𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟖
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 2 8
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SA MAJESTE NOUS a très rapidement congédié après que le duc lui ait demandé de converser. J’ai cru comprendre qu’ils boiraient ensemble dans les appartements privés de l’impératrice, tout à l’heure, afin d’avoir une conversation plus profonde.
Je me demande donc pour quelle raison il a tenu à m’emmener ici puisque je ne serais, de toute évidence pas conviée à la discussion.
Déambulant dans la salle, je ne pipe mot. Demeurant silencieuse, je marche aux côtés du duc en prenant soin d’ignorer les regards que les nobles posent sur ma tenue. Nous restons côte à côte, marchant parmi leurs silhouettes sans prendre la peine de danser.
— Comptez-vous me donner la véritable raison pour laquelle vous m’avez faite venir ici ? je demande, regardant devant moi et remuant à peine les lèvres.
Je n’ai le loisir de regarder sa réaction. De toute évidence, je commence à être assez familière de ses manies pour savoir qu’il ne doit afficher la moindre expression faciale.
— Je ne vois absolument pas de quoi v…
Sa voix meurt dans sa gorge, couvert par des trompettes. Leur musique soudaine couvre celle de l’orchestre qui s’arrête et les nobles cessent de danser.
Je frissonne, prise d’un étrange et mauvais pressentiment. Lorsque le duc entrelace ses doigts aux miens, je réalise que mes sentiments sont fondés.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? je chuchote, légèrement apeurée, en voyant les personnes autour de nous reculer brutalement, comme si elles cherchaient à mettre le plus de distance possible entre elles et nous.
Je sens le duc se pencher, prêt à me répondre. Mais il est interrompu par une vision soudaine.
Non seulement les nobles autour de nous se sont écartés, mais ils ont aussi créé un couloir allant jusqu’à l’entrée, se retirant. Et, la double-porte massive étant toujours ouverte, je peux nettement distinguer la silhouette plantée à l’entrée.
Il me semble que les cheveux de givre tombant sur ces épaules me giflent avec haine. Ces yeux d’un bleu presque clair glace mon sang en cristaux coulant difficilement dans mes veines. Tant et si bien que mes poumons se bloquent à leur tour, comprimés par ce visage aux traits fins trahissant une ascendance elfique.
Lycus est là.
De sa personne exulte une aura sombre, écrasante. Invisible mais ténébreuse, condensée de paradoxes, elle s’élance parmi les convives, les entourant et les étouffant sous son poids. A chacun de ses pas, le sol tremble. Lorsque son souffle s’échappe de ses lèvres, nos peaux frissonnent.
Elle n’est que glace. Désolation. Autoritarisme.
Hébétée, j’aperçois les nobles poser genou à terre. Tous. Sans exception. J’aimerais me mettre en colère, sentir mon sang ne faire qu’un tour dans mes veines et m’élancer pour lui hurler dessus.
Mais je ne parviens même pas à bouger. Des éclats du passé me reviennent en mémoire. Ma course vers les collines, les morts me talonnant, le frisson naissant en moi… Je crois que je suis terrifiée. Je n’ose plus remuer.
Quelque part, il me semble avoir même peur d’exister en sa présence.
Marchant, elle sourit. Ses longs cheveux tombant sur sa poitrine, ses pas claquant contre le sol, elle domine par sa simple façon d’être.
Je réalise alors. Elle se dirige vers le duc et moi. Nous sommes les seuls à ne pas nous être agenouillés devant elle.
— Pourquoi ne suis-je pas étonnée que la forte tête dont on m’a parlée soit accompagnée par ta personne ?
Sa voix produit le même son que le crissement d’ongles sur de la glace.
Elle ne me regarde même pas, observant mon compagnon. Dans son dos, des femmes parées de lances et de capes rabattues sur leur tête avancent d’un même pas. Je frissonne en reconnaissant les tristement célèbres sisnasas.
Lycus n’a plus le droit d’avoir une armée. Pourtant, elle n’hésite pas à emmener celle-ci au sein même du Palais Impérial.
Cela montre à quel point elle se sent puissante.
Et, surtout, à quel point elle l’est.
— Ta petite sotte a quelques secondes pour changer de tenue. Et je me fiche que tu trouves stupide de ne pas tolérer qu’on porte la même couleur que moi. Le fait est que je ne tolère pas qu’on soit prêt à me manquer de respect pour attirer mon attention.
Aucun regard pour moi. Comme si je n’existais pas. Car je n’existe effectivement pas, à ses yeux. Je ne suis que l’accessoire du duc.
— Je n’ai pas le temps pour tes immaturités, Lycus.
Elle sourit, ne laissant pas voir la moindre trace de colère. Mais je devine qu’elle bouillonne. La chaleur émanant de sa personne est brûlante, dévastatrice.
Cette femme n’a pas l’habitude de ne pas être obéie. Elle se demande sans doute pour qui nous nous prenons.
— Mes immaturités ? rit-t-elle. Immaturité… As-tu au moins conscience de la raison pour laquelle je tiens à être la seule à porter cette couleur ?
— Parce que vous êtes une connasse narcissique.
Là enfin, je gagne l’attention de cette femme.
Ses yeux clairs se posent sur moi, tandis que ses sourcils se haussent brutalement. Le duc semble tout aussi atterré, me dévisageant. Certaines sisnasas ont sursauté et la plupart des nobles ont levé la tête.
Ils ne sont pas les seuls à être surpris. Les yeux écarquillés, je réalise seulement ce que je viens de dire.
— Je vous demande pardon ? lâche Lycus sèchement.
Je n’arrive pas à croire que, malgré ma peur, je sois parvenue à trouver le courage de prononcer ces paroles à voix haute. Un instant, il me semble presque n’avoir pas réellement décidé de le faire.
— Vous n’avez pas l’air de savoir à qui vous vous adresser.
— A une criminelle de guerre ? Je vous remercie de votre considération mais je me passerais des présentations.
Un murmure parcourt l’assistance tandis que je plaque une main sur mes lèvres, déboussolée. Autour de la mienne, la main du duc se crispe.
Je me tourne vers lui, croisant son regard agacé.
— Je ne fais vraiment pas exprès, je suis…, je tente de dire avant que ma propre voix ne m’interrompe. Pourquoi Lycus veut-t-elle qu’on la vénère comme une déesse alors qu’elle n’en a ni l’intelligence, ni la grâce ?
Quelques rires retentissent. Aussitôt, la concernée fusille les nobles du regard qui se cachent. Quant à moi, j’aimer ais disparaitre sous terre.
Je regarde le duc, paniquée. Il me fixe durement.
— Arrêtes ça tout de suite, tonne-t-il assez fort pour que tous puissent l’entendre.
Les rires se taisent brutalement. Le silence revient.
— Je vous jure que je ne fais pas exprès…, je couine, couverte de honte.
— Ce n’est pas à toi que je parle. Hector, arrêtes ça tout de suite.
Aussitôt, l’un des sisnasas jaillit du restant du troupeau. Je réalise alors que sa cape n’est pas noire comme les autres mais présente plutôt une teinte orangée, similaire à la citrine.
Je comprends ce qu’il s’est passé. Le nouveau venu ôte sa capuche, dévoilant un visage jeunot et malin affublé de quelques décorations tracées aux pinceaux.
Sur son front d’un brun légèrement clair, je distingue l’emblème des poissons.
— Navré, je n’ai pas pu résister… Quand je vois une garce se permettre d’interrompre la cérémonie d’anniversaire de ma tante pour faire mine d’en être le centre de l’attention, j’ai tendance à perdre mon sang froid.
Pas une seconde il n’a cessé de sourire en prononçant ces paroles. Une de ses locks plutôt courtes et attachées au sommet de son crâne tombent juste devant son œil. L’écartant en secouant la tête d’un air dédaigneux, il tournoie sur lui-même en regardant la foule autour de nous.
— Non, mais… Sérieusement… Regardez-moi ce cirque ! Depuis quand l’intégralité d’une salle s’agenouille devant une prêtresse ? Vous n’êtes pas tous cancers, à ce que je sache.
— Cela s’appelle du respect.
— Parce que tu crois mériter une quelconque forme de respect ? cingle-t-il en haussant un sourcil.
Hector est le prêtre poisson. Il n’est pas connu pour avoir la langue dans sa poche et il est le plus jeune des prêtres et prêtresses. Surtout, il est le neveu de l’impératrice.
Normalement, les poissons ont le pouvoir de deviner lorsque quelqu’un leur ment. Or lui, il a carrément été capable de me forcer à dire à haute voix la vérité sur Lycus.
Tout le monde dit que les prêtres sont plus forts encore que le restant des mortels. Cependant jamais je n’avais assisté à une telle démonstration de pouvoirs.
S’il le voulait, il pourrait me faire avouer ici même, devant Lycus, la raison pour laquelle j’ai réellement accepté de venir.
— Allons ! insiste-t-il en regardant autour de lui. Cessez donc cette comédie ! Relevez-vous !
Étonnamment, les sujets obéissent relativement rapidement. La musique reprend et des danses s’entament. Hector, Lycus, Fushiguro et moi restons pourtant debout les uns devant les autres, nous regardant en chien de faïence.
Quelques nobles nous observent d’ailleurs, ayant remarqué que nous n’avons pas bougé.
Hector, sans nous quitter des yeux, un rictus amusé aux lèvres, saisit un verre sur le plateau d’un serveur qui passait, non loin de lui. Puis, le levant dans les airs, il pose son regard aussi noir que celui de sa tante sur moi.
Je frissonne, légèrement désarçonnée par la profondeur de ses iris.
— Je tiens à porter un toast à la magnifique robe de notre invitée… Et au reste, bien entendu.
Je me fige, entendant la fin de cette phrase. Il se délecte de ma stupeur en buvant son breuvage, ne me lâchant pas du regard.
Assurément, il connait la véritable raison de ma venue.
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voici le vingt-huitième chapitre
de cette fanfiction !
j'espère que ça vous aura
plu ! quelques nouveaux
personnages arrivent !
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