𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟔𝟒








𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄   𝟔 𝟒
















           Les morts se sont levés.

           Partout dans la caverne, les hurlements règnent. Des volutes de poussières grimpent autour des silhouettes en mouvement. Je ne distingue quasiment rien des combats.

           Il n’a fallu qu’un battement de cils. Le monde s’est métamorphosé. Brutalement, mes sens se sont mis en alerte tandis que mes nerfs se sont contractés. L’ennui ne durera pas.

           La guerre a commencé.

MEEVA !

           La voix d’Hector se brise. Penché au bord de la cavité, sa main tendue vers le vide, là où se déroulent les combats, il observe le cadavre de la femme. Celle-ci, piétinée, ne répond pas.

           Lorsque la première sisnasas s’est relevée d’entre les morts, avançant, et l’a tuée, on eut dit qu’elle avait signé la fin du règne des Pages. Le corps de Meeva s’est effondré dans le sable tandis que les autres se sont relevés.

           Un frisson me parcourt.

— MA MAGIE N’A AUCUN EFFET SUR LES MORTS ! JE NE PEUX PAS LUTTER !

           Ma tête se tourne brutalement sur Lynda, la Prêtresse Capricorne. A toute vitesse, elle court. Sur sa tête, un capuchon rouge trône, qu’elle a apparemment volé à un cadavre pour se protéger de la lune écarlate.

           L’étendard noire dont elle se servait git quelques mètres plus loin. Les femmes qui le portaient, empilée les unes sur les autres, semble avoir été piétinées par les mortes-vivantes.

           Les femmes dans son dos la suivent. Et j’éprouve une anormale satisfaction à la voir se courber dans la terreur.

— Ils ne sont pas si puissants que ça, au final, je chuchote.

           Novcahroon lève son glaive, transperçant le bras d’un cadavre qui s’apprêtait à attraper Lynda. Cependant, comme si le coup ne lui avait rien fait, la morte continue d’avancer, son bras traversé de la lame.

           Malgré la distance, perchée sur mon piédestal, je vois nettement le moment où la Prêtresse Sagittaire comprend qu’elle sera inefficace. Que ces ennemis qu’elle ne connait pas sont trop nombreux pour elle.

— Je ne sais s’il s’agit-là d’un châtiment divin mais il est fort bien trouvé, je chuchote, sans lever le petit doigt.

           Etrange est le sentiment de céder à notre noirceur. Plus vile est celui d’y trouver satisfaction.

           Je crois que lorsque le sol a cédé sous nos pieds, que la demeure de Sullyvan a failli m’engloutir et que la mission de sauver les villageois m’est apparue nettement, j’aurais tout fait pour la mener à bien.

           Je suis allée jusqu’à sacrifier la seule personne décente de ce monde afin de les prévenir qu’une lune écarlate les menaçait. Eux, de leur côté, ont continué de parader dans la fierté. Abattant mollement les sisnasas, agissant comme si elles ne valaient pas grand-chose, que les morts sur leur chemin n’étaient que des faibles à peine dignes de survivre à leur passage.

— Je voulais réellement les aider, tu sais ? je déclare à Toji qui ne cille toujours pas, non conscient de ma présence. Mais les voir ainsi… Voir ce combat si ennuyant, peiner à garder l’œil ouvert en les observant…

           Un rire gras franchit ma gorge.

           L’une des mortes vient d’attraper Giaa. Un hurlement franchit les lèvres de la Prêtresse qui, trainée sur plusieurs mètres, aboie des ordres. Seulement nul ne les écoute. Son pouvoir ne fonctionne que sur les vivants.

— Imagine seulement combien de pertes auraient été minimisées s’ils avaient usé de leur pouvoir sur les sisnasas, à l’époque ? C’étaient elles, des femmes bien vivantes, qui contrôlaient les morts nous attaquant ! Ils auraient pu changer quelque chose.

           Est-ce là, la clameur des Enfers qui s’élève ? Ou le sinistre chant d’une nuit sans rêve ? Par-delà les rives de nos âmes esseulées gronde la haine d’un long discours éculé.

          Par deux fois j’ai connu cette marche funeste. Après leur passage, dites-moi ce qu’il nous reste ? Sans doute la haine qui a flétri mon cœur, me laissant insensible aux Pages qui se meurent.

           Maintenant, le vide a pris possession de moi. Lorsque tombent les pages, ne me prend pas d’émoi. Peut-être suis-je lasse du visage de la mort.

           Jamais je ne tremble dans les cris de douleur. Qu’importe si, brutal, est le chant de leur cœur. En un mot tout bas, je me fiche de leur sort.

— Oui, imagine…, je chuchote. Comment je les aiderais, , si j’avais une dette envers eux.

           Soudain, un hurlement. Hector.

           Je suis son regard. Tressautant dans le nuage de poussière, cambré, Hank a écarquillé les yeux. Ses doigts se sont écartés, lâchant ses armes. Celles-ci tombent au sol quand du sang perle au bord de ses lèvres.

           Jaillissant de son torse, un poing. Celui-ci de la sisnasas qui l’a attaqué par derrière, l’enfonçant dans son dos.

— Oh…, je chuchote. Il risque de bien moins respirer.

— Tu es mauvaise.

           Un sursaut. Je me tourne.

           Toji me regarde. Il vient de me parler.

           Ses yeux smaragdins brillent d’une lueur brune sous l’éclat écarlate de la lune. Surprenante cornaline, son iris se presse autour du lac ténébreux qu’est sa pupille. Un instant, je me laisse portée par l’ondée de ses cils chutant sur son regard.

           Puis, je réalise.

— Je croyais que…

— Que je ne pouvais pas parler ?

           Un rictus vil étire ses lèvres et il penche la tête sur le côté.

— Tu détiens mon âme, là, juste à côté de moi. Cela m’empêche de t’attaquer mais cela me permet surtout de me connecter à elle. Je ne suis plus un cadavre ambulant, je peux réfléchir.

           Il rit doucement.

— Jusqu’à ce que tu arrives, aucune pensée ne traversait mon esprit. Et, quand tu m’es apparue… Tout s’est débloqué en moi.

           Cela signifie donc qu’il comprend ce que je dis, depuis tout à l’heure. Il a simplement fait le choix de ne pas réagir.

— Etrange… Toi qui semblais débordant d’affection à mon égard… Te voilà en train de m’ignorer, je fais remarquer.

           Avant que la demeure de Sullyvan ne s’écroule, l’emportant dans les décombres, Toji s’est présenté à moi comme mon âme-sœur, prêtre à tout pour me reconquérir.

           Et, à présent, il semble particulièrement réticent à l’idée d’être en ma simple présence.

— Que s’est-t-il passé ? je chuchote avec moquerie. Tu as honte depuis que j’ai récupéré ton âme ? Tu as peur que je refuse de te la rendre ?

— Tu oublies que ce n’est pas parce que je débordais d’amour à ton égard que je me suis souvenu de ton visage malgré la cérémonie de l’Ash. C’est parce qu’une partie de toi était en moi alors je me sentais naturellement connecté à toi.

           Je tressaille presque.

— Mais maintenant que tu as récupéré la partie de toi qui fait que tu es la Prêtresse Nime, je ne ressens plus aucun attachement.

           Mon cœur se fait douloureux dans ma poitrine et mes mains se serrent. Formant des poings, elles luttent contre l’envie de le percuter au visage.

           Toji continue de m’observer, un rictus moqueur étirant ses lèvres.

— Je me suis affranchi de tout lien à ta personne. Ce n’est pas pour en recrée un nouveau en te laissant conserver mon âme. Alors tu vas me la rendre.

           Mon cœur se fait gros dans ma poitrine. Je peine à lutter contre l’envie de laisser couler une larme mais tiens bon.

— Je t’ai sûrement aimée, avant. Mais cette ère est révolue. Et ensuite, quand tu es revenue en tant que sephtis, je ne me suis attaché à toi que parce qu’une partie de toi était en moi.

           Il penche la tête sur le côté.

— Mais dans les faits… Que puis-je aimer, chez toi ?

           Ma mâchoire se serre. Je m’efforce de garder la tête haute.

— Si à l’époque, mon âme s’est réfugiée en toi et que maintenant, tu te réfugies en moi, je suppose que cela n’est pas anodin. Nous avons forcément un lien, j’objecte. Il doit y avoir de l’amour pour moi dans t…

— Et pourquoi ? Hein ?

           Ses yeux se plissent.

— Pourquoi j’aimerais celle qui a tué ma femme ? Qui m’a ravi mon enfant ?

           Un sourire mauvais ourle le coin blessé de ses lèvres quand il me voit réagir à cette phrase :

— Et oui. Je sais ce que tu as fait. Je l’avais effectivement oublié mais Lycus me l’a révélé… Je ne voulais pas la croire. Mais ta réaction vient de me le confirmer.

           Un rire grave secoue ses pectoraux épais. Sa cicatrice brille sous le soleil écarlate.

— Comment ai-je pu t’aimer ? Je me le demande. Ta vie d’avant s’est effacée alors jamais ne saurais ce qui m’a poussé à t’amener jusqu’à ma couche…

           Ses yeux louchent sur mes hanches avant de remonter jusqu’à mon visage.

— Je suppose que l’idée de m’enterrer entre tes jambes ne devait pas me dépla

           Sa voix meure dans un claquement quand sa tête se tourne brutalement sur le côté. Ma main, levée dans les airs, est en feu.

           Ma mâchoire se contracte.

— Si je comprends bien… J’ai tué ta femme mais tu as trouvé le moyen de m’aimer, après cela. Puis, la cérémonie de l’Ash a effacé mon souvenir de ta mémoire mais une partie de mon âme s’est réfugiée en toi. Cela explique que tu te sois senti naturellement attiré par moi. Puis, tu es mort. Mon âme m’est revenue ainsi que la tienne.

           Ma gorge se serre. Ces mots sont trop lourds à prononcer.

— Là, ton corps a erré. Tu n’étais qu’un cadavre ambulant jusqu’à ce que tu croises ma route, il y a quelques minutes. Maintenant, tu te reconnectes avec ton âme, qui est encore en moi, parce que je suis à côté de toi… Et comme ton corps est vide de moi, que la Prêtresse Nime, cette partie de mon âme, n’est plus en toi… Tu réalises que tu ne m’aimes pas.

           Sa mâchoire tremble :

— Tu as tué la mère de mon enfant.

           Je le fusille du regard.

           Jamais je n’ai croisé d’histoire si compliquée. Bien sûr, je savais que des âmes pouvaient aller se réfugier dans d’autres corps. Cependant il me semblait que les êtres devaient s’aimer profondément pour que cela soit possible…

           Seulement, là, je ne vois que de la haine dans son regard austère.

— Alors rien n’était vrai… je chuchote. Tout était…

— Mensonges ? Non. J’aurais fait n’importe quoi pour toi.

           Il penche la tête sur le côté.

— Mais avant.

           Je déglutis péniblement.

— Et que comptes-tu faire maintenant ?

           Un soupir le prend. Il lève les yeux au ciel avant de les reposer sur moi.

           Se penchant brutalement, il laisse l’air déjà épais doubler de volume. Quasiment irrespirable, il brûle mes poumons quand je l’inspire. Mes paupières se font lourdes et je chancèle.

           Des volutes éclatent dans mon ventre quand ses iris émeraudes se plongent dans les miennes. Nos nez se frôlent et son souffle s’échoue sur mes lèvres.

           Il louche d’ailleurs sur ces dernières.

— Je compte reprendre ce qui m’appartient.

           Puis, empoignant brutalement ma cape, il m’attire à lui et ses lèvres s’écrasent contre les miennes.

















j'espère que ce chapitre
vous aura plu !

j'ai vraiment l'impression
que c'était incompréhensible
et même que l'arc traine
en longueur

je suis vraiment désolée



















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