โง
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โง
Silencieux est le ciel dรฉclinant. Nous ne faisons aucun bruit lorsque, ร toute allure, Toji fend lโair et se dirige vers une fenรชtre du chรขteau.
โ Accroche-toi, ma belle.
Me blottissant contre lui, je me crispe de toutes mes forces et ferme les yeux. Peut-รชtre est-ce ce lien si singulier unissant les รขmes sลurs qui me permet de si bien le comprendre, seulement je sais exactement ce quโil compte faire.
Un fracas รฉpouvantable retentit lorsque nous percutons le vitrail. Les lรจvres closes, crispรฉe, la tรชte rentrรฉe dans les รฉpaules, je me retiens de crier. Le bruit du verre se brisant et de ses รฉclats tombant au sol est tel que quโil me semble que le monde entier entend notre arrivรฉe.
Les lueurs du soleil se couchant laissent brutalement place ร une obscuritรฉ. Derriรจre mes paupiรจres closes, je vois la luminositรฉ baisser brutalement et, quand le silence revient, je me dรฉtends enfin.
Toji a posรฉ pieds ร terre. Ses bras me portent toujours tandis quโil regarde autour de lui, vรฉrifiant que personne ne rapplique pour nous attaquer.
โ Bordel, quโest-ce quโil sโest passรฉ, ici ?
La question du noiraud attise ma curiositรฉ et, posant pieds sur le sol, je recule afin de regarder le couloir dans lequel je suis.
Quelques battements de cils me sont nรฉcessaires pour mโhabituer ร la luminositรฉ. Marchant en arriรจre, je plisse les yeux quand, soudain, mon talon percute un objet, sur le sol. Trรฉbuchant, jโagite les bras ร toute vitesse et, me retournant dans ma chute, me rรฉceptionne sur les genoux.
Mon cลur tambourine aprรจs la chute. A tel point que je mets quelques secondes avant de jeter un ลil ร lโobstacle qui mโa fait tomber. Tournant la tรชte vers la masse sombre que je devine, du coin de lโลil, je dรฉcouvre alors lโhorreur du corridor.
Ma lรจvre tremble et je hoquรจte.
Assis sur le sol, dos au mur, le cadavre me fixe de ses yeux vitreux. La mรขchoire tombant sur sa poitrine et la tรชte chancelant, il ne bouge pas. Une odeur putride se dรฉgage de son corps et, avec horreur, je rรฉalise que sa plaie ร la tรชte bouge. Elle remue.
Lร , ร lโendroit oรน une รฉpรฉe a fendu son crรขne, ร la fente sรฉparant sa tรชte et laissant voir sa cervelle, quelque chose grouille.
Des asticots et vers rongent la chair.
De la bile remonte dans ma gorge et je recule ร toute vitesse en reconnaissant lโuniforme de la Garde Impรฉriale. Me trainant sur le sol, je mets le plus de distance possible entre moi et le corps.
Seulement, ร mesure que je mโรฉloigne, dโautres entrent dans mon champ de vision. Un pรชle-mรชle de corps sans vie sโentasse dans lโallรฉe, en-dessous de murs maculรฉs dโรฉclaboussures de sang.
Des รฉpรฉes, flaques dโhรฉmoglobines, morceau de cervelles, รฉclats de verre et os jonchent le sol. Jโentends ce dernier craquer sous les pieds de Toji qui ne peut faire autrement que marcher sur des vestiges des affrontements tant ceux-lร sont omniprรฉsents.
โ Queโฆ Il les a fait exรฉcuterโฆ
Tournant la tรชte, je regarde Toji.
Immobile, il se tient. Tรฉtanisรฉ, il regarde la pile de cadavres sโentassant dans lโallรฉe, ces soldats, fils, pรจres, frรจres ร qui lโon nโa mรชme pas daignรฉ offrir une sรฉpulture dรฉcente. Alors que les morts nโรฉtant pas inhumer selon la tradition ne peuvent accรฉder aux Enfers.
โ Il les a fait exรฉcuter, rรฉpรจte-t-il, en utilisant mon enfant.
Sa voix vacille. Dans lโobscuritรฉ, il me semble distinguer une larme, brillant sur sa joue.
โ Il sโest servi de mon bรฉbรฉ.
Ce dernier mot mโarrache un frisson et, les mains tremblantes, sans mรชme me soucier de la guerre, ร lโextรฉrieur, je farfouille mon sac. Lร , je tombe sur ma bourse.
Mes doigts sont pris de spasmes si violents que je la fais tomber au sol lorsque je tente desserrer ses cordages. Seulement, entre deux frissons, je parviens ร lโouvrir. Lร , je saisis une piรจce.
A quatre pattes, avec parfaite conscience quโil nous faut aller nous battre mais sans aucun souci de cela, je me traine jusquโau corps de lโhomme. Puis, glissant les doigts par-dessus sa mรขchoire tombante, je dรฉpose une piรจce sur sa langue.
Aussitรดt, je me traine jusquโร celui dโร cรดtรฉ. Jโen dรฉpose une autre. Puis une autre. Sans que Toji bouge. Je place jusquโร mon ultime sou.
Seulement, il reste un corps. Un seul. A qui je nโai pu donner la moindre monnaie pour payer Charon.
Ma gorge se bloque et un frisson sโempare de moi. Une larme coule le long de ma joue sans que je ne puisse empรชcher mes pensรฉes de glisser vers les Enfers, leurs murs sombres, le fleuve de feu et, surtout, ces squelettes qui me poursuivaient. Ses morts que jโaurais pu cรดtoyer pendant des millรฉnaires.
Non. Je ne peux pas. Nul ne mรฉrite un tel sort.
โ Tโฆ Toji ? Tu aurais une piรจce ? Il me faut une piรจce. Toji, il mโen faut une. Sโil-te-plaรฎt.
Face ร son silence, je me retourne. Lร , je le dรฉcouvre, plantรฉ devant un meuble de verre. Tout en longueur, aux bordures de bois, lโune de ses faces en cristal laisse voir lโintรฉrieur du caisson. Etrangement, il semble le seul rescapรฉ de ce couloir en ruine.
Je ne peux distinguer ce quโil contient cependant, le noiraud semble captiver.
โ Il y en a une, iciโฆ, chuchote Toji ร mi-voix.
Me levant, je le suis, prรชte ร atteindre ce survivant, debout dans le champ de ruines, au milieu des tableaux รฉventrรฉs et statues brisรฉes.
Seulement, ร lโinstant oรน je me place devant, je comprends la raison de sa stupรฉfaction.
Deux lames dโargent surmontรฉes dโun manche enroulรฉ dโun tissu rouge. Deux sabres. Posรฉs lโun ร cรดtรฉ de lโautre. En-dessous, gravรฉ en noir dans une plaque dโor, une inscription les dรฉsigne.
ยซ Les sabres de la Prรชtresse Nime. ยป
Un frisson me parcourt.
Mes doigts tremblent. Durant la brรจve รฉpoque oรน jโai vรฉcu ici, je suis passรฉe devant cet รฉtagรจre, sans jamais lui prรชter la moindre attention. Jamais je nโai lu cette plaque ni rรฉalisรฉ que mon passรฉ, dit grandiose, se trouvait en parti sous cette plaque de verre.
Plus loin, une piรจce dโor brille effectivement.
โ La piรจce de Nime ? je lis ร haute voix.
โ Une lรฉgende raconte quโun homme tโa demandรฉ, il y a fort longtemps, dโassassiner une partie de son propre village. Telle a รฉtรฉ ta rรฉmunรฉration. La piรจce la plus onรฉreuse de notre monnaie.
Cette piรจce reprรฉsente mille autres, plus communes. Seulement lร nโest pas ce qui mโimporte.
Lโhomme en questionโฆ Je sais quโil sโagit de Toji.
Cette simple pensรฉe me noue lโestomac mais je tente dโy faire abstraction. Nous avons bien mieux ร faire. Bien plus important. Capital.
Levant la main, je mโapprรชte ร frapper le verre pour le briser.
โ Inutile, dรฉclare-t-il. Si ce meuble a rรฉsistรฉ ร lโattaque, il doit รชtre ensorcelรฉ. Je vais mettre une piรจce dans la bouche du dernier malheureux.
Je nโรฉcoute que vaguement Toji lorsquโil sโรฉloigne, mon regard irrรฉmรฉdiablement attirรฉ par la courbe de cette lame, les motifs gravรฉs dedans et la dรฉlicatesse de lโouvrage. Je devine sa souplesse dโun seul coup dโลil, moi qui ne suis pourtant pas experte.
Enfin, je ne le suis pas dans cette vie. Seulement ma mรฉmoire musculaire revient parfois et me rappelle combien jโavais lโhabitude de manier ce genre dโoutils.
Mon doigt retrace la courbe de lโarme.
โ Viens, on doit se magner de trouver Megumโฆ
Un son de cloche coupe la voix du noiraud. Nous deux nous figeons ร celui-ci, รฉchangeant un regard. Nous savons exactement ce quโil signifie.
Quelquโun vient de sonner lโalerte.
โ Viens, faut vraiment se grouiller ! sโexclame-t-il en entrelaรงant ses doigts aux miens.
Je nโai le temps de le suivre que des hurlements retentissent, devant et derriรจre nous. Me tournant vers ses sources, je rรฉalise avec horreur que ce couloir est desservi par deux escaliers et que des soldats arrivent droit sur nous.
Nous nโavons aucune idรฉe de combien ils sont ainsi que de la magie dont ils disposent. Tout cela est bien trop inconscient.
โ Ils sont lร ! Megumi les a sentis ! retentit un soldat.
โ Dรฉpรชchez-vous ! Il les veut morts !
โ On se magne !
โ Allez, les gars !
Toji se tend, me plaรงant derriรจre lui afin de me protรฉger. Seulement, un escalier dessert de chaque cรดtรฉ de lโendroit oรน nous nous trouvons. Nous serons bientรดt faits comme des rats.
Dos ร dos, nous attendons.
โ ILS SONT LA !
Au moment oรน ce hurlement retentit, une poignรฉe dโhommes jaillissent de lโarcade menant au couloir. Dรฉboulant devant moi, รฉpรฉes en main, ils me fusillent du regard.
Les vรชtements maculรฉs de sang et les cheveux coagulรฉs de crasse, ils ne semblent pas en รชtre ร leur premiรจre bataille.
Seulement, celle-ci sera la derniรจre.
โ Hรฉ bien, hรฉ bienโฆ Quโavons-nous lร ? ricane une voix, dans mon dos, face ร Toji.
โ Chef, je dirais quโil sโagit dโune chair fraiche de bien basse qualitรฉ, rรฉtorque lโun de ceux qui me regardent.
Un frisson parcourt mes doigts. Point de peur. Plutรดt quelque chose que je ne comprends pas, qui nโa rien ร faire lร , en cet instant. Pourtant, il sโagit dโune sensation bien familiรจre.
De lโallรฉgresse.
โ Le chef les veut mort ? Mais si on veut sโamuser avec elle avant ?
โ Nโessayez mรชme pas de la toucher, gronde Toji dโune voix dโoutretombe, que je ne lui connais pas, comme ensorcelรฉe.
โ Oh, mais cโest quโil sortirait les crocs, le vilain !
Ils sโapprochent doucement et je sens le noiraud se tendre. Pourtant, je ne ressens point de peur. Seul un frisson me parcourt, courant le long de ma colonne.
Mโexaltant.
โ Et la mignonne ? Elle pourrait mordre, si je lui disais quelques mots magiques ?
Un ricanement me prend. Un rire sinistre que je ne me reconnais pas.
โ Je ne sais pas ? Supplie-moi, on verra bienโฆ
Ma main frappe le meuble ensorcelรฉ qui se brise magiquement sous lโimpact. Le verre รฉclate et je saisis les lames โ mes lames โ avant de me jeter sur eux dans un hurlement vengeur.
Mon sabre frappe le premier ร la gorge et je plie les genoux pour รฉviter lโรฉpรฉe dโun autre. Mon pied frappe le tibia dโun troisiรจme qui sโรฉcroule au sol, aussitรดt assommรฉ par ma lame. Le premier se redresse et jโenroule mon bras autour de son cou, lโรฉtranglant tandis que lโune de mes armes frappe le crรขne de lโun et que sa jumelle neutralise un autre.
Dans un cri, je recule, รฉvitant un coup. Un homme sโavance, maculรฉ de sang, agitant son รฉpรฉe avec force. Je lโattaque, il pare mon coup. Jโรฉvite le sien en mโรฉcroulant au sol et attrape son mollet, le tirant pour le faire tomber. Il se rรฉceptionne en une pirouette et flanque son coude dans ma joue.
Du sang jaillit de ma bouche quand ma tรชte bascule. Cela me permet de voir le lรขche qui mโattaquait, par derriรจre. Ma lame le trouve et je me retourne, revenant ร mon ennemi.
Ce dernier hurle en fondant sur moi. Ma lame pare la sienne et lโautre perfore sa gorge. Un bruit de succion retentit et je sursaute ร la vue du sang. Les yeux de lโhomme sโรฉcarquillent et il ouvre la bouche. Avant de retomber ร genoux, mort.
Je crois que je ne voulais pas tuer. Mais mes rรฉflexes ont pris le dessus.
Sombrement, je retire ma lame de son cou, essuyant de mon avant-bras le sang sur mon menton.
Brutalement, une ombre se dรฉcoupe sur le mur. Je bascule en arriรจre et รฉvite un coup de masse. Ma lame griffe un poignet et du sang gicle sur mon visage, brรปlant.
Me retournant, ma lame caresse le ventre dโun avant de se planter dans la cuisse de lโautre. Du coin de lโลil, je vois Toji se pencher au sol, รฉvitant un coup.
Aussitรดt, je me jette sur lui.
Mon dos glisse sur le sien lorsque je passe par-dessus lui, atterrissant et lโautre cรดtรฉ de mon amant en un roulade sur le cรดtรฉ. Face ร ses assaillants, jโen neutralise un avant de constater leur nombre.
Un rire franchit mes lรจvres.
โ Quelle feignasse, tโas une idรฉe de combien jโen ai รฉliminรฉ, moi ?
Il ricane.
โ Je te signale que si รงa va aussi lentement cโest parce quโun incendie nous ferait repรฉrer.
โ Mais nโhรฉsite pas ! je mโexclame en รฉvitant une lame, frappant lโun au visage et transperรงant la gorge dโun autre sans un regard.
Les remords seront pour plus tard.
โ Attends, tu veux vraiment que je les brรปle ? tonne-t-il quand, croisant mes lames, je cisaille un ennemi se prรฉsentant ร moi.
โ Ils ne brรปleront pas mais sโen iront. Et le feu pourra mener les morts aux Enfers.
Ma lame en frappe un et tue un autre.
โ De toute faรงon, tu peux contrรดler le feu, non ? je perfore une รฉpaule et cisaille une cuisse dans une pirouette.
โ Je brรปle ceux qui ont une piรจce et fait un barrage derriรจre nous ?
Me retournant, je croise le regard complice de Toji qui vient de briser une nuque ร main nue. Un sourire รฉtire ses lรจvres et les miennes lโimitent.
โ Tu as tout compris.
Lร -dessus, il plie les genoux, faisant une rรฉvรฉrence qui lui permet dโesquiver un coup dโรฉpรฉe. Le dos courbรฉ, il esquisse un clin dโลil en ma direction. Je souris.
Soudain, un sifflement dans mon dos. On mโattaque par-derriรจre.
Brutalement, je me retourne. Avant que je ne le rรฉalise, ma lame est plantรฉe dans la gorge du chef qui me fixe, les yeux รฉcarquillรฉs. Il nโaura mรชme pas pu avoir un combat digne de ce nom contre moi.
Son corps tombe au sol quand jโรดte mon รฉpรฉe.
Mon regard sโattarde quelques instants sur le corps quand ce dernier se fait voir plus nettement. Ses contours mโapparaissent mieux ainsi que les dรฉtails de son visage ingrat, soudain illuminรฉs dโune lueur rougeรขtre.
Brutalement, je me redresse, contemplant le funeste spectacle autour de moi. Des violentes flammes grimpent, crรฉpitantes. Majestueuses, elles sโรฉlรจvent en tournoyant presque, avalant les corps tandis que je frissonne.
โ Tu as lโair surprise ?
Me retournant, je jette un regard malicieux ร Toji.
Debout au milieu des flammes, ses immenses ailes formant une ombre dans son dos, il me fixe au-dessus de son rictus venimeux. Les bras รฉcartรฉs, il accueille le spectacle de ses propres pouvoirs avec fiertรฉ, lโexhibant ร mes yeux.
โ Je ne pensais pas que tu serais aussi expรฉditifโฆ
Tous les ennemis ont fui ou sont neutralisรฉs. Les flammes ont eu un effet radical. Bien plus que mes lames, pourtant particuliรจrement efficaces.
โ Mais tu as formulรฉ un dรฉsirโฆ
Il me jauge.
โ โฆEt tes dรฉsirs sont mes ordres, Ma Majestรฉ.
โง
j'espรจre que ce chapitre
vous aura plu !
on passe dans l'action !
je vous prรฉviens, les
prochains chapitres seront
intenses
โง
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