𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟔
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 1 6
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JE NE VOIS PAS vraiment pour quelle raison tu en fais tout une histoire. J’ai affronté bien des châtiments divins, moi aussi !
— Ménélas, tu es entré dans un temple pour bouffer les offrandes faites à Dionysos. Il t’adore et s’est contenté de partager avec toi. Moi, j’ai capturé un dieu ! UN DIEU, TE RENDS-TU COMPTE ?
Un soupir franchit mes lèvres. A présent, mon unique espoir réside en le fait que le duc s’est peut-être trompé. Si la créature que nous avons capturée n’est pas l’Ange de la Mort, alors je ne m’en suis pris à aucun dieu, simplement à une créature échappée du Tartare.
Cependant, Némésis en personne, déesse de la colère divine, m’a promis que l’Ange de la Mort n’existait pas et qu’aucune créature ne s’était échappée du Tartare.
— J’espère de tout cœur qu’il ne s’agit que d’une grossière erreur.
Cela me coûte de l’admettre car tu étais enfin revenue à la raison et étais sur le point d’admettre l’existence de l’Ange de la Mort… Mais oui, il se trompe. Ce n’est pas lui.
Mon cœur se fige et mes sourcils se froncent. Allongée sur le dos, en plein milieu du canapé du bureau du duc, Ménélas se prélasse. Quant à moi, je fais les cent pas devant sa bibliothèque, attendant son retour.
Enfin, je faisais les cent pas. La dernière intervention de Ménélas a eu pour effet de m’interrompre aussi sec dans mes gestes.
— Que veux-tu dire ?
Les anges sont des êtres graciés par les dieux. Ils ne sont pas d’origine divine mais l’Olympe les reconnait comme tel. Enfin, pas exactement parce que jamais ils ne diraient qu’un être non divin est divin mais, ils les considèrent presque comme leurs égaux. Ils ont du respect pour eux.
— Vu la puissance de cette créature, je suis sûre qu’elle a pu faire quelque chose, surtout durant la titanomachie, qui…
Non, tu ne comprends pas. Regarde l’allure de cette bête. On voit tout de suite qu’elle est d’origine divine. Elle ressemble presque à Cerbère, le chient à trois têtes d’Hadès. Non, elle n’est pas l’Ange de la Mort…
— Alors qui est-t-elle ? Pourquoi s’en prend-t-elle aux sisnasas ? Qu’est-ce que Lycus lui a fait ?
Attends. J’ai dit qu’elle n’était pas l’Ange de la Mort mais je n’ai pas dit qu’elle ne protégeait pas les sephtis.
Mes sourcils se froncent. Je ne suis plus sûre de comprendre quoi que ce soit à cette conversation.
Réfléchis. Zeus a l’aigle. Poséidon a ses dauphins. Hadès a ses chiens. Athéna a sa chouette. Apollon a ses chev…
— Est-ce que tu es en train de me dire qu’on n’a pas capturé l’Ange de la Mort mais son animal de compagnie ?
Toujours sur le dos, il acquiesce.
— Mais enfin, Ménélas ! C’est terrible ! Imagines-tu ce que Hadès nous ferait si Cerbère disparaissait ? Comment crois-tu qu’un dieu réagisse dans ce genre de moment ?
Ce n’est pas un dieu. C’est un trou du cul gracié par les dieux, il y a une nuance.
— Les gens disent pourtant qu’il est le dieu des sephtis.
Ecoute, tout ce que je sais c’est que les anges sont des héros tout ce qu’il y a de plus humains qui sont morts au combat vaillamment. Certains vont aux Champs-Elysées savourer une après-vie éternelle de jouissance, d’autres décident de revenir sous une forme qui, elle, est divine.
— Donc maintenant, l’Ange de la Mort est une divinité ? Tu as dit le contraire, il y a deux secondes !
Une divinité. Pas un dieu.
— Il n’y a strictement aucune différence.
Quand Zeus te foudroiera parce que tu l’as comparé à un humain qu’il a sacré, tu verras s’il n’y a aucune différence. L’origine fait tout. Un ange était un être humain, autrefois. Donc si, c’est important.
— Parce que cela signifie non seulement que l’Ange de la Mort existe, mais qu’il peut être n’importe quelle personne d’apparence humaine, je termine dans un soupir.
Mon regard se pose sur les étagères garnies de livres.
— Le duc défend énormément les sephtis…, je ne peux m’empêcher de faire remarquer.
Ce n’est pas lui.
— Et pourquoi pas ?
Il les défend parce qu’il a honte de ce qu’il a fait. Après tout, c’est à cause de lui que votre peuple s’est fait massacrer.
Mes sourcils se haussent violemment.
— Je te demande pardon ?
Ma voix est si sèche que Ménélas en abandonne sa posture décontractée. Brutalement, il se replace sur ses quatre pattes. Ses oreilles se dressent tandis qu’il s’assoit.
Je croyais que tu étais au courant… A l’époque, les gens en parlaient et…
— Ils parlaient de quoi ? je demande, mes dents se serrant.
L’ancienne reine était une sagittaire. Elle voyait l’avenir. Elle avait vu ce que Lycus ferait et l’a faite exécuter en prévention. Seulement Lycus avait un amant. Un jeune duc du nom de Fushiguro.
Mes yeux s’emplissent de larmes. Ma gorge se serre.
Il est allé la chercher aux Enfers pour la ramener sur terre, comme Orphée avec Eurydice… Cependant, lui, il a réussi. Un mois plus tard, Lycus a massacré les sephtis. Il a été condamné pour complicité dans un crime de guerre puisqu’il l’a ramenée en sachant pertinemment qui elle était. En guise de réparation, il doit protéger les sephtis sur ses terres. Coûte que coûte.
Mon sang bouillonne dans mes veines. Les révélations sont nombreuses, ces jours-ci, et elles me cuisent. Mes mains se serrent tandis que mes épaules tremblent.
Il me semblait qu’il était sincèrement sensible à notre cause. J’en avais presque oublié le fait qu’il faisait chanter à un barde une prière funéraire au diner.
La vérité est simplement qu’il souhaite faire pénitence de ses actes, sans doute car la condamnation est accompagnée d’autres sanctions.
— Je suppose qu’il ne peut pas acheter certaines propriétés ou se rendre à certains évènements jusqu’à ce qu’il ait purgé sa peine ? je demande.
En effet.
Chose rare, Ménélas vient se frotter à mon mollet. Je sais qu’il s’agit pour lui d’une façon de me témoigner son affection, me faire savoir qu’il veillera toujours sur moi et qu’il m’apprécie. Cependant je ne puis décolérer.
Soudain, un sourire venimeux étire mes lèvres.
Je reconnais ce rictus… Que comptes-tu faire ?
— Le duc a ordonné la capture d’un animal divin qui est la propriété d’une divinité. Se faisant, il s’est montré insultant envers les dieux et mérite donc un châtiment divin… Non ? Or, il se trouve que je connais assez bien la déesse de la colère divine.
L’ancienne impératrice a beau avoir condamné le duc, rien ne sera jamais assez sévère comparé à ce qu’il nous a fait endurer.
La preuve : sa punition est de protéger les sephtis et il se presse de l’accomplir afin d’être sûr de pouvoir retrouver sa liberté le plus vite possible.
— Il est temps que j’ai une conversation avec notre chère Némésis, je chuchote.
Soudain, la porte s’ouvre. Aussitôt, Ménélas file dans le couloir, me laissant seule avec le duc qui vient d’entrer. Je suppose qu’il veut nous laisser assez d’intimité.
Elégant sous sa cape noire, Fushiguro le contourne sans un mot et s’assoit à son bureau.
— Navré pour l’attente. Mélania a construit à mains nus un… nid pour notre hôte. Je ne suis pas très friand des légendes mais, si l’Ange de la Mort existe, alors il ne faut pas traiter ce dernier comme un prisonnier.
Je ne dis rien sur les dernières révélations de Ménélas. Ni sur le rôle du duc dans le massacre des sephtis, ni sur le fait que l’Ange doit avoir une apparence humaine et donc que la créature n’est pas lui.
— Je vous ai fait venir dans ce bureau car, après ce qu’il s’est passé, il me semble important d’aller voir l’impératrice. Or, le palais se situe assez loin d’ici et je voulais savoir si vous accepteriez de laisser vos patients seuls pendant une durée de…
— Je me demande comment on peut rester indifférent face à un tel spectacle, je chuchote.
Je fixe le vide avec insistance, prétendument perdue dans mes pensées.
— Je vous demande pardon ?
— J’ai resongé à ce qu’il s’était passé. Généralement, je tente de l’oublier mais, au cours des derniers jours, j’ai été forcée d’y penser encore et toujours.
— Ce qu’il s’est passé ? interroge-t-il, ses sourcils se fronçant.
— Le génocide.
Ses traits retombent et un voile couvre ses yeux.
— Navré, je lance dans un rire faux. Le « nettoyage », ou la « purgation », c’est un terme plus élégant. Enfin, en parlant d’élégance…
Je prends une profonde inspiration, faisant semblant de sourire. Je tente de retenir mes larmes.
— Lycus et ses mercenaires, les sisnasas, sont cancers. Leur pouvoir est donc la nécromancie, elles peuvent contrôler des cadavres. Mais vous le saviez, n’est-ce pas ?
— Tout le monde le sait, répond-t-il, passablement agacé.
— Oui ! Tout le monde le sait ! Mais personne n’en parle ! Je veux dire, ceux qui parlent de cet évènement explique qu’il s’agissait d’un massacre ! Mais c’était encore pire que cela !
Un sourire mouillé de larmes étire mes lèvres. Il l’observe sans laisser transparaitre la moindre émotion.
— On s’est fait massacrer par nos défunts proches ! je m’exclame, une larme coulant sur ma joue. Pas même par des étrangers ! Mais par les personnes que nous avions enterrées !
Ses pupilles restent ancrées dans les miennes. Il affronte mon regard sans sourciller.
— Il y avait une épidémie, en ce temps-là. Vous le saviez ? J’avais eu du mal à m’intégrer, sur cette nouvelle île où j’avais été balancée. Mais je m’étais faite une amie et la peste l’a emportée. J’ai longtemps pleuré, je ne m’en remettais pas.
Je pouffe sans conviction.
— Un jour, on a toqué à notre cabanon. C’était une petite maison qu’elle et moi avions construite avec des branches. Putain, c’était sacrément laid mais le truc c’est que, après la cérémonie de l’Ash où on nous a pris notre identité, on nous a balancé sur l’île sans aucune ressource, sans nous placer en foyer ou nous aider. Alors on s’est démerdée toutes seules…
Ma poitrine se fait lourde.
— Bref, on a toqué. J’ai ouvert. Et là ! Mon amie ! Liz était là ! J’ai cru que je rêvais, je me suis pincée ! Mais elle était bel et bien là ! Moi qui la croyais morte… J’étais si heureuse que je l’ai prise dans mes bras ! j’étais tellement contente que je n’avais pas remarqué les traces de bave sous ses lèvres ni le fait que sa bouche normalement marronne était devenue bleue !
Une larme coule sur ma joue. Il me regarde toujours.
— Je croyais que mon amie était revenue d’entre les morts pour me voir. Que je n’étais plus seule. Et j’ai réalisé que ce n’était pas mon amie, mais seulement son cadavre animé d’un sortilège quand elle a planté ses dents dans mon cou pour me tuer !
Je tire rageusement sur mon col, dévoilant la cicatrice à peine visible grâce à tous mes soins, mais encore perceptible.
— J’ai dû la tuer. Alors que j’étais si heureuse de la retrouver ! J’ai dû l’égorger. Et nous n’avons pas tous eu ce cran…
Il me semble que son regard vacille. Mais il ne quitte pas le mien.
— Une femme qui ne voulait pas perdre son fils « une deuxième fois » s’est laissée tuer par lui.
Mes mains tremblent.
— Notre population n’a pas simplement été massacrée. Elle est morte une deuxième fois. Lycus et ses sbires n’ont même pas eu la décence de venir nous tuer elles-mêmes. ELLES SE SONT SERVIS DE NOS DEFUNTS POUR LE FAIRE !
Mon cri amène un silence de plomb. Il me semble que tous dans le château se sont tus.
— Alors oui, je répète en penchant la tête sur le côté, je me demande comment on peut rester indifférent face à un tel spectacle.
Il continue de me regarder.
— Répondez-moi, j’ordonne dans un grondement.
Face à son silence, j’acquiesce doucement.
— Bien… Si vous ne pouvez pas vous expliquer face à moi, je suppose que vous trouverez au moins les mots face à la déesse de la colère divine.
Il continue de me regarder. Semblable à une statue, il ne bouge pas.
— Vous avez suivi Lycus en Enfers pour la sauver. J’irais au même endroit pour vous détruire.
Il bat des paupières. Le seul mouvement de sa figure austère. Je me lève.
— Sur ce, je m’en vais m’occuper de mes patients pendant que Némésis s’occupe de vous.
Là-dessus, je tourne les talons.
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voici le seizième chapitre
de cette fanfiction !
s'il-vous-plaît, dites-moi que
ce chapitre était compréhensible
j'ai l'impression que les
explications n'avaient aucun sens
j'espère que ça vous a plu !
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