𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟒












𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  𝟒 𝟒
























           A PLAT VENTRE sur le sol, ma joue se frotte aux grains d’un sable chaud. Les sourcils froncés et yeux clos, je distingue la très forte luminosité malgré mes paupières fermées.

           Le sort qu’a lancé Hank à l’aide de son sceptre d’émeraude est d’une puissance déconcertante. Mes pieds se sont arrachés du sol et, battant l’air vainement, se sont dérobés sous leur propre poids quand j’ai atterri.

— Je ne veux pas manquer de respect à ta puissance, Hank… Mais tu t’es sacrément loupé, sur ce coup.

           Me redressant, j’ouvre les yeux que je referme aussitôt, agressée par l’aura d’Hélios. Puis, plaçant mes mains au-dessus de mes yeux, je regarde autour de moi.

           Meeva, la prêtresse Scorpion, n’a pas tort.

           Tout n’est que dunes et sables à perte de vues. Aucun arbre, aucun fleuve, aucune muraille ni maison ne se fait voir.

          La femme se redresse dans sa robe fluide, promenant un regard autour d’elle. Hank, plantant son sceptre dans le sol, promène un regard plissé sur les environs.

           Le soleil éblouissant met en valeur les seules couleurs nous entourant. Le bleu éclatant de l’éther se superpose à l’or infini des dunes de sable.

— Nous étions censés atterrir dans le village natal de Sullyvan, lance la prêtresse Lion sous son turban.

           Giaa observe les alentours, visiblement surprise.

— Il faut le faire, pour se planter autant… Ton pouvoir d’origine est la téléportation alors pourquoi diable es-tu allé chercher ton sceptre ? crache Meeva, visiblement agacée.

           Les sceptres des prêtres sont figés de leur pierre de naissance. Cependant celles-ci n’ont pas le même pouvoir que ceux des pages. Sullyvan, par exemple, nécromancien, s’est servi de son sceptre pour révéler la vérité.

           Alors, bien que je ne sache pas à quoi sert le sceptre de Hank, il semble étrange qu’il s’en soit servi afin de se déplacer. Son pouvoir d’origine est la téléportation.

— Je me suis servi de mon pouvoir et de mon sceptre, rétorque Hank.

— Quelle est la différence ?

           L’homme me jauge quelques instants, semblant se rappeler qu’il est accompagné d’une personne comme moi, aux pouvoirs infiniment moins grands car inexistants.

           Cependant, il accepte d’expliquer ce que je suis la seule à ignorer.

— Les pouvoirs sont des dons des Dieux là où le sceptre est un appel à eux. En utilisant nos pouvoirs, nous nous servons de notre puissance. En utilisant le sceptre, nous faisons agir les Dieux à travers nous.

— Alors vous vous êtes téléportés tout en demandant à Aphrodite d’agir ? je demande.

           Il acquiesce.

           Meeva, croisant les bras, lève les yeux au ciel en secouant la tête. Plus loin, Giaa garde le silence, solidement campée aux côtés de Mael qui n’a pas daigné bouger depuis notre arrivée.

— Sullyvan n’est pas assez stupide pour gagner son village natal alors qu’on le cherche. Quelque chose le motive, sans doute l’amour.

           Un rire franchit les lèvres de Meeva.

— Les ébats de Sullyvan n’ont jamais rien eu à voir avec ces désirs de pouvoir.

— Pense ce que tu veux, répond calmement Hank. En attendant, je suis celui qui décide de la direction que nous prenons. Et Aphrodite ne m’a sûrement pas guidé ici pour rien.

           Regardant autour de moi, je fronce les sourcils. Dunes de sable et dunes de sable… Je peine à croire qu’il y est l’amour de Sullyvan, caché en ces lieux.

— Mettons-nous en route.

           L’homme commence à gravir une dune. Un instant, je songe à le suivre. Mais les femmes demeurent immobiles, le regardant. Comprenant leur résistance, il se retourne.

           Meeva hausse un sourcil agacé tandis que Giaa ouvre la bouche :

— Son garant est la sephtis. Ce n’est pas à toi d’initier la marche. Elle doit décider de la suite.

— Quoi ? crache la prêtresse Scorpion en se retournant. Je dois être dirigée par une sephtis ?

           Je frissonne en sentant le regard de Hank, sur moi. Je ne peux le déchiffrer mais sa prestance m’angoisse. Je déglutis péniblement.

— Je n’ai rien contre ce peuple et pense qu’il doit être traité au même rang que les autres. Cependant, nous ne faisons pas partis des autres, objecte Hank. Nous sommes les Pages Ancestraux, une sephtis ne peut nous diriger.

           Giaa lève le nez, se redressant aux paroles d’Hank.

— La loi la désigne comme meneuse de notre troupe. Vous ne pouvez contester les ordres.

— Je vais me gêner, raille Meeva. Non seulement c’est une sephtis mais elle a osé débarquer dans mon temple et accuser ma déesse de mentir ? Il est hors de question que je courbe l’échine devant elle !

           Ma gorge se serre, je reste plantée là. Les écoutant débattre de mon incapacité à diriger notre groupe, les entendant expliquer combien ils seraient prêts à enfreindre la loi pour ne pas vivre l’humiliation de me suivre, je demeure pantoise.

           Je ne peux rien dire. Je crains de déchainer la colère de Némésis ou Aphrodite. Alors, debout, je ne réagis pas.

— Dura lex sed lex, annonce fermement Giaa. La loi divine n’existe pas sans celle de l’empire.

— Il existe d’autres empires, lointains, et je suis sûr que nous n’aurions pas à nous soumettre au sephtis, là-bas.

— Il ne s’agit pas de soumission au sephtis mais à la loi…

           Me détournant, j’arrête d’écouter leur conversation. Leur avis est fait et nous ne pourrons le changer. Mieux vaut avancer et se hâter de retrouver Sullyvan pour que je puisse retrouver mes chats et me reposer.

           Mon corps se fige soudain.

— Où sont mes chats ? je demande en me retournant, alertée.

           Mon cœur bat à toute vitesse en réalisant qu’ils ne sont pas allongés dans le sable. Regardant autour de moi, je panique, terrifiée à l’idée qu’ils se soient perdus durant le transport.

           Et s’ils avaient atterris ailleurs ? Et s’ils n’avaient pas atterris du tout ?

— Non ! Non ! Citrouille est convalescent, il doit être survei…

— Du calme, je les ai laissé au palais.

           La voix de Hank est ferme. Levant les yeux, je le regarde tandis qu’il me jauge sans sourciller.

— Quoi ?

— Mon pouvoir, mon choix. Je n’allais pas nous embarrasser de maudits ch…

           Sa voix meurt brutalement dans sa gorge. Son corps tombe sur le sable, s’effondrant de tout son long. Meeva sursaute aussitôt et Giaa fléchit les genoux.

           Quelque chose a percuté Hank à toute vitesse. Une tâche noire qui a fendu l’air et l’a heurté de plein fouet.

           Relevant la tête, nous observons la silhouette ayant rejoint l’éther. Aussitôt, mon ventre se noue et ma gorge se serre.

— Oh non…

           Trois oiseaux tournoient dans les airs, autour de nous. Dessinant un cercle, ils nous observent tout en exécutant cette parade mortuaire.

           Mon estomac se retourne.

— Des vautours ? Pourquoi ? Ils nous croient sur le point de mourir ? demande Meeva.

           Un rire retentit.

           Surprises, nous nous tournons d’un même geste sur Mael qui vient de glousser, sous sa cape noire. La capuche toujours posée sur sa tête, la femme ne lève pas le visage.

           Mais son rire a quelque chose d’angoissant, terrifiant.

           Elle, elle sait ce qu’il se passe.

— Les vautours ? Mais manques-tu de culture ? Ou alors de capacité de vision ? As-tu déjà vu des vautours possédant tel visage ?

           Je ne peux m’empêcher d’acquiescer, de la bile remontant le long de ma gorge.

           Moi aussi, ai remarqué qu’il ne s’agissait pas d’oiseaux comme les autres. Car, en dépit de leurs ailes noires et serres brutales, la tête demeurent celles de femmes.

           Une crinière de bois. Une crinière d’or. Une crinière de flammes.

           Trois femmes à tête d’oiseau. Trois fléaux dévorant tout sur leur passage et ne laissant derrière elles que leurs excréments.

— Ce sont les Harpies, je chuchote.

           Le corps de Meeva se tend en entendant ce mot.

           Aello. Ocypète. Podarge.

           Les symboles de la vengeance divine.

           Mael rigole de plus belle. Mais différemment, cette fois. Un son semblable au crissement d’ongles sur de la glace. Je me fige en entendant cela. Un tremblement me parcourt et il me semble que mes organes se liquéfient.

           Ce rire, je le connais.

           Il est unique.

           Inimitable.

           Doucement, à la manière d’une machine aux rouages mal huilés, je me tourne. Ma nuque grince et mes jambes tremblent. Mais je regarde le capuchon noir enveloppant le corps de la prisonnière.

           Celui-ci est tombé, dévoilant son visage.

           Un nez droit surplombant des lèvres à peine rosées, une peau ne semblant être qu’un désert de glace, des cheveux aussi blancs qu’une sclère sans âme.

           Lycus. Prêtresse déchue.

— Toi ! gronde Giaa en se retournant brutalement, observant la femme aux poignets enchainés.

           Comment a-t-elle fait pour échanger sa place ? Les menottes sont censées neutraliser toute forme de magie ? Elle n’aurait pas pu utiliser les pouvoirs d’une Vierge pour obtenir cette apparence !

           Lycus sourit. Un rictus venimeux. Et ses yeux se posent sur moi.

           Je frissonne, sentant ma gorge se serrer.

— Les Harpies sont l’incarnation de la vengeance divine. Les combattre revient à aller à l’encontre du courroux des Dieux.

           Je frissonne. Nous ne pouvons rien faire. Il est vrai.

— Podarge a simplement percuté Hank et son coup a plongé ce grand gaillard dans l’inconscience. Il n’est pas mort… Car ce n’est pas pour lui qu’elles sont venues.

           Mes yeux se posent sur les Harpies, continuant leur cercle infernal.

— Vous avez passé votre vie à flatter votre Dieu. Mais j’espère que vous avez songé à laisser quelques offrandes à Hadès, mes chères…

           Son rire résonne dans le désert silencieux.

— Car quelque chose me dit que vous le saluerez bientôt.

























...

ça commence mal




























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