𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝐎

𖤓

ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
MARTYRS












             Le doux chant des oiseaux s'élevait en spasmes aigues depuis l'extérieur. Cette tendre musique apaisante prenait place dans un décor aux allures paradisiaques, un soleil éclatant brillant dans le ciel et projetant ses rayons avec intensité au travers de la fenêtre de la cuisine où deux personnes se trouvaient.

             A l'instar de chaque jour à partir de celui-ci, la jeune femme allait devoir s'entrainer en groupes dans la cour du château. La matinée avait pourtant déjà bien progressé ce qui n'était pas habituel compte tenu du fait que les soldats devaient débuter leurs entrainements dès l'aube. Mais un ordre du caporal-chef Levi Ackerman avait circulé : tout une aile du château longtemps inhabitée n'avait pas pu être nettoyée par l'escouade tactique avant l'arrivée du restant des troupes donc les nouvelles recrues avaient pour ordre d'y remédier.

             Alors, après de grandes crises de fous rires avec Jean, Conny, Sacha et Ymir qui se plaisaient déjà à faire des remarques sur la taille du noiraud, tous étaient venus à bout de ce ménage particulièrement intensif. Puis —toujours sur ordre de l'homme— ils avaient dû se servir de larges bassines posées le matin-même dans leur chambre afin de se nettoyer, usant d'une brosse rude et d'une eau particulièrement froide.

             Celle-ci —en plus des actions folles qu'avaient requiert le nettoyage de l'aile— avait au moins eu le mérite de réveiller comme il se devait la jeune femme avant son entrainement. Et, alors qu'elle venait tout juste de s'habiller et discutait avec Sacha de l'endroit où se trouvaient les cuisines —n'ayant toujours pas pour objectif d'arrêter de voler de la nourriture—, son fraternel avait fait irruption dans sa chambre, une main plaquée sur les yeux par peur de découvrir Ymir, Christa, Sacha, sa sœur ou même Mikasa dans leur plus simple appareil, puis il avait demandé à l'innomée de le suivre.

             Ils ne disposeraient que de très peu de temps, les entrainements devant officiellement débuter lorsqu'Erwin arriverait à la base. L'homme restait d'ordinaire dans la base de Trost chaque jour -les chefs d'escouade étant les seuls devant superviser au plus près les évènements, lui s'occupait des futures missions et sa présence parmi les soldats n'était pas une obligation. Cependant le blond souhaitait, après avoir parcouru bien des rapports sur la 104ème brigade d'entrainement étant donné qu'Eren et l'Extralucide avaient attiré son attention, voir les premiers pas de celle-ci aux côtés de guerriers expérimentés.

             A vrai dire, ce duo n'était pas le seul l'intéressant. Dans chacun des écrits de Keith Sardith sur leurs compétences, il était facile de retrouver des profils aussi différents que complémentaires. Tant et si bien que, pour la première fois depuis des années, le major s'était dit que cette brigade d'entrainement formerait sans doute une escouade à part entière plus tard. Et, étant donné que les promotions étaient normalement scindées dans différents groupes en fonction des compétences de leurs membres, il était rare que le blond veuille garder une classe intacte et non y apporter quelques modifications.

             Mais la réalité était là, ils étaient incroyablement complémentaires. Et, sans l'interruption des combats provoquées par l'arrivée d'Eren sous sa forme titanesque, les différents chefs d'escouade arrivés en renforts auraient sûrement pu voir de leurs propres yeux la force d'une telle équipe.

             Il fonctionnait comme une armée à part entière.

             Tout d'abord, il y avait les assaillants. Ceux dont la technique développée formait l'épée aiguisée par laquelle ils se battaient si ardemment bien. La base offensive du groupe. Composée de la brutale colère d'Eren, la force retenue de Mikasa, la violence cathartique de Reiner, la rage accumulée d'Ymir et le désir de vaincre de Jean. Eux-mêmes tous différents dans leur façon de se battre, ils n'en demeuraient pas moins de puissants éléments situés au premier front.

             Venaient ensuite les boucliers. Des armures solides formées par un simple besoin de protéger les leurs, une façon de se mouvoir qui ne privilégiait non pas l'anéantissement de l'ennemi —comme le faisaient les premiers— mais bel et bien la survie de leur allié. La douceur frappante de Marco, la rapidité efficace de Conny, les sens alertés de Christa et l'instinct fraternel de Marcel faisaient de cette partie du groupe une force défensive développée. Sans eux, bien des soldats n'auraient jamais survécu à l'entrainement. Et surtout, s'il n'existait pas dans l'armée des personnes présentes pour protéger les leurs et non détruire les autres, celle-ci aurait succombé à l'anarchie depuis fort longtemps.

             Finalement, les omniprésents. Le cerveau. Les fins stratèges ou, plutôt, les plus à mêmes de prendre des décisions en de dures périodes du fait de leur instinct quasiment infaillible. Le flair de Sacha ayant grandi avec des chasseurs et les capacités frisant le surnaturel de l'Extralucide. Des éléments rares que l'on ne trouvait généralement qu'une fois toutes les décennies et qui faisait de cette promotion —qui en contenait deux— un véritable puit de ressources précieuses.

             Mais, quand bien même certains pensaient qu'il serait utile d'affecter les deux femmes à deux escouades différentes afin qu'un maximum de personnes puisse profiter de leur sixième sens, Erwin ne comptait pas suivre leur avis. Ou plutôt, souhaitait assister à leur premier entrainement avant de décider quoi faire.

             Cependant, plus les rapports sur la 104ème brigade filaient dans son esprit, plus il réalisait que modifier sa composition serait une erreur et entraverait la réussite de leurs opérations. Les années passées main dans la main face à la mort les avaient déjà considérablement soudés et, même si ces liens pouvaient être recrées avec d'autres, il avait la nette impression qu'ils ne seraient jamais assez forts pour rivaliser.

             Surtout que, dans le cadre de l'élément le plus énigmatique —l'Extralucide— tous ceux ayant étudié son cas de près sous les demandes du major s'étaient accordés sur un point. Qu'il s'agisse du flair aiguisé de Mike, du lien étroit qu'Edward entretenait avec la concernée, du regard scientifique d'Hanji ou même de l'habitude qu'avait Levi des cas difficiles, tous avaient pressenti que jamais elle ne s'intègrerait dans le moindre groupe à l'exception de celui qu'elle avait aujourd'hui.

             Et si cette femme décidait d'agir en solitaire durant des opérations en faisant passer ses intérêts personnels devant ceux de tous, les conséquences seraient graves.

— Tu voulais me parler, résonna soudain la voix de la jeune femme, attirant l'attention de son frère qui songeait au fait que ses deux plus proches camarades avaient des comportements bien différents.

             En effet, tandis qu'Erwin agissait comme s'il comptait de toute façon intégrer sa sœur dans l'armée, le noiraud ne cessait de parler d'elle en traitresse qui pousserait tôt ou tard son dernier soupir. Et ce, surement de sa main.

             Mais Edward tenta de ne pas s'attarder plus longtemps dessus, la jeune femme venant tout juste de l'interpeller après de longs instants de flottement. Le major n'allait pas tarder à venir donc ils devraient clore rapidement cette conversation.

             Seulement il n'avait aucune idée de comment la commencer. Et elle dut le comprendre car, posant un regard avisé sur les sourcils haussés de son frère, elle prit soudain la parole.

Pourquoi m'as-tu caché un truc pareil ? demanda-t-elle simplement.

             Il se trouvait à une dizaine de pas d'elle, ayant préféré garder une assez grande distance entre eux, sans doute par honte quant aux dernières révélations. Debout à côté d'une table de bois où il avait posé une de ses mains afin de jouer nerveusement avec les rainures de la surface, il dardait un regard indéchiffrable sur sa sœur.

             La réponse lui semblait pourtant évidente.

Tu as le sentiment d'aller mieux maintenant que tu le sais ? répondit-il d'un ton calme tandis qu'elle s'appuyait contre le dossier d'une chaise rangée, pressant le creux de ses reins sur la surface plane en le regardant.

             Tant bien que mal, elle retint un juron à son encontre. Il ne s'agissait pas de la ménager mais de lui dire la vérité. Pendant des années, on l'avait haïe sans qu'elle ne comprenne pour quelle raison. Son enfance n'avait été bercée que de regards noirs et d'insultes. A un point tel qu'elle était dorénavant certaine que le monde lui en voulait et avait de sévères problèmes de confiance qui la menait à se comporter de façon exécrable avec toutes les personnes qu'elle rencontrait.

             Elle était d'ailleurs convaincue que, s'ils n'avaient pas dû affronter la mort ensemble à tant de reprises, ses camarades de la 104ème brigade n'auraient pas dérogé à la règle.

Je méritais de savoir, objecta-t-elle. Bordel de merde, Edward, cette femme ne voulait pas que je vienne au monde !

             Aussitôt sa phrase franchit-t-elle la barrière de ses lèvres qu'elle vit la mâchoire du blond se contracter et ses poings se serrer. Les mots que Louise lui avait craché à la figure, jamais il ne parviendrait à les effacer.

             Mais il ne comptait pas laisser ce qui n'était rien d'autre qu'un mensonge s'insinuer dans la tête de la jeune femme.

             Alors, tandis qu'elle voyait avec stupeur son regard habituellement doux et compréhensif s'assombrir, un frisson parcouru son échine. Même s'il se retenait, il semblait furieux. Or le Edward qu'elle connaissait ne se mettait jamais en colère.

Elle t'aimait, répondit-il simplement.

             Aussitôt, chacun des muscles qu'elle avait inconsciemment contracté en commençant à s'énerver se détendirent d'un même geste. Ses sourcils se défroncèrent, ses lèvres redevinrent statiques et son regard s'ouvrit un peu plus tandis que son cœur ratait un battement. Elle m'aimait ?

             Ayant toujours senti qu'il s'agissait-là d'un sujet douloureux pour le blond qui l'avait connue durant sept années, la femme n'avait que rarement abordé le sujet de leur génitrice en présence de son frère. Elle n'avait toujours su de ses parents que de très courtes informations techniques comme le fait qu'ils avaient été soldats ou, plus simplement, qu'ils étaient décédés.

             Mais jamais elle n'avait été mise au courant d'informations concernant sa relation à eux, dans le sens intime du terme. A vrai dire, malgré leurs liens, elle les avait toujours considérés comme des inconnus du fait que rien -sur le plan sentimental- ne les rapprochait.

             Du moins, jusqu'à un certain point.

Notre père, pourtant officier de la garnison, est mort avalé par un titan..., expliqua Edward. Ça ne suscite pas ton intérêt ?

             Elle se raidit. Une larme naquit dans ses yeux. Trop d'informations.

             Mais le blond soulignait un point important. Un élément tellement gros qu'elle se sentit stupide de ne pas s'en être aperçue plus tôt.

             Autant il était courant d'apprendre le décès des soldats s'en allant hors des murs comme les membres des bataillons, autant ceux se situant dans l'enceinte étaient bien plus rares. Surtout en sachant que, du vivant de ses géniteurs, pas une seule fois les remparts n'avaient été amoché.

             Elle déglutit péniblement. Son frère avait raison. Il n'y avait aucune raison justifiant que leur père se soit fait dévorer. Sauf si quelqu'un d'assez puissant pour ordonner une telle chose l'avait fait enfermer en dehors des remparts.

             Ses yeux se mouillèrent davantage sous le regard d'Edward qui réalisa qu'elle commençait à comprendre. Enfin. La jeune femme avait toujours eu des aptitudes à nier ce qui pouvait la blesser. Il s'agissait d'une méthode de protection comme une autre mais qui avait pu lui porter préjudice.

             Alors, à moins de la forcer à affronter la vérité, il était souvent dur de la faire sortir du déni.

Ne pas te nommer, déclara-t-il d'une voix faible, était te rendre inexistante aux yeux de ceux qui avaient fait ça. Tout comme ne pas avoir de noms de familles ni de domicile nous aidait à nous cacher.

             Une larme coula sur la joue de la jeune femme. Pourquoi ?

Qui est-ce ?

             Elle voyait le regard embué du blond. Sans doute avait-il espéré durant de longues années avoir cette conversation. Elle voyait à la façon qu'avaient ses traits de se détendre qu'il était soulagé de pouvoir enfin partager ce fardeau.

             Même s'il n'en connaissait pas la cause.

Jamais elle n'a été capable de me le dire. Je sais simplement qu'il fallait qu'elle meurt avant que tu ne vives pour que tu hérites de ce sixième sens. Elle s'est donc suicidée dès qu'elle a perdu les eaux après m'avoir envoyé chercher Louise pour exécuter une césarienne sur son corps mort.

             Chacun des membres de la jeune femme se raidirent tandis que sa tête se redressait subitement. De ses yeux mouillés menacèrent de couler de nouvelles larmes mais elle ne s'en préoccupa point, son regard écarquillé fixé sur celui d'Edward qu'il n'osait tourner en sa direction.

             Alors ce sixième sens qu'elle avait n'était pas une qualité plus accrue que les autres ? Il s'agissait réellement d'un pouvoir ? Et la raison pour laquelle sa mère était morte n'était que le fait qu'elle souhaitait qu'elle en hérite ?

             Déglutissant de nouveau péniblement, la jeune femme mit quelques secondes à répondre. A vrai dire, elle ne savait tout simplement pas quoi rétorquer à de telles révélations. La stupeur qu'elle ressentait était telle qu'elle se contenta de le fixer des ses yeux mouillés et écarquillés durant de longues secondes, incapable de déclarer quoi que ce soit.

             Sa bouche s'était faite sèche et son cœur battait tellement fort dans sa poitrine qu'elle avait le sentiment de se situer en dehors du temps. Sa vision se voyait troubler par des tâches noires, les sons ne lui parvenaient que de façon étouffée et son corps ne semblait n'être rien de plus qu'un tombeau.

             Seulement, comme si le besoin d'entretenir ce dernier lien au monde réel subsistait, elle prit la parole. Entre ses lèvres fébriles, elle laissa filer ces quelques mots :

Si ça n'avait tenu qu'à toi... Comment me serais-je appelée ? demanda-t-elle, une larme coulant le long de sa joue.

             Il lui sembla qu'il afficha un sourire ou laissa filer un soufflement de nez ému. Ou peut-être pas. A vrai dire, le choc de ces révélations avait paralysé chacun de ces sens, même le sixième, et elle semblait déconnectée de la réalité.

             Mais elle entendit tout de même sa réponse. Ces quelques mots qui, face à l'ampleur de cette situation, lui mirent du baume au cœur :





(T/P) (T/N).












je voulais vous remercier pour tous vos commentaires hier, ça m'a vraiment fait plaisir !

je n'ai pas eu le temps d'y répondre (je bouclais un dossier sur le militantisme sur les réseaux sociaux) mais ça m'a vraiment remonté le moral (parce qu'en le constituant, j'en ai vu des choses)

et là par exemple je dois en faire un autre sur la réception culturelle, à savoir pourquoi les avis sont aussi mitigés sur le personnage d'Hisoka, comment se fait-il que le public n'arrive pas à dire clairement s'il est un prédateur ou non

et j'ai vu des bails sombres, TRÈS SOMBRES
(non magalie, nous les LGBT+ ne cautionnons pas la pédophilie.)










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