vif, emportant sa cape avec elle.
Elle avait haussé le ton. Très fort. Après ce cri, tout ne fut plus que silence aux alentours. Les soldats dans le réfectoire ne riaient plus, les oiseaux aux alentours ne chantaient plus et même le temps semblait être en suspens. En une phrase, elle avait rompu quelque chose. Une sorte d'accord tacite et odieux qu'Eren et les hauts placés avaient passé avec la population.
Cette façon de traiter les membres des bataillons d'exploration, de s'accorder implicitement pour les envoyer à l'abattoir était déshumanisante. Nul ne se souvenait de leurs noms ou visages. D'eux ne restaient que des insultes proférées à l'encontre de leur cadavre par des villageois furieux de payer des impôts qui, finalement, ne faisaient que « financer leur décès ». Et ce dernier semblait, depuis l'arrivée du titan, presque planifié.
— Tu t'en souviens, rassures-moi, du fait qu'ils sont aussi humains ? demanda-t-elle plus bas mais d'une voix toute aussi rude. Ou l'as-tu déjà oublié sous prétexte que, selon le schéma que toi et le gouvernement avez fait, ta vie vaut plus que la leur ?
Il ne répondit pas. Il ne pouvait pas. Elle avait raison. Je ne peux pas lever la tête, la regarder droit dans les yeux et lui dire que je ne pense pas que ce soit le cas. Car la vérité est que ce qu'elle vient de dire est, pour moi, un fait. Je peux faire avancer la science et la lutte contre les titans. Il s'en voulait de penser ainsi mais savait qu'il n'était pas le seul.
Il ne se trouvait pas égoïste. Emeraude l'était.
— Tu serais prête à laisser mourir la population pour sauver tes proches, lâcha-t-il sans oser la regarder, terrifié par son regard.
Il entendit un rire. Court. Moqueur.
— Evidemment.
Il haussa brutalement la tête. Il ne s'était pas attendu à cette réponse. Les soldats du bataillon voulaient toujours servir l'humanité. Et, là, il réalisa qu'elle n'était décidément pas l'une des leurs.
— Entre des villageois qui cracheraient sur la dépouille de mes amis et mes amis qui sont prêts à donner leur vie pour les autres, le choix est vite vu, dit-elle simplement d'un air sombre.
Eren sentit son sang bouillir dans ses veines. Elle lui reprochait de se montrer égoïste mais était exactement pareil. Même pire car elle se permettait de prendre la parole mais pas les armes.
— Un vrai soldat ne dirait jamais une chose pareille ! Et d'ailleurs, tu n'en es pas un ! Comment oses-tu me faire la morale alors que tu ne te bas même pas !? rugit-il en serrant davantage les points, tentant de s'empêcher de faire une énorme bêtise.
Elle ne sembla pas le moins du monde impressionnée. De nouveau, elle lâcha un rire condescendant, ne faisant qu'accroitre sa rage.
Il n'était pas du genre violent. Mais ce genre de discours ne faisait que lui rappeler comment sa mère était morte. Les soldats ne l'avaient pas protégée, elle avait été dévorée sous ses yeux et nul n'avait rien fait pour l'aider. Pourtant, elle respectait profondément les bataillons. Elle méritait qu'on la sauve et rien n'avait été fait.
— Fais-le, dit-elle simplement.
Il savait de quoi elle parlait et ne se fit pas prier, ne parvenant à se contenir davantage.
Avec un hurlement de rage, il fondit sur elle en levant sa main qu'il abattit à hauteur de son cou pour l'immobiliser. Là, tout se passa très vite.
Lorsque son bras fendit l'air, elle abattit le sien dans son articulation, le forçant à le plier par réflexe. Il se prit alors sa propre main dans le visage tandis que, s'aidant de sa première prise, elle saisit son épaule avec la deuxième et fit basculer son corps par-dessus le sien, le propulsant au sol.
Son dos cogna les dalles de pierre en lui arrachant un grognement de douleur. Essoufflé par ce simple geste, il ne tenta pas de se relever. Sa vision se dédoubla durant quelques instants, l'impact l'ayant sonné et un sifflement teinta soudain dans son oreille. Elle n'y était pas allée de main morte.
Jamais il n'avait eu un adversaire capable de le maitriser si facilement. Pas même Annie. Il n'avait pas tenté de se battre contre Mikasa ou Levi et se doutait qu'ils étaient encore plus doués. Néanmoins, il était tout de même impressionné.
Puis, comme étouffé, le son de la voix d'Emeraude lui parvint alors.
— Ramène-les à la maison. C'est tout ce que je te demande.
Il la sentit alors partir et ne tenta rien pour la rattraper.
Il savait de qui elle parlait. Erd, Auruo, Petra, Gunther et, même si elle ne l'avouerait pas, Levi. Cela se voyait qu'elle tenait à eux tous. Seule, un voile couvrait ses yeux tandis que, en leur compagnie, elle passait le plus clair de son temps à rire aux éclats. Aussi il comprenait mieux leur discussion plus que tendue. Elle avait peur.
Quelques secondes passèrent et son ouïe redevint normale. Il entendit alors des bruits de pas et aperçut du coin de l'œil une paire de bottes. Nauséeux, il ne parvint à bouger la tête pour regarder au-dessus de lui et voir qui était le nouveau venu. Ce doit être Armin ou Mikasa, se dit-il, encore un peu sonné par l'impact.
Embarrassé par la position dans laquelle il était, il voulut détendre l'atmosphère. Fermant les yeux afin de reprendre ses esprits, il déclara simplement à l'intention du nouveau venu qui n'avait pas bougé :
— Le major aurait dû l'inclure dans la mission. Elle est redoutable.
La personne à côté de lui ne bougea pas ni n'esquissa le moindre geste pour l'aider à se relever. Il y eut un bref silence.
— Je le sais. Mais le problème est que, si nous l'avions laissée y prendre part...
Eren écarquilla subitement les yeux en entendant cette voix grave et puissante. Le nouveau venu n'était absolument pas un de ses amis.
— ...tu n'en serais pas sorti vivant.
Il s'agissait de nul autre que Levi Ackerman.
— Elle aurait préféré te tuer que de les voir mourir.
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