𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟔
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟓 𝟔
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— Nous devons nous rendre à l’évidence. Nos possibilités d’actions ne sont pas nombreuses…
Ma gorge se serre lorsque je pénètre le salon que j’avais abandonné derrière moi, suite aux révélations de Sullyvan. La fille de ce dernier n’y apparait plus, lovée dans ses bras et dormant au rythme de sa respiration.
Au lieu de cela, quelques Pages Ancestraux se tiennent.
Assis en tailleur sur un coussin, ses courtes locks attachée, Hector joue avec une pièce, pensif. Debout à côté de lui, Meeva fait les cent pas, écoutant ce que Giaa vient tout juste de déclarer. Cette dernière se tourne vers une femme que je ne connais que trop bien.
La peau cuivrée, ses yeux ronds en permanence souligné d’un trait de khôl et un bijou imposant ornant son front, elle se tient devant nous. Laissant l’aura crépitante de son signe de feu exulter de la robe longue et rouge, qu’elle porte, la Prêtresse Sagittaire nous regarde.
— Noovcahroon, je chuchote, ébahie.
La femme se tourne vers moi, me jaugeant quelques instants.
Si Lycus a donné son nom à une île en guise de punition, la raison pour laquelle cette femme a légué son patronyme à un océan est une véritable récompense. Elle a repoussé de multiples envahisseurs.
Après que les Evilans aient pris le pouvoir sur l’empire et cédé leur nom aux déserts, quelques tribus qui s’étaient à l’origine unies afin de retrouver leur indépendance se sont révoltées. Aujourd’hui, les descendants de ces tribus ne jurent que par Novcahroon.
Prodigieuse maitre d’armes et militaires elle a laissé entendre que si elle s’emparait du trône, elle leur donnerait l’indépendance.
Je serais curieuse de savoir ce que Hector pourrait dire de la sincérité de cette promesse.
Sa longue natte plaquée suit le mouvement dans son dos lorsqu’elle penche la tête en avant. Puis, un sourire étire ses lèvres.
— Une sagittaire ? demande-t-elle.
— Prêtresse Nime, rétorque Sullyvan avant même que j’ouvre la bouche.
Affalé sur un fauteuil, le coude planté dans ce dernier, il ramène le verre d’alcool qu’il tient à son visage dans un geste trahissant son état d’ébriété.
Les Pages me lancent tous un regard consterné. A l’exception d’Hector. Lui, il ne semble pas surpris.
— Nime ? répète Meeva en me faisant les gros yeux.
Hank me dépasse et vient s’assoir sur un coussin. Ménélas saute de son épaule pour faire de même, lançant un regard à Citrouille qui grignote un bout de viande, plus loin.
Aussitôt, il se lève et tente de le lui prendre.
— Ménélas, mange ta part, ordonne Giaa d’une voix vrombissante, ses yeux se teintant d’une lueur brun clair, rappelant l’héliotite.
Elle a usé de son pouvoir. Le chat tourne aussitôt les talons et gambade jusqu’à sa gamelle.
Quelle plaie, cette garce.
— Non mais à qui croit-t-il parler, celui-là ?
Un instant, je suis surprise. Puis je me souviens que Ménélas peut être entendu de toutes les personnes liées au divin et que les Pages étant des représentants des Dieux sur terre, ils en sont.
— Je ne me suis pas déplacée pour parler d’un chat se goinfrant, lance Noovcahron. Lycus a lancé des offensives sur des tribus du désert et nous ne pouvons pas décemment accepter cela.
— Et qu’espères-tu faire ? Je te signale qu’aucun de nos pouvoirs n’a réellement de prise sur elle, fait remarquer Hector.
Il n’a pas tort. Enfin, pas entièrement…
— Le problème ne vient pas de votre puissance mais du fait que vous n’ayez pas les pieds sur terre, je lance.
Meeva me lance un regard noir tandis que Hank serre les dents. Sullyvan, lui, marmonne quelque chose à propos d’une connasse qui le prendrait de haut. Mais, honnêtement, je n’ai même pas l’impression qu’il parle de moi.
Soupirant, je hausse les épaules.
— N’allez pas me faire croire que vous êtes les Pages les plus prolifiques que cette terre ait connu ? Je veux dire, regardez-moi de haut parce que je suis une sephtis mais vous m’avez abandonnée en plein désert et êtes partis avec une criminelle de guerre qui venait quand même tout juste de vous faire un coup en douce, tout cela parce que votre égo ne supporte pas de recevoir des ordres d’Egarca Evilans…
Giaa et Meeva échangent un regard appuyé avant de secouer la tête comme si je disais des bêtises. Cette vision amasse quelques vapeurs chaudes en moi.
— Ou alors, on a le miracle éveillé qui s’est mis à bouder bêtement, nous faisant perdre un temps précieux, sous prétexte qu’il ne voulait pas obéir à une sephtis…
Hank me lance un regard noir. Mais je m’en fiche. Je me fiche de tout.
Ma colère grimpe.
— Aussi, peut-être pouvons-nous discuter de ce gars formidable qui est capable de voir la vérité mais ne la révèle jamais…, je lâche. Parce que maintenant qu’on y pense, Hector, ça fait un sacré bail que grâce à ton don, tu sais que Lycus n’est pas une véritable Page, que Toji est l’Ange de la Mort, que je suis la Prêtresse Nime…
Hector baisse les yeux, visiblement gêné.
— Ne lui en voulez pas trop, vous n’êtes pas en position de le faire. Après tout vous êtes tellement bons dans votre travail que vous n’avez pas compris en dix ans ce que j’ai réalisé en deux secondes.
Les poings de Meeva se serrent.
Bien. Qu’elle s’énerve.
— Et puis, c’est bien beau d’être une militaire hors-pair et de haïr Lycus depuis la nuit des temps. Je sais que vous vous ventez de ne jamais avoir pu vous entendre avec elle, maintenant qu’elle est écartée… Mais sérieusement, vous étiez où quand elle a massacré les sephtis ?
Un rire de colère franchit mes lèvres. Noovcahron se redresse brusquement, son égo visiblement piqué au vif.
— Non ! Vous tous, à vrai dire… Où est-ce que vous étiez ?
Ils échangent un regard.
— Vous aimez dire que vous ne cautionnez pas ce qu’il s’est produit… Mais qu’avez-vous fait pour l’en empêcher ? Hein ?
Nul ne me répond.
— Hein ? j’insiste.
Meeva lève les yeux au ciel en lâchant un rire mauvais. Puis, balayant ma question de la main, elle crache :
— On est importants et très occupés. Nous sommes l’él…
— L’élite de rien ! Vous n’êtes pas importants ! A peine une ligne dans des livres d’histoire qui disparaitront dans quelques siècles ! Vous ne valez rien, ne laisserez aucune trace derrière vous ! Vos funérailles seront plus enflammées que les miennes mais elles demeureront des funérailles !
Ma voix vrille le silence embarrassé.
Les cadavres marchants. Les flammes s’élevant. Les cris retentissants. La maladie se propageant. Les vivres manquants. Les amis trahissant.
Tout. Rien.
Le moment où je n’ai plus rien valu. Seule. Même face à ceux qui vivaient auparavant comme si nous ne valions rien. Ensemble.
La solitude. La mort. L’injustice. Le massacre.
— BORDEL, OU ETIEZ-VOUS !?
Ma voix craque quand je hurle ces mots. Même Ménélas arrête de manger pour se tourner vers moi. Ils m’observent, interdits.
Le silence prend place, assourdissant.
Quelques instants durant, tous m’observent simplement. Même Citrouille, penaud et ne comprenant ce qu’il se passe, marche jusqu’à moi avant de se frotter à ma jambe. Je n’ai même pas la force de me baisser pour le câliner.
Soudain, un rire. Mesquin, froid.
— Quoi ? La Prêtresse Nime ne pouvait plus se débrouiller seule ? lâche Meena en faisant la moue. Comment cela a-t-il pu se produire, elle qui, à l’époque où on se souvenait de son nom et de son visage, s’amusait à terrifier les Pages Ancestraux ?
Il est vrai que, d’après ce que j’ai compris, si du jour au lendemain, tous ont oublié le prénom, le signe et le visage de la Prêtresse Nime — car j’ai subi la cérémonie de l’Ash — ses actions étaient telles qu’elles sont restées gravées dans les mémoires. Et que, parmi ses actions, il y a eu celle notable de s’en prendre aux personnes ici présentes ainsi qu’à l’Ordre auquel elles appartiennent.
— Que les Dieux m’aiguillent ! lance-t-elle en écartant les bras. Pouvez-vous m’expliquer, dans votre infinie bonté, comment cette sournoise et vorace créature a-t-elle pu perdre toute sa puissance ?
— Attends, j’ai un oracle, je vais leur demander.
Sous mon regard ébahis, Sullyvan sort des cartes de sa poche avant de les battre frénétiquement, de couper le paquet, de le rassembler, de l’étaler sur le sol et de piocher l’une d’elles. Puis, l’observant attentivement, il semble réfléchir quelques instants.
Ses yeux se posent ensuite sur Meeva lorsqu’il lâche :
— Ça dit juste que t’es une salope.
— Par tout l’Olympe, soupire Giaa en pinçant l’arête de son nez.
— POUR QUI TU TE PRENDS, ESPECE D’ORDURE ?
— Sullyvan, on insulte pas les femmes, le rappelle à l’ordre Hank d’une voix calme.
Le blond ne répond pas, visiblement très peu intéressé par la dispute qu’il vient pourtant tout juste de créer.
— NON MAIS DE QUEL DROIT TU M’INSULTES ?
— Est-ce que c’est la femme qui enfreint les lois divines en ignorant les ordres de l’impératrice qui me parle de droit, là ? commente-t-il.
— ET EN PLUS, EN UTILISANT L’ORACLE ? C’EST CENSE ETRE LA PAROLE DIVINE ! QUE DIRAIT ARTEMIS, TA DEESSE, SI ELLE APPRENAIT QUE TU UTILISES SON NOM POUR CA ?
— Bah… A priori…
Il brandit l’oracle.
— …Que t’es une salope.
— Oh, Apollon, soupire Giaa.
— C’est extrêmement immature, soupire Hank.
— Je lis en lui et il dit actuellement la vérité, commente Hector.
— TU VAS PAS T’Y METTRE, TOI AUSSI ? rugit Meeva en lui faisant les gros yeux.
Le garçon hésite un instant.
— Euh… Si.
— T’ES VRAIMENT QU’UN SALE…
— Silence.
Noovcahron n’a même pas eu besoin d’élever la voix. Le silence s’est fait aussitôt. Les disputes se taisent et tous la regardent automatiquement.
— La sephtis dit vrai. Regardez-vous, gamins immatures, tonne-t-elle. Nous parlons attaque du désert, massacre de population et vous vous hurlez dessus ?
Elle se redresse, courroucée.
— Croyez-vous que j’ai gagné mes batailles en me comportant ainsi ?
— Non, tu les a gagné en envoyant des gamins crever à ta place sur les champs de bataille, lâche Sullyvan avant de boire une autre gorgée.
— C’est pour ça que tout le monde te déteste.
Noovcahron lève les yeux au ciel en entendant la remarque que Meeva vient de cracher au blond. En réponse, il lui adresse un clin d’œil.
— Cela importe peu, tonne-t-elle. Nous devons, pour une fois, mettre nos différents de côté et nous unir. Nous devons écouter l’impératrice ou au moins lui faire part de la situation sur ses propres terres…
Sullyvan remue sur son fauteuil avant de lâcher :
— Le problème là-dedans, ma jolie, c’est que…
Mais sa voix est brutalement engloutie par le bruit d’une déflagration. Les murs tremblent et des gravas chutent du plafond. Giaa et Meeva s’effondrent tandis que mes chats se réfugient sous ma cape.
Je ne lutte pas longtemps avant de basculer sur les genoux.
Le monde tremble. Prenant ma tête entre mes mains, je tente d’écouter n’importe quoi. Mais le bruit des gravas s’effondrant couvre tout. Même le son de mes propres pensées.
Ménélas miaule contre moi. Un vrai miaulement. Inhabituel de sa part.
Je n’arrive plus à bouger, prise dans ces secousses intenses.
Brutalement, tout s’arrête.
Le silence se fait à nouveau. Le monde se stabilise. Plus personne ne bouge.
Il me faut quelques instants avant de relever la tête. Aussitôt, mon regard se pose sur le décor autour de moi. Des morceaux de plafond sont en suspens dans l’air. Avec horreur, je constate qu’une pierre grosse comme ma tête a été arrêtée, à quelques centimètres à peine de mon dos. Elle s’apprêtait à me paralyser.
Découvrant la salle, je regarde les Pages se relever péniblement. Meeva, elle, est déjà dressée. Cela ne m’étonne pas.
Elle vient de nous sauver la vie.
— Beau boulot, Meeva, félicite Hank.
Assise en tailleur dans les airs, la femme montre ses deux paumes au ciel tandis que son iris a revêtu une teinte aigue-marine brillante.
Meeva. Prêtresse Scorpion. Pétrification.
La vache. Elle vient de pétrifier un tremblement de terre ?
Novcahron esquisse un sourire, s’apprêtant à répliquer mais Hector la prend de court.
— Ce n’est pas un tremblement de terre.
Nous tous nous tournons vers le jeune homme dont les yeux se sont allumés. Lui aussi, utilise son pouvoir. Sans doute pour localiser la vérité derrière ce phénomène.
Il me regarde d’ailleurs en la lâchant :
— C’est une attaque des sisnasas.
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j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
navrée pour l'heure tardive,
j'ai été prise dans une
aventure de folie.
y'avait moi, 189392 ninjas
et on a fait un battle de
danse dans une ruelle.
🧍🏼♀️
je les ai fumé.
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