𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS











             Une puissante odeur de crottin de cheval frappa de plein fouet la jeune femme lorsqu’elle pénétra les écuries. Celles-ci, situées à gauche du château en sortant de celui-ci, étaient déjà occupées par différents membres de sa brigade d’entrainement et de l’escouade tactique. En effet, en cette après-midi ensoleillée, tous y avaient été convoquées pour une mission particulière.

— J’ai tué une quarantaine de titans à moi seul et je me retrouve à devoir nettoyer de la merde avec les gamins fraichement débarqués, bougonna la voix d’Auruo au moment où la nouvelle venue glissait sur de la paille humide.

             Autour d’eux, les nombreux box où se trouvaient les bêtes étaient en ce jour vides. Un entrainement nécessitait l’intégralité des quelques chevaux vivant sur cette base au même moment. Le caporal en avait donc profité pour leur ordonner de laver de fond en comble les écuries.

             Balayant rapidement des yeux les espaces de bois peints en verre foncé afin de délimiter le lieu de vie de chaque cheval, elle poussa un soupir. Ils allaient avoir du pain sur la planche et, étant donné la puissante odeur, elle n’en était pas forcément ravie.

— Ta gueule, Auruo, maugréa-t-elle d’un air ennuyé en le dépassant pour rejoindre Petra qui discutait avec Marcel.

             Cela faisait deux semaines maintenant qu’ils avaient intégré le bataillon d’exploration et le moins qu’on pouvait dire était que l’Extralucide avait su prendre ses aises. De ses sorties nocturnes et illicites en compagnie de Sacha, Marco, Conny et Jean aux pauses en compagnie d’Ymir où celle-ci fumait —ce qui était interdit dans l’enceinte du château—, en passant par son comportement légèrement trop détendu avec les quatre membres de l’escouade tactique. Cependant, elle avait bien été forcée de se rapprocher d’eux étant donné que Levi ne comptait pas la lâcher d’une semelle lors de leur future mission.

             Ce dernier et elle n’étaient d’ailleurs pas de nouveau rentrés en contact depuis leur combat singulier. A vrai dire, après cette tumultueuse première matinée, une routine s’était installée dans sa vie, la rythmant de façon paisible jusqu’à la première expédition extra-muros.

             Le matin, elle se levait aux aurores, à l’instar de ses coéquipiers, et se lavait avant de prendre son petit-déjeuner en même temps que le restant des troupes dans le vaste réfectoire. Si dans les premiers jours, les membres de la 104ème brigade avaient pris l’habitude de s’assoir ensemble pour se faire, les remontrances répétées d’Edward qui ne souhaitait pas quitter Erd, Gunther, Petra et Auruo mais voulait manger avec sa petite-sœur les avait poussés à former un seul et même groupe.

             Les entrainements des nouvelles recrues débutaient alors, supervisés par l’escouade tactique. D’ordinaire, Levi aurait dû être celui s’en occupant mais il n’avait pas fait surface depuis le premier jour, planifiant selon son frère la future expédition ainsi qu’une expérience qui aurait lieu le lendemain mais dont elle n’avait pas pu obtenir grandes informations. A l’exception du fait qu’Eren en serait un acteur important.

             Le déjeuner se déroulait de la même façon que le diner et l’après-midi était généralement consacrée aux entrainements en forêt qui revêtaient un caractère très particulier en compagnie d’Edward. En effet, celui-ci passant le plus clair de son temps à se moquer d’Auruo, l’allure stricte et sérieuse qu’auraient dû revêtir de tels moments perdait de sa splendeur.

             Et la jeune femme comprenait quelque peu la raison pour laquelle une personne si ancienne et respectée n’avait pas encore son escouade. Car l’organisation de celle-ci relèverait alors d’un cirque et non de l’armée.

— De quel droit tu t’adresses à moi sur ce ton, la morveuse ! résonna la voix d’Auruo derrière elle tandis qu’elle s’arrêtait à hauteur de Petra.

             La rousse lui offrit un doux sourire en guise de salutation auquel la jeune femme répondit. Elle appréciait cette soldate qui lui rappelait Marco et Christa dans sa grande douceur. Il y avait quelque chose en elle de familier. Elle était le portait d’une sœur aimante et agréable.

             Marcel, de son côté, eut un sourire moqueur à l’intention du blond cendré avant de porter son index et majeur collés entre eux jusqu’à sa tempe et saluer la jeune femme d’un geste sec qu’elle lui rendit. Même s’ils n’avaient pas forcément plus d’affinités que les autres, il y avait quelques petites manies n’existant qu’entre eux qui poussaient leurs camarades à les penser proches.

             A vrai dire, la femme aurait apprécié se rapprocher de ce garçon discret mais si à l’écoute des autres. Elle ne savait exactement de quand datait leur première rencontre mais elle se souvenait que, depuis toujours, il lui provoquait la sensation d’être un pilier sur lequel tous pouvaient compter.

             Pourtant, à l’instar de Reiner, Mikasa, Ymir ou même Annie, jamais il n’avait accepté de la laisser trop s’approcher de lui. Mais elle ne s’en formalisait pas. Certaines personnes n’aiment pas tisser des liens, ouvrir leur cœur. Et, ironiquement, elle en faisait d’ailleurs ordinairement partie.

             Mais il y avait une forme d’attrait chez elle pour le garçon. Non pas un désir physique pouvant s’apparenter à de l’amour ou tout autre sentiment en voie de le devenir. Non. C’était radicalement différent. Son corps semblait appelé par celui de Marcel. Comme si une partie d’elle-même savait qu’il renfermait bien des réponses.

             Cependant, cela demeurait différent de ce qui naissait si intensément en elle lorsqu’elle rencontrait Levi. A vrai dire, cela n’avait même strictement rien à voir. Il n’y avait point d’émotions ou de sentiments avec Marcel, pas de feu ardent ou même d’intenses battements de cœur.

             Il ne s’agissait ni plus ni moins d’un appel. Quelque chose en elle qui lui dictait de se rapprocher de lui.

             Mais il l’avait deviné et c’était d’ailleurs pour cette exacte raison qu’il s’évertuait de maintenir des distances entre elle et lui. Le sixième sens de la jeune femme était bien trop affuté et il se refusait à la laisser lire en lui comme dans un livre ouvert. Il tenait à préserver un peu d’intimité.

             Alors, même s’il appréciait son franc-parler, il émettait des réserves quant à l’idée de devenir son ami.

— Donc Rumplestitskin va se la couler douce en forêt avec Edward pendant que nous ont doit patauger dans la merde, génial, résonna soudain la voix d’Ymir avec intensité dans l’espace étroit.

             La plupart acquiescèrent mollement à cette déclaration, aussi peu emballés qu’elle à l’idée de manipuler des matières fécales, qu’importe le fait qu’ils se serviraient d’outils pour le faire et ne prendrait pas cela à pleine main —encore heureux, songea d’ailleurs la jeune femme à cette idée. Car la simple puissante odeur l’écœurait durant sa période de digestion.

             Ymir se tenait face au trio, juste devant Auruo qui s’était détourné de l’Extralucide et continuait de parler dans le vide, n’ayant toujours pas compris que Sacha ne l’écoutait pas le moins du monde, son esprit accaparé par les propos de Jean qui lui avait promis durant le déjeuner de voler avec elle de la viande la nuit-même afin qu’elle lâche son plat.

             Celui-ci discutait d’ailleurs présentement de sa promesse avec Conny, Marco et Erd, un peu préoccupé par le fait qu’elle n’oublierait sûrement pas ses mots. Et, tandis qu’ils essayaient de le réconforter, Mikasa, Eren et Gunther situés derrière eux dans un box servant à entasser les outils ménagers s’apprêtaient à sortir ceux-là.

             Christa n’était pas encore arrivée. Reiner non plus. Eux deux et l’Extralucide avaient été chargés de corvées de vaisselle mais la jeune femme, après avoir reçue les instructions de caporal par un soldat nommé Moblit, s’en était allée prévenir ses camarades en pestant que le noiraud n’était pas fichu de lever les menaces à son encontre ainsi que son statut de personne suspectée de trahison mais se sentait tout à fait à l’aise à l’idée de lui envoyer récurer des déjections.

             Elle en fulminait encore. Il avait tenu à ce qu’elle soit celle avertie. Le restant de la semaine, chaque fois qu’un exercice particulier devait être exécuté en forêt, Gunther était celui qu’on prévenait. Et, aujourd’hui qu’ils devaient se coltiner une tâche ingrate, il la désignait comme porte-parole de celui-ci.

             Le message était assez clair. L’analogie faite par le caporal entre elle et ce qu’elle devrait nettoyer aussi.

— Une minute…, retentit la voix d’Ymir, attirant l’attention de tous.

             Ses yeux, s’écarquillant au-dessus de son nez retroussé, semblèrent comprendre quelque chose et elle abattit soudain un doigt accusateur en direction de l’Extralucide qui ne put retenir un haussement de sourcil.

             Et celui-ci se vit bientôt accompagné d’un sourire partagé entre la culpabilité et l’amusement narquois.

— Tu as laissé monsieur bourrin et Christa ensemble ?

             Il y eut un bref moment de flottement. Tous avaient compris. Après tout, il fallait être aveugle pour ne pas remarquer l’intérêt plus que poussé qu’Ymir vouait à la blonde.

— Seuls ?

             Le rictus enfantin de son interlocutrice sembla déplaire à la noiraude qui fronça soudain les sourcils d’un air réprobateur. La relation entre ces deux-là était assez énigmatique. Nul ne pouvait dire si elles s’adoraient ou se détestaient. Sans doute les deux. Deux fortes personnalités féminines dans un monde sexiste. Cela ne pouvait se muer qu’en une admiration profonde ou une rivalité venimeuse.

             Et les deux semblaient cohabiter dans leurs liens.

             Soudain, cinq doigts musclés par la manœuvre intensive du système tridimensionnel vinrent s’emparer de l’articulation de son oreille, broyant celle-ci par mégarde au passage. Ses réflexes poussèrent la jeune femme à se pencher vers la main d’Ymir s’étant emparer de son membre en lâchant un couinement de douleur. Elle savait que la brune ne pensait pas à mal et ne maitrisait simplement pas forcément bien sa puissance quasiment inhumaine mais son geste était bien peu agréable.

             Une brûlure dense se répandit dans son organe sous la prise des phalanges de la jeune femme qui faillit se desserrer mais, lorsque Petra ordonna à la soldate d’arrêter, ne devinrent que plus forts. Un rire nerveux franchit les lèvres de l’Extralucide tandis qu’elle observait rapidement le spectacle sous ses yeux.

             Les jambes posées et non plantées dans le sol, un bras libre mais non bandé s’échouant le long de son corps détendu, elle n’était pas dans une position prête à recevoir une quelconque attaque. Ce qui signifiait que la prendre par surprise serait chose aisée. Mais il ne fallait pas qu’Ymir, les yeux pourtant posés sur elle, ne voit le coup venir.

             Plusieurs stratégies étaient envisageables et il lui fallait opter pour la moins douloureuse, voulant sauver sa fierté sans faire mal à son interlocutrice. Mais elle n’eut le temps d’y penser bien longtemps, interrompu par quelqu’un qu’elle n’avait pas entendu depuis un certain temps.

— …oi…

             Son cœur rata un battement dans sa poitrine et elle sentit un frisson parcourir son échine. Elle savait qu’elle ne l’avait pas inventé. Son corps s’immobilisa brutalement, aux aguets. Elle était là. Etouffée mais présente.

La voix.

— i…a…

             Ses mains devinrent moites tandis qu’elle tendait l’oreille, désireuse d’en savoir plus. Cette entité dans sa tête ne se manifestait que de façon aléatoire et il arrivait que dans des moments comme aujourd’hui, sa voix semble étouffée et venue d’un autre monde.

             Alors, ses informations étant toujours des mines précieuses, elle faisait de son mieux pour les saisir à chaque fois.

— Ils…a…el…é…eu…a…i…

             Elle répétait la même phrase en boucle accompagnée d’une autre qui se voyait complètement engloutie par une sorte de bouclier aspirant les sons. Une brume dense avait pris possession de son esprit, engourdissant ses sens. Elle ferma les yeux de toutes ses forces, comme pour mieux se concentrer. Elle savait que c’était important.

             Malgré le silence engloutissant sa voix, celle-ci hurlait.

— IL Y…

             Un battement de cœur la prit, plus intense que les autres. L’entité hurlait encore plus fort mais elle la sentait partir. La tonalité n’avait de cesse de faiblir. Les nuages de torpeur dans son crâne la couvraient.

— …TRAITRES…

             Et, comme un éclair de lucidité, une seule et unique phrase de son discours la frappa soudain. Claire. Distincte. Primordiale.

             Elle dut faire de son mieux pour prétendre n’avoir rien entendu. Car sa signification n’était pas des moindres et résonna d’ailleurs durant de longs instants dans sa boite crânienne malgré le fait que la voix s’en était allée maintenant. Ses paupières battirent quelques instants, chassant la peur visible sous elle.

             Un frisson la prit et elle répéta ses dires de sorte à ce que nul, pas même Ymir, ne les entendent.




— Il y a trois traitres.

 




hey

je suis désolée de ne pas avoir pu poster hier, les partiels me submergent vraiment donc je n'ai pas le temps d'écrire des chapitres

à partir de maintenant je vais devoir ralentir la cadence et en publier tous les deux jours, je suis vraiment désolée

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