𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕𝟔














𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  𝟕 𝟔

























           Je ne suis pas bien à l’aise à l’idée de partager ces appartements avec Toji. Cependant des pièces nous séparent alors la nuit devrait être plutôt calme. Bien que je ne cesse de me retourner dans mes draps.

           Ceux-là sentent la moisissure et couvrent un lit exiguë placé dans une armoire. Si je me lève trop vite, ma tête percute le plafond et, de temps en temps, je sens la caresse d’une araignée montant le long de mon bras.

           Aucune fenêtre ne perce les murs de ce placard. Je ne vois rien.

— Quelle ordure…

           Lorsque j’ai refusé de faire le lit de Toji, lui intimant de se débrouiller tout seul, il m’a ordonnée de dormir ici. J’avais le choix : m’enfermer dans ce placard ou le dorloter jusqu’à ce qu’il s’endorme.

           Je lui ai naturellement demandé s’il avait cinq ans et besoin d’une mère avant de tourner les talons.

           La simple idée de pouvoir lui donner raison m’envahit d’un goût amer qui me grifferait presque la gorge. Cependant je dois bien avouer que la situation est difficilement supportable.

— Bon, je ne vais sûrement pas réussir à dormir alors…

           D’un coup énergique, je balance mon pied contre la porte. La pièce est si petite qu’allongée, ma plante se pose dessus. Je n’ai donc aucun mal à frapper la surface qui sort de ses gongs. Elle s’écrase au sol dans un vacarme qui retentit, au cœur du silence de la nuit.

           Péniblement, je me dresse hors des draps. Un soupir me prend et je masse ma nuque endolorie. Mes pieds nus se posent sur le parquet froid et grinçant du pallier. Aussitôt, les marches d’un escalier reprennent, me menant à une vaste double-porte.

           Derrière se trouvent les appartements de Toji.

           Un instant, j’hésite à me faufiler dedans. Quelle serait sa réaction si je me glissais, sans masque, m’asseyait à son lit et l’observait ? Que j’attendais qu’il se réveille pour lui parler dans un demi-sommeil, lui faisant croire que mon souvenir le poursuit dans ses cauchemars ? Que je le manipulais un peu, histoire de me venger ?

           Mes plans machiavéliques sont interrompus par un mouvement, dans mon dos. Quelqu’un court. Je me retourne, mais personne n’est visible. Mes sourcils se froncent.

           Soudain, un rire d’enfant.

           Mon sang se glace et je me retourne encore. Dans la pénombre, faiblement éclairée par les lueurs de la lune filtrant à travers la large fenêtre, je ne distingue pas grand-chose. Mais je suis sûre que quelqu’un se tenait là, il y a un instant.

           Seulement les poils se hérissant sur ma nuque me font comprendre une chose : je ne suis pas seule.

— Qui êtes-vous ? Sortez de là.

           Personne ne répond.

           Un autre rire d’enfant résonne dans mon dos. Mon sang se glace lorsque, me retournant, je ne vois personne. Quelque chose me dérange.

           Je suis sûre de ne pas halluciner, d’entendre distinctement une voix, tout proche et lointaine à la fois.

           Soudain, une brûlure. M’arrachant la chaire, elle cuit mon front comme si on le marquait au fer rouge. La douleur est telle que j’ne oublie où je suis, plaquant mes paumes au-dessus de mes yeux. Un hurlement franchit mes lèvres tandis que je tombe à genoux, respirant difficilement. J’ai si mal.

           Peu à peu, la souffrance diminue. Il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. J’en tremble encore. Ce mal fut aussi fugace qu’intense.

           Mon cœur cogne encore, dans mes oreilles.

           Cependant, à genoux sur le sol, fixant ce dernier, mon esprit se défait un peu de la pensée de cette douleur. D’abord, il peine à s’en éloigner. Quand, soudain, je réalise la présence de deux chaussures, sous mes yeux. Juste devant moi.

           Quelqu’un se tient.

— Je…

           Ma voix se fait faible lorsque je lève la tête. Mes épaules tremblent et je peine à me redresser. Je m’efforce tout de même de le faire, encore parcourue de faibles spasmes.

           Devant moi, un enfant se trouve. Âgé de huit ans peut-être, ses lèvres pincées et deux joues se gonflent d’un air boudeur. Il m’observe de sa hauteur.

           Au sommet de son crâne, quelques mèches de cheveux ébènes s’agitent lorsqu’il penche la tête sur le côté. Ses grands yeux bruns détaillent mes épaules tremblotantes.

           Petit à petit, je réalise ce que les ténèbres me cachaient. Mes yeux s’habituent à cette luminosité et je distingue des tâches en tout genre couvrant ses joues. Elles ressemblent à de la suie.

— Pourquoi t’as tué ma maman ?

           Je connais ce regard. J’ai déjà vu la danse d’une pupille semblable à une hématite s’élargissant jusqu’à étouffer une iris à l’instant où le contact visuel se fait presque brutal. Si violent qu’il me pique la peau.

           Ce gamin… Il a les mêmes prunelles que Toji.

— T… Tu es son fils ? je chuchote. Le fils de Toji ?

— Pourquoi t’as tué ma maman ?

           Je tremble violemment, mon ventre se serrant.

           Non, ce n’est pas possible. Sa mère est décédée il y a plus de dix ans, il ne peut pas avoir cet âge-là. D’autant plus qu’ils ont affirmé que l’enfant de Toji était responsable de ce Coup d’Etat. Ce doit être un adulte.

           Il ne peut pas être âgé de huit ans… Alors qui se trouve devant moi ?

— Que… Comment t’appelles-tu, mon grand ?

— Je m’appelle Megumi Fushiguro et tu as tué ma maman.

           Mes yeux s’écarquillent et je frissonne. Le brun m’observe et je tends la main, prise d’une irrésistible envie d’essuyer sa pommette maculée de tâches.

           Seulement ma main retombe. Une larme coule sur ma joue.

— Quel âge as-tu ?

— Pourquoi tu as tué ma maman ? insiste-t-il.

— Mais, je…

           Là où Toji déguise son regard, lui ne cherche pas à le faire. Je crois que malgré l’obscurité de la nuit, je discerne tout ce que l’Ange de la Mort a toujours caché dans l’ombre de la lumière. Cet enfant, même dans les ténèbres, laisse apparaître ses émotions comme en plein jour.

           Lui, il ne cache rien.

           Même la limpide sclère ne saurait dissimuler la tempête noire que j’ai suscitée. L’iris, tournoyantes, me rappelle les larmes que je n’ai pas vue, lorsqu’ils l’ont enterrée. La pupille, elle, scinde en deux le courant de mon existence, contant la façon que j’ai eu d’oublier là où eux, ne l’ont pas fait.

           Là où eux, ne l’ont pas pu.

           Ma poitrine se contracte violemment et un sanglot éclate.

— …Je ne sais pas. Je ne sais pas qui j’étais, à cette époque, je ne sais pas…

           Ses yeux s’emplissent de larmes et il ramène ses petites mains à leur hauteur pour les essuyer. Un cri de douleur franchit ses lèvres.

— POURQUOI T’AS TUE MA MAMAN ?

           Je tente d’étouffer mes sanglots, me relevant. Il s’écarte aussitôt de moi, se mettant à courir. Ses pleures le suivent et mes yeux s’écarquillent en le voyant rejoindre la chambre de Toji.

— Attends ! Attends !

           Seulement il ne m’écoute pas.

           Trébuchante, je le suis. Les marches se succèdent sous mes pieds et je tombe plusieurs fois. Il continue de courir et je tente de le suivre malgré la douleur.

           Mes genoux frappent le bois quand je tombe. Mes bras s’écorchent et des échardes en parcourent les plaies. Seulement, je me relève. Inlassablement. Je le poursuis.

           Il arrive aux double-portes de Toji qui s’ouvrent soudainement, comme pour l’inviter à entrer.

— Non !
           Le gamin s’engouffre entre elles et je le suis à toute vitesse. Je déboule dans la chambre, prête à l’attraper et le supplier de se taire.

           Quand, soudain, mes pieds s’arrêtent.

           Je ne me trouve pas dans la chambre de Toji. Soit, la double-porte que j’ai franchis mène à sa pièce. Cependant le sol sous mes pieds nus n’est plus du parquet.

           Il s’agit d’herbes.

           Mes sourcils se froncent lorsqu’une brise agite ma robe. Elle apporte une odeur de putréfaction qui me soulève le cœur. Je manque de vomir quand mon regard est attiré par une silhouette.

           Allongée sur le sol, les yeux exorbités, une épée transperce son ventre. Et je reconnais la femme contre laquelle je me suis battue, dans les flammes, après qu’Hadès m’y ait envoyée.

           La mère de Megumi. La femme de Toji.

           Morte.

— Mais qu’est-ce que c’est que ce…

           Me retournant, je cherche la porte de la chambre de Toji. Seulement, elle a disparu. Je n’ai aucun moyen de revenir dans. Ma gorge se noue et je sanglote.

           Je n’ai aucune idée d’où je me trouve. J’ai peut-être franchi un portail. Seulement ni Toji, ni Megumi, ni le char d’Apollon n’est visible.

— Non…

           Les jambes tremblantes, je tente de m’éloigner de ce cadavre. Sans succès. Baissant les yeux, je réalise que mes pieds sont enfoncés dans le sol jusqu’aux genoux.

— Non… Non…

           Me débattant, je tente de me défaire de cette prise. Tirant de toutes mes forces sur mes jambes, je n’arrive pas à bouger d’un seul centimètre.

           A quelques mètres seulement de moi, elle est allongée. Ses courts cheveux noirs en épis chutent devant son visage. Ses yeux exorbités fixent le ciel.

— Tout ça est un cauchemar, c’est pas possible…, je chuchote.

           Mes épaules tremblent violement quand la brise soulève l’odeur du cadavre et l’amène à mon nez.

           Là, comme si celle d’avant s’éteignait, balayée par les larmes d’une autre, tapis au fond de moi, je renonce. La colère fond, la rancœur infondée disparait, je crois que je comprends que jamais je ne trouverais de réponses à cette question que tous se posent.

           Celle qui pouvait leur parler n’est plus.

— Je… Je ne sais pas pourquoi je t’ai tuée ! Et je ne sais pas pourquoi j’ai fait le choix de protéger les sephtis ! Je ne sais pas, d’accord ? Vous m’avez tout pris !

           Mes jambes semblent parvenir à bouger quand je m’agite. Seulement je demeure enfoncée.

— POURQUOI JE T’AI TUEE, C’EST L’UNIQUE QUESTION ? POURQUOI VOUS, VOUS M’AVEZ TUEE ? EN ME LAISSANT VIVANTE ?

           J’agrippe une touffe d’herbes que j’arrache dans un geste de rage.

— VOUS VOUS DEMANDEZ POURQUOI JE NE ME SENS PAS COUPABLE POUR VOUS ? MAIS QUI SE SENT COUPABLE POUR NOUS ?

— Tu ne peux pas répondre à la haine par la haine.

           Cette voix, semblant venir de partout et nulle part à la fois, m’est familière. Mais je n’y accorde aucune considération.

— MAIS QUE M’AVEZ-VOUS DONNE D’AUTRE QUE DE LA HAINE ?

           Mon cri appelle le silence. Ce dernier semble tressaillir lorsque je m’affaisse sur le sol, mes jambes toujours plantée dans le sol.

           Ma joue trouve la terre, des larmes roulent en son long.

           Je suppose que je suis en plein cauchemar. Qu’en réalité, je suis encore dans ce lit exigu, avec des araignées, et que je dors.

           J’aimerais simplement me réveiller.

           Soudain, contre ma joue, une secousse. Grave, tressaillant, elle soulève le sol. Mes sourcils se froncent quand je me redresse.

           Une autre secousse. Le sol tremble.

— Qu’est-ce que…

— Ceci…, reprend la voix. Est la démarche du minotaure.

           Mes yeux s’écarquillent. Je regarde devant moi. Le cadavre de la femme a disparu. Il ne reste que cette herbe, plongée dans la nuit, parcouru d’une brume s’étirant à la manière du nuages cotonneux au-dessus du sol.

           Ce dernier tremble à nouveau, d’ailleurs.

— Le… Le minotaure…

           Le minotaure, immense croisé d’humain et de taureau, est un personnage issu de nos récits. Le héros Thésée fut, un temps, prisonnier d’un labyrinthe où se trouvait cette bête, le traquant.

           Le labyrinthe… Mais bien sûr !

           En sortant de ma chambre, je me suis trouvée dans des escaliers. Cela ne m’a pas surpris sur le moment mais mon placard ne se trouve pas à cet endroit. Je n’aurais pas dû me trouver là en sortant de cetet « chambre ». Puis, entrant dans la chambre de Toji, j’ai atterri ici. Or la porte de sa chambre a disparu aussitôt après.

           Où que j’aille, je suis perdue. Car je suis dans un labyrinthe…

           Je dois retrouver mon chemin.

— Que… Qui êtes-vous ? je demande, la voix tremblante.

           Un éclat de rire me répond. La voix féminine assène ces mots :

— Est-ce réellement intéressant ? Non. Je dirais que ce qui importe…

           L’air glace presque mon sang, dans mes veines.

— C’est le fait que tous les habitants de ce manoir sont prisonniers de mon labyrinthe. Et vous ne vous en sortirez pas, je vous la promets.

           Un rire résonne dans la clairière.

— Ma chère, je te souhaite la bienvenue dans ton tombeau.



















j'espère que ce chapitre
vous aura plu !

on prend un sacré tournant
dans ce voyage...



































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