𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟓


𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS
















             Avec un soupir de soulagement, Emeraude envoya les bûches qu’elle portait à bout de bras dans la caisse de métal noire prévue pour les réserves. Une semaine la séparait de leur prochaine mission et trois de son arrivée à la base du bataillon. Bientôt, cela ferait un mois qu’elle avait intégré ce corps d’armée et elle pouvait étonnamment assurer s’y être bien intégrée.

             Aujourd’hui, la mission donnée par le caporal Levi aux nouvelles recrues ainsi qu’à sa propre escouade tactique était simple : s’assurer des réserves en bois, eau, nourriture et tissus pour l’excursion à venir. Ainsi, depuis le début de l’après-midi, les soldats n’avaient de cesse de faire des allers-retours, non sans quelques protestations.

— Sérieusement, cracha Jean en imitant le geste de son amie et lançant les bouts de bois dans la caisse sombre, la mission va durer une demi-journée, tu veux me dire l’utilité de faire des réserves comme si on allait y passer la nuit.

             La jeune femme soupira à son tour en s’adossant au mur de pierres apparentes constituant la salle commune. Celle-ci était adjacente au réfectoire, utilisée exclusivement par les nouvelles recrues —le restant des soldats passant généralement leur temps dans la cour— et pourvue d’une cheminée à côté de laquelle devait être entreposées les bûches ramassées pour alimenter le foyer qui servait à l’allumage des centaines de torches accrochées dans le couloir.

             Seulement la caisse était assez grande pour contenir une personne de la taille d’Erd —ce qui équivalait, selon Ymir, à cinq Levi— et il s’agissait de la troisième qu’il venait de tirer de la réserve située au sous-sol tellement ils avaient réuni de bois. Et le châtain avait raison, ils n’auraient pas l’utilité de tous ce qu’ils réunissaient aujourd’hui lors de leur prochaine mission.

             Mais elle savait exactement ce que le noiraud avait derrière la tête.

— Il a réuni différentes équipes pour renforcer la cohésion dans les rangs, déclara-t-elle à mi-voix en fermant les paupières, fatiguée par ses incessants allers-retours. Edward m’a dit que c’était un exercice classique d’entrainement où il constituait des équipes et leur donnait un objectif semblant inutile afin que chacun de ses membres se poussent à surmonter leur agacement et l’accomplir.

             Le garçon, promenant son regard sur la vaste salle vide autour de lui, ne put s’empêcher de souligner un élément fondamental en haussant les sourcils :

— Ce qui fonctionne énormément étant donné que tu as semé Petra et Marcel, que je me suis disputé avec Eren avant de lâcher Erd, que Mikasa a abandonné Gunther et Christa pour chercher Eren et que Reiner, Marco et Sacha n’ont même pas commencé l’exercice à la même heure. Sans parler d’Ymir et Conny qui ont simplement disparu des radars.

             Entrouvrant légèrement les paupières, son interlocutrice tomba sur les étagères vitrées placées sur le mur lui faisant face. Dans ses étalages se trouvaient des médailles de bravoure taillée dans de l’émeraude et ayant appartenu à des soldats aujourd’hui décédés, des portraits peints d’anciens monarques et mêmes des sabres encore tâchés de sang humain —celui des titans s’effaçant en dense fumée au bout de quelques secondes.

             Entre celles-ci se trouvaient de droites armures datant de l’époque où les murs n’existaient pas et que l’assaillant des Hommes se résumaient aux Hommes.

— Je cherche le bois, Petra ramène des bassines d’eaux de la rivières et Marcel s’occupe de réparer les tissus troués des capes, et uniformes, dit-elle simplement. On a réparti les tâches mais contrairement à certains, on ne s’est pas disputés.

             Il fit mine d’être exaspéré, lâchant un long soupir sonore. Il savait pertinemment qu’elle parlait de lui car sa relation avec le titan était relativement tendue. Marco et celle qu’ils appelaient Emeraude depuis environ une semaine aimaient l’embêter en lui disant qu’il n’agissait de cette façon que parce que Mikasa s’intéressait au brun et non à lui.

             Le châtain, s’accroupissant afin de retourner avec l’aide d’un tisonnier les bûches brûlant dans la cheminée qui projetait ses lumières chatoyantes sur son visage allongé, décida de changer de sujet. Et, fidèle à lui-même, il prit l’initiative d’attaquer la jeune femme sur une thématique qu’elle jugeait agaçante.

             Et c’était précisément pour cette raison qu’il appréciait tellement s’entretenir de cela avec elle.

— Ton bourreau ne rôde pas dans les parages, en ce moment, souligna-t-il.

             Depuis le jour du combat l’ayant opposée au noiraud et où celui-ci l’avait battue à plat de couture, certains aimaient bien souligner sa défaite en utilisant ce surnom. Et elle détestait cela plus que tout. Même si elle s’était mieux débrouillée face à lui que n’importe qui, elle se sentait tout de même humiliée par ce qu’il s’était passé.

             Trente-six secondes. Du moment où elle avait attaqué le caporal à celui où il avait figé sa lame sur sa nuque, trente-six secondes seulement s’étaient écoulées.

— Je te signale que je peux te la couper les yeux fermés, répondit-elle simplement en glissant ses yeux sur le canapé en velours rouge situé devant la cheminée que Jean entretenait, juste derrière une table basse encore maculée des miettes de pain laissée par Sacha.

             La vérité sur l’absence des chefs d’escouade était que tous s’étaient enfermés dans leur bureau pour peaufiner les détails de l’excursion approchant et déléguant les commandes de leur escouade à des personnes de confiance. Levi, ayant embarqué Edward avec lui, se reposait sur Gunther. Mike, quant à lui, avait confié son poste à Nanaba, Hanji à Moblit et Dita à Gelgar. Ceci expliquait que le noiraud n’ait pas encore eu l’occasion d’en coller une à la brune à cause des reliefs de ses repas nocturnes et illicites visibles sur la table.

             Assez rapidement, les deux voleuses s’étaient rendues compte que le fait de s’accaparer des vivres ne gênait pas le caporal. En revanche, les saletés qu’elles laissaient en le faisant relevait à ses yeux d’un affront insupportable.

             Jean, aussitôt qu’il eut entendu la menace de la jeune femme, lâcha le tisonnier au sol qui émit un bruit sec et sonore avant de couvrir son entre-jambe dans un couinement plaintif qu’elle accueillit en levant les yeux au ciel. Les mâles et leurs parties, la seule histoire d’amour plus grande qu’Hanji et ses titans, soupira-t-elle intérieurement tandis qu’il dardait sur elle un regard agressif.

— T’as un gros problème, sérieux, cracha-t-il.

             Basculant sa tête en arrière pour que celle-ci s’appuie sur le mur et imite ainsi ses omoplates, Emeraude ferma de nouveau ses paupières. Elle savait qu’elle devait s’en aller rejoindre ses camarades à l’extérieure mais la chaleur insupportable du soleil tapant ne lui manquait pas le moins du monde.

             Alors, les bras croisés sur sa poitrine, elle esquissa un faible sourire moqueur avant de formuler une question qui, avant qu’elle ne rencontre Conny et ses interrogations profondes sur la vie, ne lui serait même pas venue à l’esprit.

— He…, interpella-t-elle le châtain à voix basse.

             Un bruit de métal à sa droite lui indiqua qu’il venait de ranger le tisonnier.

— Entre tes couilles et tes mains, tu sacrifierais quoi ?

             Mais il n’eut le temps de répondre.

— J’interromps quelque chose, peut-être ?

             Les bras encore croisés sur sa poitrine, la jeune femme se figea soudainement tandis que ses yeux s’ouvraient comme des soucoupes, écarquillés. A ses pieds, le corps de Jean eut la même réaction lorsqu’ils entendirent cette voix grave et puissante. Et, à la lueur du feu, le nouveau venu les vit nettement rougir plus vivement que le reflet des flammes.

             Quelques instants s’écoulèrent avant qu’ils ne se redressent d’un seul et même bond, se plantant l’un à côté de l’autre. Naturellement, leur poing droit vint se fermer à hauteur de leur cœur, frappant celui-ci à travers le cuir de leur veste d’uniforme tandis qu’ils rangeaient l’autre dans leur dos, levant le menton prestement comme le leur avait toujours précisé leur odieux instructeur de sa voix raillée.

             Puis, avec force et vigueur, ils annoncèrent en chœur le grade du soldat entrant afin de le saluer comme il se doit.

— Major Erwin Smith !

             Celui-ci s’attarda sur leur dos raide durant quelques instants, jaugeant la façon qu’avaient leur regard de fixer un point au-dessus de son crâne, évitant soigneusement ses prunelles bleus affutées par ses épais sourcils. Et, durant une poignée de secondes, il ne pipa mot.

             Keith, au moment où il lui avait transmis les rapports sur les différentes recrues intégrant le bataillon, s’était considérablement attardé sur ceux qu’il avait coutume d’appeler les diablotins. La « fausse gentillesse », Marco. La « bêtise incarnée », Conny. La « condescendance mal placée », Jean. La « surexcitation insupportable », Sacha. Et, pour finir, « un mobile compréhensible de meurtre », la Peste.

             Tous ces surnoms, le blond s’était bien gardé de les réutiliser, préférant les appeler par leurs noms ou, pour la dernière, surnom. Celui-ci n’avait émergé qu’une semaine auparavant. Après la visite de Levi à l’infirmerie, sans même qu’elle ne le comprenne personnellement, l’Extralucide avait demandé à se faire rebaptiser Emeraude.

             Elle avait expliqué à son frère qu’elle ne savait pas exactement pour quelle raison mais ces quelques syllabes la faisaient se sentir elle-même.

             Ainsi, Emeraude et ses plus proches amis avaient déjà su susciter l’intérêt d’Erwin —d’autant plus maintenant qu’il savait que le surnom dont elle avait affublé le caporal lors de leur première rencontre —Rumpletitskin— avait maintenant fait le tour des bataillons et qu’Hanji se plaisait à l’interpeller avec cette référence aux contes de leur enfance. Mais, plus les jours passaient, plus son attention s’en voyait renforcer.

             Car il y avait une forme d’insouciance parmi ce groupe qui le poussait à se remémorer avec nostalgie les premiers mois qu’avait passé Levi en supervisant sa première escouade dont Edward faisait partie. Malheureusement, ce dernier en était aujourd’hui le seul survivant. Mais il se plaisait à songer, en regardant cette jeune femme si semblable à son frère, à ces semaines brèves d’insouciance.

             Malgré la guerre et ce qu’ils avaient pu tous y voir, les nouvelles recrues avaient cette lueur dans le regard, cette envie d’aider leur prochain, ce besoin d’amener de l’espoir dans leur rang. Et celle-ci était si intense que le blond ne pouvait s’empêcher, chaque année, de l’admirer avec ferveur.

             Et il craignait le jour —car il arriverait, inévitablement— où elle s’effacerait complètement.

— Rompez.

             Aussitôt, leurs bras redescendirent le long de leur corps et un faible soupir fila entre leurs lèvres. Le regard que le major posait sur eux était intense et, n’imaginant pas une seule seconde que celui-ci ne faisait que réfléchir à l’avenir sombre leur étant réservé, ils craignaient qu’il ne fasse allusion à la question posée par Emeraude au moment où il était entré.

             Seulement l’homme n’y accorda pas réellement d’intérêt, ayant entendu nettement pire en entrant dans le laboratoire d’Hanji quand Edward s’y trouvait. Ces deux-là, s’ils n’étaient pas déjà les scientifiques de leur base, aurait assurément été les sujets d’expérience tant ils présentaient d’anomalies.

             Songeant d’ailleurs au blond, l’homme expliqua la raison de sa venue, non sans remarquer que ses deux interlocuteurs continuaient de fuir son regard :

— Je suspens l’exercice. Entrainez-vous au maniement du système tridimensionnel en forêt et avertissez vos camarades du changement de programme.

             Emeraude ne parvint à contenir un haussement de sourcil qu’il remarqua. En forêt ? se répéta-t-elle intérieurement. Alors que nous sommes censés ratisser Shiganshina pour trouver la clé que le père d’Eren avait promis de lui remettre juste avant sa disparition mais n’a jamais pu ? Elle déglutit péniblement. Quelque chose clochait dans les directives de ses supérieurs et ce, depuis quelques temps.

             Ses sourcils se froncèrent, Erwin le vit nettement. Son cœur rata un battement dans sa poitrine mais il soutint le regard particulièrement profond de la jeune femme. Même s’il tendait à l’apprécier étant donné son lien à Edward, il n’oubliait pas qu’elle en savait tout de même trop pour un soldat lambda.

             Et, si elle faisait partie des traitres qu’il savait être plusieurs, il ne fallait pas qu’elle soupçonne les véritables intentions derrière son plan. Or, face à ce regard interrogatif qu’elle dardait sur lui, oubliant soudainement ses craintes récentes lorsqu’il avait fait irruption, dans la salle, il ne put s’empêcher de douter.

             Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine tandis que Jean, remarquant la lueur surprise dans le regard de son supérieur, suivit celui-ci et tomba sur les traits agressifs de la femme à ses côtés. Haussant les sourcils, il s’attarda quelques instants sur son visage penché vers l’avant, les ombres déformant ses traits et ses prunelles, malgré l’inclinaison de sa tête, fixées sur le major.

             Il y avait une lueur de défi dans les yeux d’Emeraude. Et, face à ceux-là, le blond ne put s’empêcher de repenser à une phrase qu’il avait lui-même susurrer aux oreilles d’Eren, trois semaines auparavant.






Qui sont les véritables ennemis, d’après toi ?

 
















bon pas de levi et un erwin qui la soupçonne mais sinon oklm on est là 😃

nan plus sérieusement, la fameuse première excursion va arriver dans TRÈS PEU de temps...

des pronostics sur ce qu'il va se passer ?

(ah oui et même si c'est une fanfiction sur levi et que j'en parle pas trop, emeraude apprécie beaucoup petra)

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