โง
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โง
Les paroles de la femme ont รฉtรฉ suivie dโun lourd silence. Nous regardant, nous refusons de dire le moindre mot. Les chevaliers continuent dโaffuter leurs larmes, quelques ลillades lancรฉes ร celle qui a attirรฉ lโattention de tous en quelques mots seulement.
Derriรจre le masque de bec de corbeau ornant mes traits, jโesquisse un sourire.
โ La Prรชtresse Nime, hein ? je rรฉpรจte.
โ Elle-mรชme.
Son menton se lรจve en une posture impรฉtueuse. Me jaugeant de bas en haut, elle laisse couler son regard hautain le long de mon corps.
โ Et cโฆ
โ Rentrons. Les chevaux vont sโenvoler, me coupe Toji. Nous ne devrions pas รชtre ร lโextรฉrieur.
Je me retourne et constate que quelques femmes habillรฉes de masques squelettiques รฉtirent quelque chose le long du bord du char. Il sโagit dโun balcon. Des barriรจres qui nous empรชcheront de tomber.
Au-delร du balcon, le fleuve รฉcarlate du Styx ondoie, tranchant abruptement avec lโherbe illuminรฉe et traversรฉe de rocs, รงร et lร . Des papillons blancs virevoltent parmi les fleurs. Un minuscule courant dโeau coule mรชme, non loin.
Les bords du char sont dissimulรฉs derriรจre des arbres ne donnant, non pas la sensation que nous sommes enfermรฉs, mais sur un domaine large. Immense.
Soudain, une large main se pose dans mon dos.
Je sursaute avant de rรฉaliser quโil sโagit de Toji. Fixant le manoir, il me guide jusquโร ce dernier, mโenjoignant ร le suivre. Ils nous suivent bientรดt.
โ Allons-y sans perdre de temps. Que ce voyage se termine enfin.
Sa paume est si chaude que je ne proteste pas. Me laissant guider, je marche silencieusement. Cependant, un regard ร Toji me fait comprendre quโil ne sโen va pas, en rรฉalitรฉ, pour laisser le dรฉcollage se faire.
Cette femme sโest prรฉsentรฉe sous mon nom. Un nom quโil maudit, quโil exรจcre. Tandis quโil marche, le regard droit, je lis presque dans sa tรชte les rouages de son cerveau marchant afin dโaccรฉder au meilleur plan de vengeance.
Quant ร moi, je dois mโavouer assez intriguรฉe.
โ Suivons le duc ! rit lโimposture.
Un regard par-dessus mon รฉpaule et je jauge la chevelure rousse de la femme ainsi que les fleurs piquรฉes dedans. A quoi bon prรฉtendre รชtre moi ? Qui gagne-t-elle ?
Les marches de marbre se succรจdent et nous nous engouffrons entre deux colonnes. Aussitรดt, un trรจs large escalier nous accueille, menant ร des รฉtages.
Je ne peux mโempรชcher de regarder sur les cรดtรฉs, surprenant un large piano sur un tapis pourpre, jurant avec le restant de la salle blanche et dorรฉe. Cependant Toji me pousse plus franchement vers les marches.
โ Nous aurons tout le temps de visiter plus tard, croyez-moi.
โ Le voyage sera si long ? je demande en lui emboรฎtant le pas.
Lโescalier se scinde en deux, filant ร droite ainsi quโร gauche. Il prend le premier chemin et ne me laisse pas mโarrรชter pour admirer la vue quโoffre la large fenรชtre, ร lโendroit des jonctions.
โ Quelques jours seulement. Cependant, il risque de ne pas รชtre de tout repos.
โ Vous croyez que ces personnes nous poseront problรจmes ? je demande en coulant un regard vers les chevaliers, mages et รฉrudits qui viennent ร peine dโatteindre la porte.
Mon regard sโattarde sur la rouquine. Dรฉcidรฉment, je ne sais pas ce qui peut bien motiver son mensonge.
โ Eux ? Non. Mais au cours de notre voyage, nous allons survoler des zones ร risque. Diffรฉrentes crรฉatures risquent de nous attaquer.
โ Des crรฉatures ?
โ Gnomes, trolls, lutinsโฆ Peut-รชtre mรชme dragonsโฆ
โ Dragons !? je lโinterromps brutalement.
Le regard quโil pose sur moi, sโarrรชtant de marcher, me laisse savoir quโil nโapprรฉcie pas du tout quโon lui coupe la parole.
Parfaitโฆ
โ Des dragonsโฆ Ils sont si rares ! Est-ce que vous savโฆ
โ Le mieux serait quโon ne les croise pas. Les espรจces sont rares, comme vous dites, et les Dieux interdisent donc quโon les touche. Si elles nous tombent dessus, nous nโauront quโร nous laisser tuer une seconde fois.
Je frissonne. Cela ne me plaรฎt guรจre.
Cependant, un lรฉger sourire amusรฉ รฉtire mes lรจvres en rรฉalisant la pathรฉtique vengeance dont a fait preuve Toji en me recoupant la parole. Je suis ravie que mon masque dissimule mon รฉmotion.
Je peux ainsi mieux me moquer de lui.
โ Nous y sommes.
Au sommet de lโescalier, une arcade ouvragรฉe donne sur une large salle. Les รฉtagรจres garnies de livres, canapรฉs de cuir et parquet donne un aspect sombre au lieu tranchant abruptement avec le reste de la bรขtisse.
A vrai dire, cela me rappelle davantage le manoir du duc.
โ Chacun a ses appartements. Si vous prenez les escaliers, vous atterrirez forcรฉment ici. Vous nโavez aucun moyen de vous rendre dans la chambre dโautrui.
โ Pourquoi cette magie ? je demande, devinant quโil sโagit dโun sort.
โ Par sรฉcuritรฉ.
Ses yeux smaragdins se posent sur moi tandis quโil caresse la reliure des livres de la bibliothรจque.
โ Aprรจs tout, nous ne savons jamais rรฉellement aux cรดtรฉs de qui nous vivons.
Son regard sโattarde sur moi. Juste assez pour me mettre mal ร lโaise. Je saisis ma cape noire afin dโessuyer mes mains moites et il louche sur mon geste.
Aussitรดt, il รฉmet un rictus. Visiblement ravi de mโavoir embarassรฉe.
Cette vision mโemplit dโune colรจre si brutale que je claque lโair de ma langue presque aussitรดt, ne supportant pas quโon โ et surtout, lui โ se joue de moi.
โ Les rumeurs disent que vous avez connu la Prรชtresse Nime ? Pourquoi ne pas lโavoir saluรฉ plus franchement ?
Son corps massif se fige et ses yeux sโimmobilisent, fixant un point sur le sol. Une ombre voile ses traits, sans pour autant mโintimider. Penchant la tรชte sur le cรดtรฉ, jโesquisse un sourire malin.
Avec qui croyait-t-il jouer, au juste ?
Il met de longs instants avant de me rรฉpondre. Silencieux, il ne pipe mot jusquโร lever le nez. Lร , son regard se pose sur moi.
Et, ร ma grande surprise, il me sourit.
โ Si les rumeurs le disent, alorsโฆ Je suppose que cโest vrai. Nโest-ce pas ?
Les mains dans le dos, il avance dโun pas.
โ Quelle femme รฉrudite faites-vous ! Ne basant ses certitudes que sur des rumeursโฆ
Un autre pas. Il progresse ร la maniรจre dโun fรฉlin guettant sa proie.
โ Et faites-moi le plaisir de me dire ce que les rumeurs disent dโautre ?
Il sโarrรชte devant moi, me surplombant de sa hauteur. Son aura crรฉpitante plane sombrement. Je ne peux mโempรชcher de dรฉglutir pรฉniblement, passablement intimidรฉe.
Cependant je ne veux le lui montrer et me contente de lever le menton, soutenant son regard derriรจre ce bec.
โ Alors ? insiste-t-il. Ne voulez-vous pas poursuivre votre pensรฉe ?
Soit, je suis intimidรฉe. Mais la faรงon quโa sa cicatrice de se hausser en un rictus moqueur, ses yeux รฉmeraudes se plissant et le dรฉdain quโil ne se cache pas de ressentir pour moiโฆ Tout cela me pousse ร remuer le couteau dans la plaie.
โ Les rumeurs disent quโelle vous menait par le bout du nez. Sans doute est-ce pour cette raison que vous avez si docilement baissรฉ les yeux devant elle.
Sa poitrine se secoue en un rire que je nโavais pas anticipรฉ.
โ Vraiment ? Cette femme semblait รฉblouissante, ร vous entendreโฆ
โ A mโentendre ?
Penchant la tรชte sur le cรดtรฉ, il esquisse un sourire soudain doux. Plus de moquerie, simplement une certaine tendresse.
Cette vision me surprend. Je ne lโaurais jamais cru du genre tendre avec ses domestiques.
โ Vous vous trompez, susurre-t-il.
Ma poitrine se bloque. Sa main se lรจve et saisit un morceau du tissu noir pendant autour de ma tรชte, en capuche. Je frissonne, sentant ses doigts se faire si prรจs du masque que je porte.
Il en lorgne la frontiรจre, comme sโil souhaitait lโรดter.
โ La Prรชtresse Nime nโรฉtait pas รฉblouissante. Ceci dit, la revoir tout ร lโheure mโa fait quelque choseโฆ
Il esquisse un sourire carnassier.
โ โฆElle est bien plus belle que dans mes souvenirs.
Sa main relรขche le tissu de ma capuche et il tourne les talons. Courroucรฉe, je le regarde sโรฉloigner dans la piรจce, atteignant la bibliothรจque.
Comment cette ordure ose-t-elle ?
โ Oh, et vous serez gentille de nettoyer ma chambre avant que je mโy installe, dรฉclare-t-il sans mรชme mโaccorder le moindre regard.
Ce dรฉdainโฆ Il me blesse bien plus que ce que je nโaurais jamais pu imaginer.
โ Aprรจs tout, lร est le travail des domestiques.
Toujours concentrรฉ sur son livre, il tourne une page sans me prรชter attention. Ma poitrine se gonfle de colรจre :
โ Vous savez oรน vous pouvez vous le mettre, votโฆ
โ Les domestiques ne rรฉpondent pas ร leur maรฎtre.
Sa voix est ferme.
Il lรจve enfin la tรชte, me jaugeant. Toute trace de sourire a disparu :
โ Tรขchez de le retenir. Je mโen voudrais de devoir vous lโinculquer de force.
โง
j'espรจre que ce chapitre
vous aura plu !
โง
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