𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟐











𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  2 2






















            GROGNANT LEGEREMENT, j’ouvre les yeux. Un poids se fait sentir sur mon ventre, m’immobilisant. Je n’ai qu’à peine le temps de baisser le regard que je le remonte aussitôt, poussant un juron.

— Ménélas !

            L’anus de la créature se trouve juste sous mon nez.

            A quelques centimètres à peine de ma tête, il s’est hissé à quatre pattes. Toutes se situent sur mon ventre, lui permettant de mieux observer son reflet dans le miroir. Ce miroir étant juste devant le lit.

            Je me redresse brutalement.

— Par tout l’Olympe ! Qui a eu la brillante idée de poser un miroir devant mon lit !? je hurle.

            Je savais que cela ne te plairait pas. Je suis resté sur toi pour t’empêcher d’être aspirée par le reflet.

— Cela ne fonctionne absolument pas comme ça, Ménélas ! je lâche, agacée.

            Tu n’es pas obligé de reporter ta frustration sur moi.

            Je pousse un soupir résigné, réalisant qu’il dit la vérité. Je me montre simplement cruelle envers lui et cela est injuste.

— Navré, Ménélas, je… J’ai seulement connu de plus agréables réveils que… Où suis-je, d’ailleurs ?

— Vous vous trouvez dans le plus luxueux hôtel d’Hylar. La patronne m’a personnellement garanti qu’il s’agissait de la meilleure chambre pour un druide.

            Je tire la couverture sur moi, légèrement embarrassée de voir apparaitre cet homme aux pieds de mon lit. Mais le duc, vêtu d’un de ses habituels longs manteaux élégants, ne semble pas y prêter la moindre attention.

— Il y a une armoire garnie d’herbes, d’huiles et de pierres, un autel et…

— Et un miroir en face du lit, je fais remarquer en haussant un sourcil.

            Fushiguro se retourne brutalement et soupire en constatant que j’ai raison. Là, arrachant sa cape, il la dépose de sorte à cacher mon reflet.

Rendormez-vous. Vous aviez l’air crevée.

            Son attention me touche. Alors je ne mentionnerais pas la stupidité de garder des pierres au fond d’un placard au lieu de les exposer au soleil pour qu’elles se rechargent.

            Et il n’y a même pas d’eau de lune… Quand je pense que cette tavernière a été l’une des premières à me houspiller parce que j’avais détruit la statue de Lycus.

            Elle ferait mieux de se renseigner sur les uses et coutumes de l’hellénisme au lieu de me gonfler en se faisant passer pour une pieuse.

— Je ne vais pas me rendormir. J’ai des patients à aller voir et je…

            Mon ventre me coupe, gargouillant avec force. Je lève les yeux sur le sourire en coin du duc qui m’arrache un spasme agacé.

— Vous avez l’air d’avoir faim…

— J’ai surtout l’air d’avoir envie qu’on me fiche la paix, je gronde.

— Vous êtes du genre grognonne lorsque vous avez faim, fait remarquer le duc avec malice. C’est mignon.

            Ménélas et moi lui lançons un regard consterné.

            C’est la technique de drague la plus débile que j’ai jamais vu. Et je m’y connais, niveau technique de drague à la con et inefficace, j’ai été dans un temple Lion.

— Je ne sais pas ce que vous essayez de faire mais cela ne fonctionnera pas.

— J’essaye de vous inciter à venir diner en ma compagnie.

— La mégère qui tient cet hôtel n’a aucun respect pour moi, mes pratiques et elle l’a fait savoir il y a longtemps en bannissant tous les plats végétariens de sa carte. Je ne peux littéralement pas manger ici depuis trois ans.

            Je crois qu’elle n’avait pas bien accepté le fait que je refuse de lui donner de quoi empoisonner la concurrence. Puis, lorsque j’ai aussi rejeté l’idée de lui vendre une plante dont l’odeur rendrait les clients addicts à l’hôtel, elle a compris qu’elle ne m’appréciait décidemment pas.

— Sauf que c’est moi qui lui ai demandé ce qu’elle pouvait préparer de végétarien et elle a quatre entrées possibles, six plats et les habituels dix desserts qu’elle propose.

            Mon estomac me tiraille davantage en entendant cela. Seulement, ma fierté me pousse à rester silencieuse. Soupirant, il sort de sa poche un bout de parchemin roulé qu’il déplie.

— Ne me dites pas que vous avez gâché un papier extrêmement cher pour noter le menu de…

— En entrée, des beignets aux courgettes, du pâté de légume, des crêpes à la courge, des bricks à l’ai…

— Si vous croyez que vous allez m’avoir comme ça, je ris avec une certaine colère, sentant malgré moi qu’il prend le dessus.

— En plat, du camembert rôti, de la soupe à l’oignon, de…

            Je me lève brutalement. Puis, fondant derrière un paravent, je retire ma cape avant d’enfiler à la hâte une robe blanche de druide déposée sur la commode de bois, non. Puis, sortant, je le fusille du regard.

            Cependant cela ne le pousse pas à ôter son rictus satisfait. 

— Soyons clair, j’accepte de manger seulement par courtoisie. Je n’ai absolument pas faim.

— Si vous étiez réellement courtoise, vous vous laveriez.

— N’en demandez pas trop non plus, je gronde.

            Pieds nus, me fichant royalement des regards posés sur moi, je fends le couloir menant aux escaliers. Bien qu’Hylar ne soit pas une ville très développée, cet hôtel reste le plus cher de sa région. Il n’est pas courant qu’une druide tout juste sortie du lit et pieds nus, qui-plus-est, séjourne dans ces lieux.

            Une bourgeoise venant souvent se faire épiler chez moi hausse un sourcil tracé avec soin au crayon lorsque je débaroule dans la pièce principale. Les autres clients m’accordent le même regard méprisant.

— Bouclez-la, vous ne seriez même pas en vie, sans moi.

            Ils semblent assez surpris de ma réaction. Je dois avouer que, en d’autres circonstances, je le serais aussi. Mais des années se sont écoulées et je n’ai cessé de les entendre geindre, panser leurs plaies, les aider à aller de l’avant et les soigner.

            Aujourd’hui, sous prétexte que j’ai haussé le ton lors d’une cérémonie, ils me regardent comme du purin ?

            Derrière moi, le duc ne pipe mot. Il sait que la majorité des personnes présentes dans cette salle sont cancers ou d’accord avec leur point de vue.

            Il faut dire que la statue que j’ai brisée a coûté très cher et que seuls les plus riches de la ville ont participé à cet achat. Cet hôtel étant le plus luxueux, il est normal que les plus riches s’y trouvent.

            Face à leurs regards inquisiteurs, je m’apprête à lâcher une autre pique bien sentie quand la voix du duc résonne dans mon dos :

— Bien. Tout le monde dehors. Vite.

            Des murmures de protestations se font entendre parmi les tables circulaires constituant le restaurant du bâtiment. Mais une voix forte que je reconnais comme étant Mélania, à l’une d’entre elle, suffit à les faire taire :

— Le duc a dit : tout le monde dehors et vite.

            Là, ils ne se font pas prier. En quelques secondes seulement, les chaises sont libérées et le silence revient dans la salle. Le duc me mène alors à une table rectangulaire, plus grande que les autres.

            Je déglutis péniblement en voyant tous les plats de la carte déjà prêt, sur la table.

— Tout est prêt alors il n’y aura pas de serveuse…, je réalise.

— En effet.

            Je frissonne quand Mélania tourne les talons, disparaissant derrière la porte qu’elle referme dans son dos.

— Vous traitez ce repas comme un diner confidentiel, vous…

            Mes sourcils se haussent. Je me tourne vers lui, furieuse de ne pas avoir compris plus tôt la supercherie.

— Il ne s’agit pas d’un déjeuner mais d’un repas d’affaire. Vous voulez négocier avec moi. C’est pour ça que vous êtes aussi mielleux depuis que vous êtes arrivé. Vous voulez me proposer quelque chose.

— Vous ne pouvez pas me rapprocher de ne pas y avoir mis les formes, sourit-t-il avec malice.

— Moi, je ne les ai pas mises, je rétorque aussitôt. Je m’en vais me laver, je ne peux honorer un tel déjeuner dans pareille ten…

            Je ne peux faire un pas de plus. Il se pose devant la porte, m’observant de son regard défiant. Je sais que je ne ferais pas le poids face à lui et suis forcée de constater que je vais devoir m’assoir à cette table.

            Un soupir franchit mes lèvres.

— Ecoutez, il est inutile de vous montrer si horrifiée. Je veux simplement vous inviter au bal organisé par la famille impériale. Et ce diner est une preuve de ma bonne foi.

— Une véritable preuve de votre bonne foi aurait été de ne pas massacrer les miens.

            Une ombre voile ses traits. Je m’en fiche éperdument. S’imaginait-t-il réellement que j’oublierais ?

            Il prend une profonde inspiration.

— Ecoutez, Egarca Evilans a déjà un agenda plein. Là est une chance inespérée pour nous de discuter avec elle de l’actuelle situat…

— L’Ange de la Mort n’a qu’à faire ce qu’il veut. L’actuelle situation me plaît, personnellement, je gronde.

            Il acquiesce.

— Je le comprends bien. Mais, en ma qualité de duc, je ne puis décemment…

— Votre qualité de duc ? je répète dans un rire. Vous avez seulement peur pour votre c…

— Ecoutez, soit vous y aller avec moi, soit vous y aller avec elle.

            Mes sourcils se froncent. De quoi parle-t-il ?

            Sortant de l’intérieur de son manteau une lettre, il me montre la couleur vert émeraude de sa cire. Un frisson parcourt mon échine.

            L’émeraude est la pierre des cancers. Alors le temple cancer cachette ses lettres d’une cire de cette couleur.

            En d’autres termes, cette missive vient de Lycus.

— Lycus est une femme très occupée, explique-t-il en jouant avec le morceau de cire. Par ailleurs, elle sait que pour discuter avec l’un des druides de mon territoire, elle ne peut pas se contenter d’aller le voir. Elle doit demander à le rencontrer.

— Et sa demande se fait auprès de l’autorité politique du territoire, donc vous, je sais, je gronde.

            Il esquisse un sourire.

— Je suppose qu’elle aura eu vent de votre mésaventure avec sa statue et voudra vous parler…, lâche-t-il en caressant le cachet de cire. Voyez-vous, cette demande n’est qu’une formalité. A partir du moment où Lycus ou n’importe quel autre prêtre me demande de rencontrer un de mes druides, je dois l’accepter.

            Ma mâchoire se contracte.

— Alors quoi ? Vous voulez aussi me dire de prendre un carrosse pour aller voir cette sal…

— En revanche, si je n’ai pas lu cette demande, que pour une obscure raison, je n’ai pas défait ce cachet de cire, il n’y a aucune façon de savoir que quiconque m’a demandé un rendez-vous…

            Bien qu’il n’ait pas ouvert la lettre, le duc connait forcément son contenu. Le messager la lui apportant a dû lui expliquer de quoi il s’agissait.

            Ma mâchoire se contracte.

— En d’autres termes, soit je viens au bal avec vous, soit je vais rencontrer la femme qui a détruit mon peuple ?

— Un chantage ? répète-t-il en arborant une fausse mine outrée. Jamais je n’oserais.

            Mes poings se serrent. J’aimerais aller jusqu’à lui et ouvrir moi-même cette lettre pour lui prouver qu’il n’a aucun pouvoir sur moi.

            Cependant rien ne me préparera jamais à rencontrer cette femme seule. Au bal, elle sera mêlée d’autres personnes.

— Vous devriez avoir honte d’utiliser cela contre moi…

— Je n’en dors pas la nuit, lâche-t-il avec une désinvolture me montrant bien qu’au contraire, il ne souffre d’aucune insomnie.

            Moi, si.

— Bien, j’irais à votre bal stupide. Mais laissez-moi tranquille jusque-là.

            Sans l’ombre d’une hésitation, il tourne les talons.

            Me laissant seule avec ma décision.




















voici le vingt-et-deuxième chapitre
de cette fanfiction !

j'espère que ça vous a plu !





























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