𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝐎
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 4 O
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SILENCE. CALME.
Telle une césure dans le chant éternel de l'existence, le repos. De brefs instants seulement, à peine le temps de réaliser que nous ne faisons que ralentir un court moment la folle course de nos vies.
Sa langue a le goût amer d'un whisky onéreux. Apre, il pourrait me râper la bouche mais la douceur de ses moindres mouvements, de sa respiration calme, de sa retenue m'apaise.
Mes lèvres se sont posées sur les siennes. Comme une évidence.
Une évidence...
Soudain, une lumière. Brutale, violente, elle balaye les ténèbres précédentes sans vergogne. Tout en silence, elle se projette si fort que, les paupières closes, je la vois.
Brutalement, je me recule. Notre baiser s'interrompt. Tournant la tête, je regarde le couloir.
Déferlante, elle arrive. A la manière d'une coulée de lave diaphane, elle avale chaque détail du château sur son passage. Nos paupières se ferment, ployant sous la force de cette infinie lueur.
— Arrêtes de regarder.
La main du duc s'empare de mon bras et m'attire contre lui. Ma tête se loge dans le creux de ses pectoraux et sa main se pose à l'arrière de ma tête, me protégeant.
Les paupières closes, je ferme les yeux en tentant de réprimer les frissons parcourant mon corps.
— Cesse donc ce comportement puéril, grogne-t-il soudain.
Mes épaules tremblent. Je n'ai pas regardé directement la lumière provenant du bout du couloir. Cependant les vibrations malsaines et magiques en provenant, elles, piquent ma chair à la manière de sel abandonné sur une plaie.
Je ne sais quelle est la source de cette lumière diaphane. Mais il est puissant.
Et dangereux.
— SULLYVAN, ARRÊTES !
Le hurlement du duc fait presque trembler les murs. Jusqu'au plus profond de moi, il s'insinue, secouant en spasme chaque bribe de certitude qui subsistait encore.
Sa voix, puissante, a comme avalé la lumière. Les ténèbres se font à nouveau. Totales.
J'ouvres les yeux.
— Misère, tu es devenu si ennuyant...
Je frissonne. Cette voix sonne comme la complainte des déchus. De cristal, presque douloureuse, un brin pénible.
Une menace dont son porteur se délecte.
Je tente de me retourner, prête à regarder le nouveau venu. Seulement la main du duc demeure ferme, sur mon crâne. Elle ne bouge pas un seul instant, me gardant solidement enfouie dans sa poitrine.
— Aurais-je interrompu un moment romantique ? susurre à nouveau le dénommé Sullyvan.
Je sens la main du duc se contracter sur mon crâne, comme s'il peinait à réprimer sa colère.
— Ceci dit, je dois m'avouer plus réjoui parce que ce baiser était pénible à voir. Non mais sérieusement, Toji, à l'époque où tu étais vivant, il me semble que tu étais pourtant un tombeur de ces dames ?
Je me fige. A l'époque où il était vivant ?
— Je me serais attendu à un peu plus de fougue de la part de notre grand...
— Sors. D'ici.
Sa voix est grondante et sa colère, retenue. Mais un frisson me parcourt et mes poils se hérissent sur ma nuque. Quelque chose, dans la façon qu'il a de taire sa rage, est effrayant.
— Eloigne-toi de nous. Tout de suite.
— Non... Ne me dis pas que le grand Toji Fushiguro est en colère contre moi ! Juste ciel, laissez-moi me réfugier dans les jupes de ma très tendre et très décédée maman.
La voix se rapproche. Sullyvan nous rejoint.
— La lumière que tu as projetée est particulièrement dangereuse et...
— Dangereuse ? Mais pas pour elle... Seulement pour toi.
Je tente de reculer afin de regarder le duc, détailler mieux son visage, cerner dans ses yeux le moindre signe que Sullyvan dit vrai.
Seulement, il me garde contre sa poitrine.
— Allons, mon cher duc, laisse-la voir la vérité...
Posant mes mains contre le torse du noiraud, je pousse dessus afin de me défaire de son étreinte. Seulement il me garde contre lui. Puissant.
Sullyvan éclate de rire.
— Ecoutez, s'il avait seulement été question que je me présente comme le nouveau prêtre Cancer, je ne serais pas venu car j'ai sérieusement mieux à faire. Seulement, j'ai besoin d'autre chose et pour cela, tu dois arrêter tes enfantillages, Toji.
Le prêtre Cancer ? Cela ne m'étonne pas. Il semble aussi fêlé que celle qui l'a précédé.
— Monsieur le duc, laissez-moi...
— Elle te vouvoie encore après un baiser ? C'est d'un ringard..., raille l'homme.
— Boucles-la.
La voix du duc est agressive. Je sens sa colère dans ses spasmes incontrôlés.
— Bon, allez. Nous n'allons pas rester ici des années. Toji, laisse-la partir.
— Casses-toi.
Je tente encore de me défaire de sa prise, sans succès. J'ai beau me remuer, je demeure bloquée dans sa poigne.
— La lumière que j'ai projeté dans cette pièce provient de la pierre de naissance des Cancers, la pierre de lune. Seul le prêtre peut l'allumer de cette manière.
Je cesse de bouger, écoutant ses explications.
— Comme vous le savez, la lune est vectrice de vérité. Le soleil cesse de nous éblouir, mais ses rayons à elle illuminent tout juste ce qu'il faut...
Je frissonne.
— L'eau de lune permet de révéler la véritable nature d'une personne. Mais aussi vite qu'elle est séchée, elle perd son effet... Autrement dit, après avoir propulsé des gouttes sur un Ange, il lui suffit de quelques secondes pour reprendre sa métamorphose et dissimuler sa véritable apparence.
Je tremble, craignant d'avoir compris.
— La lumière de la pierre de lune, en revanche, dure beaucoup plus longtemps. Pendant quelques heures, il devient impossible pour un Ange de se métamorphoser en une autre personne... Comme un homme sans ailes ou encore une femme avec des ailes...
Ma poitrine se contracte. Je pousse violemment Toji.
Là enfin, je peux le voir. Mes pieds me reculent précipitamment tandis que je le regarde, une larme coulant le long de ma joue. Sous le choc, je tremble.
Il semble identique. Fidèle à ce que j'ai toujours vu.
Deux yeux smaragdins percent un visage des plus finement taillé. Seule imperfection, plus sublime encore que le reste, une cicatrice zèbre ses lèvres en leur commissure gauche.
Oui. Rien n'a changé.
A l'exception de deux gigantesques ailes de corbeaux naissant dans son dos. Immenses, elles s'étendent dans le couloir, brillant sous leurs plumes noires délicatement irisées d'un bleu profond.
Je recule d'un autre pas, hébétée.
— Tu... Tu es bien un Ange...
Un rire retentit, juste derrière moi. Mon dos heurte un torse. Celui de Sullyvan. Je ne me retourne même pas pour le regarder, trop absorbée par la contemplation du duc.
Quand soudain, un visage se glisse dans le creux de mon épaule. Le duc serre les poings en voyant l'autre homme faire.
— « Un Ange »... Dit-t-elle comme s'il s'agissait d'un vulgaire spécimen... Mais, ma très chère, ce n'est pas n'importe quel Ange...
Je déglutis péniblement, secouant la tête.
— Quoi que je dois avouer qu'après qu'il se soit continuellement présenté à toi sous les traits d'une magnifique jeune femme pendant dix ans, il soit compliqué de faire le lien.
Toji ne réagit même pas, me fixant avec douleur.
— Mais ne reconnais-tu pas ce regard émeraude ? rit le futur prêtre. C'est lui ! Il est l'Ange de la Mort !
Je tremble de toutes mes forces, atterrée. Je ne peux rien faire à part regarder le noiraud qui fait de même, silencieux.
— Et je t'ai entendu te demander pourquoi il s'était montré si gentil avec toi, si désireux d'aider les sephtis, si tendre et attentionné...
Deux mains se posent sur mes épaules. Je frissonne.
— Sais-tu que, s'il arrive à convaincre ne serait-ce qu'une personne de prendre sa place, une sephtis, de devenir l'Ange de la Mort, sa tribu lui pardonnera et le laissera retourner chez lui ?
Mes épaules tremblent et mes lèvres se pincent. Les yeux écarquillés, je fixe le duc.
— Il n'a en réalité, pas plus de respect pour les sephtis que moi. Il te l'a dit, non ? Ce n'est pas eux, qu'il protège. C'est toi. Parce que quand il est allé te sauver, sur cette colline, après qu'il t'ait vu survivre à la cérémonie de l'Ash, il a compris que si tu avais défié aussi souvent la mort, cela ne signifiait qu'une seule chose...
Je n'ose plus bougée, sous le choc.
— Les seuls humains qui échappent aussi souvent à la mort sont ceux qui ont obtenu la faveur d'Hadès et tu le sais. Et tu sais aussi que, pour devenir un Ange de la Mort, il faut avoir cette faveur.
Sullyvan rit à mon oreille, surexcité.
— Regarde le tableau : si Toji te tue de ses mains, toi qui est une sephtis et as la faveur d'Hadès, tu deviendras l'Ange de la Mort. Il ressuscitera en humain et pourra vivre avec son fils !
Je me déteste de sentir une larme couler sur ma joue.
— Pourquoi te protège-t-il depuis dix ans ? Parce qu'il t'aime ? Misère ! Que de naïveté... Tu es juste la seule sephtis qu'il connaisse qui a la faveur d'Hadès ! Tu es la seule personne qui puisse le délivrer de son fardeau !
— Non... Si j'avais la faveur d'Hadès, je le saurais...
— Mais bien sûr... Tout comme tu sais comment tu t'appelles et quand tu es née ?
Je frissonne.
— Comme je te l'ai dit, la pierre de lune force la vérité. Tout ce que je dis n'est que pure vérité... Sinon, comment expliquer que le duc se taise face à de telles accusations ? Qu'il ne tente pas de démentir ? Il ne peut pas !
Un baiser, froid, de cristal, se pose sur l'arrière de mon crâne. Je frissonne, incapable de m'arracher à la vision du duc.
— Le duc n'a jamais eu l'intention de t'aimer. Il attend la Lune Noir, la Lilith, qui ne se produit qu'une fois tous les vingt ans, afin de te sacrifier.
Mon corps entier tremble. Je ne parviens à faire le moindre geste. Toji continue de me fixer, ne pipant mot. Je me contente de le regarder, hébétée.
Je n'ose plus respirer.
Des larmes coulent le long de mes joues.
— Mais je suppose que le meilleur moyen d'obtenir ta confiance et te convaincre de devenir l'Ange à sa place était de te faire tomber amoureuse de lui ?
Une larme coule sur mes joues.
— Tu... L'Ange de la Mort...
Toji ouvre la bouche, murmurant d'un air grave :
— Je suis désolé.
Les anciens disent que lorsque les dieux nous ont abandonnés, l'Ange de la Mort nous a couverts de ses ailes de corbeau.
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voici le quarantième
chapitre de cette fanfiction !
et la fin de la partie 2 !
étant donné que j'ai
raté pas mal de publication
ces derniers temps, je ne
vais finalement pas
faire une pause d'une
semaine entre la
partie 1 et 2.
on se revoit demain !
j'espère que ça vous aura
plu !
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