𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟔𝟕
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟔 𝟕
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Les flammes ondulent dans le courant du fleuve. Ondoyantes, elles font danser quelques reflets écarlates sur les parois de la caverne.
Je soupire. Les pièces sont lourdes, dans ma main.
— Inutile d’attendre Charon, mortelle. Il ne viendra pas.
Ma poitrine se soulève difficilement en entendant la voix d’Hadès. Mes pieds s’enfoncent dans le sable noir de la berge. Malgré les paroles du Seigneur des Enfers, je me penche, guettant la barque.
Il doit venir. Il n’y a que de cette façon que je peux accéder aux Champs de la Vérité. Là, mon sort tombera entre les mains de Rhadamanthe, Éaque et Minos. Ils décideront où finira mon âme.
Aux Champs-Elysées ou au Tartare.
— Je ne peux pas rester bloquer dans l’Erèbe pour l’éternité, je chuchote. J’ai mon argent. J’ai de quoi payer.
Une large main saisit soudain la mienne. Je sursaute. Je ne saurais dire si elle est froide ou chaude ou même si elle est tangible. Mes yeux s’écarquillent tant la sensation est étrange.
Je ne remue pas, gardant ma main lovée dans la sienne. L’autre paume d’Hadès se pose sur mon épaule.
Il se tient juste derrière moi.
Sa chaleur plane sur moi, apaisante. Là, sous terre, elle me semble être un soleil irradiant sa douceur.
— Hadès, Pluton, le Riche, Ἀїδωνεύς. Dieu des Morts et Seigneurs des Enfers. S’il-vous-plaît. Laissez-moi accéder à mon jugement.
Son pouce frotte ma peau à travers mon vêtement. Je ne me retourne pas. D’une certaine façon, je crois que je suis consciente que je ne verrais rien, de toute façon.
Pourtant, bien que je ne le voie pas, je sais que j’ai une entière et pleine confiance en lui.
— Tu n’iras pas au Tartare, ni aux Champs-Elysées, ni ne resteras sur l’Erèbe, ici.
Je frissonne. Sa voix m’apaise et je ressens distinctement chaque muscle de mon corps se détendre.
— Je… Vais-je retourner à Gaïa ? Sur terre ? je chuchote.
— A Gaïa ? Voilà bien longtemps que je n’avais entendu aucun humain utiliser le nom de ma grand-mère pour référer à son monde. Parles-tu du ciel ou mentionnes-tu Uranus ?
Je frissonne.
— Et parles-tu du temps ou prononces-tu le mot de Chronos ?
Je frissonne en entendant la gravité dans sa voix lorsqu’il prononce ce dernier mot. Je ne suis pas sans savoir le terrible sort qu’a réservé Chronos, le titan, à ses enfants.
Dont Hadès.
— Je suis navré que celle que j’ai connu ne puisse me reconnaitre, lâche-t-il au bout d’un moment de silence lourd. La Prêtresse Nime…
Un rire grave franchit ses lèvres.
— Le jour où je t’ai accordé ma faveur, j’ai su que je ne te laisserais pas embarquer avec Charon facilement.
Ma main, encore lovée dans celle du seigneur, écarte les doigts. Les deux pièces tombent dans sa paume et il les rattrape. Les saisissant, il garde néanmoins sa paume autour de la mienne.
— Je ressens l’amour que j’ai éprouvé pour vous, dans cette ancienne vie. Elle n’existe plus mais… Mon adoration transcende ça. Je ne sais pas comment c’est possible, je…
Ma gorge se noue et mes yeux s’enduisent de larmes.
— Cela est normale. Tu as ma faveur.
— Mais celle que j’étais avant n’existe plus. Personne ne se souvient de son visage, de son véritable prénom.
— Moi, je m’en souviens.
Sa main, demeurant sur mon épaule, m’apaise. Je sens mon estomac se détendre peu à peu et soupire d’aise.
— Comment étais-je ? je chuchote.
— Oh, tu étais…
Un rire grave franchit les lèvres du Seigneur des Enfers.
— Tu étais un enfant dont j’étais fier.
J’esquisse un sourire. Cette phrase me touche et je ne sais pour quelle raison exactement. Peut-être ai-je la sensation de trouver un père que je n’ai jamais connu.
Et l’idée qu’il soit fier de moi m’apaise.
— Un enfant ?
— Zagreo, Mélinoé, Pluton et mes très chères Erinias sont mes enfants biologiques cependant les humains qui obtiennent ma faveur deviennent mes pupilles.
Cette déclaration propage une douce chaleur en moi. Hadès… Il veille sur moi.
Comme un père.
— Alors… Vais-je retourner auprès de Gaïa ?
Il ne répond pas tour de suite.
— Oui.
Je déglutis péniblement. Mes paupières se ferment.
— Je… Je serais comme lui ? je demande.
— Il n’y a et n’y aura jamais qu’un seul Ange de la Mort.
— Alors que deviendrais-je ? Une humaine ressuscitée ?
Sa main cajole mon épaule, douce, réconfortante.
— Non. Tu seras bel et bien un Ange. Cependant tu ne prendras pas ce titre.
Mes sourcils se froncent et, pour la première fois depuis que nous parlons, l’envie de me tourner vers Hadès me prend. Cependant, je demeure immobile.
Je ne veux briser ce moment.
— Il se trouve que votre combat n’a pas attiré que mon regard. Et ton ultime sacrifice a été le centre de quelques conversations entre Dieux.
Mes sourcils se haussent… Vraiment ?
— Je n’avais pas encore fait part de ma décision de te renvoyer sur terre, te graciant, qu’un autre Dieu s’était déjà avancé. Il voulait te désigner comme son dignitaire, son Ange.
Je frissonne.
Alors moi, la sephtis qui a passé de longues années à se demander si l’adoration qu’elle ressentait pour les Dieux était perçue et appréciée, reconnue… Moi, j’ai attiré l’attention des Dieux.
Et l’un d’entre eux souhaiterait me gracier ?
— Lui et moi te gracieront. La cérémonie sera longue et éprouvante. Je peux lui demander de venir te soutenir, si tu le souhaites.
Je me fige. « Lui »… Je sais exactement de qui il parle.
Toji. Toji a été fait ange. Il a vécu cette souffrance, par le passé mais aussi cet honneur. Sans doute Hadès s’imagine-t-il qu’il me rassurera.
— Je… Je n’y tiens pas. Qui est ce Dieu ? je chuchote, tentant de changer de sujet.
Il ne répond pas. Mais la main sur mon épaule caresse celle-ci quelques instants, rassurante. Ma gorge se serre tandis que je le laisse me pousser légèrement, me guidant ailleurs.
Mes pieds marchent d’eux-mêmes, longeant la berge du Styx et ignorant les cadavres au sol. Je me laisse orienter.
— Chaque chose en son temps, mortelle. Tu le découvriras bien assez tôt.
— Que va-t-il se passer, maintenant ?
Je continue de marcher. Illuminée de lueurs écarlates, les parois de la grotte se succèdent sans discontinuer.
— Tu vas te retirer dans des appartements préparés pour ton arrivé, dans mon palais.
Un frisson parcourt mon corps. Il est… Tellement plus chaleureux que les légendes le disent.
— Je dois te prévenir, en revanche, tu ne seras pas la seule Ange présente.
Tressaillant, je cesse de marcher. Mes yeux s’écarquillent.
— Et mon épouse ne sera pas la seule déesse.
Mes sourcils se froncent. Je ne sais trop pourquoi, mon cœur bat si fort que je l’entends dans mes oreilles, les faisant siffler. Je déglutis péniblement, l’estomac noué.
— Je… Combien ? Dieux ? Déesses ? Combien ?
Un soupir retentit dans mon dos.
— Tout un conseil. Il nous faudra un très long débat pour décider de son sort.
— Son sort ?
— Sullyvan.
Hébétée, je penche la tête sur le côté.
— Pour quelle raison doit-t-il être jugé par des instances divines ?
— Pour crimes de guerre.
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navrée pour le chapitre
un peu court. je vous
avoue que je me suis
choppée une angine
et que je tourne au
mode ralenti mdrr
j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
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