𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟕
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟓 𝟕
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La rage démonique de Lycus a frappé.
Il me semble que le monde tremble encore lorsque je me lève, incertaine sur mes jambes flageolantes. Mes épaules sont parcourues de frissons et je peine à poser un pied devant l’autre.
— T… Toji…
J’ai besoin de savoir s’il a survécu.
Ignorant les hurlements qui retentissent alors, exigeant mon retour, je fonds en direction de l’arcade dans mon dos. Mes pieds glissent sur des gravas et je me heurte à des pierres suspendues dans les airs. Mais je ne parviens pas à y accorder la moindre importance.
La cacophonie de mon cœur paniqué résonne dans mon être, appelant les Enfers eux-mêmes à davantage d’indulgence. Le sifflement dans ma poitrine n’est qu’une prière, suppliant mon Seigneur de m’écouter.
— La faveur…
Dans l’obscurité, je pousse un hurlement lorsque, ne regardant pas où je cours, mon épaule est soudainement percutée. Un grondement franchit mes dents serrées mais je continue de courir. Je ne fais que quelques pas avant de m’arrêter brutalement.
Soudain, de la lumière.
Filtrant par le plafond en reflets éclairant çà et là quelques endroits du couloir jonchés de gravas, la lumière de l’extérieur brille. Du sang remonte le long de ma gorge, griffant celle-ci et menaçant de me faire vomir.
Le plafond s’est effondré. Ici, nous sommes au sous-sol… Ce n’est pas normal que je puisse voir le ciel. Mais surtout, il fait nuit.
Aucune lumière ne devrait venir de l’extérieur.
— Non…, je lâche, ma voix s’étranglant. Non… Non…
La lumière filtrant de l’extérieur n’est pas anodine. Rouge, à la manière du sang, elle ne m’est apparue qu’une seule fois auparavant.
Il y a dix ans déjà.
— Non…
Une larme coule sur ma joue et je ne trouve plus la force d’avancer. Sciée en deux par la vision de cette simple lueur rouge, je tente de discerner le restant du couloir.
Que vais-je trouver, en son bout ?
Toji est-t-il encore en vie ? Et le peuple de Sullyvan ?
Les Pages s’apprêtent à sortir, je dois les prévenir. Mais Toji est peut-être en train de mourir, là, enseveli sous les décombres. Le sol s’est retiré sur lui-même et il se trouvait sous ce dernier, enchaîné. Cependant, si je ne fais rien, l’irrémédiable sera commis. Les seules personnes capables d’arrêter les sisnasas agiront. Lycus sera alors invincible, capable de massacrer toutes les populations possibles à sa guise.
Je dois faire un choix.
Toji. Ou le monde.
Mon cœur bat à toute vitesse dans ma poitrine, manquant de m’étrangler. Les grains chutent dans le sablier, nous condamnant toujours plus fermement. Non.
Je sais ce que je veux faire. A quelle vitesse je m’ensevelirais dans ces débris si je l’écoutais. Cependant, la Prêtresse Nime a déjà été responsable de trop de morts.
Dans cette vie-là au moins, je dois sauver le plus grand nombre.
— N… NE VOUS EXPOSEZ PAS AU SOLEIL ROUGE ! je hurle dans un sanglot.
A l’instant où je me retourne, il me semble que je me déchire en deux. Mes muscles s’effritent tandis que mes os rentrent dans mes entrailles, les déchiquetant sans vergogne. Le goût de la peur emplit ma gorge. Amer.
Mais je poursuis ma route. Mes pas se font incertains tandis que les larmes dévalent mes joues. Mon cœur se flétrie à mesure que je m’éloigne de lui.
Je sais que je regretterais à jamais cette décision.
— LE SOLEIL ROUGE FAIT DE VOUS DES MORTS-VIVANTS ! je lâche dans un sanglot. ELOIGNEZ-VOUS DE SES RAYONS !
Je me heurte à de multiples obstacles, ne cessant de pleurer. Je ne prends le temps d’avoir mal, déboulant dans la salle que je viens de quitter.
A peine ai-je posé le pied sur le sol que j’aperçois Meeva. Assise en tailleur dans les airs.
— NON !
Le soleil de sang se lève doucement, commençant à percer la fenêtre. Sa lumière est faible mais quelques rayons se dessinent sur les coussins. Bientôt, ils s’élargiront assez pour atteindre l’endroit où se trouve Meeva.
Plongeant au sol, j’attrape une couverture que je lance sur la femme. Celle-ci recouvre sa silhouette intégralement, la protégeant.
— CA VA PAS ? hurle Noovcahron de sa voix grave et puissante. SI TU LA DECONCENTRE, SON SORT SE ROMPT ET ON MEURT TOUS !
— Si ces rayons la touche, elle deviendra le pantin de Lycus alors remerciez-moi.
Aussitôt, les visages de Hank, Hector, Giaa se tournent vers moi, atterrés. Je n’ai pas revu Sullyvan depuis la fin du tremblement de terre. Je suppose qu’il est parti quérir sa fille.
Tournant sa tête entourée d’un turban vers la fenêtre, la Prêtresse Lion, Giaa, fronce les sourcils :
— Vous… Vous êtes en train de dire que les sisnasas viennent d’entamer un génocide et que nous, personnes censées être les plus puissantes de cette terre, ne pouvons pas aider notre population ?
— Rien à foutre, crache Hank. Ma population est en danger. J’en prends le risque.
Là-dessus, l’homme arrache une cape d’une penderie qui, étant donné sa carrure, risque de dévoiler sa chaire au moindre geste brusque. Puis, marchant jusqu’au seuil, il lâche :
— A Aphrodite.
Avant de claquer la porte derrière lui.
Le silence se fait, assourdissant. Hector et Giaa échangent un regard. L’homme déclare au bout d’un moment :
— Ce n’est pas sur les champs de bataille que mon pouvoir est utile. Je garderais Meeva.
Aussitôt, la Prêtresse Sagittaire dégaine une lame de sa taille qu’elle tend au Prêtre Poisson. Celui-ci l’observe, bouleversé par l’honneur qu’on vient de lui faire. Il finit par la saisir et, avançant, se place sur le mur jouxtant la fenêtre, de sorte à être protégé des rayons.
— A Thaumas.
Les deux femmes acquiescent avant de saisir une cape chacune.
— A Zeus.
— A Apollon.
La porte se referme dans leur dos. Le silence se fait.
Ma poitrine se gonfle. Des larmes montent et mes doigts tremblent. Je dois aller le voir, maintenant. Je dois m’y rendre. Je dois sauver Toji. Je dois le secourir. Absolument.
Il me faut le retrouver.
Alors pourquoi mes jambes refusent-t-elles de bouger ? Est-ce le poids de mon choix sur mes épaules ?
— Vas-y, sephtis, gronde Hector. J’entends le poids de tes pensées d’ici.
Me tournant vers l’homme assis en tailleur, méditant les yeux fermés, sa lame posée sur ses cuisses, je ne peux m’empêcher de déglutir péniblement.
— Je…
Non. Je comprends pourquoi je ne parviens plus à bouger.
Je sais qu’il est trop tard.
— Toji est mort, Hector.
L’homme ouvre les yeux. Sans n’afficher aucune autre réaction, il me fixe.
Un hoquet me prend soudain.
— Je n’avais jamais réalisé que je pouvais sentir sa présence, juste là, je chuchote en posant ma main sur mon ventre, jusqu’à ce qu’elle disparaisse…
Il continue de me fixer.
— Il est mort.
Ma voix jaillit en une plainte aigue, désespérée. Je fonds dans ma propre peine, dans l’hymne de ma douleur.
— Je sais que vos âmes sont liées. Je l’ai su depuis l’instant où j’ai posé les yeux sur toi. Et je peux te dire, ma chère, que tu ne serais pas dans cet état s’il était réellement mort. Car, en plus, ce n’est pas cette maudite cage qui aurait pu retenir le fils d’Hadès. Un tremblement de terre ne peut pas le tuer. Tout comme le massacre d’il y a dix ans ne t’a pas tuée, toi, sa fille.
Je frissonne.
— Il n’est plus là, pourtant…
— Alors où est-t-il ? demande Hector. Cherche bien, tu as ta réponse.
Je frissonne.
— S’il est au Tartare, cela signifie qu’il est m…
— Il y a pire que le Tartare et tu le sais. Toi mieux que quiconque sait que par-delà la mort, il y a l’asservissement.
Mon cœur se fige. Je regarde les lueurs rouges du soleil.
— Il…
— Il n’est effectivement plus là. Mais pas parce qu’il est mort. Seulement parce que son âme a disparue.
Mes doigts tremblent. Je secoue la tête.
— Non… Ce serait pire que la mort. Mort, je peux aller le chercher aux Enfers. Mais sans son âme…
— Sans son âme, il disparait à jamais, ricane une voix dans mon dos.
Mon sang se fige. Hector se redresse brutalement, dégainant son épée. Ses yeux fixant un point au-dessus de son épaule, il gronde presque de colère.
Quant à moi, je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s’agit. Car je reconnaitrais entre mille cette voix semblable au crissement d’ongles sur de la glace.
Lycus.
— Ainsi donc, déclare cette dernière en marchant, ses talons résonnant sur le sol. Tu étais la Prêtresse Nime.
Passant à ma droite, elle me dépasse. Ses cheveux de givre chutent le long de son dos, se confondant en sa robe de la même couleur.
Elle s’arrête. Puis, se tournant, elle ne me montre que son profil.
— Dire que je ne me souvenais même pas du visage de celle qui a tant fragilisé mon armée, il y a dix ans.
Enfin, elle se tourne entièrement vers moi. Ses yeux, semblables à ceux d’un serpent, brillent dans la lueur écarlate de cette nuit guerrière.
— Et dire que malgré cela, j’avais déjà prévu une mort idéale pour elle… Tuer par mon soldat préféré… Et aussi le sien, d’ailleurs.
Mon cœur se fige. Elle me sourit.
— Ne t’aventure pas dehors, petite prétentieuse. Toji t’y attends, sabre à la main.
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j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
les choses vont se corser
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