𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟗
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟓 𝟗
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A ma droite, une immense source de chaleur hurlante et battant des bras manque de me percuter. Me jetant sur Hector, j’évite la sisnasas de justesse, observant l’état du Prêtre.
Mon souffle se coupe et je tremble en voyant que, bien qu’il s’agite, dressé sur ses bras, ses jambes ne réagissent pas.
— He… Hector, je chuchote.
— Hé.
Son murmure, doux, presque tendre, est engloutis par les hurlements de la brûlée. Mais je devine quand même qu’il s’adresse à moi et tourne la tête pour le regarder.
Il m’observe, un sourire aux lèvres.
— Inutile de pleurer. Mes jambes sont mortes. Elle les a nécrosés et aucun sort ne pourra jamais les récupérer. Mais nous n’avons réellement pas le temps de nous apitoyer.
Il a raison. Tout comme je ne peux pas m’attarder sur la perte de Toji. Lycus et ses sisnasas ont gravement attaqué la tribu de Sullyvan et je dois me lever contre cela.
Bien que je ne sois qu’une sephtis, qu’aucune magie ne m’anime et que je ne sache plus manier les armes, je dois tenter de faire quelque chose. N’importe quoi.
— Qu’est-ce que…, couine-t-il soudain d’une voix étranglée.
Suivant son regard, j’observe la blessure à mon épaule. Mes yeux s’écarquillent en constatant la couleur du sang coulant de ma plaie.
C’est très mauvais signe.
Nous deux nous tournons vers Ménélas qui, s’étant reculé de la sisnasas, vient de m’accorder un rapide regard.
Je ne comprends même pas comment tu peux encore bouger.
Blanc. Mon sang est blanc.
— A vrai dire, je lance, il y a quelques instants, je ne pouvais pas bouger.
— Et qu’est-ce qui a changé ?
Mes sourcils se froncent tandis que je regarde le corps effondré au sol. Des flammes en jaillissent encore, le léchant voracement, consumant jusqu’à la dernière parcelle de chaire. Mais elle ne crie plus. Morte.
Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’avant que je supplie l’univers de faire quelque chose, que la voix de Toji me réponde sans aucune explication, que des flammes s’élèvent de son corps, que je réalise qu’il s’agissait du pouvoir de mon amant, pourtant censé être mort, je ne pouvais pas bouger.
Comme si ce fragment de Toji m’avait animée.
— Immondes créatures.
La voix de Lycus semble d’outretombe lorsqu’elle crache ces mots, furieuse. Péniblement, sa silhouette se redresse et elle darde son regard viscéral sur nous.
— Comment osez-vous me défier ?
Les cheveux emmêlés, une partie de sa robe ayant brûlé et du sang coulant sur sa poitrine, la mage nous regarde avec rage. Ses mains aux doigts infiniment longs se lèvent, attrapant sa tignasse qu’elle tire.
Un hurlement franchit ses lèvres quand ses yeux s’écarquillent, exorbités.
— LE DESERT EST A MOI ! VOUS CROYEZ QUE JE VAIS ME CONTENTER D’UNE ÎLE ? APRES CE QUE VOUS M’AVEZ FAIT ?
Ménélas se place entre les jambes d’Hector, faisant rempart de son corps. Mais Lycus ne nous approche pas. Se balançant d’avant en arrière dans un mouvement déconcertant, elle fulmine. Son pied tape sur le sol et un sourire désemparé étire ses lèvres.
Sa tête se secoue à toute vitesse.
— JE SUIS AU-DELA DE L’HUMAIN ! COMMENT CROYEZ-VOUS, VILES CREATURES, POUVOIR ME DICTER VOS LOIS ?
Ses doigts écartés se posent sur sa poitrine. Elle frappe son cœur, les yeux écarquillés. Quand elle ouvre à nouveau la bouche, du sang en coule.
— LES SEPTHIS N’ONT JAMAIS RECONNU MON AUTORITE. MOI, LA MAITRE DES MORTS !
L’unique Dieu des Morts est Hadè…
— TAIS-TOI, VILAIN CHAT !
Son sourire fond brutalement et des larmes coulent de ses yeux. Ses mains tremblent lorsqu’elle tire à nouveau sur ses cheveux. Cette fois-ci, elle en arrache des touffes.
Un rire violent, profondément malsain, franchit ses lèvres. Mais le plus déroutant est que sa bouche demeure immobile. Elle n’esquisse aucun sourire, se contentant de glisser dans un son presque animal.
— Vous croyez que je vais me laissez faire… Mais non, je ne vais jamais… Tu m’entends. Jamais. Jamais… Je suis une déesse… Je me fiche de… TAISEZ-VOUS !
Nous fusillant du regard, elle hurle.
Hébétée, je la fixe. Soudainement, elle me terrifie encore davantage qu’à l’époque où je ne connaissais d’elle que ses actes sur la population sephtis. Mon estomac se noue et ma gorge se serre.
Pourquoi nous demande-t-elle de nous taire ? Personne n’a parlé.
Soudain, elle plaque ses mains sur ses oreilles.
— JE VOUS AI DIT DE VOUS TAIRE ! TAISEZ-VOUS ! NON !
Je sens nettement quelque chose changer, dans son pouvoir. Une aura plus sombre encore teinte sa personne. Mais surtout, un pouvoir qui ne lui appartient pas.
Une larme coule sur sa joue.
— Vous croyez m’arrêter ? Je les massacrerais tous jusqu’au dernier, je… Qui croyez-vous être ? A quel point… Non, non, non… Maudite Prêtresse. JE SUIS LA PLUS FORTE, PAS TOI !
Tombant à genoux, Lycus tremble soudain. Devant moi, ses yeux s’emplissent de larmes. Ses épaules sont prises de spasmes et elle hurle, respirant difficilement.
Jamais je n’aurais cru la voir ainsi.
Froide, tout en retenue, ne souhaitant inspirer que la crainte, elle n’a toujours été, à mes yeux, qu’un monstre laid et repoussant. Une personne aussi vile que froide et autoritaire. Jamais je ne l’imaginais esquisser le moindre rictus d’expression.
Même le jour où je l’ai poignardée. Elle n’a rien montré, se contentant de s’effondrer.
— NON ! PARS ! C’EST MOI, L’ELUE !
Ses doigts écartés tapent son torse frénétiquement.
— JE SUIS LA NECROMANCIENNE LA PLUS DOUEE DES DERNIERES GENERATIONS, JE NE SUIS PAS…
Sa voix s’étrangle dans sa gorge. Je frissonne.
Soudain, ses yeux bleus se plantent dans les miens. Glacés, semblables à deux billes laiteuses percées d’une couche de givre, je n’aurais jamais cru y voir autre chose que des meurtrières. Deux fenêtres fines sur une âme froide, emplie de courant d’air.
Pourtant, aujourd’hui, une véritable terreur les habite. Il me semble que le givre a fondu, laissant voir une enfant terrifiée par ses démons.
— Lyc…
— POURQUOI TU AS FAIT CA ? hurle-t-elle.
Je secoue la tête, paniquée. Je n’oublie pas que derrière moi, sous hypnose, Meeva empêche ce bâtiment de s’effondrer sur lui-même et que le moindre coup de sang de Lycus peut perturber la Prêtresse et nous ensevelir.
Alors je me contente d’observer la guerrière qui, il y a quelques secondes encore, était parfaitement froide.
— Quand tu l’as tuée… Tu… Non, tais-toi, se coupe-t-elle brutalement, tournant la tête sur le côté et parlant à une personne invisible.
Mon cœur bat à toute vitesse. Elle est vraiment effrayante.
— Tais-toi… Non. TAIS-T…
La voix de Lycus meurt brutalement lorsqu’elle s’effondre sur le sol. La main encore fermée sur la pierre avec laquelle je viens de l’assommer, je me relève.
Jetant un regard derrière moi, je croise le regard de mon chat et d’Hector. Tous deux m’observent, médusés.
— Ecoutez, je ne sais pas ce qui lui prend mais on a clairement pas le temps d’écouter ce genre de conneries.
— Tu veux dire que tu n’as pas le temps.
Le Prêtre louche sur ma blessure.
— Elle est sérieusement infectée. Cette lame est empoisonnée. Tu devrais de toute urgence…
— Je suis druide. Je m’y connais. Pour une raison qui m’est inconnue, je ne ressens pas la douleur du poison. Mais je sais que je suis en train de mourir. Il me reste environ quelques heures.
Mon regard se pose sur Meeva, sous ce drap, à présent entièrement illuminé de la lumière écarlate de la lune.
— Espérons que ce soit assez pour vous aider à chasser ces maudites sisnasas d’ici.
Sans leur laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit, je saisis à mon tour une cape sur le portant.
— Hector, écoute les pensées alentours. De cette façon, tu sauras si quelqu’un approche. Ménélas, protège-le. Je vais fouiller la propriété pour savoir si on peut sortir, que tout le monde est évacué.
Ils ne répondent pas, j’ouvre la porte que je referme derrière moi.
Aussitôt mes pieds foulent-ils le sable grenat que je me fige. Sans parvenir à me retenir, j’observe le paysage s’étendant devant moi et mon estomac se noue.
A la lueur de la lune de sang, le sable semble rubis. Descendant le long de la colline, il se poursuit jusqu’au lac à présent pourpre, juste avant de fondre sur lui-même, là où se trouvent les habitations.
De l’autre côté, la colline se fait noire. La foule des sisnasas hurlant, se précipitant sur le village, est immense. Pointant depuis l’horizon, elle ne se termine pas. Des centaines et centaines de femmes fondent vers la tribu, prêtes à la réduire en cendres.
Je ne saurais dire pour quelle raison Lycus attaque les tribus de désert, dernièrement. Est-ce par volonté de conquérir ? Se venger de l’impératrice qui a applaudit son bannissement ? Punir les tribus qui ont caché des sephtis, à l’époque ?
Je ne sais pas.
La seule chose dont je suis certaine est que j’aimerais les voir brûler. Toutes. Ces infâmes vipères qui, amassées en une meute, viennent piller des terres, voler des biens, décimer des populations. Tous ces soldats qui nous détruisent pour nourrir un idéal qu’ils ne comprennent même pas, au fond.
Ma tête se penche sur le côté et je les observe, immobile.
La chaleur de la rage nait en moi au souvenir de celle que j’étais, il y a une décennie. Il me semble que, d’une certaine façon, j’y suis retournée. Debout, là, impuissante.
Oui, j’y suis à nouveau. Condamnée à observer sans ne rien pouvoir faire.
Car je ne suis qu’une sephtis.
Ma gorge se serre. Une larme roule sur ma joue. D’ici, je peux presque entendre les cris de victoire, le son des faux frappant les corps, le mouvement des mains animant les cadavres se relevant.
Je peux presque l’entendre. Car je l’ai entendu. Jadis
— Jamais le soleil rouge ne s’éteindra, je réalise doucement.
Mes yeux se ferment.
— Brûlez. Brûlez toutes.
Soudain, en moi, une voix.
« Avec plaisir, ma douce. »
Mes yeux s’écarquillent. Toji.
Mais je n’ai pas le temps de réaliser que j’ai reconnu sa voix. Des hurlements s’imposent à moi. Cette fois-ci, je n’ai pas besoin de les deviner. Ils me parviennent brutalement tant ils sont puissants.
Depuis l’autre côté de la vallée.
Car les sisnasas brûlent actuellement. Les flammes s’élèvent sur le flanc des dunes, condamnant leurs faux au ballet solitaire qu’elles entreprendront seules.
Mon cœur se fige.
— T… Toji ? je chuchote.
Le silence me répond d’abord. Puis, au loin, tel un murmure emporté par le vent, sa voix résonne :
« Je serais toujours là, ma douce. »
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j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
pour être tout à fait
honnête, j'ai peur que la
partie 2 vous ait
terriblement déçue
parce qu'on ne
voit pas beaucoup
toji
elle prendra bientôt
fin et on le verra plus
dans la dernière
partie !
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