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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  2 7

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           SI LE DUC me trainait à toute vitesse à travers la salle de bal, cela n’était pas anodin. Il avait un objectif très précis en tête que je découvre maintenant. Je crois que j’aurais aimé qu’il me prévienne avant de me mettre devant le fait accompli.

           Mon genou droit est à terre et ma tête, baissée. Sur ma nuque, je sens la brûlure du regard impérial.

           Autour de nous, la salle est à nouveau silencieuse. Quelques instants avant que Fushiguro ne s’arrête devant trois marches taillées dans de l’obsidienne et menant à une esplanade faites de la même pierre, la musique s’est arrêtée. Mes yeux ont erré quelques instants sur les colonnes en cornaline s’arquant derrière les deux trônes massifs taillés avec minutie dans de l’œil de tigre. J’ai à peine eu le temps de distinguer le vaste attrape-soleil suspendu au-dessus des sièges.

           L’homme a annoncé l’arrivée de l’impératrice. Me trouvant juste devant son trône, plus près de lui que n’importe qui d’autre, j’ai posé un genou à terre. Dans le silence complet, tandis que les autres nobles m’imitaient, j’ai salué la femme.

           La tête baissée, le bruit de ses talons a résonné sur l’estrade noire. Puis, le froissement d’une étoffe a retenti, à peine perceptible.

           J’ai compris qu’elle s’était assise.

           Le silence est profond, abyssale. Même les mouches n’osent voler et les respirations se sont coupées. Egarca Evilans est connue comme étant l’une des reines les plus puissantes et respectées de sa dynastie.

           Lorsqu’elle pénètre une pièce, tous posent un genou à terre.

           Enfin, tous…

— Puis-je savoir à qui appartient le chat qui lèche son fondement sur le trône de mon époux ?

           Je tressaille, mes yeux s’écarquillant. Je n’ai même pas besoin de lever la tête pour savoir qu’il s’agit de Ménélas. Il s’agit forcément de Ménélas.

           Les conneries les plus débiles sont faites par Ménélas.

— J’y crois pas, grommelle le duc, à ma gauche, la tête toujours baissée. Il n’en rate pas une, ton chat !

           Je ne peux lever les yeux sans qu’Egarca Evilans nous ait autorisé à le faire.

           Je ne peux même pas rétorquer quoi que ce soit aux paroles du duc. Je dois avouer que ne pas le surveiller lors d’une cérémonie aussi importante était vraiment stupide. Bêtement, je m’imaginais qu’il saurait se tenir.

— Allons, je n’aime pas être ignorée, insiste l’impératrice. Que les propriétaires de chats lèvent la tête et regardent s’il s’agit du leur.

           J’obtempère, à l’instar de quelques personnes. Et je ne suis pas surprise de découvrir les oreilles arrondies et le corps massifs de Ménélas. Etant un chat forestier, donc sauvage, il est bien plus imposant que ses congénères.

           Les quatre pattes repliées sous lui, il pose un regard empreint de mépris sur l’assistance. Ses yeux verts la sonde avant de croiser les miens. Là, sa queue fouette l’air.

           Pourquoi tu lèves les yeux ? Elle a dit « propriétaire ». T’as la sensation de me posséder ?

           J’aimerais disparaitre.

— Allons ? Nul ne le reconnait ?

           Je pose enfin les yeux sur l’impératrice, assise à côté de lui. Ma gorge se serre brutalement.

           Il est vrai qu’elle exulte la puissance et impose le respect.

           Sa seule voix m’intimidait. Cependant la longue robe empire noire enveloppant son corps qu’elle garde droit, son menton en pointe levé tandis qu’elle nous observe, ses yeux d’un noir profond, presque irréel détaillant nos visages… Tout cela est presque effrayant.

           Le désert des Evilans est un vaste territoire où la population vivait en tribus. Lorsque la famille Satosakura a décidé de s’étendre, elle s’est emparée de différentes terres dont les déserts, assujétissant les tribus de ces dernières.

           Un homme, Igor Evilans, a unis les tribus avant de s’emparer du pouvoir. Aujourd’hui et depuis plusieurs siècles, la famille Evilans règne sur l’empire.

           Certains disent qu’Igor n’était pas humain. Que son père était Arès, dieu de la guerre et sa mère Némésis, déesse de la colère et du châtiment divin. Je n’ai jamais prêté crédit à cette rumeur. Seulement, maintenant que je vois les signes blancs incrustés dans la peau noire d’Egarca ou même sa façon gracieuse de se mouvoir, je réalise que j’avais peut-être tort.

           L’idée d’avouer que Ménélas est avec moi m’effraie donc davantage.

— Allons, je risque de perdre patience.

           Je ne suis pas la seule à frissonner lorsque j’entends cet avertissement.

— Il est à moi.

           Je sursaute presque en entendant la voix du duc Fushiguro. Ce dernier se relève, n’attendant pas que l’impératrice lui demande de le faire.

           Quelques regards discrets sont jetés à l’homme. Quant à moi, ébahie qu’il prenne le blâme à ma place — surtout après qu’il ait découvert ma robe — je ne bouge pas.

— Evidemment, lance l’impératrice dans un rire. Un tel animal ne peut être le compagnon que d’un autre animal.

— Exactement, espèce de vieille peau.

           Je tressaille. En oubliant l’étiquette, je pousse un cri de surprise, écarquillant les yeux. Aussitôt, je m’excuse, n’osant regarder l’impératrice dans les yeux. Je baisse à nouveau la tête.

           Le silence s’intensifie. Je rêve où ce taré vient de traiter Egarca Evilans de vieille peau ?

           Etrangement, nul ne pousse de cri outré ou ne gronde Fushiguro. Il s’agirait pourtant là d’un excellent moyen de faire du zèle, prenant le parti de l’impératrice.

           A l’exact instant où cette pensée me traverse, Sa Majesté éclate de rire.

— Petite canaille ! Tu n’es vraiment pas tendre avec ta compagne. J’ai bien cru que la pauvre allait faire un arrêt cardiaque !

           Là-dessus, je devine qu’elle esquisse un geste de la main car la musique reprend. Je mets quelques secondes avant de me relever et réalise que les autres nobles n’ont pas attendu si longtemps. Tous dansent au rythme de la musique, s’éloignant du trône afin de ne pas faire croire à l’impératrice qu’ils l’espionnent.

           Le duc, lui, la rejoint. Je le suis, légèrement désarçonnée. Ma gorge se serre lorsque je réalise qu’elle me fixe tandis que je l’approche.

           Ménélas se trouve toujours sur le trône. L’empereur n’est visible nulle part.

— Comptes-tu me présenter ? demande-t-elle. J’aimerais savoir qui te connait assez pour que tu brises ta fameuse règle de toujours te présenter seul aux mondanités… Mais ne te connais pas assez pour savoir que tu es mon plus proche ami depuis le berceau.

           Mes sourcils se froncent. Le duc ? Ami de l’impératrice ?

           Jamais je ne l’aurais soupçonné.

           Egarca Evilans me jauge quelques instants avant d’éclater de rire, visiblement divertie par mon air dubitatif.

— Ce qu’elle est drôle ! On dirait un chiot apeuré, commente-t-elle.

           Je ne suis pas sûre d’apprécier l’analogie.

— Il s’agit de la druide du comté d’Hylar. Je t’avais parlé d’elle, dans mes lettres. Elle est ici en qualité de duchesse, ceci dit.

           Les sourcils de Sa Majesté se haussent tandis que mes entrailles se tordent. Des lettres ? Lesquelles ? Que disait-t-il dedans ?

           Non seulement je suis en face à face avec ma souveraine mais celle-ci semble, en plus, avoir déjà entendu parler de moi.

           Tout cela me donne la nausée.

— Je vois…, commente-t-elle. J’aurais dû m’en douter en voyant cette couleur si… Particulière.

           Elle accompagne ses paroles d’un regard à ma tenue. Je déglutis péniblement.

           Egarca Evilans est la femme qui a décidé d’aider les sephtis à se réinsérer en société en leur donnant certains postes, des faux noms et faux signes astrologiques. Alors, si elle cherche dans ses documents, elle me trouvera forcément. Autrement dit, elle sait sans nul doute que je suis une sephtis.

           Cela me met plutôt mal à l’aise. Bien qu’elle soit réputée pour sa tolérance vis-à-vis de notre peuple, cela ne veut pas dire qu’elle accepterait qu’ils se trouvent dans la même salle qu’elle.

— Egarca, l’interpelle Fushiguro, l’interrompant dans sa contemplation de ma toilette. Je ne suis pas venu danser et, comme tu l’as dit, je n’amène jamais de compagne. Alors tu dois te douter que nos deux présences ici ce soir sont motivées.

— Tu aurais pu organiser un rendez-vous et ne pas gâcher mon anniversaire de mariage avec tes problèmes.

           Anniversaire de mariage ? Son mari n’est même pas là ? raille Ménélas.

           Sa Majesté tourne brutalement la tête vers le chat, le fusillant du regard. Je sursaute en la voyant faire et réalise que le quadrupède fait de même.

           Ma gorge se serre.

           Serait-t-il possible qu’Egarca Evilans puisse communiquer avec Ménélas, elle aussi ?

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voici le vingt-septième chapitre
de cette fanfiction !

j'espère que ça vous aura
plu ! on commence à connaître
egarca !

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