𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟐







𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  3 2























           IN EXTREMIS, je fais un pas de côté et évite de marcher sur un éclat de verre. Mes pieds dénudés n’auraient pas apprécié cette rencontre. Et, après mon hémorragie située au niveau du ventre, je pense que je devrais veiller un peu mieux sur mon corps.

           Ceci dit, en arrivant dans le salon jouxtant la chambre où je me repose depuis deux jours, je ne m’attendais sûrement pas à découvrir un tel spectacle.

           Le duc est un membre très spécial du cercle restreint des proches de l’Impératrice Egarca Evilans. Cela se ressent dans la beauté de la chambre qu’on nous a attribué ainsi que le fait qu’elle soit affublée de deux salles de bain, une bibliothèque et un salon. En d’autres termes, on ne nous a pas destiné une vulgaire piaule mais bien un appartement à l’intérieur du palais.

           En rapprenant cela, j’ai eu envie de le découvrir entièrement. Seulement, mon corps était si affaibli qu’il m’a fallu demeurer sous les draps, sans aucune forme de compagnie à l’exception des minuscules fées veillant sur l’évolution de ma blessure. Le duc lui-même n’est pas venu me visiter.

           Deux nuits se sont succédées, taraudées par le message qu’est venu me déposer le prêtre vierge. Ainsi, Lycus a demandé mon exécution. La boule s’étant formée dans mon ventre en apprenant cela ne s’est pas desserrée. J’espérais me détendre un peu en déambulant dans les pièces, ne restant pas cloîtrée dans mon lit.

           Cependant, le spectacle s’offrant à moi et des plus désarçonnant.

— Bon sang ! Que s’est-t-il passé ici ? je lâche, hébétée.

— Le duc n’a pas vraiment apprécié que Lycus demande votre exécution.

           La voix qui me répond appartient à la minuscule fée scintillante qui me veille depuis que je me suis réveillée. Virevoltant autour de moi dans un déluge de paillettes étincelantes, elle passe à côté d’éclats de verre sur le sol, d’un pot de fleurs dont les pousses sont éparpillées, un buste de marbre brisé et une vaste toile à l’effigie des prêtres et prêtresses éventrée.

— C’est… Le duc qui a fait cela ?

— Navré. Mes réactions ne siéent point aux goûts de madame ? demande une voix d’un ton sarcastique, dans mon dos.

           Je me tourne, manquant de sursauter. Je faisais face à la porte et, derrière moi ne se trouvent que des fenêtres fermées. Je n’ai aucune idée de la façon dont il est entré sans que je ne le remarque.

           Mes sourcils se froncent et je me retourne à nouveau, tentant de comprendre quel chemin il a bien pu emprunter. Il a pourtant affirmé, l’autre soir, devant ma chaumière, qu’il n’était pas de signe vierge.

           Il n’est donc pas censé pouvoir se métamorphoser… Alors serait-t-il verseau ? Capable d’invisibilité ?

— Comment…

— Laissez-nous.

           Sa voix est ferme et la fée réagit aussitôt, filant en un clin d’œil hors de la pièce. Dans son sillage, elle laisse une poussière lumineuse qui scintille quelques instants dans l’air, en suspens.

           Ce n’est seulement lorsqu’elles s’évanouissent définitivement qu’il reprend la parole.

— Lycus a beau avoir un complexe de dieu, elle est tout à fait humaine. Ce n’est pas parce qu’elle exige votre exécution qu’elle l’aura.

           Ses yeux smaragdins se plongent dans les miens, accrochant mon regard à la manière de crocs acérés se refermant sur une proie. Sa prise est si ferme, presque brutale, que mon souffle se coupe.

           J’espère qu’il n’entend pas le bruit de l’air se faisant hésitant, aux portes de mes poumons.

— Et croyez-moi, elle ne l’aura pas.

           La cicatrice barrant le coin de ses lèvres se hausse légèrement lorsqu’il esquisse un rictus en coin. Là, la fermeté presque violente de son regard s’adoucit, laissant place à une lueur condescendante et moqueuse.

— Elle serait bien sotte de penser pouvoir faire quoi que ce soit contre vous tant que je suis vivant.

           Les pulsations de mon cœur redoublent d’intensité. Je me doute qu’il ne me protège simplement afin de se racheter de ce qu’il a été contraint de faire, il y a des années maintenant.

           Seulement ses paroles et la façon, si résolue, qu’il a eu de les prononcer viennent de provoquer quelque chose en moi. Ou plutôt d’éveiller une partie de ma personne, cachée jusque lors, qui me semble avoir toujours fait partie de moi.

           Inhérente.

           Un léger rire franchit mes lèvres, amusé. Il semble surpris de l’entendre et moi aussi. Nous discutons tout de même de ma possible exécution et je ne suis sûrement pas assez soucieuse.

           Je crois que la situation me semble si surréaliste que je n’en ai pas encore compris le sérieux. Peut-être faudrait-t-il que mon inconscient se réveille et se hâte de me faire saisir le danger que j’encours. Sinon, je risque bien de me réveiller lorsque je serais sur le plotons d’exécution.

— Je ne comprends pas ce qui est si drôle dans ce que j’ai dit, fait-t-il remarquer.

— Ce n’est pas ce que vous dites, c’est… Je ne sais pas. Malgré les Moires, les Dieux, les Pythies et les visions, tout ne tient qu’à un fil, au final.

           Les sourcils de Fushiguro se froncent. Il ne saisit pas.

— Chaque jour me fait juste réaliser un peu plus le bordel que Lycus a causé dans la vie d’énormément de personnes. Et je me maudis de réaliser surtout que…

           Mes lèvres se pincent.

— Etonnamment, je n’aurais sans doute jamais foulé ce palais si elle n’avait pas fait ce qu’elle avait fait. Je serais encore sur cette île, à cultiver de la terre. Je ne vous connaitrais pas et vous ne tenteriez absolument rien pour me protéger…

           Un soupir me prend. Je me demande si j’aurais été heureuse, dans cette vie. Sans doute davantage que dans celle-ci.

— Oui… Tout est contingent…

— Absolument pas.

           A ma grande surprise, le duc semble presque indigné lorsqu’il me répond. Ses sourcils sont froncés et son regard, ferme.

           Résolu.

— Comment…

           Je ne termine pas ma phrase. Ses traits retombent brutalement et il écarquille les yeux, Hébétée, je ne pipe mot, l’observant tandis qu’il balbutie quelques onomatopées incompréhensibles.

— Je… Euh… Je crois que je ne sais plus ce que je dis. Veuillez m’excuser. Je crois que je ferais mieux de…

           Tournant les talons, il s’apprête à quitter le salon.

— Attendez ! je lâche en le suivant mais il continue sa route, m’ignorant et ouvrant la porte de la chambre. Qu’entendez-vous pas « non » ? Pensez-vous réellement qu’on se serait rencontrés, même sans Ly…

           Ma voix meurt lorsque je hurle de douleur, sursautant. Aussitôt, il se retourne, les yeux écarquillés. Ceux-là trouvent mon pied droit dénudé qui vient de marcher sur un éclat de verre.

           Aussitôt, il accourt en ma direction, m’empêchant de tomber en glissant un bras sous mon dos. Je me laisse aller contre celui-ci, tremblotante, paniquée à la vue de l’imposante quantité de sang s’écoulant de ma plaie.

           Son autre bras se glisse sous mes genoux.

— L’éclat de verre est encore dans votre pied. Je dois le retirer. Putain de merde, pourquoi les fées ont pas nettoyer comme je leur ai demandé !?

— Parce que nous sommes médecins, pas servantes.

           Je reconnais la voix particulièrement aigüe de la doctoresse minuscule et ailée ayant veillé sur moi, au cours des derniers jours.

— Je croyais vous avoir dit de nous laisser ? grogne le duc en la fusillant du regard tandis qu’elle virevolte jusqu’à nous dans une trainée de poussières scintillantes.

— Et je croyais vous savoir dit de venir rendre visite plus souvent à ma patiente ? Elle a besoin de ressentir que vous l’aimez et que vous tenez à elle !

           Je me fige. Avec toutes ces péripéties, j’en ai oublié le fait que le duc est censé être mon époux…

— Amenez ma patiente dans sa chambre, je vais m’occuper d’elle.

           Aussitôt, il s’exécute. Je suis plutôt étonnée de le voir obéir aussi facilement à une petite créature pour laquelle il n’a aucun respect. Ceci dit, je suis aussi étonnée de sentir son cœur battre si fort, contre mon bras.

           Ma gorge se fait soudain sèche.

           Si je sens si aisément ses pulsations cardiaques, c’est parce qu’il ne porte qu’une chemise en soie particulièrement fine. Je n’ai rien à deviner de la forme prononcée de ses pectoraux, de celle de ses bras puissants me tenant ou même de son ventre arrondi.

           Une vague de chaleur m’envahit lorsque le duc me soulève de terre. L’odeur de cèdre de son manoir, empreignant encore ses habits, me fait étrangement saliver.

— Euh… Je…

           Mais aucun des deux n’écoutent ce que j’ai à dire.

           L’homme se précipite sur le lit à baldaquin que je viens de quitter. Je grogne en réalisant que je vais encore y être déposée pour un certain temps, sans qu’on ait eu le temps de changer les draps ou même de changer mes propres vêt…

           Mes yeux s’écarquillent brutalement.

           Par tous les Dieux de l’Olympe, le duc Toji Fushiguro me tient dans ses bras alors que je ne suis pas lavée.

           Cela ne devrait pas m’embarrassée. Cependant, sans que je ne puisse réellement me l’expliquer, cette situation me met mal à l’aise.

—  Posez-la.

           Le duc s’exécute, m’allongeant sur le lit. Je veille à tourner la tête, craignant qu’il ne sente mon haleine ou même qu’il puisse voir des traces de bave séchée sur le coin de mon menton.

           Il s’éloigne alors, pour mon plus grand soulagement. Je me dis que je vais enfin pouvoir profiter d’un peu d’intimité.

           Cependant, cela est sans compter sur cette idiote de fée.

— Avant de partir, embrassez-la.

— Je vous demande pardon ? nous nous exclamons d’une même voix en nous redressant soudain.

           La fée nous observe tour à tour, soutenant notre regard.

— Je sais par expérience qu’un patient guérit mieux s’il se sait entouré et aimé de ses proches. Vous êtes son mari, embrassez-la.

— Ce n’est qu’une plaie au pied ! je proteste.

           Malgré sa petite taille et les détails difficiles à percevoir de son visage, je la voix nettement me faire les gros yeux.

— Je suis le médecin !

— Oui, mais…

— Ce n’est pas grave, répond le duc d’une voix étonnamment douce avant de se tourner vers la doctoresse. Pourrions-nous avoir un peu d’intimité ?

           Elle se retourne, cessant de nous regarder. Parfait. Il va pouvoir prétendre m’avoir embrassée sans n’avoir rien fait.

           Il peut se montrer intelligent, parfois.

           Rarement. Mais parfois.

           Sentant son regard sur moi, je tourne la tête. Encore honteuse de ne pas être propre et apprêtée, j’attends qu’il interpelle la fée, prétendant m’avoir effectivement embrassée.

           Soudain, sa large main se pose sur ma joue, m’obligeant à tourner la tête. Je sursaute presque en constatant la proximité de nos visages. Nos nez se frôlent et je sens son souffle chaud sur mes lèvres.

           Mon cœur bat à tout rompre tandis que son regard smaragdin se plonge dans le mien, le détaillant. Je peine à respirer, captivée par la profondeur de ses iris.

— Guérissez bien. Je vais avoir besoin de vous pour humilier Lycus en vous empêchant l’exécution, murmure-t-il.

           La gorge sèche et les joues chauffées, j’acquiesce timidement. Sa main me semble brûlante, sur mon visage.

           Il sourit en me voyant hocher la tête. Un geste particulièrement doux.

           Et, à l’instant où je m’imagine qu’il va se redresser, prétendant s’être penché sur moi pour m’embrasser, il demeure à quelques centimètres seulement de moi.

           Puis, ses lèvres se posent sur mon front.
























voici le trente-et-deuxième
chapitre de cette fanfiction !

j'espère que ça vous aura
plu !

personnellement le petit
bisous sur le front me fait
fondre


























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