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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 1 4
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— ET SI MON MEDECIN N’ETAIT PAS PARVENU A ARRÊTER L’HEMORRAGIE !?
— Et bien, je suppose qu’elle ne serait plus de ce monde.
Le duc Fushiguro semble furieux.
Il faut dire qu’en arrachant à main nue un sélénite du corps de cette femme, j’ai non seulement laissé un large trou créant une hémorragie difficilement arrêtable, mais aussi annulé tous les effets bénéfiques de cette pierre aux vertus apaisantes.
En d’autres termes, le médecin a dû sangler cette femme à son lit pour la soigner, ce qui n’est pas aux goûts de mon hôte.
— Vous n’avez pas l’air de saisir l’enjeu de la situation.
— Au contraire, j’ai simplement décidé qu’il ne serait plus important pour moi de tenter d’arrêter la créature qui tue ces femmes. Celles-ci l’ont mérité amplement et n’avaient qu’à opter pour des choix de carrières plus judicieux.
Debout dans son bureau, le duc s’arrête devant sa bibliothèque. Il prend quelques profondes inspirations.
— Fort heureusement, elle s’en est sortie. Là est la raison pour laquelle vos dieux ne vous ont pas punie, d’ailleurs. Vous l’avez dit vous-mêmes, si un druide tue quelqu’un, il est conduit au T…
— Selon vous, les dieux ne s’intéressent pas à mon cas, je lâche sans grande émotion. Et puis, ils ne me puniront que si cette mort ne sert pas l’intérêt du plus grand nombre.
Je ne sais si je suis malheureuse d’apprendre qu’elle a survécu. Je n’aspire pas particulièrement à être une meurtrière. Je voulais surtout qu’elle souffre, qu’elle soit aussi terrifiée que ma précédente patiente.
Qu’elle ressente ce que j’ai ressenti, là-bas, il y a dix ans.
— Vous n’êtes pas un sephtis. Vous ne comprendriez pas.
Il n’objecte rien à cela. Un frisson parcourt mon échine.
— Si Lycus apprend que ses sisnasas meurent une à une, elle accusera les sephtis. Et il se peut que cette fois-ci, de façon légale, elle obtienne le droit de les tuer.
Je regarde le noiraud quelques instants.
— Vous n’êtes peut-être plus sur cette île mais d’autres y sont. Ne les laisser pas payer à leur place. Ils méritent de connaitre la paix, vous ne croyez pas ?
— Croire que les sephtis seront un jour en paix est très naïf.
Ma main se referme sur le sélénite. J’ai nettoyé la pierre avec soin et compte bien la poser au soleil durant des jours entiers pour la recharger.
— Mais je suis prête à croire que cette situation retombera sur les miens. Alors j’enquêterais à vos côtés et tenterais d’arrêter cette créature. Enfin, si l’impératrice me…
— Je ne parlerais pas à l’impératrice de la tentative de meurtre que vous avez commise.
Surprise, je hausse les sourcils. Il ne semble pas bien décontenancé, de son côté.
— Elle n’est pas très friande de Lycus et des sisnasas non plus. A vrai dire, même si les sephtis ne sont pas appréciés, j’ai vraiment l’impression que seuls les cancers aiment Lycus… Parce qu’ils y sont forcés.
Il existe douze signes astrologiques. Chaque signe astrologique permet l’obtention d’un pouvoir divin. Donc, chaque signe correspond à un dieu. Aphrodite, par exemple, est la mère du peuple taureau.
Par ailleurs, chaque temple à son prêtre ou sa prêtresse, un représentant de ce dieu sur terre. Le prêtre taureau est un certain Hank. Il est l’interlocuteur entre la déesse et les taureaux.
La prêtresse cancer, elle, se nomme Lycus. Elle est censée représentée la déesse des cancers, Artémis, sur terre. Mais beaucoup, dont moi, estime qu’elle l’a déshonorée.
— Elle a salie le nom d’une déesse par égo… Evidement que les cancers célèbrent Lycus simplement car il n’y a personne d’autre à célébrer. Certains préfèrent même directement faire des rites à Artémis.
Dire que la majorité des personnes cautionnent les actes de Lycus serait erroné. Ils se contentent d’être embarrassé à ce propos et aimer cette femme en assurant que « elle n’a vraiment pas été délicate, ce jour-là ».
— Les gens ne haïssent pas Lycus en masse, monsieur le duc. Beaucoup la célèbre encore. Rares sont ceux l’ayant reniée.
Comme les sephtis n’ont pas de pouvoir, ils ne vouent de culte à aucun prêtre ni prêtresse. Lycus, ne supportant pas cela et y voyant une forme d’irrespect, à décider de raser la nation insulaire des sephtis.
Après son passage, les terres sont devenues inexploitables. L’impératrice Egarca Evilans, en prenant le pouvoir après sa mère, a fait déménager notre maison sur une île voisine, appelée Pagsy.
La terre calcinée et jonchée de cadavres où Lycus nous a massacré a été rebaptisée « Île Lycus ». L’impératrice expliquait que, cette terre étant inexploitable et rendue laide par les atrocités y ayant été commise, il ne s’agissait que d’une punition. Lycus obtenait un bout défraichi, son nom était assimilé à cet endroit que tous évitaient.
Cependant, en réalité, la carte de notre empire mentionne son nom. Là est ce que je retiens. Le nom de ce monstre est devenu mémorable.
— Si vous l’acceptez, j’aimerais que nous examinions les scènes de crime ensemble.
La voix du duc me tire de mes souvenirs. Je déglutis péniblement et toussote, revenant à moi.
— Euh… Oui ! Oui, allons-y…
Il semble surpris de me voir céder si facilement. Mais je n’ai pas tendance à protester beaucoup lorsqu’on mentionne l’idée que les sephtis puissent être en danger. Et il est vrai que cette situation pourrait, in fine, leur être préjudiciable.
M’emboitant le pas, il ouvre la porte et me laisse passer. Je sors de la pièce et nous prenons la direction du couloir. Frissonnant, je secoue légèrement la tête.
Je n’aime pas resonger aux temples, prêtres, prêtresses et surtout à Lycus. Cela me rappelle de bien sombre souvenir.
— Nous y allons seuls ?
— Mélania est déjà sur place.
— Qui ? je demande.
— Mon lieutenant.
Le souvenir de la femme habillée d’une robe d’ivoire me revient. Elle se trouvait aux portes de ma cellule quand je suis sortie de cette dernière et m’a menée à la table pour diner.
— Elle m’a envoyé une colombe pour me dire que des indices intéressants éta… Pourquoi riez-vous ?
J’ai tenté de dissimuler mon rire, sans succès. Cachant encore plus mes lèvres, je finis par capituler et secoue la tête.
— Des colombes voyageuses ? Monsieur ne peut pas faire comme tout le monde et utiliser des pigeons ?
— Vous savez bien que monsieur est bien trop condescendant et hautain pour s’autoriser telle trivialité ! lance-t-il en balançant le menton d’un geste dédaigneux.
Malgré moi, je pouffe en entrant dans le carrosse qu’il me désigne. Il tend sa main pour m’aider à grimper mais je l’ignore sans réellement m’en rendre compte, habituée à aller dans ma voiture seule.
M’asseyant, je le regarde avancer vers les marches. Cependant, à l’instant où il s’apprête à grimper, une masse marrone fend l’air à toute vitesse, le doublant, avant de rentrer dans le véhicule.
— Ménélas ! je m’exclame. Un peu de politesse envers notre hôte, je t’en prie !
L’hôte est bien l’homme qui t’a placée en cellule ? Je te remercie de ta sollicitude mais je me passerais de respect à son égard.
Le quadrupède s’allonge à côté de moi tandis que le duc Fushiguro pénètre le véhicule, non sans un regard mauvais pour le chat. La portière se referme et les cheveux tirent la voiture.
Le noiraud continue d’observer avec médisance mon ami. Quant à moi, c’est lui que je regarde.
Ses yeux brillent presque dans l’obscurité du carrosse. Je dois m’avouer autant chamboulée que la première fois par son regard. Cependant, cette fois-ci, sa cicatrice à la lèvre retient aussi mon attention. Elle se hisse lorsqu’il esquisse un léger so…
Brutalement, nous nous arrêtons. Ménélas grimpe sur mes genoux et j’entoure son corps de mes bras. Les chevaux hennissent et je vois leur ombre se cabrer violemment.
Encore.
— Que se passe-t-il ? je demande en regardant à travers les vitres.
Fushiguro, sans me répondre, ouvre la portière à la volée avant de la refermer derrière lui. Je le vois dégainer son épée, levant la tête pour regarder quelque chose, haut dans le ciel.
Aussitôt, je l’imite. Ménélas reste dans mes bras, ses pattes posées sur mon épaule et sa tête enfouie dans le creux de celle-ci.
Mon cœur tombe dans ma poitrine lorsque je regarde ce qui a arrêté notre carrosse.
Haut de plusieurs mètres, une créature s’étend. Sa tête décharnée dépasse la cime des arbres, plantées entre deux épaules massives couvertes d’un fin duvet noir. Six bras, parés de piques et se terminant en pattes ornées de griffes jaunes, trainent au sol. Deux ailes semblables à celles de chauve-souris s’étendent autour d’elle.
— Et bien, ça pour un indice, siffle Fushiguro en regardant le monstre.
Celui-ci, situé à une dizaine de mètres de nous, pousse un hurlement terrifiant. Ménélas tremble dans mes bras et je le blottie contre moi, ne pouvant m’empêcher de regarder les griffes du monstre.
Elles correspondent aux entailles sur les corps des victimes.
— Je crois que nous avons trouvé notre assassin ! s’exclame le duc.
Un nœud se serre dans mon ventre.
Il a de toute évidence raison.
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voici le quatorzième chapitre
de cette fanfiction !
alors ? prêts ?
j'espère que ça vous a plu !
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