𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 1 2
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LE REPAS ETAIT bien plus léger que ce à quoi je m’attendais. Par le passé, il m’est arrivé d’apercevoir des diners de nobles en livrant des soins à domicile. La table était toujours garnie de plats divers et variés s’entassant presque entre les invités. Il y avait les hors-d’œuvre, les apéritifs, les potages, les entrées consistantes, les viandes, les légumes, les féculents, les soupes, les fromages, les compotes, les desserts, les digestifs et, pour finir, une boisson chaude accompagnée d’une confiserie.
Je me souviens d’un soir où une épidémie avait ravagée les poumons des servantes et l’une d’entre elles, éternuant en coupant du pain, s’était tranchée le doigt. J’étais arrivée pendant que les bourgeois dévoraient des fruits confis accompagnés d’alcools afin d’entamer le repas. J’avais eu le temps de mener une chirurgie, traiter mes huit patientes et même constituer une atèle pour un cheval boiteux. En repartant, ils n’étaient qu’aux soupes.
Ce couple était tout à fait charmant. Ils m’avaient d’ailleurs convié à leur table mais, devant traiter une tavernière, non loin, j’ai dû refuser.
Ce genre de banquets n’a cours que lorsqu’une tablée est nombreuse, chez les bourgeois. Mais j’avais cru comprendre que les nobles dinaient ainsi souvent.
— Le repas est fini ? je demande.
— Il vous en faut plus ? s’étonne le duc. On m’avait dit que les druides ne faisaient que manger des p…
Un hurlement retentit en cuisines. Aussitôt, nous tournons la tête vers la porte y menant. Les soldats, dégainant leurs épées, signent l’un à l’autre la marche à suivre.
Cependant, ils n’ont pas le temps de décider qui entrera en premier que la porte s’ouvre en un fracas immense.
— OH VOLEUR ! OH VOLEUR ! hurle la cuisinière, en rouleau de pâtisserie à la main.
Je tombe des nues en réalisant de qui elle parle.
Courant à toute vitesse sur ses quatre pattes, un morceau de viande coincé dans la gueule, Ménélas fend la salle. Dès qu’ils le voient, les deux soldats s’élancent, prêts à le chasser.
Cependant le duc les interrompt, levant la main dans les airs. Aussitôt, ils cessent de bouger et retournent à leur place. La cuisinière fait de même, non sans un regard mauvais à Ménélas qui la toise avec la condescendance légendaire de son espèce.
Je soupire quand il se place sur la chaise à côté de moi, déposant sa viande sur la table et commençant à la manger.
— Je ne sais pas si vous en aviez l’intention mais je préfère préciser qu’il serait inutile de prétendre ne pas connaitre cette créature. Je sais qu’elle était avec vous dans mon laboratoire, déclare le duc.
La créature ? Moi ? Il a vu sa gueule ? On dirait un cul !
Je lutte contre l’envie de rire mais mes lèvres s’esquissent tout de même en un sourire. Je le fais passer pour un rictus gêné en les pinçant et penchant la tête sur le côté.
— Je suis absolument désolée, il ne voulait pas déranger.
Il n’y a absolument rien de vrai dans cette phrase.
— Pourriez-vous demander à votre chat de cesser de se payer ma tête ?
Ménélas et moi échangeons un regard. Il semble aussi déboussolé que moi. Sait-t-il que nous pouvons…
— Qu’est-ce qui vous fait croire que je peux lui parler ? je lance, embarrassée.
— Demandez-lui avec des gestes de descendre de cette chaise !
Aussitôt, mes épaules s’affaissent. Me voilà rassurée. Me tournant vers Ménélas, je lui fais signe de descendre. Il couche une de ses oreilles tout en continuant à manger.
— Ménélas, descends, je m’impatiente.
C’est toujours drôle de voir des humains essayer de nous donner des ordres.
Quel fumier.
— Descends ou je ne te rapporterais pas d’herbes à chat la prochaine fois que j’irais en forêt.
Aussitôt, il saute sur le sol. Je soupire de soulagement en le voyant faire.
Sale escroc.
Je ne relève pas, me tournant vers le duc. Celui-ci nous observe tour à tour, visiblement atterré.
— Ce que les mangeurs de plante sont étranges, commente-t-il au bout d’un moment. Mais vous êtes aussi de formidables chasseurs.
— Les druides ne chassent pas. Nous honorons chaque forme de vies et…
— Vous savez vous repérer en forêt, connaissez le comportement des animaux et pouvez les repérer où qu’ils aillent. Bien que vous ne les tuiez pas à la fin, l’idée est la même.
— Nous savons les trouver, pas les traquer, je rectifie tout de même.
Il ne prend pas la peine de s’attarder sur mes dires.
— Peu importe, je vais avoir besoin de vos talents pour mener cette excursion. Il me faut à tout prix trouver ce qui tétanise mes sujets et l’occire. Qu’il s’agisse d’un monstre, un renard mutant ou même l’Ange de la…
— L’Ange de la Mort n’existe pas.
Il se tait brutalement, visiblement pris de court. Les yeux du duc se posent sur moi et je peux y lire à quel point il est décontenancé. Je n’en tiens pas compte, me contentant de soutenir son regard smaragdin.
Ses iris sont décidément magnifiques.
— Une sephtis qui ne croit pas en l’existence de l’Ange de la Mort… Intéressant.
— Non, simplement logique. Le seigneur des Morts est Hadès et celui de la Mort est Thanatos. Aucun ange n’a sa place parmi eux. Que ferait-t-il, je vous prie ? L’un accueille les défunts, l’autre les escorte. Il ne reste pas grand-chose à faire.
— Bien sûr que si.
— Et quoi donc ? je demande.
Un rictus amusé étire les lèvres de l’homme.
— Et bien, c’est simple : les transformer en morts.
Un frisson parcourt ma colonne.
— Je doute que l’Olympe ait besoin d’un dieu du meurtre.
— Mais qui a dit qu’il venait de l’Olympe ? demande le duc.
— D’où voulez-vous qu’il vienne ?
— Eh bien, je ne sais pas, ma foi…
Il sirote une gorgée de son vin avant de me lancer, son œil brillant de malice :
— Je suppose que notre chère Campé aurait la réponse.
Ma mâchoire se contracte face à cette insinuation.
— Du Tartare ? Mais bien sûr ! Elle aurait laissé filer une telle créature ! Vous semblez oublier que Zeus a tué Campé afin de réunir les Hécatonchires et les Cyclopes lors de la titanomachie. Elle n’existe plus. Plus personne ne garde le Tartare !
Mes yeux s’écarquillent. Un nœud se forme dans ma gorge. Je répète, hésitante :
— Plus personne ne garde le Tartare…
Il rit doucement. Mes yeux se posent sur le duc qui conserve sa lueur de malice.
— Cela est surprenant, ne trouvez-vous pas ? Durant la titanomachie, quand tous étaient occupés à se battre, le Tartare gardait ses portes grandes ouvertes, sans que Campé ne soit là pour les surveiller…
Je frissonne.
— …Et certains pensent sérieusement que tous les prisonniers du pire endroit des Enfers sont restés sagement assis à leur place.
Son rire amplifie.
— Je dois avouer que la naïveté des Hommes à ce je-ne-sais-quoi de particulièrement touchant.
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voici le douzième chapitre
de cette fanfiction !
je tenais à vous remercier,
en l'espace de deux semaines,
cette histoire a déjà 1k de
votes et 5k de lectures !!
c'est énorme pour moi et
je suis vraiment touchée que
ce projet vous plaise !
j'espère que ça vous a plu !
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